ICPE/ Entrepôts: attention à la qualité d’exploitant en titre lorsque le locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles! (CAA Versailles, 31 oct.2013, n°11VE02431)

Par un arrêt lu le 31 octobre 2013 « Société I. » n° 11VE02431, la Cour administrative d’appel de Versailles précise que l’ « exploitant » d’une ICPE est celui qui a obtenu du Préfet le récépissé de déclaration, et ce indépendamment du fait que l’exploitation effective de l’installation soit laissée à d’autres sociétés commerciales. En conséquence de quoi, c’est à cet exploitant que doit être adressé un arrêté de mise en demeure de respecter les conditions d’exploitation de l’installation classée en question. Déjà nous pouvions nous interroger en ces termes : « la qualité d’exploitant s’apprécie-t-elle in abstracto (en fonction du titre) ou in concreto (en fonction de l’exploitation réelle) ? (D.DEHARBE, Les installations classées pour la protection de l’environnement, Litec, 2007, pt. 419). La décision de la CAA de Versailles fournit une réponse claire à cette question mais elle n’est pas sous soulever de nouvelles interrogations au sujet d’une situation devenant alors problématique, quasi-piégeuse pour l’exploitant en titre car quels que soient les aménagements conventionnels conclus relatifs à la délégation de l’exploitation de l’installation, c’est toujours au titulaire du titre d’exploitant que l’administration enjoindra de se conformer à la règlement ICPE. Les faits étaient simples : la société I. s’est vue délivrer un permis de construire en vue de la reconstruction d’un bâtiment à usage de stockage et d’industrie. Parallèlement, la société I. a établi une déclaration pour l’exploitation, sous la rubrique 1510-2 de la nomenclature ICPE (soit l’activité d’entrepôt) pour un bâtiment composé de cinq cellules. Cela a donné lieu à un récépissé de déclaration qui constitue son titre. Par la suite, la société I. a donné à bail à des sociétés commerciales une partie du bâtiment dont l’une des ces sociétés exploitait un dépôt de pétards et d’artifices – relevant de la rubrique 1311 de la nomenclature ICPE – sans déclaration préalable. Une visite de contrôle pointait, en substance, l’absence de conformité des conditions d’exploitation de l’entrepôt à la réglementation applicable et conduisait in fine à l’arrêté de mise en demeure pris par le Préfet de la Seine-Saint-Denis à l’encontre de la société I. Le Tribunal administratif de Montreuil a d’abord rejeté la demande la société requérante d’annulation de l’arrêté de mise en demeure de régulariser sa situation administrative  d’annuler en déposant un dossier modificatif de déclaration. La société I. a alors interjeté appel du jugement en développant plusieurs moyens : –        Le jugement serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation car les installations, qui ont fait l’objet de la mise en demeure querellée, sont exclusivement exploitées par la société A ; –        La société I. n’est que propriétaire des locaux exploités et à ce titre, ne pouvait légalement être mise en demeure au titre de la législation sur les ICPE ; –        Les preneurs des locaux –  la société A – se sont contractuellement engagés pour l’exercice de leur activité commerciale à obtenir les autorisations administratives nécessaires ; –        Dès lors, il appartenait aux seuls preneurs des locaux de déposer la déclaration prévue à l’article R. 512-68 du code de l’environnement (déclaration d’un nouvel exploitant). La Cour constate d’abord que l’article R. 512-68 du code de l’environnement oblige « le nouvel exploitant » à déclarer au préfet « dans le mois qui suit la prise en charge de l’exploitation », les informations inhérentes à la personne et à l’activité du nouvel exploitant. La Cour considère que cet article ne s’applique pas en l’espèce puisque la société I. s’est vue délivrer un récépissé de déclaration pour l’exploitation d’un entrepôt couvert. Pour rejeter le moyen selon lequel seuls les preneurs des locaux exploitaient l’exploitation, ce qui empêcherait la société I. d’être mise en demeure, la Cour relève : « Qu’il résulte de l’instruction qu’en l’absence de toute déclaration auprès des services préfectoraux compétents d’un changement d’exploitant dans les conditions prévues par les dispositions susvisées, la Société I. est demeurée exploitante en titre de l’ensemble immobilier objet du récépissé délivré par le Préfet de la Seine-Saint-Denis le 8 mars 1999 ; » Par suite, la CAA de Versailles neutralise le moyen selon lequel la société I. n’est qu’une société civile immobilière et qu’à ce titre elle donne en location à des sociétés exploitante l’entrepôt dont elle est propriétaire. En effet, bien qu’une jurisprudence constante veut qu’en sa seule qualité de propriétaire, ce dernier ne peut pas faire l’objet d’une mise en demeure (CE, 21 févr. 1997, SCI Les Peupliers, req. n° 160250 ; CAA Marseille, 13 avril 2006, SCI Joëlle, req. n° 02MA00689 ; CAA Douai, 18 oct. 2008, Société Intradis, req. n° 06DA01279), la société I. était en outre exploitante de l’installation classée en litige ce qui rend de jure la mise en demeure querellée opposable. A ce titre, le Conseil d’Etat juge que l’exploitant doit s’entendre comme le titulaire de l’autorisation mais plus, que l’existence d’un contrat confiant à un tiers l’exploitation de l’installation est, en l’absence d’une telle autorisation de changement d’exploitant, sans influence sur la qualification d’exploitant (CAA Douai, 22 mai 2008, Société Novergie, req. n° 06DA01271 ; solution confirmée par : CE, 29 mars 2010, Communauté des communes de Fécamp, req. n° 318886). Dernièrement, dans un arrêt « Société Arcelormittal France » (CE, 6 déc. 2012, req. n°333977), le Conseil d’Etat a réaffirmé qu’un arrêté préfectoral pouvait être adressé, y compris après mise à l’arrêt définitif de l’installation, à l’exploitant « lequel doit s’entendre comme le titulaire de l’autorisation délivrée sur le fondement de l’article L. 511-1 du code de l’environnement […]». Ainsi, l’arrêté adressé au dernier exploitant de fait a donc été annulé. La juridiction d’appel de Versailles, pour répondre au moyen selon lequel il appartenait aux sociétés commerciales – dont la société A – d’obtenir les autorisations administratives indispensables à l’exercice de leur activité en vertu des clauses d’un bail, énonce : « que la société I. […] ne peut utilement soutenir […] qu’il incombait aux seuls preneurs d’informer l’administration du changement d’exploitant en vertu des clauses du bail qui les liaient à la société I., alors que les stipulations contractuelles liant la requérante à ses preneurs ne sauraient être opposées à l’administration » Cette analyse s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante selon laquelle le titre d’exploitant d’une installation classée…

Le juge civil des référés décomplexé face à l’ICPE causant un trouble anormal à son voisinage (Cass, 14 janv.2014, n°13-10167)

Dans un arrêt en date du 14 janvier 2014 (C.cass, 14 janvier 2014, pourvoi n° 13-10167), la Cour de cassation confirme un arrêt de Cour d’appel, statuant en référé, ordonnant l’arrêt de l’activité d’une centrale à béton, sous astreinte de 700 euros par jour de retard, au titre de l’existence des troubles anormaux de voisinage. La Cour de cassation relève ainsi : « Attendu qu’ayant relevé que les attestations produites faisaient état de graves nuisances, que des constats d’huissier établissaient l’importance des dépôts de ciment et graviers maculant l’environnement immédiat du restaurant et celle des nuages de poussières provoqués par le passage des camions et que la police municipale avait relevé de nombreuses infractions de voirie, la cour d’appel statuant en référé, qui a justement retenu que les sociétés exploitantes de la centrale à béton devaient répondre des conséquences d’une exploitation gravement préjudiciable aux intérêts des tiers, a pu déduire de ses constatations, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à l’existence d’un dommage imminent pour la pérennité de la société Pito, que les conditions d’exploitation de la centrale créaient pour cette société des nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage et que le trouble causé justifiait que soit ordonné l’arrêt de l’exploitation ». Cet arrêt souligne tout le potentiel juridique de la théorie des troubles anormaux de voisinage générés par une installation classées, de surcroît lorsque le juge civil statue en référé. D’abord, cet arrêt rappelle que dès lors que le code de l’environnement réserve les droits des tiers, la compétence exclusive du préfet en matière d’installations classées ne fait pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité de l’exploitant ICPE pour troubles de voisinage devant le juge judiciaire (Cass. 2e civ., 22 janv. 1959 : Bull. civ. 1959, II, p. 46. – Cass. 2e civ., 29 mars 1962 : Bull. civ. 1962, II, p. 258. – Cass. 2e civ., 16 juill. 1969 : Bull. civ.1969, II, p. 184 Cass. 1re civ., 13 juill. 2004, n° 02-15.176, FS-P :      JurisData n° 2004-024670 ; Bull. civ. 2004, I, p. 174 ; Environnement 2004, comm. 111, obs. D. Gillig ; AJDA 2005, p. 1235, note M. Moliner-Dubost ; RD imm. 2005, p. 40, obs. F.-G. T. – Rép. min. n° 05959 : JO Sénat Q, 14 mai 2009, p. 1215) et donc, au cas particulier, à la constatation d’un trouble manifestement illicite par le juge des référés (Cass. 1re civ., 15 mai 2001, n° 99-20.339, P, Divanac’h c/ Rannou : JurisData n° 2001-009553 ; Bull. civ. 2001, I, n° 135 ; RD imm. 2001, p.360, obs. M. B. ; RD imm. 2002, p. 370, obs. F.-G. T. ; D. 2001, p. 2242). Dans le cadre de cette théorie jurisprudentielle qui date du 19ème siècle, il n’est pas nécessaire, pour la victime, de démontrer la faute de voisin industriel au regard de son autorisation pour obtenir la cessation du trouble anormal de voisinage. Ce qui importe comme le rappelle la Cour c’est la démonstration d’une « exploitation […] préjudiciable aux intérêts des tiers ». Confronté à une action en trouble anormal, l’auteur du trouble ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité par la preuve de son absence de faute. La responsabilité  est engagée de manière objective dès que le trouble présente un caractère anormal et que le lien de causalité est établi entre le dommage allégué et le fait générateur invoqué. En l’espèce l’exploitation préjudiciable de l’installation se concrétise par des méconnaissances grossières des prescriptions élémentaires de fonctionnement d’une centrale à bitume. Mais rappelons que le seul respect des prescriptions techniques n’est pas exonératoire de responsabilité si la victime parvient à démontrer des conséquences résiduelles de l’exploitation encadrée en termes de dommage (Cass. 2e civ., 17 févr. 1993, n° 91-16.928, P : JurisData n° 1993-000172 ; Bull. civ. 1993, II, n° 68. Pour un cas extrême concernant des éoliennes non classées : TGI Montpellier, 17 septembre 2013, commenté ici). Gageons néanmoins que « la tendance générale en matière d’installations classées est en définitive de ne retenir l’existence d’un trouble anormal de voisinage que lorsque la réglementation n’a pas été respectée » (F. NESI, « Trouble anormal de voisinage et nuisances industrielles », Revue juridique de l’économie publique n° 696, Avril 2012,  étude 3). Ceci doit en particulier être le cas lorsque les seuils de pollution sont définis par des prescriptions ICPE, mais lorsque la règle est formulée sous la forme d’une obligation de moyen et non de résultat, la responsabilité de l’industriel n’en sera que plus exposée. Enfin et surtout  le juge des référés peut aller jusqu’à suspendre l’activité même de l’installation classée. Et c’est justement ce que confirme ici la Cour de cassation. Cette solution pour relativiser la séparation des autorités administratives et judiciaires n’est pas nouvelle : même si en principe il est interdit au juge judiciaire de « contrarie[r] les prescriptions édictées par l’Administration dans l’intérêt de la sûreté et de la salubrité publique» (Tribunal des conflits, 23 mai 1927 : S.1927, 3, p. 94), la Cour de cassation admet – sans doute contra legem – que les juridictions civiles en référé et sur la base de l’article 809 CPC puissent suspendre l’activité industrielle objet même de la police administrative (Cass. 2e civ., 10 nov. 2010, n° 09-17.147). Ainsi les exploitants d’installations classées ne peuvent ignorer l’insécurité juridique dans laquelle peut se trouver leur installation puisque leur respect des prescriptions imposées au fonctionnement de leur installation classée ne fait pas obstacle à ce que leur responsabilité soit mise en cause si leur activité génère des nuisances excédant un seuil normal pour le voisinage. La question sera alors de déterminer l’anormalité du seuil, en fonction d’un faisceau d’indices. David DEHARBE Aurélien BOUDEWEEL Green Law avocat

Mini-éolien: le Ministre rappelle les règles d’urbanisme allégées, qui ne sont pas de nature à diminuer le contentieux

Par une réponse ministérielle en date du 16 janvier 2014 (réponse ministérielle, 14ème législature du 16 janvier 2014, faisant suite à une Question n°06904 de Monsieur Georges Labazée qui peut être consultée ici), la ministre de  l’écologie, du développement durable et de l’énergie a apporté des précisions sur la législation existante en matière d’implantation d’éoliennes domestiques (dites aussi “mini-éoliennes”).   En espèce, la ministre de l’écologie avait été interrogée sur la législation en matière d’éoliennes domestiques destinées à une autoconsommation de l’énergie produite. Plus particulièrement, le député soulignait : D’une part, les nombreux litiges consécutifs aux plaintes de voisinage, faute de réglementations à cet égard dans les documents d’urbanisme des communes ; D’autre part, le développement  des pratiques fallacieuses de certaines entreprises souhaitant vendre leurs installations. De fait, la ministre était interrogée sur le fait de savoir si de nouvelles mesures allaient être prises pour encadrer les éoliennes domestiques dans la loi qui conclura la transition énergétique. Texte de la réponse ministérielle : « La transition énergétique appelle un développement fort des énergies renouvelables. Parmi celles-ci, l’énergie éolienne terrestre est la plus compétitive avec l’énergie hydraulique, et son développement participe à l’atteinte des objectifs du Gouvernement en matière de diversification du mix énergétique par un développement massif des énergies renouvelables tout en contribuant à la ré-industrialisation de nos territoires et en maîtrisant l’impact sur la facture des consommateurs d’électricité ». (…) Concernant les autorisations, l’article R. 421-2 du code de l’urbanisme prévoit que les éoliennes terrestres dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est inférieure à douze mètres sont dispensées de formalité au titre du code de l’urbanisme, à condition toutefois que ces éoliennes soient implantées en dehors d’un secteur sauvegardé et en dehors d’un site classé. Pour autant, cette dispense de formalité au titre du code de l’urbanisme ne signifie pas que les éoliennes de moins de 12 mètres concernées sont dispensées du respect des règles d’urbanisme, au regard des dispositions de l’article L. 421-8 du code de l’urbanisme. Par conséquent, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent définir en tant que de besoin des règles opposables à l’implantation des éoliennes de moins de 12 mètres dans leur document d’urbanisme. Ces règles sont alors établies après participation du public, dans les conditions prévues par le code de l’urbanisme au titre des différentes procédures d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme. L’absence de respect des règles ainsi fixées dans les documents d’urbanisme constitue une infraction passible des sanctions pénales prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme, nonobstant l’absence de soumission des éoliennes de moins de 12 mètres à autorisation d’urbanisme. L’ensemble de ces outils juridiques permet de maîtriser le développement du petit éolien à proportion des enjeux d’urbanisme, sans qu’il apparaisse nécessaire d’alourdir le droit applicable à ce type de projet. L’ensemble de ces outils juridiques permet de maîtriser le développement du petit éolien à proportion des enjeux d’urbanisme, sans qu’il apparaisse nécessaire d’alourdir le droit applicable à ce type de projet ». Il résulte de cette disposition que l’implantation de telles éoliennes sont dispensées de formalités sauf secteurs sauvegardés où une déclaration préalable est nécessaire. Comme le rappelle la ministre, l’article R421-2 du Code de l’urbanisme dispose en effet « Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’ils sont implantés dans un secteur sauvegardé ou dans un site classé : (…) c) Les éoliennes terrestres dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est inférieure à douze mètres ainsi que les ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol dont la puissance crête est inférieure à trois kilowatts et dont la hauteur maximum au-dessus du sol ne peut pas dépasser un mètre quatre-vingt » ; Au demeurant, le constat de l’absence de réglementation plus spécifique de nombreuses communes  dans leurs documents d’urbanisme est sans  appel puisqu’il conduit à un accroissement logique et inéluctable des actions judiciaires fondées notamment sur la théorie des troubles de voisinage. L’affirmation de la ministre de sa volonté de ne pas  « alourdir le droit applicable à ce type de projet », dans la réglementation à venir ne conduira donc en soi pas à une diminution  du contentieux. S’agissant en revanche du contentieux parallèle évoqué par le sénateur dans sa question ministérielle tiré des pratiques de certaines entreprises du secteur, il est acquis que la réglementation existante permet en l’état actuel de combattre très fermement de tels agissements : En amont, le Code de la consommation protège les particuliers qui sont démarchés par de telles entreprises en prévoyant notamment la possibilité pour tout  particulier de se rétracter sous un délai de sept jour par le biais d’un formulaire de rétractation au titre des articles L 121-21 et L 121-25. A posteriori, une action judiciaire fondée sur la responsabilité contractuelle de ses entreprises peut être engagée au titre de l’article 1 134 du Code  civil ; Les dispositions des articles L121-1 du Code de la consommation permettent au surplus de protéger les particuliers face à des pratiques commerciales trompeuses de ces entreprises. Aurélien BOUDEWEEL Green law avocat

Elevage de porcs: les textes modifiant la nomenclature sont soumis à consultation jusqu’au 15 novembre

Comme nous l’avions récemment écrit sur le blog (cf. article sur la mise en place d’un permis unique), le Gouvernement annonçait qu’il publiera prochainement les textes réglementaires permettant de soumettre au seul régime de l’enregistrement les élevages de porcs d’une taille inférieure au seuil européen fixé par la directive 2010/75 du 24 novembre 2010 dite directive « IED ». A l’heure actuelle, les élevages dépassant le seuil de 450 animaux sont soumis au régime de l’autorisation tandis que ceux dont le cheptel est compris entre 50 et 450 têtes relèvent du régime de la déclaration. Le projet de décret en consultation tend à modifier la rubrique 2102 de la nomenclature ICPE relative aux établissements d’élevage, vente et de transit de porcs en stabulation ou en plein air. Au sein de la rubrique serait crée un régime d’enregistrement venant remplacer dans les mêmes termes celui de l’autorisation (élevages de plus de 450 porcs). Le nouveau régime de l’autorisation viendrait se conformer au droit communautaire, plus précisément à la directive « IED » qui prévoit que soient soumis au régime de l’autorisation les projets d’élevages porcins de plus de 2000 emplacement de porcs charcutiers ou plus de 750 truies. Enfin, conséquence de la mise en place d’un régime d’enregistrement, les élevages précédemment soumis au régime de l’autorisation sans être soumis aux seuils « IED » susmentionnés pouvaient bénéficier des dispositions de la section 7 du chapitre V du titre Ier du livre V de la partie réglementaire du code de l’environnement pour les procédures d’autorisation en cas de regroupement. La création du régime de l’enregistrement rend donc ces dispositions inutiles pour ces élevages. Le projet de décret propose de les supprimer par la même occasion. Le projet de texte est actuellement soumis à la consultation du public sur le site du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie depuis le 25 octobre et ce jusqu’au 15 novembre 2013. Les personnes intéressées- et on sait qu’elles sont nombreuses-  peuvent faire valoir leurs observations sur le projet de texte avant son passage en Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques du 19 novembre 2013. Valentin Guner Green Law Avocat

Etude d’impact: attention à la suffisance de l’étude et aux compléments apportés post-enquête publique

Le tribunal administratif de Grenoble a rendu le 12 février 2013, un jugement (TA Grenoble, 12 février 2013, n°1101160 et n°1101168) qui intéressera tous les porteurs de projets nécessitant la réalisation d’une étude d’impact par les précisions qu’il apporte tant sur les modalités d’appréciation de la qualité d’une telle étude que sur la date d’appréciation de la complétude de cette étude. On notera d’emblée que la décision d’autorisation d’exécution de travaux et d’aménagement d’un domaine skiable dont était saisi le juge grenoblois dans cette affaire était antérieure aux réformes relatives à l’étude d’impact et à l’enquête publique. Cependant, la solution dégagée, par les termes employés nous parait être totalement applicable aux futures autorisations nécessitant la réalisation d’une étude d’impact. Sur la date d’appréciation de la complétude de l’étude d’impact Pour apprécier la complétude de l’étude d’impact produite pour la demande d’autorisation ayant donné lieu à la décision litigieuse, le juge administratif grenoblois décide de se placer à la date de l’enquête publique. Et cette position, compte tenu de la nécessaire information du public imposée par les textes pour certains projets (voir C. env., art. R. 123-1 et R. 122-2) semble amplement justifiée. En effet, l’article L. 123-1 du code de l’environnement prévoit depuis le 1er juin 2012 que « l’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement mentionnées à l’article L. 123-2 ». Ainsi, on comprend qu’un dossier de demande d’autorisation dès lors qu’il est soumis à une telle enquête, a non seulement vocation à informer l’autorité administrative décisionnelle mais aussi et surtout à informer le public. Bien qu’au départ réticent à cette idée (voir CAA Nancy, 04 mars 2004, n°99NC00567), le juge administratif a fini par la consacrer dans le considérant de principe suivant, lequel a d’ailleurs été récemment confirmé dans une décision que nous avions commentée ici : « les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (CE, 14 octobre 2011, n°323257 ; confirmé par CE, 15 mai 2013, n°353010). Concernant spécifiquement l’étude d’impact, notons que celle-ci doit être obligatoirement jointe au dossier d’enquête publique, et ce depuis de nombreuses années (C. env., art. R. 123-8, 1° ; anc. art. R. 123-6, 2°). Fort de ce contexte réglementaire et jurisprudentiel, c’est tout naturellement que le tribunal administratif de Grenoble décide que : « Considérant qu’eu égard à la finalité des dispositions imposant la réalisation d’une étude d’impact, dont la qualité conditionne la bonne information du public et de l’autorité administrative sur les conséquences du projet envisagé, l’insuffisance du contenu d’une étude d’impact imposée par le Code de l’environnement est susceptible d’entacher d’illégalité les autorisations fondées pour partie sur le résultat de cette étude ; que le contenu de l’étude d’impact réalisé doit être apprécié, à cet effet, à la date de l’enquête publique, la réalisation d’enquêtes complémentaires étant insusceptible de combler d’éventuelles insuffisances à ce stade ». Et une telle solution, si elle est novatrice par sa formulation, préexistait déjà dans de précédentes décisions. Par exemple, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà pu juger qu’un complément à l’étude d’impact produit postérieurement à l’enquête publique ne permet pas de palier l’insuffisance de l’étude d’impact initiale, laquelle vicie la procédure d’autorisation :  « Considérant que si l’étude d’impact mentionne qu’aucun monument protégé au titre de la législation sur les sites inscrits et les monuments historiques n’est recensé dans l’aire d’implantation des éoliennes, il ressort de cette même étude que comme l’a relevé le tribunal, plusieurs édifices protégés sont situés dans un rayon de trois à six kilomètres autour des lignes d’éoliennes projetées ; que l’étude d’impact manque de précisions sur les conséquences de la présence du parc éolien sur l’environnement visuel des monuments historiques protégés, ce qui n’a donc pas permis au public d’opérer cette appréciation ; que si une étude ayant donné lieu à un rapport complémentaire en date du 25 juillet 2007, permet par des photos-montages d’apprécier la visibilité du parc éolien depuis certains édifices protégés, ces nouveaux éléments sont postérieurs à la période de consultation du public et n’ont donc pu ainsi pallier le caractère lacunaire de l’étude d’impact initiale ; que, dès lors, la Société E. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a estimé, par ce seul moyen d’annulation, que le permis de construire attaqué était intervenu au terme d’une procédure irrégulière en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact ;» (CAA Bordeaux, 30 juillet 2010, n°09BX02233 ;   voir également CAA Douai, 13 novembre 2008, n°08DA00187 ; CAA Douai, 22 janvier 2009, n°08DA00372). Ainsi, le juge grenoblois, en refusant qu’une étude d’impact initialement insuffisante soit complétée  par des éléments produits postérieurement à l’enquête publique, s’inscrit dans une voie jurisprudentielle déjà très largement usitée. Pour autant, il ne faut pas manquer de remarquer la précision qu’il apporte concernant la réalisation d’enquêtes complémentaires. En effet, tout en affirmant la date à laquelle doit être appréciée la suffisance de l’étude d’impact, il prend soin de préciser que  la réalisation d’enquêtes complémentaires est insusceptible de combler d’éventuelles insuffisances de l’étude initiale jointe au dossier de la première enquête publique. On remarquera qu’au sens des nouveaux textes (articles L. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement) le commissaire enquêteur peut de demander au pétitionnaire de compléter le dossier d’enquête publique par des documents qu’il juge utiles à la bonne information du public. De plus, contrairement à ce que pourrait faire croire cette décision du juge grenoblois, la production de compléments à l’étude d’impact postérieurement à la réalisation de l’enquête publique n’entraine pas de facto l’irrégularité de la procédure d’autorisation. En effet, préalablement à la reconnaissance de l’irrégularité de la procédure, il faut nécessairement que le juge contrôle si les éléments produits venaient pallier une insuffisance de l’étude d’impact…