L’obligation d’information du vendeur prévue par l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement ne s’applique que lorsqu’une ICPE a été implantée sur le terrain vendu (Cass, 22 novembre 2018)

Par Valentine SQUILLACI, Avocat au Barreau de Lille, Green Law Avocats Aux termes de son arrêt du 22 novembre 2018, la Haute juridiction exclut l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement dans le cas où le terrain, issu de la division d’un site dont une partie a été le siège d’une installation classée, n’a pas accueilli ladite installation (Cass. Civ. 3ème, 22 novembre 2018, n°17-26.209). Analyse. A l’heure où l’obligation d’information du vendeur d’un terrain pollué est en voie d’expansion puisque les arrêtés d’application relatifs à la détermination des secteurs d’information sur les sols (qui devront faire l’objet d’une information par le vendeur en vertu de l’article L125-6 du Code de l’Environnement) sont en cours d’élaboration, la Cour de Cassation vient de rappeler que les contours de cette obligation doivent être appréciés strictement. L’arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la Cour de Cassation (Cass. Civ. 3ème, 22 novembre 2018, n°17-26.209) concerne en effet l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement qui mettent à la charge de vendeur d’un terrain sur lequel a été exploité une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ci-après « ICPE ») l’obligation d’informer l’acquéreur, par écrit, d’une telle exploitation. Le vendeur est également tenu d’informer son cocontractant des « dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation » et dont il aurait connaissance lors de la vente. Faute pour le vendeur de se conformer à ces obligations, il s’expose, au choix de l’acquéreur, à la résolution de la vente, à la restitution d’une partie du prix (qui correspondra en pratique au coût de la dépollution) ou à la réhabilitation du site à ses frais « lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ». Ce dispositif, créé par la loi n°92-646 du 13 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets ainsi qu’aux installations classées pour la protection de l’environnement, a été modifié à plusieurs reprises et son évolution illustre le phénomène d’expansion de l’obligation d’information du vendeur. Ainsi, le législateur a ajouté en 2003 l’obligation, pour le vendeur également exploitant de l’installation, d’indiquer par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. Par ailleurs, applicable à l’origine uniquement aux installations soumises à autorisation, l’obligation d’information instituée par L. 514-20 du Code de l’Environnement a été étendue aux installations soumises à enregistrement en 2009 (Ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l’enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l’environnement, article 15). Semblant vouloir contenir cette expansion, la Cour de Cassation avait déjà tranché (Civ. 3ème, 9 avril 2008, n°07-10.795) en faveur d’une application littérale du texte en confirmant que cette obligation ne s’étendait pas, d’une part, à la vente d’un terrain sur lequel l’exploitation est en cours (le texte précise en effet que l’obligation s’applique « lorsqu’une installation (…) a été exploitée sur un terrain ») et, d’autre part, aux installations soumises à déclaration (Cass. Civ.3ème, 16 juin 2009, n°07-20-463 ; Cass. Civ. 3ème, 20 juin 2007, n°06-15.663). Aux termes de son arrêt du 22 novembre 2018, la Haute juridiction confirme cette tendance en excluant l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement dans le cas où le terrain, issu de la division d’un site dont une partie a été le siège d’une installation classée, n’a pas accueilli ladite installation (I). Dans une telle hypothèse, seule l’obligation d’information de droit commun semble dès lors trouver à s’appliquer (II). L’exclusion de l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement faute d’exploitation d’une ICPE sur le terrain vendu A l’origine de l’arrêt commenté, un site industriel ayant été le siège, depuis la fin du 19ème siècle, d’activités de fabrication de pièces automobiles et sur lequel l’exploitant avait été autorisé à exploiter plusieurs activités soumises à la législation relative aux ICPE. A compter de la fin des années 1980, l’exploitant, dont les droits avaient été repris par une autre société, a progressivement cessé ses activités et cédé des portions du site à divers acquéreurs. L’un de ces acquéreurs, ayant acquis trois parcelles du site en 1992 et 1993, a découvert, dans le cadre d’une opération de réaménagement de son terrain, une pollution des sols et des eaux souterraines. Ce dernier a donc poursuivi le vendeur en soutenant notamment que celui-ci ne l’avait pas informé de l’exploitation d’une ICPE sur le site, ni du risque de pollution associé. L’acquéreur a été débouté de ses demandes par les juges du fond (TGI de Bobigny, 6ème Chambre, 5ème section, 10 septembre 2015, n°12/08673 puis CA PARIS, Pôle 4, Chambre 1, 23 juin 2017, 15/20790), ces derniers relevant sur ce point que bien que le site dont était issu le terrain acquis avait effectivement été le siège d’une ICPE, le demandeur n’apportait pas la preuve qu’une ICPE avait été exploitée sur son terrain. L’acquéreur s’est pourvu en cassation en soutenant que l’obligation d’information instituée par l’article L.514-20 du Code de l’Environnement « porte non seulement sur la vente des parties du site sièges des activités relevant du régime de l’autorisation mais également sur la vente de tout terrain issu de la division de ce site ». Ce moyen n’était pas dénué de tout bon sens dès lors qu’il existe en effet un risque important de contamination de la pollution potentiellement liée à l’exploitation d’une installation classée aux parcelles environnantes. Mais la Cour de Cassation refuse d’interpréter ainsi les dispositions de l’article L.514-20 du Code de l’Environnement et rejette ce moyen en affirmant que le texte « nécessite, pour son application, qu’une installation classée ait été implantée, en tout ou partie, sur le terrain vendu ». On notera que la Cour assimile l’exploitation d’une installation classée aux installations ou équipements « de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à  modifier les dangers ou inconvénients de cette installation » au sens de l’ancien article R. 512-32 du Code de l’Environnement. Dans la mesure où l’article R512-32 a été abrogé par le Décret 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation…

Certificats d’économies d’énergie (CEE) : de nouvelles modalités concernant le fioul domestique (décret n°2018-401 du 29 mai 2018)

Par Maître Graziella DODE, Avocat – GREEN LAW AVOCATS (graziella.dode@green-law-avocat.fr) Créé par la Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (dite « Loi POPE »), le dispositif CEE poursuit son insertion dans le paysage juridique français. Pour rappel, ce dispositif repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d’énergie dont les ventes annuelles sont supérieures à certains seuils. Après deux premières périodes d’obligations marquées par un grand succès – dépassement des objectifs fixés – et une troisième période en demi-teinte, en raison d’une hausse sensible du nombre de fraudes aux CEE et des enquêtes révélant la mauvaise connaissance du dispositif par les consommateurs, la quatrième période d’obligations du dispositif CEE est en vigueur depuis le 1er janvier 2018 (voir notre article sur ce sujet ici). Elle couvrira les années 2018 à 2020. Afin de préparer cette nouvelle période, un important travail de concertation avec les acteurs du secteur énergétique a été mené de septembre 2016 à mi-2017. Récemment, un décret est venu préciser les modalités de remontée de l’obligation d’économies d’énergie des vendeurs aux metteurs à la consommation de fioul domestique. Il s’agit en effet de l’une des mesures phares de cette quatrième période, qui répond à une volonté d’une partie importante de la filière fioul. Le Décret n° 2018-401 du 29 mai 2018 relatif aux certificats d’économies d’énergie et aux obligations d’économies d’énergie auxquelles sont soumises les personnes mettant à la consommation du fioul domestique, pris en application de la Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, précise ainsi que : Le transfert d’obligation d’économies d’énergie des vendeurs aux metteurs sur le marché de fioul domestique prend effet à compter du 1er janvier 2019 ; Les délégataires de sociétés relevées de leurs obligations d’économies d’énergie perdront leur statut de délégataire à compter de cette même date ; Pour les vendeurs de fioul qui ne seront plus obligés CEE à compter du 1er janvier 2019 et pour leurs délégataires, il demeure possible de déposer des dossiers de demande de CEE jusqu’au 31 décembre 2018. Un arrêté sera pris avant le 1er juin 2019 pour fixer, pour l’année 2018, le volume des obligations d’économies d’énergie pour les vendeurs de fioul domestique et leurs délégataires ; À compter de 2019, le seuil de franchise servant au calcul de l’obligation d’économies d’énergie pour le fioul domestique et celui pour les carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié seront alignés à 1.000 mètres cubes ; L’obligation d’économies d’énergie est diminuée pour le fioul domestique et les carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié ; Par ailleurs, le décret prévoit l’introduction, à partir du 1er juillet 2018, du gazole B10 – indice d’identification 22 bis – dans la liste des carburants pour automobiles pris en compte pour la fixation des obligations d’économies d’énergie. Voici donc une évolution supplémentaire du cadre juridique des CEE, dont le cabinet assure une veille serrée.

Le cadre juridique des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) évolue !

Par Maître Graziella Dode Mis en place il y a 12 ans, le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie, lesquels doivent promouvoir l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie (ménages, collectivités territoriales ou professionnels). Le 1er janvier 2018, le dispositif est entré dans sa 4ème période d’obligation pour une durée de 3 ans. Rappelons tout d’abord le fonctionnement du dispositif des CEE (I), avant d’évoquer ses récentes évolutions (II). Le fonctionnement du dispositif des CEE  La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a créé les Certificatifs d’Economie d’Energie (CEE). Le dispositif, entré en vigueur en janvier 2006, est destiné à inciter à la réalisation d’économies d’énergie, principalement dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie, des transports et des réseaux de chaleur. Il est repris dans le Code de l’énergie aux articles L. 221-1 et suivants, et R. 221-1 et suivants. Les personnes soumises à l’obligation d’économies d’énergies, visées par la loi Le principe des certificats repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics, sur une période donnée, à certains vendeurs d’énergie appelés “obligés”. L’article L. 221-1 du Code de l’énergie dispose ainsi : « Sont soumises à des obligations d’économies d’énergie : 1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. 2° Les personnes qui vendent de l’électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat. Les ventes annuelles de fioul domestique des personnes morales exclues par le seuil fixé en application du 2° doivent représenter moins de 5 % du marché. Les obligations des personnes morales dont les ventes annuelles de fioul domestique dépassent le seuil fixé en application du 2° ne portent que sur les ventes supérieures à ce seuil. Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d’énergie, soit en acquérant des certificats d’économies d’énergie. Une part de ces économies d’énergie doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. La définition des montants d’économies d’énergie à réaliser prend en compte les certificats d’économies d’énergie obtenus par la contribution à des programmes mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 221-7. » L’article L. 221-2 du même code précise : « A l’issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l’article L. 221-1 justifient de l’accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d’économies d’énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7, L. 221-8 et L. 221-9. Afin de se libérer de leurs obligations, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 221-1 sont autorisées à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d’économies d’énergie ou pour acquérir des certificats d’économies d’énergie. » A défaut d’être obtenus par un « obligé », les CEE peuvent être attribués à des personnes dites « éligibles » définies à l’article L. 221-7 du Code de l’énergie : Toute personne visée à l’article L. 221-1 (fournisseurs d’énergies notamment) ; Toute collectivité publique ; L’Agence nationale de l’habitat ; Tout organisme visé à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation (organismes d’habitation à loyer modéré) ; Toute société d’économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux. Les personnes soumises à l’obligation d’économies d’énergies du fait de rapports contractuels Toute personne morale non visée par les dispositions précitées ne peut se voir attribuer de CEE, sauf si : Elle en achète aux obligés, aux éligibles ou à une personne morale en ayant acquis auprès d’elles. Les CEE sont en effet juridiquement qualifiés de biens meubles négociables et répondent ainsi à la logique de marché de l’offre de la demande, tel que le rappelle l’article L. 221-8 du Code de l’énergie. Ou si elle conclut un contrat de délégation avec des obligés. L’article R. 221-5 du Code de l’énergie envisage ainsi la possibilité de devenir délégataire de CEE : « Une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie en application de l’article R. 221-3 peut, pour l’obligation de chacune des périodes définies à l’article R. 221-4, ainsi que pour celle définie à l’article R. 221-4-1 : 1° Déléguer la totalité de son obligation d’économies d’énergie de la période à un tiers ; 2° Déléguer une partie de son obligation d’économies d’énergie de la période à un ou plusieurs tiers. Dans ce cas, le volume de chaque délégation partielle ne peut pas être inférieur à 1 milliard de kWh cumac. Sous réserve des dispositions de l’article R. 221-7, une personne ayant délégué la totalité de ses obligations individuelles n’est plus considérée comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie. » Ce dernier alinéa nous invite à souligner le fait qu’« en cas de défaillance du délégataire, les obligations individuelles définies en application des articles R. 221-4 et R. 221-4-1 sont remises à la charge de chaque délégant. Lorsqu’il est mis fin par les parties au contrat de délégation, l’obligation individuelle revient au délégant et le délégataire n’est plus considéré comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie pour cette obligation individuelle. Le ministre chargé de l’énergie est informé par les parties de la fin du contrat de délégation d’obligation dans un délai d’un mois » (article R. 221-7 du Code de l’énergie). L’article R. 221-5 du Code de l’énergie ajoute que le délégataire doit justifier : Ne pas faire partie des personnes mentionnées au 2° de l’article 45 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ; Pour la période d’obligation concernée, d’un volume d’au moins 150 millions de kWh cumac d’obligations reçues de personnes soumises à une obligation d’économies d’énergie….

ICPE / Liquidateurs judiciaires : les mesures de cessation d’activité d’une ICPE vous incombent en cas d’inertie de l’exploitant (CE 28 septembre 2016)

Par Graziella DODE- GREEN LAW AVOCATS Dans un arrêt du 28 septembre 2016, le Conseil d’Etat rappelle les obligations des liquidateurs judiciaires en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). En l’espèce, la société mise en liquidation judiciaire avait exploité des installations classées d’élevage et de fabrication d’engrais (rubriques 2111-1 et 2170-1). Le liquidateur désigné par un jugement du tribunal de commerce n’avait pas rempli ses obligations au titre de l’article R. 512-39-1 du code de l’environnement. Pour rappel, cet article dispose que : « I.-Lorsqu’une installation classée soumise à autorisation est mise à l’arrêt définitif, l’exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci. Ce délai est porté à six mois dans le cas des installations visées à l’article R. 512-35. Il est donné récépissé sans frais de cette notification. II.-La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l’arrêt de l’exploitation, la mise en sécurité du site. Ces mesures comportent, notamment : 1° L’évacuation des produits dangereux, et, pour les installations autres que les installations de stockage de déchets, gestion des déchets présents sur le site ; 2° Des interdictions ou limitations d’accès au site ; 3° La suppression des risques d’incendie et d’explosion ; 4° La surveillance des effets de l’installation sur son environnement. III.-En outre, l’exploitant doit placer le site de l’installation dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3. » En cas de procédure collective, il revient au liquidateur désigné de remplir ces obligations si l’exploitant ne les a pas accomplies. En effet, « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur » (Com. art. L. 641-9, I). En conséquence, selon le Conseil d’Etat, « lorsque les biens du débiteur comprennent une installation classée pour la protection de l’environnement dont celui-ci est l’exploitant, il appartient au liquidateur judiciaire qui en assure l’administration, de veiller au respect des obligations découlant de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement ». Le liquidateur doit notifier la cessation d’activité au préfet et prévoir les mesures permettant d’assurer la mise en sécurité du site. Il doit également apporter les éléments de preuve permettant de s’assurer que le site est dans un état qui ne peut porter atteinte aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 et faire des propositions d’usage futur du site. En l’espèce, le liquidateur s’était borné à fournir des courriers de l’exploitant à la préfecture dans lequel l’exploitant refusait de déclarer le site en cessation d’activité et affirmait, sans apporter de preuve, que la mise en sécurité du site était effective. Le liquidateur a ensuite fait obstacle à la visite du site par l’inspection des installations classées. Il a ainsi fait l’objet d’un arrêté préfectoral de mise en demeure en date du 20 octobre 2010 lui demandant d’adresser dans un délai d’un mois la déclaration de cessation d’activité relative au site exploité par l’entreprise, en précisant les mesures prises ou prévues pour assurer la mise en sécurité du site, et de transmettre ses propositions, dans un délai de deux mois, au maire et au propriétaire du terrain sur le type d’usage futur envisagé dans le cadre de la remise en état du site. Dans sa décision du 28 septembre 2016, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoir formé par le liquidateur, estimant que la Cour administrative d’appel n’avait commis aucune erreur de droit (CAA Versailles, 5 juin 2014, n° 12VE01136) en confirmant le rejet de sa demande d’annulation de l’arrêté de mise en demeure dont il avait fait l’objet (TA Montreuil, 26 janvier 2012, n° 1013329). Le liquidateur s’était défendu sur le fondement de l’article L. 622-17 du code de commerce, alinéa IV, selon lequel « les créances impayées perdent leur privilège si elles n’ont pas été portées à la connaissance de l’administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation ». En l’espèce, le liquidateur estimait que la mise en demeure de prendre des mesures de dépollution n’avait pas été portée à sa connaissance dans le délai imparti. Pour autant, dans cette décision, le Conseil d’Etat démontre que l’administration garde son pouvoir de police administrative, et plus précisément de police des installations classées. L’arrêté préfectoral de mise en demeure de prendre des mesures de dépollution est légal même lorsqu’il est pris au-delà du délai d’un an précité.

ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

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