Sursis à statuer sur la légalité de l’autorisation d’exploitation de l’usine Rockwool

Sursis à statuer sur la légalité de l’autorisation d’exploitation de l’usine Rockwool

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Le tribunal administratif d’Amiens a sursis à statuer sur la légalité de l’arrêté du 31 mars 2021 du préfet de l’Aisne autorisant la société Rockwool France à exploiter une usine de fabrication de laine de roche située sur le territoire des communes de Ploisy et Courmelles, et a enjoint à l’administration dispose d’un délai de quatre mois pour régulariser le vice de procédure relevé par les juges, tenant à une insuffisance dans l’étude d’impact (TA d’Amiens, nos 2102663 et 2102680, 21 juillet 2023, téléchargeable ci-dessous).

Dérogation « espèces protégées » : la Commission européenne au secours des projets d’énergie renouvelable

Dérogation « espèces protégées » : la Commission européenne au secours des projets d’énergie renouvelable

Par Sébastien BECUE, Avocat of counsel – Green Law Avocats Le 18 mai 2022, la Commission européenne a publié une recommandation pour l’accélération des procédures d’autorisation en matière d’énergie renouvelable (« Recommendation on speeding up permit-granting and PPAs COM(2022)3219 » ; qui va être traduite dans les directives). Elle répond à deux questions fondamentales en matière de dérogations espèces protégées pour les projets : Elle répond à deux questions fondamentales en matière de dérogations espèces protégées pour les projets : – d’une part que le développement ENR doit être présumé comme relevant d’un raison impérative d’intérêt public majeur (« overriding public interest ») : – d’autre part que le seul risque de mortalité d’individus d’avifaune ou de chiroptères ne peut pas justifier la soumission à la dérogation « espèces protégées » et qu’il doit être tenu compte, pour apprécier la nécessité d’une dérogation, des mesures d’évitement et de réduction (« mitigation ») : Espérons que cette prise de position très claire, sur une problématique qui grève fortement le développement des énergies renouvelables, soit rapidement suivie d’effets concrets, tant au niveau administratif que contentieux. Cette recommandation fait écho à une décision QPC du Conseil constitutionnel qui reconnait le 13 mai 2022 que le développement des énergies renouvelables poursuit un motif d’intérêt général. « 9. Toutefois, en premier lieu, il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d’énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d’intérêt général »

DRE : précisions sur son champ d’application

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Green Law Avocats Par un arrêté du 9 juillet dernier la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 9 juillet 2020 aff C-297/19) a tranché une question préjudicielle permettant de préciser le champ d’application de la directive 2004/35/CE adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 21 avril 2004. Cette directive (dite encore “DRE”) a pour objet de mettre en place un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du « pollueur-payeur », en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux. Ainsi que l’énonce la directive en son considérant n°2 : « Il convient de mettre en œuvre la prévention et la réparation des dommages environnementaux en appliquant le principe du «pollueur-payeur» inscrit dans le traité, et conformément au principe du développement durable. Le principe fondamental de la présente directive devrait donc être que l’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d’un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable, afin d’inciter les exploitants à adopter des mesures et à développer des pratiques propres à minimiser les risques de dommages environnementaux, de façon à réduire leur exposition aux risques financiers associés ». En droit français, la directive a fait l’objet d’une transposition par la loi n°2008-757 du 1er août 2008 et par un décret d’application en date du 23 avril 2009 (plus largement sur le régime de la LRE cf. S. Bécue et D. Deharbe, Assurer le risque environnemental des entreprises, éditions l’Argus, 2019 p. 46 à 68). Après avoir rappelé les contours de cette réglementation on pourra exposer les précisions apportées au champ d’application de ce régime par la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans son arrêt rendu le 9 juillet 2020. Rappelons que la CJUE a déjà contribué par ses arrêts à fixer la portée de la DRE, en précisant ses régimes de responsabilité (CJUE , grande ch., 9 mars 2010, aff. C-378/08,  ERG et a. CJUE , grande ch., 9 mars 2010, aff. C-379/08,  ERG et a. ; CJUE , 13 juill. 2016, C-129/16,  Túrkevei Tejtermelo Kft) ou son champ d’application dans le temps. La Cour a ainsi précisé que la directive s’appliquait aux dommages environnementaux qui se sont produits postérieurement au 30 avril 2007, mais qui ont été causés par l’exploitation d’une installation classée conformément à la réglementation sur l’eau (centrale hydroélectrique) et mise en service avant cette date (< CJUE >, 1er juin 2017, aff. C-529/15,  Folk). Le régime de la responsabilité environnementale Le régime de la responsabilité environnementale a pour objet d’instituer un mécanisme de prévention et de réparation de certains dommages causés à l’environnement. Tout d’abord, précisons que l’esprit de cette réglementation est de prévenir et de réparer le dommage écologique « pur », c’est-à-dire le dommage spécifiquement causé à l’environnement sans qu’il ne soit porté atteinte par ricochet à des intérêts d’ordre privé. Ainsi la directive 2004/35/CE précise-t-elle que le texte ne s’applique pas aux dommages corporels, aux dommages aux biens privés, ni aux pertes économiques et n’affecte pas les droits résultant de ces catégories de dommages. C’est la raison pour laquelle l’article L162-2 du code de l’environnement issu de la loi de transposition de la directive dispose qu’une personne victime d’un préjudice résultant d’un dommage environnemental ou d’une menace imminente d’un tel dommage ne peut en demander réparation sur ce fondement. Ensuite, le législateur communautaire a entendu cibler certaines catégories de dommages causés à l’environnement susceptibles de relever de cette réglementation. Constituent ainsi des dommages causés à l’environnement : les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés, à savoir tout dommage qui affecte gravement la constitution ou le maintien d’un état de conservation favorable de tels habitats ou espèces; on notera que l’importance des effets de ces dommages s’évalue par rapport à l’état initial, en tenant compte des critères qui figurent à l’annexe I de la directive. Les espèces et habitats protégés sont ceux visées par les directives Oiseaux et Habitats. les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l’état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées ; les dommages affectant les sols, à savoir toute contamination des sols qui engendre un risque d’incidence négative grave sur la santé humaine du fait de l’introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes. Le régime de la responsabilité environnementale opère un tri supplémentaire parmi les dommages relevant de son champ d’application en disposant que la directive s’applique : d’une part aux dommages causés à l’environnement par l’une des activités professionnelles énumérées en son annexe III et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités : il convient de préciser que le régime s’applique ici y compris en l’absence de faute ou de négligence de l’exploitant ; d’autre part, aux dommages causés aux espèces et habitats protégés par l’une des activités professionnelles autres que celles énumérées à l’annexe III, et à la menace imminente de tels dommages découlant de l’une de ces activités, lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence. Pour cette hypothèse, la directive exige ainsi la commission d’une faute. L’exhaustivité commande également de mentionner succinctement les diverses catégories exonérées du régime de la responsabilité environnementale, tels que les dommages causés à l’environnement par un conflit armé, une guerre civile ou une insurrection, les dommages causés par un phénomène naturel de nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible, ou encore les dommages résultant d’activités dont l’unique objet est la protection contre les risques naturels majeurs ou les catastrophes naturelles, etc. Précisons encore que l’application du régime juridique de la responsabilité demeure conditionnée par un critère de gravité du dommage. La gravité des dommages est appréciée par l’autorité compétente et par le juge sur la base des critères énoncés par le décret n°2009-468 du 23 avril 2009, qui reprend in extenso les critères fixés par l’annexe I de la directive. En outre, sur le plan temporel, le régime de la responsabilité environnementale ne s’applique pas aux dommages dont le fait générateur est survenu avant le délai…