Remblais en zone humide: un défaut de conseil et d’information du professionnel peut conduire à la nullité du contrat

Par un intéressant jugement en date du 15 septembre 2015 (TGI BETHUNE, 15 septembre 2015, RG n°32/2015), le Tribunal de grande instance de BETHUNE a prononcé la nullité du contrat de remblaiement de terrain passé entre un particulier et une société au motif d’un dol (jurisprudence cabinet). En l’espèce, une société était venue proposer de remblayer le terrain d’un particulier, propriétaire d’un terrain. Par suite du remblaiement effectué, un procès-verbal d’infraction avait été dressé à l’encontre du propriétaire pour violation de la loi sur l’eau (une partie de la parcelle était située en zone humide). Le propriétaire s’estimant lésé a assigné la société en responsabilité contractuelle ainsi qu’en nullité du contrat sur le fondement de l’article 1108 du code civil. Le Tribunal de grande instance de BETHUNE reconnaît la responsabilité de la société et annule le contrat en relevant l’absence de conseil donné par la société de remblaiement avant la conclusion du contrat, et en rejetant l’argument de la société qui faisait valoir qu’elle avait demandé une autorisation au Maire. Le Tribunal relève à bon droit que cela ne suffisait pas car la société connaissait forcément, en sa qualité de professionnelle du remblaiement, les règles relatives aux zones humides (et donc la nécessité d’une autorisation). Rappelons qu’il résulte des dispositions du Code civil que diverses conditions sont requises pour assurer la validité des conventions. Selon l’article 1108 du code civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : Le consentement de la partie qui s’oblige ; Sa capacité de contracter ; Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; Une cause licite dans l’obligation ».   Il résulte par ailleurs des dispositions de l’article 1109 du Code civil qu’« Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ». S’agissant du dol, la Cour de cassation admet que « le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter » (Cass. 3e civ., 15 janv. 1971 : Bull. civ. III, n°38. – 2 oct. 1974 : Bull. civ. III, n° 330. – Cass. 1re civ., 23 juin 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 168. – Cass. com., 20 juin 1995 : D. 1995, inf. rap. p. 211 ; Dr. et Patrimoine 1995/32, chron. n° 1108, obs. P. Chauvel. – Cass. 3e civ., 20 déc. 1995 : Bull. civ. III, n° 268 ; Contrats, conc., consom. 1996, comm. n° 55, obs. L. Leveneur). Dans cette mesure il importe peu, naturellement, que la réticence ait porté sur une qualité substantielle, qu’elle ait induit une erreur de fait ou une erreur de droit, une erreur sur la contre-prestation ou, au contraire, sur la propre prestation. La vigilance des tribunaux eu égard au vice du consentement que constitue le dol s’exerce avec d’autant plus de précautions notamment lorsque la victime de la réticence est un particulier, profane, qui reproche son silence au cocontractant professionnel (Cass. 3e civ., 3 févr. 1981 : Bull. civ. III, n° 18 ; D. 1984, jurispr. p. 457, note J. Ghestin, promoteur immobilier. – Cass. 1re civ., 19 juin 1985 : Bull. civ. I, n° 201, vendeur professionnel d’automobile. – Cass. 3e civ., 25 févr. 1987 : Bull. civ. III, n° 36, agence immobilière. – Cass. 1re civ., 26 févr. 1991 : Bull. civ. I, n° 331, banque.- voir également, pour une commune, lors de l’acquisition d’un terrain, Cass. 3e civ., 27 mars 1991 : Bull. civ. III, n° 108 ; D. 1992, somm. p. 196, obs. G. Paisant ; Contrats, conc., consom. 1991, comm. n° 133, obs. L. Leveneur. – Pour un huissier, lors de la conclusion d’un bail, CA Paris, 31 mai 1983 : Gaz. Pal. 1983, 2, jurispr. p. 554.) De plus, il ressort tant des dispositions du code de la consommation (article L. 111-2) que de la jurisprudence civile que le professionnel contractant avec un particulier est tenu d’un devoir d’information et de conseil. En l’espèce, le Tribunal de grande instance de BETHUNE relève avec une motivation poussée : «  […] que cette convention sui generis lie un professionnel avec une non-professionnelle. La société X n’a pas cru utile d’apporter des précisions sur son activité professionnelle mais le fait qu’elle ait proposé à la demanderesse cette prestation de remblayage à laquelle elle avait nécessairement économiquement intérêt démontre qu’elle n’était pas profane en la matière et qu’elle s’est en tout état de cause présentée comme une professionnelle de cette prestation. En conséquence, il lui incombait de connaître précisément les contraintes techniques et réglementaires de la prestation effectuée. La société professionnelle était en outre débitrice d’une obligation pré-contractuelle d’information et de conseil à l’égard de Madame Y, devoir d’autant plus renforcé qu’elle était à l’initiative de la convention. La société X estime s’être acquittée de ses obligations en ayant sollicité de Madame Y une autorisation auprès du maire de M…, lequel a autorisé par courrier en date du 3 avril 2013 Madame Y à “combler le dénivelé de son terrain” sous la double condition de ne pas polluer le sol par les terres de remblais et de respecter les règles environnementales. Quoiqu’il en soit, dès lors que le terrain à combler était en zone humide, la société W en sa qualité de professionnelle n’était pas censée ignorer le caractère insuffisant de l’autorisation du maire et la nécessité de déposer un dossier “Loi sur l’Eau” auprès de l’autorité préfectorale. En effet, même en l’absence de mention de zone humide dans le titre de propriété de la cliente, la société professionnelle ne pouvait se méprendre sur cette spécificité du terrain, laquelle était apparente puisqu’il ressort du procès-verbal de l’ONEMA et des photos jointes que la parcelle était marécageuse et contenait des plantes aquatiques et semi-aquatiques tels des roseaux de la prêle et des saules. Il ressort d’ores et déjà de ces éléments que la société X a manqué à son devoir d’information et de…

Risque inondation : de la légalité d’une décision de fermeture définitive d’un camping (tempête Xynthia – CAA Bordeaux, 28 sept.2015)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat Les inondations récentes dans les Alpes-Maritimes ne sont pas sans rappeler la tempête Xynthia. Bien que cinq ans se soient écoulés depuis cette tempête, il convient de constater que les mesures de police prises pour garantir la sécurité face au risque d’inondations dans cette zone font encore l’objet de contentieux. En témoigne notamment une décision récente de la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 28 septembre 2015, n°14BX01002). Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia a inondé un camping situé sur l’Île-de-Ré (Charente-Maritime). Par arrêté du 28 avril 2010, le maire a interdit provisoirement l’exploitation de ce camping. Par courrier du 2 juillet 2010, le préfet de la Charente-Maritime a invité le maire précité à engager une procédure de fermeture définitive du camping en raison du danger d’inondation pour ses occupants. Toutefois, le maire a, par arrêté du 29 juillet suivant, autorisé la réouverture de celui-ci. Après une mise en demeure restée sans suite, l’autorité préfectorale a prononcé, par arrêté du 21 juillet 2011, sur le fondement des dispositions de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, la fermeture définitive du camping. Le propriétaire du camping a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler cette décision. Par un jugement n° 1102087 du 5 février 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.  Le propriétaire du camping a alors interjeté appel de cette décision.  Par un arrêt du 28 septembre 2015, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la requête d’appel. Il s’agit de la décision présentement commentée. En premier lieu, un point de procédure intéressant a été tranché. Le défendeur invoquait une fin de non recevoir tirée d’une méconnaissance de l’article R. 612-5 du code de justice administrative. Aux termes de cet article, « Devant (…) les cours administratives d’appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n’a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l’envoi (…), il est réputé s’être désisté. » En l’espèce, le propriétaire du camping avait intitulé sa requête d’appel « requête sommaire » et y a expressément annoncé la production d’un mémoire ampliatif, qui n’avait pas été produit à la date de la première clôture de l’instruction. Aucune mise en demeure de produire un mémoire complémentaire ne lui a été adressée par la cour administrative d’appel sur le fondement de l’article R. 612-5 du code de justice administrative. En procédant à une application stricte de l’article R. 612-5 du code de justice administrative, le moyen tiré d’un désistement ne pouvait qu’être écarté. Néanmoins, une ordonnance de clôture était intervenue. La question était donc de déterminer si cette ordonnance de clôture valait ou non mise en demeure de produire le mémoire ampliatif. La Cour a répondu qu’ « Une ordonnance de clôture ne valant pas mise en demeure, la circonstance que le mémoire ampliatif a été déposé par le requérant après la première clôture est sans incidence en l’espèce, les textes applicables devant les cours administratives d’appel n’imposant aucun délai pour produire un mémoire ampliatif annoncé dans une requête sommaire et alors au demeurant que l’instruction a été rouverte en raison de la production du premier mémoire en défense du ministre de l’intérieur le 20 octobre 2014, puis la clôture reportée à deux reprises. » La Cour ajoute, en se livrant à une appréciation circonstanciée des faits de l’espèce qu’ « En tout état de cause, le fait que le [propriétaire du camping] ait intitulé sa requête ” requête sommaire ” est sans incidence, dès lors qu’elle est suffisamment motivée, contient l’exposé des faits et moyens ainsi que l’énoncé des conclusions et satisfait ainsi aux exigences de l’article R.411-1 du code de justice administrative. » Cet ajout est surprenant dans la mesure où l’argumentation précédente était très étayée. Elle permet néanmoins de sécuriser la position de la Cour administrative d’appel. En second lieu, le requérant invoquait une méconnaissance des articles L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités locales (violation de la procédure contradictoire et caractère disproportionné de la fermeture). Aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (…) les inondations, (…) ». Aux termes de l’article L. 2215-1 du même code : « La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; (…) ». Le requérant soutenait, d’une part, que le caractère contradictoire de la procédure avait été méconnu. Néanmoins, ces moyens de légalité externe ayant été soulevés « au-delà de l’expiration du délai d’appel », ils étaient irrecevables car ils reposaient sur « une cause juridique distincte des moyens de légalité interne ». Il s’agit là d’une déclinaison classique du principe posé dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 juillet 1954, Société des acieries et forges de Saint-François, n°4190, publié au recueil Lebon aux termes duquel : « Considérant que la Société des aciéries et forges de Saint-François, dans sa requête, s’est bornée à invoquer la prétendue illégalité des décrets susmentionnés; que si, dans un mémoire complémentaire, elle a contesté la régularité desdits décrets par le motif qu’ils n’ont pas été précédés de l’avis du Conseil supérieur du gaz et de l’électricité (…), cette prétention; fondée sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle; que le mémoire dont s’agit a été enregistré au secrétariat du contentieux…

Arbres qui dépassent des propriétés : le trouble anormal de voisinage peut être reconnu mais la demande d’arrachage refusée au nom de la prescription trentenaire (CA Aix en Pce, 18 juin 2015)

Par Aurélien Boudeweel (Green Law Avocat) Dans un arrêt en date du 18 juin 2015 (C.A AIX EN PROVENCE, 18 juin 2015, n°2015/87), la Cour d’appel confirme qu’une demande d’arrachage d’arbres dépassant la hauteur maximale des arbres dans la bande des deux mètres d’une propriété voisine doit être rejetée en cas de prescription trentenaire. Mais pour autant, un trouble anormal de voisinage ouvrant droit à indemnisation est encore possible.  Rappelons que l’article 671 du Code civil dispose : « Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations ». Notons que les dispositions de l’article 671 du Code civil peut fonder une demande tendant à obtenir la taille d’une haie ou l’arrachage d’un arbre puisque le texte ne permet les plantations qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres. Toutefois, le seul fait que des arbres et végétaux avancent sur le fonds voisin, qu’ils respectent ou non les distances légales ne peut pas suffire à caractériser un trouble de voisinage et ouvrir droit à dommages et intérêts. Il faut, pour que le trouble anormal soit reconnu, qu’il en résulte des inconvénients spécifiques, tels qu’une privation de lumière ou une réduction de la visibilité (CA Chambéry, 2e ch., 3 janv. 2006 n° 2006-299528). Si l’existence d’arbres de grande hauteur plantés à la distance légale est donc insuffisante en soi à caractériser un trouble de voisinage, tel n’est plus le cas lorsque ces arbres implantés à une faible distance d’une maison d’habitation occasionnent une gêne importante en diminuant de façon conséquente l’ensoleillement de la propriété et en entraînant des nuisances comme la chute des branches et l’accumulation importante de feuilles mortes (CA Chambéry, 2e civ., 30 août 2005  n° 2005-296675). En l’espèce, des particuliers avaient assigné leurs voisins en sollicitant la suppression d’un peuplier en raison de l’ombre qui produit. Le tribunal d’instance avait rejeté la demande d’arrachage de l’arbre au motif que la prescription trentenaire venait à s’appliquer mais avait refusé de faire droit à une demande d’indemnisation compte-tenu des désordres occasionnés par l’arbre sur leur habitation. La Cour d’appel confirme le jugement de première instance en ce qu’il constate la prescription trentenaire et relève:  « L’expert indique que le peuplier blanc de M. X est planté à 1,30 mètre environ de la limite séparant le fonds de ce dernier de celui de Mme Y, que cet arbre a une hauteur de 18 mètres environ, que son diamètre à 1 mètre de sol est de 0,60 mètre et qu’il a plus de trente ans. Compte tenu de la croissance rapide des peupliers, on peut en déduire de manière certaine que cet arbre avait atteint la hauteur de deux mètres trente ans avant l’assignation du 15 mars 2012, en sorte que M. X est fondé à invoquer la prescription trentenaire pour s’opposer à la demande de Mme Y sur le fondement de l’article 672 du code de procédure civile.  (…) Le droit, pour celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin, de contraindre celui-ci à les couper, étant imprescriptible en application de l’article 673 du code civil, M. X sera condamné à couper les branches de son peuplier avançant sur le fonds de Mme Y.  La cour possède les éléments d’appréciation suffisants pour condamner M.X à payer à Mme Y une indemnité de 2 000 euros en réparation du trouble de voisinage que lui a causé la chute des feuilles provenant des branches avançant sur son fonds.  Dans la mesure où l’expertise n’était pas nécessaire pour établir la preuve de l’existence de branches avançant sur son fonds, Mme X sera condamnée à en supporter les frais.  […] » ;   Tout en reconnaissant la prescription trentenaire opposable à la demande de suppression du peuplier, la Cour reconnaît donc l’existence d’un trouble anormal de voisinage permettant une indemnisation des requérants. Concrètement : le trouble anormal n’est pas soumis à la prescription de 30 ans, mais la demande d’arrachage fondée sur l’article 671 du code civil peut, elle, être tardive s’il s’avère que l’arbre ne respecte pas les dispositions de cet article 671 du code civil depuis plus de 30 ans. Rappelons que la théorie des troubles anormaux de voisinage est purement prétorienne. Il s’agit d’une responsabilité particulière en ce qu’elle est autonome, c’est-à-dire détachée de toute faute de la part du voisin trublion et donc du fondement des articles 1382 et suivants du Code civil(Cass. 1re civ., 18 sept. 2002 : Bull. civ. 2002, I, n° 200. – Cass. 3e civ., 24 sept. 2003 : Juris-Data n° 2003-020379 ; Bull. civ. 2003, III, n° 160 ; Gaz. Pal. 24-25 mars 2004,). Il faut que la victime d’un trouble de voisinage démontre que celui-ci est « anormal » afin d’obtenir une réparation en nature ou par équivalent. Il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement (Cass. 3e civ., 3 nov. 1977 : D. 1978, p. 434, note Caballero. – Cass. 2e civ., 19 mars 1997 : D. 1998, somm. p. 60, obs. Robert. – Cass. 3e civ., 27 mai 1999 : Bull. civ. 1999, II, n° 100. – Cass. 3e civ., 5 févr. 2004 : Bull. civ. 2004, II, n° 49 ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 137, note Groutel) si tel ou tel agissement constitue ou non, en fonction des circonstances de temps et de lieu, un trouble anormal de voisinage. L’arrêt de la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE est l’occasion de rappeler aux particuliers la nécessité d’agir sans tarder s’ils veulent obtenir l’arrachage ou la taille des arbres trop hauts ou trop proches car ils se verront sinon opposer une prescription de 30 ans. Il ne leur restera alors que la voie des troubles anormaux de voisinage, qui est d’interprétation plus stricte, moins automatique que l’article 671 du code civil et qui suppose de prouver un trouble « anormal ».

Compatibilité entre un POS et une déclaration d’utilité publique (DUP) : quelles sont les conditions à respecter ? (CE, 27 juill.2015)

Par Marie-Coline Giorno Green Law Avocat Il est fréquent qu’un projet faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique nécessite une mise en compatibilité du document d’urbanisme. Toutefois, comment déterminer si un projet est ou non compatible avec un document d’urbanisme ? C’est tout l’objet de la décision du Conseil d’Etat du 27 juillet 2015 (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 27 juillet 2015, n° 370454, Mentionné au Recueil Lebon). Les faits de l’espèce étaient les suivants. Le 9 juillet 2008, un sous-préfet a pris un arrêté portant déclaration d’utilité publique d’un projet de déviation de route départementale. Une association de riverains a demandé au Tribunal administratif de Nîmes d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté. Par un jugement n° 0802903 du 1er juin 2011, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. L’association a alors interjeté appel de ce jugement. Par un arrêt n° 11MA02911 du 23 mai 2013, la Cour administrative d’appel de Marseille, a annulé l’arrêté du sous-préfet du 9 juillet 2008 et réformé le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en ce qu’il avait de contraire à son arrêt. Un pourvoi fut alors formé devant le Conseil d’Etat par le département du Gard. Les questions de droit que la Haute Juridiction devait trancher étaient de savoir si la Cour administrative d’appel de Marseille avait ou non commis une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique en estimant que le projet ne pouvait être regardé comme compatible avec le plan d’occupation des sols (POS) de la commune. Aux termes de son analyse, le Conseil d’Etat a rappelé les dispositions de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme dans leur version alors en vigueur. Cet article énonçait la procédure à suivre en présence d’une incompatibilité entre une déclaration d’utilité publique (DUP) et un plan local d’urbanisme (PLU). Certes, en l’espèce, le document d’urbanisme n’était pas un PLU mais un POS. L’application de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme dans sa version alors en vigueur pourrait donc surprendre. Néanmoins, il convient de rappeler que l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme s’imposait également lorsqu’un POS n’était pas compatible avec le projet faisant l’objet de la DUP en vertu des dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’urbanisme alors en vigueur. Après avoir rappelé les termes de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel « l’opération qui fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un plan d’occupation des sols qu’à la double condition qu’elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans ce plan et qu’elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue ». Deux conditions cumulatives sont donc requises pour qu’une opération faisant l’objet d’une DUP soit regardée comme compatible avec un POS : L’opération ne doit pas être de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans le POS ; L’opération ne doit pas méconnaître les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue. En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait considéré que le tracé routier envisagé pour la déviation des routes passait par des parcelles classées en zone NC sur une commune alors que le règlement du plan d’occupation des sols de cette commune précisait que la zone NC est une « zone naturelle à protéger en raison de la valeur économique des sols et réservée à l’exploitation agricole ». La Cour avait également souligné que le projet de déviation était sans rapport avec les besoins de la desserte des constructions autorisées par le règlement en zone NC et qu’il ne s’inscrivait pas dans l’un des cas d’utilisation du sol autorisés le plan d’occupation des sols. Selon le Conseil d’Etat, « en déduisant de ces constatations que le projet en cause ne pouvait être regardé comme ” compatible ” avec le plan d’occupation des sols de la commune […] et que celui-ci aurait dû faire l’objet d’une mise en compatibilité, alors même que les parcelles classées en zone NC de la commune représentent près de 2 000 hectares et que le projet de déviation ne concernerait qu’une superficie d’environ 4 hectares située sur un versant de montagne boisé ne faisant l’objet d’aucune exploitation agricole, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit et a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; ». Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi. Cette décision est intéressante en ce qu’elle nous paraît clarifier le régime de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme en présence d’une DUP. Désormais, les critères afin d’apprécier si le document d’urbanisme est compatible avec le projet faisant l’objet d’une DUP sont fixés : il convient de déterminer, d’une part, si l’opération est de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans le document d’urbanisme de la commune et, d’autre part, si l’opération méconnaît les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue. Bien que les dispositions du code de l’urbanisme aient depuis été modifiées, la double condition posée par le Conseil d’Etat dans sa décision nous paraît transposable au régime actuellement en vigueur dans la mesure où les articles L. 123-14 et L. 123-14-2 ne précisent nullement ce qu’il faut entendre par « compatibilité » entre le document d’urbanisme et le projet faisant l’objet de la DUP. En outre, le principe posé par le Conseil d’Etat nous paraît pouvoir être valablement mis en œuvre tant en ce qui concerne les POS que les PLU en vertu des dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’urbanisme. En conséquence, sous couvert d’un considérant de principe fondé sur les anciennes dispositions du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat paraît donc faire une mise au point sur la notion de « compatibilité » parfaitement transposable à la législation actuellement en vigueur.

Surveillance des eaux: l’arrêté du 25 janvier 2010 sur le programme de surveillance modifié (Arr. 7 août 2015)

Un arrêté du 27 juillet 2015 est venu modifier l’arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l’état des eaux en application de l’article R. 212-22 du code de l’environnement a été publié au Journal officiel du 28 août 2015. Il a pour objet de mettre à jour les règles d’évaluation de l’état des eaux, notamment avec de nouveaux indices, des seuils harmonisés au niveau de l’Union européenne, et une liste actualisée des polluants chimiques. Plus précisément, il intègre les nouvelles exigences de la directive relative aux substances (2013/39/UE), les avancées scientifiques et techniques tout en développant les synergies avec d’autres surveillances pour maîtriser les coûts de la surveillance. Il sera noté en particulier une nouvelle disposition de l’arrêté du 25 janvier 2010 prévoyant qu’un “programme de suivi du réseau de référence pérenne est établi en métropole pour chaque type de cours d’eau, afin d’établir des conditions de référence caractéristiques des valeurs du très bon état écologique pour les éléments de qualité biologique, physico-chimique et hydromorphologique. Les conditions de référence sont établies, avec un niveau de confiance suffisant, pour définir les limites de classes des éléments de qualité écologique. Ces valeurs de référence sont actualisées tous les six ans pour prendre en compte les changements à long terme des conditions de référence, notamment les changements climatiques. II.-Le choix des sites et la méthode de description des pressions anthropiques s’exerçant sur les sites du réseau de référence pérenne pour les cours d’eau sont définis selon la méthodologie décrite à l’annexe XIV au présent arrêté. III.-Les éléments de qualité, paramètres ou groupes de paramètres contrôlés sont définis à l’annexe XV au présent arrêté complétée par l’annexe I au présent arrêté indiquant les éléments de qualité biologique pertinents par type d’eaux de surface.” Au-delà des modifications techniques apportées au programme de suivi, il est intéressant de noter que le nouveau texte prévoit que le programme de surveillance est régulièrement mis à jour après consultation du comité de bassin et surtout qu’il “est actualisé, a minima, trois mois après la mise à jour des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux prévue à l’article L. 212-2 du code de l’environnement“. Ce texte concerne certes en premier lieu les préfets coordonnateurs de bassin, les comités de bassin et les opérateurs du programme de surveillance mais les sources d’information que permettent les programmes de suivi demeurent intéressants à exploiter pour tout bureau d’étude, aménageur et industriel intervenant dans la zone et en charge d’une évaluation des impacts.