Défrichement et PC tacite: précisions sur le déféré préfectoral et contrôle du juge sur les autorisations (CE, 6 mai 2015)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Aux termes d’un arrêt du 6 mai dernier, le Conseil d’Etat a précisé les conditions du déféré préfectoral en présence d’un permis de construire tacite. Il a également éclairci le degré de contrôle du juge concernant la qualification de terrains pouvant faire l’objet d’une autorisation de défrichement. Enfin, il a rappelé à plusieurs reprises que les juges de fond étaient souverains dans leur appréciation des faits et que son propre rôle se limitait à vérifier qu’ils ne les avaient pas dénaturés. (CE, 9e et 10e sous-sect., 6 mai 2015, n°366004, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Les faits étaient les suivants. La propriétaire de plusieurs parcelles a déposé une demande de permis de construire en vue de l’édification d’une villa. En l’absence de réponse de la mairie, la pétitionnaire a demandé au maire de lui délivrer un certificat attestant qu’elle était bénéficiaire d’un permis de construire tacite. Ce certificat, prévu à l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, lui a été délivré le 22 décembre 2009 et a été transmis au préfet des Alpes-Maritimes le 6 janvier 2010. Par un courrier du 23 février 2010, ce dernier a demandé au maire de “prendre une décision refusant ce permis de construire ” au motif que la demande de la pétitionnaire aurait dû être précédée d’une demande d’autorisation de défrichement en application de l’article R. 431-19 du code de l’urbanisme. Le maire a rejeté cette demande par une décision du 22 mars 2010. Le préfet a alors déféré la décision de permis de construire tacite au tribunal administratif. Le tribunal a annulé le permis de construire litigieux et ce jugement a été confirmé en appel. La pétitionnaire a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a examiné la régularité du jugement attaqué. En l’espèce, la requérante critiquait l’absence de réouverture de l’instruction après la clôture malgré la production d’un mémoire du Préfet. Après avoir rappelé les conditions dans lesquelles des mémoires produits après la clôture de l’instruction rouvrent ou non l’instruction, le Conseil d’Etat a estimé qu’en l’espèce le mémoire produit par le préfet après la clôture de l’instruction ne contenait aucun élément susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire. Il en déduit que la cour n’a pas entaché la procédure d’irrégularité en ne rouvrant pas l’instruction. Le Conseil d’Etat rappelle ici sa position classique concernant la réouverture de l’instruction et sa position ne comporte aucune nouveauté. Dans un second temps, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le bien-fondé du jugement. Sa décision est alors particulièrement intéressante. En premier lieu, le Conseil d’Etat se prononce sur la portée du recours gracieux du préfet. Il estime que ce courrier valait demande de retrait et que, par suite, les conclusions présentées par le Préfet devant le tribunal administratif tendant à l’annulation de ce permis de construire tacite n’étaient pas irrecevables dans la mesure où elles étaient en rapport avec l’objet du recours gracieux. Le Conseil d’Etat vérifie ici que la Cour n’a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. Il se livre donc à un contrôle de la dénaturation, laissant aux juges du fond le pouvoir d’apprécier souverainement les faits qui leur ont été soumis. Il s’agit d’un contrôle du juge de cassation habituel. En deuxième lieu, le Conseil d’Etat estime que bien qu’il résulte de l’article L. 424-8 du code de l’urbanisme qu’un permis de construire tacite est exécutoire dès qu’il est acquis, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le Préfet défère un permis de construire tacite au tribunal dans les deux mois de sa transmission par la commune. En matière de permis de construire tacite, l’obligation de transmission est satisfaite lorsque la commune a transmis au préfet l’entier dossier de demande, en application de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme. Par suite, le délai du déféré préfectoral court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. En l’espèce, le Conseil d’Etat relève qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la commune aurait transmis la demande de permis au Préfet. Par suite, le délai ouvert au Préfet contre le permis de construire tacite en litige a débuté à compter de la date à laquelle le certificat prévu à l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme lui avait été transmis. En troisième lieu, le Conseil d’Etat considère que c’est à bon droit que la Cour a jugé que les dispositions de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, qui limitent le délai pendant lequel une autorisation de construire peut être retirée, spontanément ou à la demande d’un tiers, par l’autorité qui l’a délivrée, n’ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le représentant de l’Etat forme un recours gracieux jusqu’à l’expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, ni à ce que ce dernier délai soit interrompu par le recours gracieux. Il en résulte qu’un recours gracieux du Préfet peut être recevable alors même que le permis de construire tacite ne peut plus être retiré. Le Conseil d’Etat réitère une solution qu’il avait déjà adoptée en 2011 sur la recevabilité du recours gracieux du préfet (CE, 9e et 10e  sous-sections réunies, 5 mai 2011, n°336893, Publié au recueil Lebon). En quatrième lieu, la requérante faisait état de l’inconstitutionnalité de dispositions législatives alors que le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’avait pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée à cet effet par la requérante. Le moyen a donc été écarté. En cinquième lieu, le Conseil d’Etat précise que les juges du font se livrent à une appréciation souveraine des faits pour déterminer si les parcelles dont la requérante est propriétaire doivent être regardées comme étant en état boisé ou à destination forestière au sens…

Immobilier: Contrat de vente immobilière / contrat de crédit affecté : une interdépendance parfois bien utile ! (Cass, 18 déc.2014)

Par Aurélien BOUDEWEEL – Green Law Avocat   Par un arrêt en date du 18 décembre 2014 (C.cass, 18 décembre 2014, 1ère chambre civile, n° de pourvoi 13-24385), la Cour de cassation confirme donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), sur l’interdépendance d’un contrat de crédit affecté et du contrat de vente principal. En l’espèce, un immeuble a été acheté par des particuliers. Pour financer cette acquisition, un contrat de prêt a été contracté (on parle de « contrat de crédit affecté »). Un litige est intervenu entre les parties sur la livraison du bien immobilier. Dans ce contexte, les acheteurs ont porté l’affaire devant la juridiction civile et ont sollicité la suspension du contrat de prêt. Saisie du litige, la Cour d’appel a débouté les particuliers de leurs demandes de suspension du contrat de prêt au motif qu’aucun élément de contestation du contrat de prêt ne justifiait sa suspension. La Cour de cassation censure cette appréciation en jugeant :  « Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte notarié du 26 octobre 2006, la société civile de construction Y (la société) a vendu en l’état futur d’achèvement à M. X… un immeuble financé à l’aide d’un prêt souscrit auprès de la banque Z (…), que M. X… a assigné la société Y et la banque Z aux fins de voir ordonner la suspension de l’exécution du contrat de prêt immobilier jusqu’à la solution du litige l’opposant à la société relativement à la livraison du bien vendu ; Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que le seul fait d’avoir à rembourser les échéances du contrat de prêt ne caractérise pas un accident affectant son exécution alors, d’une part, que M. X… a obtenu un différé d’amortissement du prêt et que, d’autre part, il ne fournit aucun élément d’ordre économique relativement à sa situation de nature à fonder la suspension du contrat de prêt ; Qu’en statuant ainsi, alors que seuls les accidents ou la contestation affectant l’exécution du contrat principal déterminent la suspension du contrat de prêt destiné à le financer, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé».   Rappelons que le crédit affecté est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 du Code de la consommation. Il est utile de préciser que le lien d’interdépendance est une règle d’ordre public à laquelle le consommateur ne saurait renoncer d’une manière ou d’une autre (Cass, 1ère civ., 17 mars 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 116 ; D. 1993). Plus encore, l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). De fait, en cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit (C. consom., art. L. 312-19). L’arrêt de la Cour de cassation en date du 18 décembre 2014 met en pratique la disposition du Code de la consommation susvisée et sanctionne la Cour d’appel qui avait méconnu ces dispositions. Cet arrêt est intéressant puisqu’il permet de rappeler aux particuliers qu’en cas de conclusion de contrat de crédit (contrat de crédit affecté) destiné à financer un achat immobilier, ces derniers ont la possibilité de solliciter la suspension des échéances de leur contrat de crédit dès lors que des contestations s’élèvent autour du contrat principal d’achat. Si l’arrêt ici commenté concerne un bien immobilier, rappelons que la solution dégagée tendant à obtenir la suspension du contrat de crédit est identique lorsque des particuliers contestent des contrats de vente d’installation photovoltaïque ou toutes autres installations de production d’énergie. C’est d’ailleurs parfois le seul moyen pour bon nombre de particulier de limiter leurs préjudices au regard des entreprises placées en procédure collective dans ce secteur et contre qui les actions judiciaires sont limitées.    

Trouble anormal de voisinage causé par la pompe à chaleur d’une piscine : de l’intérêt des bonnes relations de voisinage… (CA Paris, 2 juill.2014)

Par Aurélien Boudeweel (Green Law Avocat) Il est intéressant de noter au travers de la jurisprudence judiciaire que l’appréciation d’un trouble anormal de voisinage peut trouver à s’appliquer à des activités n’étant pas industrielles et que de simples habitudes de voisinage peuvent, selon les circonstances, dépasser un seuil de “normalité. C’est par exemple le cas dans le litige tranché par la Cour d’appel de PARIS dans un arrêt en date du 2 juillet 2014 (C.A PARIS, Pôle 4, Chambre 2, 2 juillet 2014, n°12/09745), qui estime que les bruits émis par une pompe à chaleur d’une piscine peuvent être constitutifs d’un trouble anormal de voisinage. En l’espèce, des particuliers avaient assigné leurs voisins pour trouble anormal de voisinage consécutivement au bruit provoqué par la pompe à chaleur de la piscine. N’ayant pas obtenu satisfaction en première instance, un appel a été interjeté. La Cour d’appel infirme alors le jugement de première instance et relève :  « Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage (…) Il appert de l’examen des témoignages précités et d’autres attestations concordantes de 2007 et 2011 versées aux débats que les installations de la piscine des époux D…fonctionnent de mars à octobre, soit pendant huit mois de l’année, en journée et soirée ainsi que les dimanches et jours fériés, et que ce fonctionnement occasionne un bruit permanent de moteur électrique audible du jardin et de la terrasse des époux T…, que les témoins décrivent comme un ronronnement continu et lancinant ;  Il appert du rapport d’expertise de M.C…., que l’expert a constaté que la piscine des époux D…est située à environ 4 mètres du mur séparatif des deux propriétés et que le local technique ne se trouve qu’à environ 2 mètres dudit mur séparatif (…) L’expert indique également : « compte tenu de la qualité acoustique du lieu, il est dommageable de constater une émergence dans la propriété de M. et Mme T… due à des matériels de piscine appartenant à M. et Mme D…implantés à proximité de la limite de propriété de leur habitation. Dans le cas d’une location ou d’une vente de l’habitation de M. et Mme T…, une diminution du prix de location ou une diminution du prix de cette habitation est à prévoir compte tenu de ce trouble de voisinage » ; Il résulte de ce qui précède que les bruits causés par les installations de piscine des époux D…constituent, du fait de leur durée et répétition dans le temps ainsi que de leur intensité, un trouble qui dépasse les inconvénients normaux de voisinage (…) »  On voit ici que la Cour se fonde sur des critères de “répétition”, de “durée”, d”intensité” mais aussi de proximité avec le voisinage (ici, le local technique de la piscine avec la pompe à chaleur se situait à deux mètres de la limite de propriété). Rappelons que la théorie des troubles anormaux de voisinage est purement prétorienne. Il s’agit d’une responsabilité particulière en ce qu’elle est autonome, c’est-à-dire détachée de toute faute de la part du voisin trublion et donc du fondement des articles 1382 et suivants du Code civil (Cass. 1re civ., 18 sept. 2002 : Bull. civ. 2002, I, n° 200. – Cass. 3e civ., 24 sept. 2003 : Juris-Data n° 2003-020379 ; Bull. civ. 2003, III, n° 160 ; Gaz. Pal. 24-25 mars 2004,). Il suffit à la victime d’un trouble de voisinage de démontrer que celui-ci est « anormal » afin d’obtenir une réparation en nature ou par équivalent. Mais c’est bien sur le seuil d’anormalité qu’un véritable travail juridique et de preuve doit être réalisé afin de faire reconnaitre ses droits. En effet, il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement (Cass. 3e civ., 3 nov. 1977 : D. 1978, p. 434, note Caballero. – Cass. 2e civ., 19 mars 1997 : D. 1998, somm. p. 60, obs. Robert. – Cass. 3e civ., 27 mai 1999 : Bull. civ. 1999, II, n° 100. – Cass. 3e civ., 5 févr. 2004 : Bull. civ. 2004, II, n° 49 ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 137, note Groutel) si tel ou tel agissement constitue ou non, en fonction des circonstances de temps et de lieu, un trouble anormal de voisinage. Il est ainsi acquis en jurisprudence que le bruit généré par un compresseur ou pompe à chaleur peut être considéré comme excédant ce que l’on peut normalement attendre d’un voisin diligent et civil (voir le cas d’une installation de chauffage-climatisation d’un restaurant : CA Lyon, 1re ch. B, 2 mars 2010, n° 09-00.062 : JurisData n°2010-019260 ; d’une épicerie : CA Nancy, 2e ch., 16 nov. 2006, n° 05-01.668 : JurisData n° 2006-329843 ; de trois coffres de ventilation-climatisation : CA Nîmes, 1re ch. B, 3 nov. 2009, n° 07/05537 : JurisData n° 2009-022114 ; à propos d’une installation en toiture donnant sur la fenêtre d’un copropriétaire : CA Paris, 23e ch. A, 13 mars 2002, n° 1999/14971 : JurisData n° 2002-174974). Surtout, il est acquis juridiquement que l’anormalité dépend de l’environnement réel de l’installation considérée (pour une prise en compte du caractère bruyant et passant de l’appartement du voisin, CA Rouen, 6 avr. 2004, n° 03/04753 : JurisData n°2004-240918). L’arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 2 juillet 2014 est intéressant puisqu’il confirme deux principes en la matière  :  Qu’il n’est pas nécessaire, pour la victime, de démontrer la faute du voisin pour obtenir la reconnaissance du trouble anormal de voisinage.  Que l’existence du trouble peut être établie par la production de témoignages et attestations. La responsabilité est engagée de manière objective dès que le trouble présente un caractère anormal. Notons que l’appréciation portée par la Cour d’appel de PARIS va dans la droite lignée d’une réponse ministérielle en date du 30 octobre 2014 (Rép.min. n°11177, JO Sénat du 30.10.14) qui confirme que le bruit émis par des pompes à chaleur « dès lors qu’il cause aux particuliers un trouble de jouissance du fait de sa fréquence, de son émergence et de ses caractéristiques spectrales, constitue un trouble ». Si l’on peut se…

Urbanisme: le bénéficiaire d’un permis attaqué ne peut se prévaloir d’une date antérieure à celle mentionnée dans la déclaration d’achèvement pour opposer une irrecevabilité (CAA Lyon, 13 nov. 2014)

Par un arrêt en date du 13 novembre 2014 (CAA Lyon, 1re ch., 13 nov. 2014, n° 13LY01881), la Cour administrative d’appel de LYON considère que le bénéficiaire d’un permis de construire ne peut se prévaloir d’une date d’achèvement antérieure à celle mentionnée dans sa déclaration d’achèvement de travaux pour opposer une irrecevabilité à un requérant. C’est là une application équilibrée du texte. Rappelons que pour les décisions d’urbanisme, le délai de recours est fixé par les dispositions combinées des articles R600-2 et R600-3 du Code de l’urbanisme : Deux mois à compter de l’affichage continu de la décision sur le terrain, Un an à compter de l’achèvement de la construction faute de preuve de l’affichage. L’article R600-3 du code de l’urbanisme prévoit en effet qu’aucune action en vue de l’annulation d’une autorisation d’urbanisme n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement. Cette disposition, applicable aux recours introduits à compter du 1er octobre 2007, précise que la date de cet achèvement est celle de la réception en mairie de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R462-1 du code de l’urbanisme, sauf preuve contraire. En l’espèce, le ministre de l’égalité des territoires et du logement ainsi que la société, bénéficiaire du permis de construire attaqué soutenaient qu’il devait être opposé un délai de forclusion au demandeur à l’instance. A l’appui de ses prétentions, la société indiquait que si la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux mentionnait la date du 10 novembre 2009 et reçue en mairie le 24 novembre 2009, il n’en demeurait pas moins que les travaux avaient été terminés bien avant cette date. Saisie du litige, la Cour administrative d’appel de LYON censure cette argumentation et rappelle:  « Considérant toutefois que le ministre de l’égalité des territoires et du logement et la société X soutiennent que doit être opposé à ces conclusions le délai de forclusion d’un an prévu par l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme ; qu’aux termes de cet article : ” Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement. / Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1. ” ; qu’aux termes de ce dernier article : ” La déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux est signée par le bénéficiaire du permis de construire (…) ou par l’architecte ou l’agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. / Elle est adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. (…). / Le maire transmet cette déclaration au préfet lorsque (…) le permis a été pris au nom de l’Etat (…). ” ; Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu’une autorisation de construire relative à des travaux achevés à compter du 1er octobre 2007 est contestée par une action introduite à compter de la même date, celle-ci n’est recevable que si elle a été formée dans un délai d’un an à compter de la réception par le maire de la commune de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux ; qu’une telle tardiveté ne peut être opposée à une demande d’annulation que si le bénéficiaire de l’autorisation produit devant le juge l’avis de réception de la déclaration prévue par les dispositions précitées de l’article R. 462-1 du code de l’urbanisme ; que, pour combattre la présomption qui résulte de la production par le bénéficiaire de cet avis de réception, le demandeur peut, par tous moyens, apporter devant le juge la preuve que les travaux ont été achevés à une date postérieure à celle de la réception de la déclaration ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux, qui indique comme date d’achèvement des travaux le 10 novembre 2009, a été reçue en mairie le 24 novembre 2009 ; que, si la société X soutient que les travaux ont en réalité été terminés avant la date ainsi indiquée, le bénéficiaire de l’autorisation ne peut toutefois se prévaloir d’une date antérieure à celle mentionnée dans sa propre déclaration ; que, par suite, la demande devant le tribunal administratif de Grenoble ayant été enregistrée le 8 novembre 2010, soit moins d’un an après ladite date du 24 novembre 2009, la forclusion prévue par l’article R. 600-3 précité du code de l’urbanisme ne peut être opposée à M.D… ;». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que la date figurant sur la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux et son accusé de réception en mairie constitue le point de départ du délai prévu par l’article R600-3 du code de l’urbanisme. Surtout, on retiendra que la cour censure le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme qui soutenait que la date d’achèvement des travaux est antérieure à celle indiquée dans sa déclaration. Notant toutefois que pour combattre la présomption qui résulte de la production par le bénéficiaire de cet avis de réception, le demandeur à l’action peut pour sa part et par tous moyens, apporter devant le juge la preuve que les travaux ont été achevés à une date postérieure à celle de la réception de la déclaration (CE, 6 déc. 2013, n° 358843). C’est dire que la présomption simple de la date d’achèvement de l’installation, qui peut être renversée par toute preuve contraire aux termes de l’article R 600-3 du code de l’urbanisme, ne bénéficie en réalité qu’au requérant, et non à celui qui a obtenu le permis. Ce déséquilibre qui peut paraitre injuste à première vue, s’explique selon nous par le fait que la déclaration d’achèvement de travaux est présumée porter sur des faits exacts (c’est à dire que la construction n’est pas censée avoir été achevée avant ou après la date indiquée). Admettre  que la présomption de…

Responsabilité du notaire : contrairement aux idées reçues… elle n’est pas automatique au stade de la promesse de vente! (Cass, 26 nov.2014)

Par un arrêt en date du 26 novembre 2014 (C.cass, civ.1ère, 26 novembre 2014, n°13-27.965, F-P+B, juris-data 2014-028858) la Cour de cassation rappelle que lorsque l’annulation judiciaire d’un acte de vente n’est due qu’à la défaillance des vendeurs dans leurs déclarations au notaire, ce dernier ne peut être vu comme responsable. En l’espèce, par un acte sous seing privé rédigé par un notaire, des particuliers promettent de vendre à des acquéreurs un bien immobilier à usage d’habitation. Par suite l’acte est annulé pour erreur sur les qualités substantielles du bien vendu et les vendeurs sont condamnés à restituer aux acquéreurs le montant du dépôt de garantie et à les indemniser. Les vendeurs, estimant ne pas être responsables, ont alors décidé d’assigner le notaire en responsabilité en lui reprochant des manquements professionnels lors de la rédaction de la promesse de vente. La Cour d’appel de Lyon rejette la demande d’indemnisation. Un pourvoi a alors été formé à l’encontre de l’arrêt rendu. Saisie du litige, la Haute juridiction confirme l’arrête rendu par la Cour d’appel en ces termes :  « Mais attendu qu’ayant relevé que l’annulation judiciaire de l’acte valant promesse de vente n’était due qu’à la défaillance de M. et Mme D… dans leur obligation d’information à l’égard des acquéreurs, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche prétendument omise dès lors que cet avant-contrat était destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de la vente, a pu en déduire l’absence de toute faute du notaire, lequel n’avait aucun motif de suspecter l’inexactitude des déclarations de M. et Mme D… ; […] ». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue du devoir de conseil du notaire et les diligences qu’on peut juridiquement attendre de lui. Ce dernier doit rechercher la volonté exacte des parties et la traduire fidèlement dans son acte. Toutefois l’arrêt rendu par la Cour de cassation souligne que la responsabilité du notaire présente des limites. La jurisprudence est fournie en la matière : ainsi le notaire qui n’intervient que pour authentifier les conventions des parties n’est pas tenu de s’assurer au moyen d’une enquête personnelle ou en se déplaçant sur les lieux, si l’immeuble dont il rédige l’acte de vente est libre de toute occupation ou de toute location civile ou commerciale. Il se fie soit aux titres de propriété soit aux déclarations des parties et sa responsabilité n’est pas engagée si ces vérifications n’ont pas permis de déceler la présence d’une location commerciale ou civile (CA Paris, 1ère civ, 28 septembre 2005). Dans le même ordre d’idée, un notaire qui intervient seulement en sa qualité d’officier du ministère public pour rédiger un acte de vente ne répond pas de l’insolvabilité de l’acquéreur (C.cass, 1ère civ, 23 mars 2004, juris-data n°2003-240056 ; CA Toulouse, 4 avril 2005, juris-data n°2005-281213). Il est utile de souligner que dans le cas d’espèce la responsabilité du notaire est écartée au regard de la nature de l’acte sur la base duquel l’action était engagée : en l’espèce il s’agissait d’une promesse de vente qui était, selon la Cour de cassation, « destiné[e] à arrêter la volonté des parties sans attendre l’expiration des délais utiles à l’obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de le vente ». Selon la Cour de cassation, le notaire à ce stade n’avait donc aucune raison d’aller au-delà des déclarations des vendeurs. La solution dégagée une nouvelle fois par la Cour de cassation met en relief que la responsabilité du notaire ne saurait être automatiquement engagée et qu’en toute hypothèse les vendeurs restent en première ligne dans le cadre d’une action en responsabilité notamment lorsque des manœuvres tendant à vicier le consentement des acquéreurs potentiels sont mises en évidence. L’appréciation de la responsabilité du notaire s’apprécie donc au cas par cas mais ne peut être systématiquement exclue.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat