par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)
Le 27 juillet 2020, la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié, avec un peu de retard, son bilan d’activité pour l’année 2019 : téléchargeable ici. La directrice générale met en avant deux thématiques qui ont surtout marqué les actions entreprises par l’administration de contrôle. Il y a d’un côté la nécessaire augmentation des contrôles dans le domaine de la transition énergétique et d’un autre côté il y a la lutte contre les fraudes du quotidien, au premier rang desquelles le démarchage abusif . Parallèlement à cette recrudescence de fraudes de nombreuses enquêtes ont été menées dans le secteur de l’Habitat ainsi que le démontre le bilan d’activité. La directrice générale met notamment un point d’orgue sur la question de la rénovation énergétique en indiquant qu’elle est « à l’interface [des] deux thématiques » ci-dessus mentionnées.
La rénovation énergétique des logements a occupé une grande partie des actions de l’administration suite au développement des offres d’ « isolation à 1 euro » qui ont fait l’objet de fraudes caractérisées par un nombre accru de démarchages téléphoniques agressifs. Au vu du nombre croissant de ces fraudes, la DGCCRF réaffirme son rôle dans la protection économique des consommateurs pour « lutter contre le préjudice financier pour les ménages, la concurrence déloyale pour les professionnels sérieux et garantir le succès de la mise en œuvre d’une politique publique prioritaire », ainsi que l’a souligné la directrice générale.
En 2019, à la suite de nombreuses plaintes la DGCCRF a exercé un contrôle plus étroit afin de lutter contre les pratiques déloyales des professionnels dans le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments. Le bilan d’activité recense les différents contrôles menés et fait état de plusieurs chiffres alarmants :
- 469 établissements contrôlés dont les entreprises du BTP, les prestataires, les démarcheurs, sous-traitants, artisans, associations, établissements de crédit, sociétés de domiciliation, etc.
- 56% établissement en anomalie
- 69% établissements RGE
- 234 avertissements, 163 injonctions administratives, 74 procès-verbaux administratifs et 180 procès verbaux pénaux.
En outre, la DGCCRF a initié plusieurs procédures de saisie pénale, visant les biens des gérants de sociétés peu scrupuleuses dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, pour des montants pouvant atteindre plus d’un million d’euros. Ces procédures ont permis de geler les avoirs dans l’attente du jugement au fond, évitant ainsi qu’ils soient mis hors de portée de la justice
Parmi les manquements répertoriés on retient du bilan d’activité « le non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial, des règles relatives à l’information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente, la violation des règles applicables au crédit affecté et l’usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. »
Les plaintes concernaient majoritairement les certificats d’économie d’énergie avec en première ligne les opérations d’isolation des combles à 1 euro.
Avant la publication du bilan d’activité les nombreuses fraudes constatées ont fait naître diverses mesures dans le domaine de la rénovation énergétique. Comme la récente réforme du label RGE qui vient s’ancrer dans la lutte contre les fraudes dans le secteur de la transition énergétique. Par un arrêté en date du 5 juin 2020, le Gouvernement a ainsi renforcé le contrôle pour la délivrance de la qualification RGE pour les entreprises.
En outre, l’aide d’Etat MaPrimRenov mise en place pour financer les travaux de rénovation énergétique dans les logements lancée en janvier dernier doit déjà faire face à des modifications qui ont vu le jour le 15 juillet 2020. Ces évolutions ont touchées les travaux d’isolation thermique. Afin d’éviter les surfacturations, la surface de rénovation couverte par cette aide s’est vu diminuer ainsi que le montant des forfaits pour les ménages modestes et très modestes.
Sur le terrain de la sécurité sanitaire des produits et de leur contamination environnementale, le rapport apporte encore des enseignements intéressants.
Comme le rappelle le rapport « La DGCCRF mène des enquêtes et réalise des actions de contrôle sur les produits de consommation alimentaires et non alimentaires. Elle gère les situations d’alerte et de crise en cas de doute sur la sécurité d’un produit ou de risque avéré pour les consommateurs et s’appuie sur un réseau de laboratoires qui effectuent des analyses des produits suspectés de présenter un risque pour la santé ou la sécurité des particuliers.Rattachée au cabinet de la directrice générale, l’Unité d’alerte (UA) coordonne les mesures à prendre pour faire cesser les dangers signalés sur des produits de consommation (alimentaires ou non alimentaires) et protéger les consommateurs (mesures de retrait du marché et de rappel des produits, actions d’information…). Elle s’assure de la réactivité et de la cohérence de l’action de l’État et intervient en lien étroit avec les services déconcentrés, les autres ministères concernés (Agriculture et Santé notamment) et les instances nationales et européennes d’évaluation et de gestion des risques. »
En 2019, l’Unité d’alerte a ainsi géré 1504 alertes, dont 488 ont fait l’objet d’un rappel auprès des consommateurs, et émis 132 enregistrements sur les réseaux d’alertes européens.
Sur le terrain des risques sanitaires on relève le rôle de la Direction dans la gestion du risque de contamination des laits infantiles avec une alerte as de salmonelloses à Salmonella poona chez des nourrissons de moins de un an du fait de la consommation des produits de nutrition infantile à base de protéines de riz. Les alertes de janvier 2019 ont donné lieu à des retraits-rappels de gammes de laits sur notre territoire et contaminés depuis leur production en Espagne. De même 802 contrôles d’effectivité des mesures menés par les enquêteurs de la DGCCRF ont permis de suivre la prise en charge des rappels par les professionnels depuis l’«affaire Lactalis » de 2017.
On apprend ainsi que la Direction s’est encore inquiétée des teneurs préoccupantes en alcaloïdes opiacés dans des produits de boulangerie, les conclusions de l’enquête ayant révélé que l’origine de l’alerte était due à l’utilisation de graines de pavot insuffisamment nettoyées. La DGCCRF a partagé les résultats de ses investigations avec la Commission européenne et les experts des autres Etats membres. Les discussions devraient aboutir à la fixation de teneurs maximales réglementaires, exprimées en équivalent morphine, pour les graines de pavot destinées à être vendues au consommateur final et pour les produits de boulangerie contenant des graines de pavot.
Dans le cadre du contrôle annuel relatif à la sécurité des jouets, une attention particulière est portée à la présence de substances chimiques dans ces produits. Celles-ci sont encadrées soit par la réglementation spécifique aux jouets (par ex. l’utilisation du bore dans les « slime », pates gluantes à malaxer substance utilisée pour les rendre élastiques) soit par d’autres réglementations (par exemple les phtalates visés par la réglementation Reach). De façon générale, le bilan des résultats des tests chimiques effectués sur les jouets par la Direction apparaît assez positif pour 2019 « le nombre de dépassements de seuils réglementaires restant limité au vu du nombre conséquent d’analyses effectuées ». Outre le « cas du bore, ce sont les nitrosamines qui ont principalement été mises en évidence dans les ballons de baudruche et les peintures au doigt (41% de non conformités). On peut par ailleurs noter dans les jouets analysés: la faible présence des phtalates dans les jouets en PVC (3,6% de non-conformité) et l’absence de bisphénol A ».
Concernant les articles textiles et articles de literie traités par des produits biocides, la Direction conclut qu’une attention particulière à l’étiquetage des produits doit être engagée à la suite des contrôles. « En France, sur les 252 établissements visités, 82 étaient en anomalie (soit un tiers des établissements). Au total, 52 avertissements, 26 injonctions, 1 amende administrative et 8 procès-verbaux pénaux ont été rédigés, et plusieurs signalements ont été adressés à d’autres autorités de surveillance du marché européennes concernant des professionnels basés dans leur pays. »
On relève enfin ce focus du rapport sur les compléments alimentaires : « Les enquêtes menées par la DGCCRF dans le domaine des compléments alimentaires montrent que le secteur se caractérise d’un côté par un marché «officiel», qui pâtit du manque de maîtrise de la qualité des produits commercialisés, et d’autre part par un marché «officieux», où l’on retrouve notamment des produits falsifiés par des substances de type médicamenteux. Les consommateurs doivent donc faire preuve d’une grande vigilance ».
Pour paraphraser la grande environnementaliste Chantale Cans, qui nous a quittés cette année, le rapport stigmatise aussi le droit du développement durable, conçu comme un « droit des apparences ». Plus particulièrement il épingle les « allégations environnementales » persistantes en 2019 comme participant d’une « utilisation excessive, voire illicite, des allégations environnementales valorisantes pour les produits du secteur chimique ». Ce sont les allégations environnementales valorisantes, telles que «lessive naturelle» ou «insecticide biologique» qui sont mis à jour dans 25% des 2364 visites ont été effectuées par les services de la CCRF en 2019, ceci sur l’ensemble du secteur de la chimie (biocides, détergents, aérosols, colles, produits à base d’huiles essentielles, produits pour chaussures et autres produits chimiques).
La DGCCRF a lancé une enquête dans plus de 600 établissements sur la loyauté des allégations et la sécurité des cosmétiques «biologiques» et «naturels» et son rapport relève que : «Les mentions donnant le plus fréquemment lieu à des manquements sont celles portant sur les mentions «naturel», «bio» ou « vegan» non justifiées (par exemple l’utilisation du terme «bio» sur la face avant d’un produit fini pour qualifier le produit dans son ensemble, alors que celui-ci ne contient qu’un ou peu d’ingrédients biologiques), la mention d’absence de tests sur animaux – interdite car correspondant au respect d’une interdiction applicable à tous les opérateurs – et les allégations thérapeutiques (interdites en cosmétique).S’y ajoutent d’autres allégations insuffisamment démontrées ou ambiguës, voire parfois constitutives d’une pratique commerciale trompeuse, telles que la mise en avant d’un ingrédient à forte valeur ajoutée présent en une quantité parfois infime et ne permettant pas de revendiquer de manière justifiée des propriétés particulières pour le produit fini, ou des allégations «sans…» susceptibles d’induire en erreur le consommateur ».
Une nouvelle enquête sur l’étiquetage énergétique des équipements destinés aux consommateurs a été menée par la DGCCRF en 2019 (présence de l’étiquette énergétique et sa conformité à la règlementation, les documents justificatifs s’agissant des climatiseurs mobiles, hottes et fours, ballons d’eau chaude). Les résultats enregistrés pour l’ensemble des contrôles réalisés par la DGCCRF sur des établissement qui s’étaient déjà vus épinglés par la Direction révèlent que 44 % des établissements contrôlés ne respectaient pas les règles. Ces manquements ont donné lieu à 68 avertissements, 50 injonctions, 19 procès-verbaux pénaux et un procès-verbal administratif.
Enfin s’agissant des OGM, la DGCCRF en 2019 a ciblé ses contrôles sur les semences de colza : « 23 établissements de production, conditionnement ou distribution ont été visités et 30 échantillons de semences de colza d’hiver ont été prélevés. Les analyses ont permis de conclure à l’absence de contamination par des OGM de tous les lots prélevés ».