Autorisation environnementale : avis défavorable sur le projet de décret accélérant les procédures contentieuses

Autorisation environnementale : avis défavorable sur le projet de décret accélérant les procédures contentieuses

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Par Frank ZERDOUMI et Mathieu DEHARBE, juristes (Green Law Avocats)

A l’occasion des discussions autour des freins à la réindustrialisation de la France en commission d’enquête, la Direction générale des Entreprises (DGE) a insisté sur la nécessité d’alléger le poids des procédures contentieuses :

« Le recours contentieux en matière de permis de construire ou d’autorisation environnementale est en augmentation constante et peuvent pénaliser l’activité économique lorsque les délais de traitement des contentieux s’allongent dans le temps. En moyenne, la durée d’un contentieux s’élève à 4 ans et peut s’étendre jusqu’à 7 années si tous les recours devaient être exercés par le requérant. Il peut être par ailleurs observé une certaine sédimentation de l’activité contentieuse du fait de l’importance du flux de contentieux supérieur au stock ». (Rapport d’enquête n° 1702, 10 juillet 2025, page 252 ).

En réponse, la DGE a préparé un projet de décret en Conseil d’État relatif à l’accélération des procédures contentieuses pour faire face à la multiplication des recours contentieux en matière d’autorisation environnementale.

En parallèle, la DGE a saisi pour avis le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) conformément aux dispositions de l’article L. 232-3 du code de justice administrative :

« Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel connaît des questions intéressant le fonctionnement et l’organisation des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel dans les conditions prévues par le présent article ou par un décret en Conseil d’État.

[…]

Il est également consulté sur toute question relative à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ainsi que sur les dispositions qui prévoient la participation de magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à l’exercice de fonctions autres que celles qu’ils exercent au sein de ces juridictions. ».

Saisi de ce projet de texte, le CSTACAA a émis un avis défavorable au vu de ses dispositions procédurales dérogatoires aux règles de droit commun (avis du 2 juillet 2025, téléchargeable ci-dessous ).

En premier lieu, il prévoit la suppression du double degré de juridiction pour les litiges portant sur les décisions nécessaires à la réalisation des « projets soumis à autorisation environnementale » (article R. 311-5 du code de justice administrative ).

Toutefois, cette nouvelle compétence en premier et dernier ressort des cours administratives d’appel ne portera pas sur les contentieux relevant d’une juridiction unique : Conseil d’État pour les éoliennes en mer (article R. 311-1-1, 1° du code de justice administrative ), tribunal administratif de Paris pour certains ouvrages hydrauliques à vocation agricole (article R. 811-1-3 du code de justice administrative ), tribunal administratif de Rouen pour le terminal méthanier flottant du Havre (article R. 811-1-2 du code de justice administrative ).

En deuxième lieu, le projet de décret envisage une réduction des délais de jugement à 10 mois pour les projets d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale (article L. 300-6-2 du code de l’urbanisme ) et les projets constituant une opération d’aménagement à destination de l’industrie ou d’entrepôt dont la superficie est supérieure ou égale à 40 000 m² d’emprise au sol.

En troisième lieu, cette réforme implique l’extension à tous les contentieux portant sur les décisions relatives aux projets soumis à autorisation environnementale du dispositif de cristallisation des moyens au terme d’un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense (article R. 611-7-2 du code de justice administrative ).

En prononçant un avis défavorable sur ce projet de texte, le CSTACAA doute de l’efficacité de ces mesures et les perçoit comme des atteintes injustifiées aux principe généraux du procès administratif :

Pour autant, il convient de rappeler que la Haute juridiction juge que les dérogations à la règle du double degré de juridiction ne sont pas en soit contraires au droit au recours effectif (CE, 14 juin 2023, n° 466933, point 8 ).

D’ailleurs le Conseil d’État estime que le pouvoir réglementaire peut en toute légalité imposer aux juridictions de statuer dans un délai imparti sous peine de dessaisissement (CE, 12 avril 2024, n° 470092 ).

Même si la jurisprudence ne semble pas en faveur de l’argumentaire du CSTACAA, le Gouvernement pourrait toujours revoir sa copie et tenir compte de l’avis négatif rendu son projet de décret.

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