ACCA : seule une constante opposition éthique à la chasse est opérante selon la CEDH

Un propriétaire foncier français qui n’est pas un opposant éthique à la chasse peut se voir contraint d’inclure son fonds au périmètre d’une association communale de chasse agréée sans que cela puisse être considéré comme discriminatoire et portant atteinte au droit de la propriété privée au sens de l’article 14 la Convention Européenne des Droits de l’Homme (combiné avec l’article 1 du Protocole n°1 combiné de la même convention).   Ainsi en a jugé la Grande chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) par un arrêt du 4 octobre 2012, Chabauty c. France, n°57412/08.   En France, depuis l’abolition des privilèges le 4 août 1789, un propriétaire foncier est par principe le titulaire du droit de chasse sur ses terres. Cependant, dans le but d’assurer une meilleur gestion du capital cynégétique, le législateur a décidé par la loi n°64-696 du 10 juillet 1964, dite loi Verdeille, d’introduire un tempérament à ce principe. Ainsi, elle rend obligatoire la création d’Associations Communales de Chasses Agréées (ACCA) dans certains départements. La création d’une ACCA a pour effet le regroupement de plusieurs territoires de chasse en un seul territoire sur lequel les membres de l’association vont pouvoir chasser. Les dispositions relatives aux territoires de chasse sont alors codifiées dans le Code rural aux articles L.222-1 et suivants.   Jusqu’à la loi n°2000-698 du 26 juillet 2000, seuls les propriétaires d’un fonds d’une superficie importante – c’est-à-dire supérieure à un certain seuil fixé par la loi de 1964 en fonction des départements – pouvaient s’opposer à l’inclusion de leur fond dans le territoire de chasse de l’ACCA ou en demander le retrait. Cela revient dans certains cas, à obliger les propriétaires de fonds de petite superficie à apporter leur terrain à une ACCA, alors qu’ils sont opposés pour des raisons éthiques à la pratique de la chasse ou qu’ils souhaitent affecter leur terrain à la création de réserves naturelles où la chasse est prohibée. La Cour Européenne des Droits de l’Homme, saisi d’un contentieux relatif à cette situation condamne la France le 29 avril 1999 (CEDH, 29/04/09, Chassagnou et autres c. France) pour violation, au travers de la loi Verdeille, de l’article 1 du Protocole n°1 et de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.   Réagissant à cette condamnation, le législateur français ajoute, par la loi n°2000-698, la possibilité pour tout propriétaire de s’opposer à ce que ses terrains soient inclus dans le périmètre d’une ACCA au nom de ses convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse. Cette opposition a obligatoirement pour effet l’interdiction de l’exercice de la chasse sur ses biens, y compris pour lui-même. On retrouve cette nouvelle possibilité à l’article L.222-10, 5° du Code rural jusqu’au 21 septembre 2000, date à laquelle cet article, tout comme les autres dispositions relatives à la chasse, sont transférés au Code de l’environnement aux articles L.420-1 et suivants. Ainsi, les règles relatives aux territoires ne pouvant être soumis à l’action de l’ACCA sont désormais codifiées à l’article L.422-10 du Code de l’environnement.   Dans l’affaire Chabauty contre France dont la CEDH a été saisie, il s’agit d’un propriétaire de terrains de petite superficie inclus dans le périmètre d’une ACCA mécontent de ne pas être le seul à détenir un droit de chasse sur ses propriétés. C’est tout d’abord en faisant état de ses convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse qu’il demande au préfet des Deux-Sèvres en septembre 2002 le retrait de ses terres du périmètre de l’ACCA. Cependant, en décembre 2003, il revient sur la motivation initiale de sa demande, pour la refonder sur l’article 1 du Protocole n°1 combiné à l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Le préfet ne fait pas droit à sa demande en février 2004, celle-ci n’étant pas fondée sur un des points de l’article L.442-10 du Code de l’environnement. S’en suit alors un long contentieux entre le propriétaire des terrains et l’ACCA dans le périmètre de laquelle les terrains sont inclus.   La décision du 16 juin 2008 rendue par le Conseil d’Etat en faveur de l’ACCA ne satisfait pas le propriétaire et ce dernier forme alors une requête devant la CEDH contre la République Française. Il dénonce la discrimination opérée par la France entre les grands propriétaires et les petits propriétaires par le biais de l’article L.422-10 du Code de l’environnement comme violant l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du protocole de la Convention précitée. En effet, il soutient que par l’arrêt Chassagnou et autres, (CEDH, 29/04/1999, Chassagnou et autres c. France, n° 250894, 28331/95 et 28443/95)  la CEDH a « condamné le principe même de l’apport forcé de terrains aux ACCA, que les propriétaires concernés soient ou non opposés à la chasse, au motif qu’aucune raison objective et raisonnable ne justifiait que seuls les petits propriétaires y soient astreints, d’autant moins que le système institué par cette loi n’est applicable que sur une partie du territoire national ».   Cependant, la Cour va tout d’abord s’opposer à l’interprétation du requérant de l’arrêt Chassagnou et autres en retenant que les constats de violation auxquels est parvenue la Cour dans cet arrêt « reposent de manière déterminante sur le fait que les requérants étaient des opposants éthiques à la chasse dont les choix de conscience étaient en cause » (§41). Elle poursuit en décidant que « le requérant n’étant pas un opposant éthique à la chasse, on ne peut en l’espèce déduire de l’arrêt Chassagnou et autres une violation de l’article 14 combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1 » (§47).   Ensuite, la Cour va relever que « les propriétaires fonciers dont les terrains sont inclus dans le périmètre d’une ACCA perdent uniquement l’exclusivité de la chasse sur leurs terres : leur droit de propriété n’est pas autrement altéré. En outre, en contrepartie, ils sont de droit membres de l’ACCA, ce qui leur donne la possibilité non seulement de chasser sur l’espace constitué par l’ensemble des terrains réunis dans ce périmètre mais aussi de participer à…

Antennes relais : une compétence judiciaire résiduelle

Par deux décisions en date du 17 octobre 2012 (pourvois n° 10-26.854 et n° 11-19.259), la Première chambre civile de la Cour de cassation confirme l’incompétence du juge judiciaire pour connaître du contentieux relatif à l’implantation des antennes relais. Elle se reconnaît néanmoins compétente en matière d’indemnisation des dommages causés par une antenne relais. Les décisions de la Cour de cassation confirment la position adoptée par le Tribunal des conflits dans ses décisions du 14 mai 2012 sur la compétence juridictionnelle (n° C-3844, C-3846, C-3848, C-3850, C-3854 reproduits in CPEN – cf. B. Steinmetz, « Antenne relais de téléphonie mobile et pluralité de compétences juridictionnelles », Environnement n° 8, Août 2012, comm. 72 ; cf. également la décision TC, 15 oct. 2012, n° 3875). Suivant le même raisonnement, la Cour de cassation dans ses deux décisions concède qu’existe une police de la communication dans laquelle le juge judiciaire ne saurait s’immiscer et reconnaît ainsi par principe l’incompétence de l’ordre judiciaire dans le cas d’une « action portée devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le fondement, aux fins d’obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique ». Mais la Cour de cassation se reconnaît toutefois compétente pour les actions en dommages et intérêts stricto sensu qui concernent une antenne relais n’ayant pas la qualité d’ouvrage public et engagées sur le fondement des troubles anormaux de voisinage. Dans l’espèce n° 10-26.854 le tiers exposés aux antennes avait fait assigner, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, les sociétés SFR et Orange France devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes d’argent en réparation de son trouble de jouissance et de son préjudice physique et moral et à procéder au blindage de son appartement, en alléguant des troubles d’électro hypersensibilité qu’il attribuait à l’installation d’antennes relais de téléphonie mobile dans son quartier. On remarquera que la réparation en nature impliquerait d’engager des travaux qui certes ne remettent pas en cause le droit d’émettre et l’implantation mais grèvent l’activité de l’opérateur. Il faut saluer la volonté de la Cour de cassation de conserver ce chef de compétence, tant il est évident que le juge judiciaire demeure bien plus enclin ces dernières années à protéger l’individu des risques sanitaires controversés que le juge administratif : le Conseil d’Etat, pour sa part, demeure subjugué par la perception étatique du risque géré par ses élites qu’il tend à faire primer, sous le prisme de l’intérêt général, sur les contestations individuelles. C’est dire que l’indemnisation ou la réparation en nature (à l’exclusion du démantèlement) du risque sanitaire mais également de la perte de valeur des immeubles du fait de l’implantation d’une antenne relai demeurent toujours indemnisables devant le juge judiciaire ; sauf, pour l’opérateur, à démontrer que l’antenne constitue un ouvrage public. Mais comme le remarque B. Steinmetz – art. cit. – le juge judiciaire étant très exigeant pour retenir cette qualification, cela demeure une hypothèse résiduelle : CA Montpellier, 15 sept. 2011, RG n° 10/04612.    Les décisions rendues par la Cour de cassation devraient donc régler de manière définitive la question de la compétence juridictionnelle dans le contentieux des antennes relais. Une vigilance particulière doit donc être portée sur la nature exacte des demandes aux fins de déterminer la juridiction (administrative ou judiciaire) compétente. Et on l’aura compris, si le riverain de l’antenne relai entend saisir le juge judiciaire, il faudra pour son conseil se convaincre que la demande indemnitaire ne met pas en cause un ouvrage public et ne constitue pas non plus une immixtion dans la police spéciale des télécommunications. Dans le cas contraire, saisir le juge administratif s’imposera mais n’aura d’intérêt que pour faire cesser un trouble du fait de l’ouvrage dont l’anormalité sera bien périlleuse à démontrer, tant du moins que la jurisprudence du Conseil d’Etat refusera de déceler un risque pour la santé humaine dans le fonctionnement réglementaire des antennes relais (CE, 19 juill. 2010, n° 328687, Ass. du quartier Les Hauts de Choiseul). Aurélien BOUDEWEEL, Green law avocat

ICPE/ servitudes: l’indemnisation dans le temps des servitudes édictées (Cour de cass, 12 septembre 2012, n°11-10687)

Dans une décision Cour de Cassation, 3ème chambre civile, 12/09/2012, n°11-10687, la Cour de cassation a jugé que les servitudes d’utilité publique instituées avant le 28 février 2002 sur des terrains pollués par l’exploitation d’une installation ne peuvent ouvrir droit à leur indemnisation par l’exploitant. Ce faisant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en précisant que la loi n°2002-276 du 27 février 2002 instituant l’indemnisation des servitudes prévues à l’article L515-11 du code l’environnement dispose uniquement pour l’avenir.   Les faits: Dans cette affaire, il s’agit d’une société foncière A. ayant acquis en 1995 un terrain sur lequel a été institué au mois de février 2000, des servitudes d’utilité publique telles que prévues au Code de l’environnement aux articles L515-8 à L515-12, en raison de la présence d’une pollution résiduelle à l’amiante. En effet, sur ce terrain, a été exploitée jusqu’en 1986 par la société B., une installation classée pour la protection de l’environnement ayant engendrée des pollutions. La société foncière A., se prévalant d’un préjudice direct, matériel et certain résultant de l’institution de ces servitudes, saisi le juge de l’expropriation, pour que celui-ci fixe l’indemnité que devra lui payer le dernier exploitant du site, c’est-à-dire la société B., en réparation de ce préjudice. Le juge de l’expropriation, au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, prend la décision de chiffrer le préjudice à la somme de 1 143 368 euros. La société B. arguant notamment que la société A. aurait acquis le terrain litigieux dans le but d’obtenir une indemnité conteste le droit à indemnisation de cette société en interjetant appel de la décision du juge de l’expropriation devant la Cour d’appel de Bordeaux. La Cour d’appel de Bordeaux, par un arrêt en date du 24 novembre 2010 va infirmer la décision du juge de l’expropriation en réformant son évaluation du préjudice à 1 189 102,32 euros tout en décidant, cependant, que les conditions d’indemnisation prévues à l’article L.515-11 du Code de l’environnement étaient bien remplies par la société A.   La société B., insatisfaite de cette décision, se pourvoit en cassation. Elle soutient dans un moyen principal que la Cour d’appel a violé les articles 2 du Code civil, et L515-11 et L515-12 du Code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la loi n°2002-276 du 27 février 2002. Les juges de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation vont lui donner raison en affirmant que la loi du 27 février 2002, « a ajouté à l’article L. 515-12 du code de l’environnement, l’indemnisation, dans les conditions prévues à l’article L. 515-11, des servitudes prévues aux articles L. 515-8 à L. 515-11 pouvant être instituées sur des terrains pollués par l’exploitation d’une installation, (…) » et qu’ « En l’absence d’une disposition contraire expressément affirmé par le législateur, la loi n°2002-276 du 27 février 2002 (…) ne dispose que pour l’avenir »… autrement dit, que les servitudes instituées avant l’entrée en vigueur de la Loi ne pouvaient donner lieu à une indemnisation.   La servitude dont il est question dans le litige ayant été instituée le 14 février 2000, la Cour de cassation conclue en la violation par la Cour d’Appel de Bordeaux des articles précités. Elle décide, par suite, en réponse à un moyen annexe que l’institution avant le 28 février 2002 de servitudes d’utilité publique sur des terrains pollués par l’exploitation d’une installation ne peut ouvrir droit à leur indemnisation par l’exploitant.     Une solution critiquable au vu des travaux parlementaires   Si cette solution peut sembler de prime abord dans la droite ligne de la jurisprudence en matière de non-rétroactivité de la loi, elle apparait, dans une lecture plus approfondie, être inappropriée en l’espèce. En effet, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation avait déjà jugé par un arrêt du 1er octobre 2008 (3ème civ., 01/10/2008, n°07-15717), que, concernant l’article L.515-8 du Code de l’environnement, la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 n’était pas rétroactive. Cette loi avait eu pour effet d’étendre le champ d’application des servitudes prévues à cet article aux risques supplémentaires créées par une installation nouvelle sur un site existant et par conséquence avait ouvert droit à leur indemnisation. Ainsi, en  application du principe de non rétroactivité, le juge judiciaire est venu affirmer que seules des installations nouvelles postérieure à la loi du 30 juillet 2003 et créant des risques supplémentaires pouvaient ouvrir droit à indemnisation.  Par conséquent, la position de la Cour de cassation dans son arrêt du 12 septembre 2012 est, concernant le principe de non-rétroactivité, en accord avec ses décisions antérieures.   Cependant, l’affirmation par la Cour de cassation de l’inexistence avant 2002 d’une possibilité d’indemnisation de la part de l’exploitant des servitudes d’utilité publique prévues à l’article L.515-12 du Code de l’environnement est plus critiquable. En effet, en prenant cette décision, elle valide le premier moyen de cassation présenté par l’avocat de la société B et selon lequel : « l’institution des servitudes d’utilité publique prévues par l’article 7.5 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 197 6, devenu article L. 515-12 du code de l’environnement, ne pouvait, jusqu’en 2002, donner lieu à indemnisation de la part de l’exploitant ; que ce n’est que depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, non rétroactive, qu’est ouverte la possibilité d’indemnisation des servitudes de l’article L. 515-12 du code de l’environnement, dans les conditions prévues à l’article L. 515-11 du même code ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le juge de l’expropriation était saisi, en application de l’article L. 515-11 du code de l’environnement, d’une demande indemnitaire formée par la société A. à l’encontre de la sociétéB., ancien exploitant de l’installation polluante, et ayant pour fondement l’institution de servitudes résultant de l’arrêté préfectoral édicté le 14 février 2000, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi précitée de 2002 ; que dans ces conditions, le prétendu préjudice lié à l’institution de la servitude n’était pas indemnisable par l’exploitant ».   En validant ce moyen,…

Opérateurs éoliens : obtenez et participez à la prochaine consultation annoncée !

Nouvelle censure constitutionnelle de la non-conformité du processus d’élaboration des prescriptions techniques applicables aux ICPE sur la base de l’article 7 de la Charte de l’environnement (décision  n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 « Association France Nature Environnement »)   Saisi le 17 avril 2012 par le Conseil d’Etat de la question prioritaire de constitutionnalité (« QPC »- art. 61-1 de la Constitution) soulevée par France nature environnement (FNE) relative à la conformité avec l’article 7 de la Charte de l’environnement des dispositions de l’article L. 512-5 du code de l’environnement – tel que modifié par l’article 97 de la loi Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit en date du 17 mai 2011-, 2, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l’article L. 512-5 du code de l’environnement qui prévoient que « les projets de règles et prescriptions techniques font l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques » en raison de l’absence de participation du public à l’élaboration des décisions publiques (décision n° 2012-262 QPC en date du 13 juillet 2012). Cependant, comme les y autorise l’article 62 de la Constitution, les juges de la rue de Montpensier  ont reporté la date d’abrogation de ces dispositions au 1er janvier 2013. Ce faisant, le législateur  devrait disposer du temps nécessaire pour adapter les dispositions juridiques afférentes aux installations classées à l’obligation de participation du public posée dans l’article 7 de la charte de l’environnement (dont les dispositions ont valeur constitutionnelle – cf. décision n°2008-564 DC du 19 juin 2008 «  Loi relative aux organismes génétiquement modifiés »).                         Cette décision s’inscrit dans le sillage de la décision n°2011-183/184 du 14 octobre 2011 « association France Nature Environnement » par laquelle il a invalidé – également à compter du 1er janvier 2013 –  les dispositions de l’article L. 511-2 du code de l’environnement ne prévoyant pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées ainsi que les dispositions de l’ordonnance du 11 juin 2009 codifiées à l’article 512-7 III   suivant lesquelles « les projets de prescriptions générales font l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant transmission pour avis au Conseil supérieur des installations classées. Après avis du Conseil supérieur des installations classées et consultation des ministres intéressés, ces prescriptions générales sont fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées » :  le Conseil constitutionnel affirme qu’aucune disposition législative n’assure la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement  (ICPE). Effectivement, les dispositions de l’article L. 120-1 du code de l’environnement  qui prévoient que « les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement font l’objet soit d’une publication préalable du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, soit d’une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision  en cause et dont la consultation est obligatoire »  s’appliquent sauf disposition particulière relative à la participation du public (décision n° 2012-262 QPC).  Ces dispositions ne pouvaient être qu’écartées par le Conseil constitutionnel dès lors que le législateur, avec les dispositions de l’article 97 de la loi du 17 mai 2011 (codifiées à l’article L. 512-5, al.1er, dernière phrase), a introduit dans le code de l’environnement une disposition particulière applicable aux installations classées soumises à autorisation. Or, avec la rédaction de l’article L. 512-5 du code de l’environnement  le législateur n’a pas permis  d’assurer la mise en œuvre effective du principe de participation.   Néanmoins, considérant que l’abrogation immédiate des dispositions litigieuses de l’article L. 512-5 du code de l’environnement « aurait pour seul effet de faire disparaître les dispositions permettant l’information du public sans satisfaire aux exigences de participation de ce dernier », le Conseil constitutionnel aligne la date d’abrogation des dispositions en cause sur celle choisie dans la décision n° 2011-183/184 QPC ( soit le 1er janvier 2013), ce qui devrait permettre au législateur de préciser dans un seul et même texte les conditions et les limites dans lesquelles doit être opérée la participation du public à l’élaboration des décisions du public conformément aux dispositions de l’article  7 de la charte de l’environnement  aux termes desquelles  « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».             On pourrait se féliciter de ces deux abrogations constitutionnelles de la loi pour méconnaissance du principe de participation, si elles ne réduisaient pas la constitutionnalisation de l’environnement à pas grand-chose au final. Deux critiques nous semblent ici essentielles. D’abord on aura compris que le juge constitutionnel n’assume pas les conséquences des abrogations qu’il prononce et désavantage de façon inadmissible certains justiciables. Ainsi ce n’est pas une vue de l’esprit pour les opérateurs éoliens qui ont saisi le Conseil d’Etat  de la légalité du décret de classement éolien en invoquant le principe de participation constitutionnalisé : ce dernier leur a opposé, le même jour, l’abrogation reportée par le Conseil constitutionnel du décret au 1er janvier 2013 (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577). Le praticien sourit sur ce qui justifie la modulation dans le temps de l’abrogation retenue par le Conseil constitutionnel… sachant qu’aucune autorisation ICPE n’a encore été délivrée à ce jour pour les éoliennes et que les procédures de PC imposent a minima une étude d’impact. Mais au final le décret est sauvé et c’est un véritable déni d’inconstitutionnalité dont aura été victime sinon la filière, au moins les opérateurs qui auront eu l’audace de saisir le juge. Heureusement nos confrères ne manquent pas d’imagination ; certains, comme notre confrère Carl Enckell, disent déjà avoir trouvé la parade dans un astucieux recours gracieux contre le décret dès qu’entre en vigueur l’abrogation constitutionnelle. ….Effectivement au regard de la jurisprudence il y a bien…

Le Conseil d’Etat valide le décret de classement ICPE des aérogénérateurs (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577)

Nous avons suivi sur le Blog de Green Law Avocat le combat mené par deux opérateurs éoliens contre le classement ICPE des aérogénérateurs. On ne se faisait guère d’illusion quant au sort qui serait réservé à la QPC qui mettait en cause le principe même d’un classement des éoliennes. Au contraire nous fondions de vrais espoirs dans une contradiction évidente entre la loi elle-même et le décret. Les répliques d’Audiard perdurent par leur résonance … Autant s’en remettre à ce monument du genre que constitue « Les Tontons » pour concéder que cet espoir a été victime du porte-flingue du Gouvernement. L’arrêt est sans appel: le Gouvernement pouvait selon le Conseil d’Etat aggraver les conditions du classement éolien (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577).   « La puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours » On pouvait considérer que la stratégie contentieuse consistant à soutenir devant le Conseil d’Etat la non-conformité du décret de classement à la loi Grenelle II était la bonne. En effet, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 codifiée à l’article L. 553-1 du code de l’environnement, dans son dernier alinéa, prévoit la soumission au régime de l’autorisation ICPE des « installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent constituant des unités de production telles que définies au 3° de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, et dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l’article L. 511-2, au plus tard un an à compter de la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 précitée ». Étant rappelé que le 3° de l’article 10 de la précitée du 10 février 2000 vise « les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien terrestre définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 ou qui sont implantées sur le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive et les installations qui utilisent l’énergie marine, l’énergie solaire thermique ou l’énergie géothermique ou hydrothermique. Ces installations doivent constituer des unités de production composées d’un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq, à l’exception de celles pour lesquelles une demande de permis de construire a été déposée avant la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et de celles composées d’une machine électrogène de puissance inférieure ou égale à 250 kilowatts et dont la hauteur du mât est inférieure à 30 mètres », les opérateurs requérants en ont logiquement déduit qu’en vertu de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, n’étaient soumis à autorisation que les aérogénérateurs de plus de 50 m, faisant partie d’une unité de production composée d’un nombre de machines au moins égal à cinq. Or le décret querellé contredit incontestablement les conditions de classement ainsi posées par la loi, à plusieurs titres : une seule éolienne de 50 mètres au mat ou 20 MW éoliens sont encore soumis à autorisation par l’administration. D’ailleurs le Conseil d’Etat a bien été contraint de se ranger à cette évidence : “Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, issu du VI de l’article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, et du 3° de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité auquel renvoient ces dispositions, que le législateur a entendu que les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent constituant des unités de production composées d’un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq et dont la hauteur des mâts dépasse cinquante mètres soient soumises au régime de l’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement prévu par l’article L.511-2 du même code“. « Sans être franchement malhonnête, au premier abord, comme ça, il… a l’air assez curieux  cet arrêt ». Mais selon la Haute juridiction, « toutefois, il ne résulte ni de ces dispositions, ni des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 12 juillet 2010 que le législateur ait entendu priver le Premier ministre de l’exercice du pouvoir de police spéciale qu’il détient en vertu de l’article L. 511- 2 du code de l’environnement pour soumettre à autorisation, enregistrement ou déclaration les autres installations présentant des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit encore pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Quand le silence de la loi coïncide avec celui des travaux parlementaires, « faut plus comprendre, faut prier », nous dit Audiard ! Il est permis de ne pas être convaincu par cette analyse, qui rejoint celle présentée, sans réelle conviction, par le Ministre de l’écologie dans ses écritures en défense produites quelques jours seulement avant l’audience et finalement reprise par M. le Rapporteur public. Mais alors, on se demande bien pourquoi le législateur a pris la peine de définir de manière précise, aussi bien au regard de la hauteur des mâts que du nombre d’aérogénérateurs, les conditions de la soumission à autorisation. Peu importe, autrement dit, ce que le législateur a décidé à cet égard, puisqu’en tout état de cause l’administration restait libre de faire ce qu’elle voulait sur le sujet…  Au contraire, il est évident que lorsque la question du classement et en particulier de la soumission à la procédure, lourde, d’autorisation des éoliennes est apparue par le biais d’amendements au cours des débats, ceux-ci ont précisément consisté à dégager une solution alors jugée équilibrée, en ne soumettant à autorisation que les aérogénérateurs répondant à certaines conditions. Mais l’administration est passée outre. A…