Réserves naturelles régionales : un projet d’ordonnance

En application de l’article 256 de la loi Grenelle II, un projet d’ordonnance portant clarification et simplification des dispositions relatives aux réserves naturelles a été soumis à consultation du public jusqu’au 3 novembre 2011 (Projet_d_ordonnance-réserve naturelle). Disposant d’un délai de 18 mois  pour adopter toutes mesures tendant à modifier la partie législative du code de l’environnement afin d’assurer le respect de la hiérarchie des normes, de simplifier ou d’abroger les dispositions inadaptées ou sans objet dans les domaines des espaces naturels, de la faune et de la flore et de simplifier et clarifier les dispositions relatives aux réserves naturelles, en particulier les dispositions de compétence et de procédure et faisant suite aux observations émises par le Conseil d’Etat lors de la préparation et de l’examen du décret n° 2005-491 du 18 mai 2005 assurant la mise en oeuvre des dispositions de la loi n°2002-276  du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, le Gouvernement a présenté un  projet d’ordonnance dont l’objet est de clarifier les rôles respectifs de l’Etat et de la région dans la procédure de classement des réserves naturelles. En effet, à côté des prérogatives traditionnelles détenues par l’Etat en la matière, la loi dite « Démocratie de proximité » a reconnu aux collectivités régionales  le pouvoir de classer « les propriétés présentant un intérêt pour la faune, la flore, le patrimoine géologique ou paléontologique ou, d’une manière générale, pour la protection des milieux naturels »  en réserve naturelle régionale  (art. L. 332-2 du code de l’environnement). Bien que ces dispositions connaissent déjà un franc succès (A plus de 160 RNN, se sont ajoutées récemment – le 10/10/2011 – 2 nouvelles réserves naturelles régionales dans la région Nord-Pas-de-Calais), une clarification juridique de la procédure et des mesures applicables aux réserves naturelles régionales était attendue. Le projet d’ordonnance se propose donc de sécuriser le dispositif de création des réserves naturelles régionales et corses. Les dispositions de l’article L. 332-2 du code de l’environnement – dorénavant harmonisées entre les réserves naturelles régionales (RNR) et les réserves naturelles corses (RNC) -devraient être modifiées sur 4  points : – Pour compléter la liste des  consultations obligatoires et préalables à la décision de classement en imposant celle du représentant de l’Etat, – Pour requérir l’accord ministériel lorsque les territoires concernés sont inclus dans le domaine public ou privé de l’Etat, – Pour rendre facultative la définition de la durée de classement par la délibération de la collectivité concernée (disposition répondant à une sollicitation des régions), – Pour préciser la procédure applicable à défaut d’accord du propriétaire : l’exposé des motifs souligne les objectifs poursuivis. Il s’agit de  conserver les compétences régionales et corses jusqu’à la tenue de l’enquête publique et de limiter le rôle de l’Etat à une simple approbation de la délibération par décret en Conseil d’Etat. Aussi, il devrait être indiqué qu’ « à défaut d’accord de l’ensemble des propriétaires concernés, le classement est approuvé par décret en Conseil d’Etat, après enquête publique ».  Mais, en Corse,  la nouvelle procédure est alourdie puisque si le projet est adopté, l’enquête publique sera rendue obligatoire pour la constitution des nouvelles réserves naturelles corses  (alors que jusqu’à présent, elle ne s’impose que dans les hypothèses où les propriétaires n’ont pas donné formellement leur accord) ! Ensuite, au niveau des mesures prises dans l’acte de classement proprement dit, la nouvelle rédaction envisagée de  L. 332-3 du code de l’environnement devrait continuer à autoriser les régions et la Corse à soumettre la réserve à un régime particulier et, éventuellement, à  réglementer et/ou interdire certaines activités telles que la chasse, la pêche, les activités agricoles, forestières, pastorales, industrielles, commerciales, sportives, touristiques, l’exécution de travaux publics ou privés, l’utilisation des eaux, la circulation ou le stationnement des personnes, des véhicules et des animaux. Par contre, il est expressément prévu que « les activités minières, l’extraction de matériaux concessibles ou non ainsi que le survol de la réserve ne peuvent être réglementés que dans les seules réserves naturelles nationales » : ces mesures  seront exclues de la  compétence régionale  ou de la collectivité territoriale corse. Quant à la durée de la procédure de l’instance – qui (sauf autorisation spéciale) emporte interdiction pour le propriétaire de modifier l’état des lieux puisque son objet est d’éviter que les sites ne perdent leur intérêt écologique-, elle devrait être portée de 15 mois à 24 mois afin d’assurer l’efficacité réelle d’un dispositif tendant à protéger le patrimoine menacé (nouvelle rédaction de l’article L. 332-6 du code de l’environnement). Par ailleurs, dans le prolongement de la jurisprudence  « Commune de Théoule- sur- mer » (CE, 22 mars 1999, n°178455), le projet d’ordonnance codifie dans la partie législative  – et non plus réglementaire – les dispositions qui prévoient un régime dérogatoire à l’autorisation de travaux pour certains types d’opérations , à savoir :  celles portant sur le domaine public maritime, les travaux de balisage et de signalisation nécessaires à la sécurité en mer ; celles portant  sur le domaine relevant du ministère de la défense, les travaux nécessaires à la poursuite des activités militaires ;  et  les travaux entrepris en application de l’article L. 424-1 du code forestier(article L. 332-9 du code de l’environnement). En outre, le même article devrait préciser la compétence de l’Etat pour intervenir en situation d’urgence  (sans autorisation spéciale) pour entreprendre les travaux indispensables à la sécurité des biens ou des personnes (après information de l’autorité compétente). Enfin, deux nouveaux articles devraient être introduits dans le code de l’environnement : l’article L. 332-14-1 et l’article L. 332-15-1. Le premier créée un régime d’autorisation pour  l’utilisation à des fins publicitaires de toute expression évoquant directement ou indirectement les réserves naturelles (il s’agit de protéger l’image des réserves naturelles) alors que le second introduit une procédure de mise en compatibilité entre les actes de classement des RNR et des RNC et les projets ayant fait l’objet d’une déclaration d’intérêt public. Alors que la rédaction des textes aujourd’hui en vigueur souffre de nombreuses ambiguïtés (cf. Chantal CANS, jurisclasseur Environnement et développement…

ICPE soumises à DC: des précisions sur le contrôle périodique (Décret du 07 novembre 2011)

Introduit par l’article 65 de la loi Barnier n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, le principe du contrôle périodique – effectué aux frais de l’exploitant par des organismes agréés – permettant à l’exploitant de s’assurer que ses installations fonctionnent dans les conditions requises par la réglementation est devenu effectif, pour les installations existantes, depuis le 30 juin 2008 (décret n° 2006-435 du 13 avril 2006 fixant les modalités du contrôle périodique de certaines catégories d’installations classées soumises à déclaration). Dans la ligne des  conclusions de la  table ronde sur les risques industriels  rendues publiques le 3 juillet 2009 (cf. la proposition n°30 : « des points sensibles seront identifiés dans les plans de contrôles des organismes agréés. Les organismes agréés, détectant des non-conformités sur ces points sensibles dans le cadre des contrôles, auront l’obligation d’en informer l’administration ») et conformément aux dispositions de l’article 210 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 dite Grenelle 2, un décret en Conseil d’Etat devait intervenir pour fixer « notamment la périodicité, les modalités de fonctionnement du système de contrôle et, en particulier, les conditions d’agrément des organismes contrôleurs et les conditions dans lesquelles les résultats sont tenus à la disposition de l’administration ou, lorsque certaines non-conformités sont détectées, transmis à l’autorité administrative compétente » (en gras, les dispositions de l’article L. 512-11 du code de l’environnement revisitées par la loi « Grenelle II »). Aussi, le décret n°2011-1460 du 7 novembre 2011  a modifié les dispositions du code de l’environnement fixant les modalités de contrôle périodique de certaines catégories d’installations classées soumises à déclaration. Le dispositif de périodicité des contrôles est ainsi posé (décret n° 2009-835 du 6 juillet 2009 relatif au premier contrôle périodique de certaines catégories d’installations classées soumises à déclaration modifié) : de 5 ans, cette périodicité est portée à 10 ans si l’installation est certifiée ISO 14001, sachant que les installations exploitées par une organisation qui bénéficie d’un enregistrement au titre du système communautaire de management environnemental et d’audit (EMAS) sont dispensées de contrôle dès lors que la déclaration environnementale couvre la conformité des installations à la réglementation ( art. R 512-57 du code de l’environnement). Toutefois, pour les exploitations présentant des risques importants (lorsque les enjeux environnementaux le justifient, notamment lorsqu’il s’agit de vérifier la bonne mise en oeuvre de prescriptions relatives à la construction de l’installation), un échéancier  plus resserré peut être fixé par arrêté ministériel de prescriptions générales (art. 2 du décret n° 2011-1460). Par ailleurs, les modalités générales d’exécution du contrôle sont complétées pour prévoir un délai de 5 ans pour réaliser le contrôle lorsqu’une installation relevant du régime de l’autorisation ou de l’enregistrement vient à être soumise au régime de la déclaration avec contrôle périodique  ou  un délai de 2 ans  lorsqu’une installation existante non classée ou soumise à déclaration simple  vient à être soumise à ce contrôle du fait de la modification  de la nomenclature des installations classées (art. R. 512-58 du code de l’environnement). Quant aux conditions liées à l’obligation de transmission des résultats de contrôle des installations à l’autorité préfectorale (posée par la loi dite « Grenelle 2 »), elles  sont déclinées dans un nouvel  article R. 512-59-1 du code de l’environnement. En présence de « non-conformités majeures » (qui doivent être définies par arrêtés du ministre chargé des installations classées ), dans les 3 mois suivant la réception du rapport de visite, l’exploitant adresse à l’organisme de contrôle un échéancier des dispositions qu’il entend  prendre pour y remédier. Une fois les dispositions adoptées et dans un délai maximal d’un an  suivant la réception du rapport de visite, l’exploitant adresse une demande de contrôle complémentaire à l’organisme agréé (lequel doit être réalisé dans le délai de 2 mois suivant la date de la demande et fait l’objet d’un rapport complémentaire adressé dans le délai d’un mois suivant la visite à l’exploitant). L’autorité préfectorale est informée de l’existence de « non-conformités majeures » dans 3 hypothèses : – Si l’organisme agréé n’a pas reçu l’échéancier de mise en conformité de l’exploitant dans le délai de 3 mois ; – Si ce même organisme n’a pas reçu de demande écrite de contrôle complémentaire de l’exploitant dans le délai d’un an ; – Si le contrôle complémentaire a fait apparaître que des non-conformités majeures persistent. Ces nouvelles dispositions insérées à l’article R. 512-59-1 du code de l’environnement sont le fruit d’un compromis trouvé par le conseil supérieur de la prévention des risques technologiques en sa séance du 31 mai 2011.  De cette façon, le délai au cours le contrôle complémentaire doit être effectué  a été ramené de 6 mois à 2 mois  suivant la date de la demande de l’exploitant dans la version définitive du décret (cf. « ICPE : plusieurs projets de textes importants soumis à consultation », brève en date du 13 mai 2011). Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Le Conseil d’Etat ou la définition jacobine des risques !

Le coup d’Etat n’est sans doute pas « permanent » mais l’environnementaliste ne peut se satisfaire de la politique jurisprudentielle du Conseil d’Etat qui tend à désigner celles et ceux qui peuvent parler avec autorité des risques… même ceux qui sont élevés et nourris aux arrêts du Conseil d’Etat ne devraient plus passer sous silence la façon dont les membres du Palais Royal jouent faussement le rôle de gardiens du temple républicain lorsqu’ils s’évertuent à tuer dans l’oeuf les énoncés du droit constitutionnel de l’environnement. En causes, trois espèces d’ores et déjà très remarquées  (CE, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492 – CE, 26 octobre 2011, Commune des Pennes-Mirabeau, n°329904 – CE, 26 octobre 2011, Société Française de Radiotéléphone, n° 341767,341768: Arrêts antenne relais CE 26 octobre 2011). Par trois décisions du 26 octobre 2011, le Conseil d’État y a examiné la légalité d’arrêtés par lesquels les maires de trois de Saint-Denis, Pennes-Mirabeau et Bordeaux ont entendu réglementer de façon générale en vertu et  du principe de précaution et de la police générale l’implantation des antennes de téléphonie mobile sur ces communes. Ces affaires posaient la question de l’articulation entre les compétences de police spéciale reconnues aux autorités de l’Etat en la matière et celles de police générale du maire. Gageons que la doctrine administrativiste « née sur les genoux » de son juge saura accueillir comme un « grand arrêt » les trois espèces ci-dessous reproduites. Mais acceptons de dépasser le fétichisme jurisprudentiel qui désincarne la décision du choix politique qu’elle constitue. On aura d’abord du mal à admettre que les maires ne puissent s’immiscer dans les polices spéciales au nom  de leur pouvoir de police générale. C’est d’abord  le point commun de nos trois espèces : « si les articles L. 2212 1 et L. 2212 2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ». On ne peut contester au Conseil d’Etat sa vocation identifier la police spéciale sur laquelle il serait ici empiétée : « Considérant, en premier lieu, qu’en vertu du I de l’article L. 32 1 du code des postes et des communications électroniques, les activités de communications électroniques, si elles s’exercent librement, doivent respecter les autorisations prévues au titre II de ce code (« Ressources et police »), notamment celles relatives à l’utilisation des fréquences radioélectriques et l’implantation des stations radioélectriques de toute nature ; qu’en vertu du II de ce même article, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) veillent notamment, dans le cadre de leurs attributions respectives, au respect de l’ordre public par les exploitants de réseaux de communications électroniques ainsi qu’à la gestion efficace des fréquences radioélectriques ; qu’en vertu de l’article L. 42-1 du même code, les autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques attribuées par l’ARCEP précisent les conditions techniques nécessaires « pour limiter l’exposition du public aux champs électromagnétiques » ; que l’article L. 43 du code donne mission à l’Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public administratif de l’Etat, notamment de coordonner « l’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature », en autorisant ces implantations, et de veiller « au respect des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques » définies, en application de l’article L. 34-9-1 du même code, par le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002, qui a repris les valeurs limites fixées par la recommandation du 12 juillet 1999 du Conseil de l’Union européenne relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 Ghz) ; que ce décret impose à tout exploitant d’un réseau de communications électroniques de s’assurer que le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements et installations de son réseau respecte les valeurs limites définies en annexe ; qu’en particulier, il résulte de l’article 5 de ce décret que tout exploitant doit justifier, sur demande de l’ARCEP ou de l’ANFR, des actions engagées pour s’assurer, au sein des établissements scolaires, des crèches ou des établissements de soins situés dans un rayon de cent mètres à partir de l’équipement ou de l’installation, que l’exposition du public aux champs électromagnétiques est aussi faible que possible, tout en préservant la qualité du service rendu ; qu’en application des articles R. 20-44-10 et suivants du code, l’ANFR peut diligenter des vérifications sur place effectuées par des organismes répondant à des exigences de qualités fixées par décret et selon un protocole de mesure déterminé par arrêté ministériel ; qu’enfin, en vertu de l’article L. 96-1 du code, l’exploitant d’une installation radioélectrique sur le territoire d’une commune est tenu de transmettre au maire « sur sa demande, un dossier établissant l’état des lieux de cette ou de ces installations » ; Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat ; qu’afin d’assurer, sur l’ensemble du territoire national et conformément au droit de l’Union européenne, d’une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques, qui sont identiques sur tout le territoire, d’autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux notamment par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux seules autorités qu’il a désignées, c’est-à-dire au ministre chargé des communications électroniques, à l’ARCEP et à l’ANFR, le soin de déterminer, de manière complète, les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes…

Information des risques naturels et technologiques : rappel des obligations du propriétaire

A la suite de la loi Bachelot n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques naturels et technologiques et à la réparation des dommages  (art. 77 – art. 125-5 du code de l’environnement), le législateur a souhaité garantir une information préventive fiable sur le niveau de risques retenu sur la zone dans laquelle se situe un immeuble en vente ou en location.  Aussi,  depuis le 1er  juin  2006, il pèse sur le vendeur ou le bailleur de biens immobiliers, une obligation d’information sur les risques naturels prévisibles, les risques technologiques et la zone de sismicité dans laquelle  s’inscrit le bien concerné (cf. art. 5 du décret n° 2005-134 du 15 février 2005). Bien que le risque sismique soit moins accru en France que sur d’autres parties du globe terrestre, ce risque majeur est appréhendé au travers de différentes zones de sismicité  croissante (au nombre de 5). En effet, par deux décrets n° 2010-1254 et 2010-1255 en date du 22 octobre 2010 – entrés en application le 1er mai 2011 -,  le Gouvernement français a établi un nouveau zonage  de classification impliquant 21.000 communes françaises. Codifiée aux articles R. 563-1 à R. 563-8 du code de l’environnement  – tels que modifiés par deux décrets n° 2010-1254 et n° 2010-1255 du 22 octobre 2010  ainsi que par l’arrêté du 22 octobre 2010 -, la réglementation française répartit les bâtiments, les équipements et les installations en deux catégories, respectivement dites ” à risque normal ” et ” à risque spécial”, pour leur imposer des règles particulières de construction et des mesures préventives d’aménagement et d’exploitation parasismiques. Ce nouveau zonage et sa cartographie sont présentés sur le site internet http://www.planseisme.fr/Zonage-sismique-de-la-France.html De manière plus générale, il faut savoir que dans chacune des communes visées par  l’arrêté préfectoral départemental  et établissant la liste des risques naturels prévisibles et des risques technologiques auxquels les collectivités de base sont exposées (art. R 124-25 du CE), un état des risques (datant de moins de 6 mois avant l’opération immobilière en cause -art R.125-26  du CE) – fondé sur les informations mises à disposition par les services préfectoraux – est annexé à une promesse de vente / d’achat ou au contrat de vente ainsi qu’à tout contrat de location  (art. R.125-26 du CE). Cet « état des risques » est obligatoire puisque son inexistence  est sanctionnée soit la résolution du contrat  soit une diminution du prix de vente. Il doit établir la liste des risques pesant sur l’immeuble (bâti ou non) ainsi que celle des sinistres subis par le bien en question ayant donné lieu à indemnisation depuis 1982.  En effet, l’article L .125-5 du code de l’environnement souligne que  « Lorsqu’un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d’une indemnité en application de l’article L. 125-2 ou de l’article L. 128-2 du code des assurances, le vendeur ou le bailleur de l’immeuble est tenu d’informer par écrit l’acquéreur ou le locataire de tout sinistre survenu pendant la période où il a été propriétaire de l’immeuble ou dont il a été lui-même informé en  application des présentes dispositions. En cas de vente de l’immeuble, cette information est mentionnée dans l’acte authentique constatant la réalisation de la vente ». Par ailleurs, cet état des risques doit être « accompagné des extraits de ces documents et dossier permettant de localiser cet immeuble au regard des risques encourus » (art. R 125-26 du CE). Une brochure relative à l’information des acquéreurs et des locataires sur les risques naturels et technologiques majeurs (renseignements utiles à l’état des risques et à la déclaration de sinistre) est mise à disposition du public depuis le mois de juillet 2011. En dehors du rappel des obligations pesant sur le vendeur ou le bailleur,  le document guide les intéressés dans leurs démarches à suivre pour établir leur « état des risques » avant toute opération immobilière. De cette manière, il est rappelé que si le formulaire de l’état des risques naturels et technologiques est disponible en mairie, en préfecture ou en sous-préfecture, un modèle d’ « état des risques » est également téléchargeable à partir du portail www.prim.net (onglet ma commune face aux risques, rubrique information acquéreur/locataire). Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Cartographie des PPRI :la norme doit être intelligible !

Voici un jugement (jurisprudence cabinet, jugement TA Lille PPRI norme intelligible) qui doit retenir l’attention en ce qu’il censure d’un double point de vue l’insuffisance de l’échelle cartographique d’un document de planification réglementaire, qui ne permet de connaître les effets fonciers des contours d’une zone rouge, en l’espèce non constructible. La censure est d’abord formelle : « Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que les documents cartographiques joints à l’arrêté attaqué ne permettent pas, compte tenu de l’échelle retenue et de la « texture » utilisée pour délimiter les différents zonages, d’apprécier avec précision la situation des parcelles situées en limite des zones de risque ; que cette insuffisance avait d’ailleurs été relevée au cours de l’enquête tant par le public que par les membres de la commission d’enquête ; que le rapport de la commission d’enquête retient en particulier que « l’échelle des plans n’est pas suffisamment précise pour discerner les zones constructibles ou non et de ce fait provoque de nombreuses réclamations qui n’en sont peut-être pas dans la réalité » et que le plan « présenté à l’enquête publique est difficilement applicable en l’état » ; que les membres de la commission soulignent qu’ils sont « particulièrement dubitatifs sur les possibilités de réponses explicites lors de l’instruction des demandes de certificats d’urbanisme et de permis de construire » ; que l’avis favorable a été émis sous réserve que plusieurs communes fassent l’objet d’examens plus approfondis ; que, compte tenu de ces imprécisions importantes, les requérants sont, dès lors, fondés à soutenir que l’insuffisance du dossier soumis à enquête publique n’a pas permis au public d’avoir une connaissance complète du projet afin de lui permettre de présenter ses appréciations, suggestions et contre-propositions ». Non seulement le Tribunal administratif de Lille y décèle une illégalité externe (insuffisance du dossier soumis à enquête publique) mais surtout et fort logiquement la juridiction admet que le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme  s’en trouve dès lors méconnu : « Considérant, d’autre part, que le plan de prévention des risques de la vallée de la Lawe vaut servitude d’utilité publique ainsi que le prévoit l’article L. 562-4 du code de l’environnement précité ; que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme, suppose, notamment ici à travers le document graphique annexé au plan de prévention des risques naturels d’inondation, de pouvoir identifier le plus précisément possible au niveau des parcelles, les risques d’inondation et, par suite, l’application de la servitude d’utilité publique ; qu’ainsi qu’il a été dit, le document cartographique n’est pas suffisamment précis et ne permet pas dès lors d’atteindre cet objectif ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que pour ce motif également, la décision attaquée est entachée d’illégalité ». Ainsi le P.P.R.I. (Plan de Prévention du Risque d’Inondation) de la Lawe (59) se voit annulé. On peut inscrire cette annulation dans celle déjà opérée au nom du principe de sécurité juridique (sur la positivité de ce Principe général du droit : CE 24 mars 2006, n° 288460, rec. 154 ; CE, 14 octobre 2011, n° 343662). Et on relèvera que cette annulation pour méconnaissance du principe de sécurité juridique  n’est pas tout à fait une première mais presque. Elle s’inscrit dans la lignée de celle prononcée par la Cour administrative de Marseille à propos du P.P.R.I. de la vallée du Gapeau (83) : «Considérant […] dans la mesure où le plan de prévention des risques naturels prévisibles d’inondation institue des servitudes d’utilité publique, le document graphique que comprend le plan doit permettre d’identifier précisément chaque parcelle afin de déterminer les éventuelles servitudes dont chacune des parcelles est grevée, afin de ne pas porter atteinte au principe de sécurité juridique ; que contrairement à ce qu’indique le ministre, les seules cartes incluses dans le projet de plan, qui sont à l’échelle 1/5000ème agrandie au1/2500ème, ne permettent pas d’identifier les parcelles cadastrales au regard des délimitations des zones inondables ; que, par suite, le préfet ne pouvait légalement approuver un plan de prévention des risques naturels prévisibles d’inondation dont les documents graphiques sont trop imprécis pour permettre l’identification de chaque parcelle cadastrale et le niveau des risques d’inondation qui concernent chacune d’entre-elles » (CAA Marseille, 15 janvier 2010, n° 07MA00918). Le raisonnement a d’ailleurs été décliné a contrario par la même juridiction à propos d’un plan de prévention des risques d’incendie (CAA Marseille, 21 octobre 2010, n° 08MA03190). Mais il faut encore s’arrêter sur la singularité de la norme de référence invoquée devant le Tribunal administratif et censurée par ce dernier : «l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme». Certes le principe avait déjà été invoqué devant les juges du fond et son invocabilité admise, même si un PPRM en l’espèce y avait été jugé conforme par la CAA de Nancy (CAA Nancy, 8 octobre 2009,n° 08NC01110 , 08NC01111 et 08NC01112). Plusieurs remarques s’imposent ici. La généalogie de ce principe paie un tribut évident à ce que le juge interne appelle « l’objectif conventionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme », découvert très tôt la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, arrêt Sunday Times c/ Royaume-Uni, 26 avril 1979, A/30) et issues d’une interprétation constructive de la Convention (LETURCQ, « Standards et droits fondamentaux devant le Conseil constitutionnel français et la Cour européenne des droits de l’homme, LGDJ, tome 125, 2005. »). En le rappelant, on perçoit immédiatement que la conception concrète et opérante que l’on se fait des droits de l’homme toilette heureusement celle bien plus déclaratoire et abstraite valant en France. Il est vrai que le Conseil constitutionnel a emboité le pas de la CEDH lorsqu’il a décidé d’en référer à l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi (entre autres cf. Cons const., 13 janv. 2005, déc. n° 2004-509DC : Rec. Cons const. p. 3). Mais non seulement le juge administratif lui conteste toute invocabilité dans le cadre strict de la Q.P.C. (par ex CE 10 juin 2011, n° 335584) mais surtout…