Par Clémence AUQUE (Juriste doctorante à l’Université de Lille, Green Law Avocats)
Par un arrêt en date du 17 octobre 2022 (CE, 17 octobre 2022, n°428409), le Conseil d’Etat condamne l’Etat au paiement de deux astreintes de 10 millions d’euros en raison de l’insuffisance des mesures prises par celui-ci pour garantir le respect des seuils limites de pollution (téléchargeable ci-dessous).
Par une décision du 12 juillet 2017 (CE, 6/1 CR, 12 juillet 2017, n°394254), le Conseil d’Etat, saisi par l’association Les Amis de la Terre France, ordonnait au Gouvernement de « prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de la présente décision, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. ».
Constatant trois ans plus tard que huit zones de dépassement des seuils n’ont pas fait l’objet de mesures suffisantes, le Conseil d’Etat a prononcé une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard (CE, Ass., 10 juillet 2020, n°428409, commenté sur le blog de Green Law Avocats).
Puis, le 4 août 2021, ce dernier constatait encore un dépassement des valeurs limites d’émission dans cinq zones et condamnait le Gouvernement au paiement de l’astreinte pour la période allant du 11 janvier 2021 et 11 juillet 2021. Le montant de l’astreinte est alloué à l’association requérante Les Amis de la Terre France ainsi qu’à un ensemble d’établissements publics et associations choisis « eu égard aux actions qu’ils conduisent en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et d’amélioration de la qualité de l’air » (CE, 6/5 CR,4 août 2021, n°428409).
Face à la persistance du dépassement des seuils et à l’insuffisance des mesures prises pour garantir une amélioration de la qualité de l’air à brève échéance, le Conseil d’Etat liquide deux nouvelles astreintes pour le second semestre 2021 et le premier semestre 2022 pour un montant total de 20 millions d’euros.
Le bilan s’alourdit pour l’Etat qui subit une nouvelle fois le poids financier de ses manquements en matière de lutte contre la pollution de l’air. Reste à savoir si ce bilan s’alourdira davantage aux prochains semestres. Gardons enfin à l’esprit que l’Etat n’est pas à l’abri d’une autre sanction (budgétaire) : le Tribunal administratif de Paris doit encore se prononcer et donner suite à son jugement avant-dire droit du 3 février 2021 (TA Paris, 3 févr. 2021, n° 1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1, commenté sur le blog de Green Law Avocats) par lequel le juge parisien reconnaissait « qu’à hauteur des engagements qu’il avait pris et qu’il n’a pas respectés dans le cadre du premier budget carbone, l’Etat doit être regardé comme responsable […] d’une partie du préjudice écologique » causé par les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique.