Par Jérémy TAUPIN – Avocat (jeremy.taupin@green-law-avocat.fr)
De nouvelles possibilités de mise sur le marché et d’utilisation du digestat issu de la méthanisation agricole bientôt permises par deux nouveaux cahiers des charges (DIGAGRI2 et DIGAGRI3)
Le ministère de l’Agriculture a en effet soumis à la consultation du public jusqu’au 6 juin prochain un projet d’arrêté approuvant deux nouveaux cahiers des charges permettant cette valorisation.
Une suite au premier cahier des charges DIG AGRI 1
Les articles L. 255-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) prévoient que les matières fertilisantes et les supports de culture sont soumis à autorisation préalable de mise sur le marché (AMM).
Cependant, par dérogation à ce principe général et sous réserve que l’innocuité pour l’homme, les animaux et leur environnement des produits considérés soit établie, les matières fertilisantes peuvent être dispensées d’AMM si elles sont conformes à un cahier des charges approuvé par arrêté du ministre de l’agriculture.
Ces deux nouveaux projets de cahier des charges pour la mise sur le marché et l’utilisation en tant que matières fertilisantes de digestats de méthanisation agricoles, s’inscrivent ainsi dans ce contexte.
Rappelons qu’un premier cahier des charges (DigAgri 1), évoqué sur notre blog, a été approuvé par arrêté en date du 13 juin 2017.
Il permet la mise sur le marché en cession directe de digestats issus de la méthanisation agricole d’effluents d’élevages, de matières végétales agricoles, de sous-produits d’industries agro-alimentaires exclusivement végétaux ou non soumis à l’obligation d’hygiénisation, pour une utilisation en fertilisation de grandes cultures et de prairies uniquement.
L’utilisation sur les cultures destinées à être consommées crues et sur toutes les cultures légumières est exclue.
Des cahiers des charges différents s’agissant de la nature des intrants dans le digesteur et des procédés de méthanisation
Les deux nouveaux projets de cahier des charges ont été établis par le ministère sur la base des mêmes principes que le cahier des charges DigAgri 1, et s’inscrivent dans leur prolongement.
Les différences portent essentiellement sur la nature des intrants dans le digesteur et sur les procédés de méthanisation
Le cahier des charges DigAgri 2 envisagé diffère notamment par le procédé de méthanisation.
Si les matières premières sont identiques au cahier des charges DigAgri 1 les digestats issus d’un processus discontinu de méthanisation en phase solide (dit voie sèche) sont désormais admis au bénéfice de la mise sur le marché directe.
Les conditions précises (température, temps de séjour moyen, etc.) du procédé de méthanisation sont détaillées par le cahier des charges.
Le cahier des charges DigAgri 3 permet quant à lui l’incorporation d’autres matières premières dans le méthaniseur. Etant donné sa visée plus ouverte, il est probable qu’il remplace à terme le cahier des charges DigAgri1.
Sont ainsi admises dans le méthaniseur les matières suivantes :
- Les denrées alimentaires animales ou d’origine animale issues des industries agro alimentaires (IAA), retirées du marché pour des motifs autre que sanitaire et transformées (point f de l’article 10 du règlement CE 1069/2009 susvisé et sont «transformés » au sens du règlement CE 852/2004 ayant leur classement en sous-produits animaux), y compris les anciens aliments pour animaux autres que crus (point g de l’article 10 précité) ;
- Les matières issues du traitement des eaux résiduaires des IAA exclusivement, y compris les graisses de flotation ;
- Les co-produits d’origine végétale issus des IAA
- les denrées alimentaires d’origine végétale, sans emballages ;
- les déchets végétaux issus de l’entretien des jardins et espaces verts (tontes, tailles, élagages, feuilles).
Les 2 nouveaux cahiers des charges ouvrent la possibilité de recevoir des déchets emballés qui seraient déconditionnés sur site.
Conformément aux objectifs du plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA), l’obligation est maintenue, pour ces 2 nouveaux cahiers des charges, d’incorporer au moins un tiers d’effluents d’élevage et au moins deux tiers de matières agricoles.
Ces cahiers des charges restent ainsi très agricoles, et n’ont pas vocation dans l’immédiat à s’appliquer aux installations territoriales ou industrielles.