IOTA et travaux d’aménagement : autorisation ou déclaration, telle est la question !

Par Maître David DEHARBE, avocat gérant et Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
Afin de contribuer à rétablir le bon état écologique des cours d’eau et milieux aquatiques, la gestion des étangs est aujourd’hui nécessaire. En effet, dans certains cas, les étangs et leurs ouvrages associés peuvent présenter des dysfonctionnements importants liés à une situation d’abandon, ce qui entraîne des coûts financiers importants d’entretien, de réparation et de mise aux normes.
Afin de remédier à ces difficultés d’entretien et aux contraintes de sécurité, la solution de l’effacement est souvent privilégiée par un certain nombre de propriétaires, qui interviennent sur leurs plans d’eau par cette voie.
Le 6 octobre 2023, le Grand Moulin d’Aigurande, dans l’Indre, a fait l’objet d’un arrêté de cessation d’activité et d’abrogation du droit d’eau.
Le 4 mars 2024, la fédération départementale de pêche et des milieux aquatiques de l’Indre a déposé une déclaration afin de procéder à des travaux d’effacement de l’étang du Grand Moulin situé, donc, sur le territoire de la commune d’Aigurande : ces travaux impliquaient l’ouverture et la suppression au moins partielle du barrage de retenue.
Le 15 avril 2024, le Préfet de l’Indre a délivré à cette fédération un récépissé de déclaration de travaux et a assorti cette déclaration de diverses prescriptions.
À la suite de ce récépissé, la fédération française des associations de sauvegarde des moulins et l’association pour la sauvegarde de l’étang du Grand Moulin ont alors saisi le Tribunal administratif de Limoges afin d’obtenir l’annulation de cette décision.
Dans l’attente du jugement, ces deux associations ont demandé à la juge des référés du même Tribunal, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision du Préfet.
Par une ordonnance du 8 août 2024, la juge des référés a rejeté cette demande.
Les deux associations se sont donc pourvues en cassation devant le Conseil d’État afin qu’il annule cette ordonnance et, statuant en référé, fasse droit à leur demande.
D’après les associations, les travaux auraient dû faire l’objet d’une autorisation et non d’une déclaration IOTA.
La décision du Préfet de l’Indre du 15 avril 2024 est-elle légale ?
Le Conseil d’État a répondu à cette question par la négative, et a donc suspendu l’exécution de cette décision, car les travaux d’aménagement auraient dû faire l’objet d’une autorisation (décision commentée : CE, 16 juillet 2025, n° 497179 ).
L’article R. 214-1 du Code de l’environnement a établi une nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration, selon qu’ils seraient ou non susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles (décision commentée : CE, 16 juillet 2025, n° 497179, point 4 ).
Selon cette nomenclature, sont soumis à déclaration IOTA les « travaux ayant uniquement pour objet la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques (…) » tels que l’« arasement (…) d’ouvrages « implantés dans le lit mineur des cours d’eau », « sauf s’il s’agit de barrages classés en application de l’article R. 214-112 » (rubrique 3.3.5.0, annexe de l’article R. 214-1 du code de l’environnement ).
Fort de cet article, le Conseil d’État a d’abord rappelé les raisons pour lesquelles la juge des référés du Tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande des associations, avant d’estimer qu’elle a commis une erreur de droit :
« Pour juger que le moyen tiré de ce que les travaux envisagés par la fédération départementale de pêche et des milieux aquatiques de l’Indre auraient dû faire l’objet, non d’une simple déclaration, mais d’une autorisation dès lors qu’ils consistaient en l’arasement d’un barrage classé au sens de l’article R. 214-112 du code de l’environnement n’était pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 15 avril 2024, la juge des référés a retenu que le Grand Moulin d’Aigurande ne pouvait pas être regardé comme un barrage classé au sens de ces dispositions dès lors qu’il avait fait l’objet, le 6 octobre 2023, d’un arrêté de cessation d’activité et d’abrogation du droit d’eau. En se fondant sur ce motif, et non sur les critères prévus aux dispositions mentionnées au point précédent, pour déterminer si les travaux en cause relevaient d’un régime d’autorisation ou de déclaration, la juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit » (décision commentée : CE, 16 juillet 2025, n° 497179, point 5 ).
En ce sens, il estime que le tribunal n’avait pas à tenir compte de la situation administrative de l’exploitant mais devait se fonder uniquement sur les critères de l’article R. 214-112 du code de l’environnement, à savoir les caractéristiques physiques de l’ouvrage (conclusion du rapporteur public sur la décision commentée, page 2 ).
Ensuite, la Haute juridiction a justifié la nécessité d’une autorisation IOTA :
« (…) en vertu de l’article R. 214-112 du code de l’environnement, constituent notamment des barrages de classe C les ouvrages dont la hauteur, définie comme la plus grande différence de cote entre le sommet de la crête de l’ouvrage et le terrain naturel au niveau du pied de l’ouvrage, est supérieure à 2 mètres, dont le volume, défini comme le volume retenu par le barrage à la cote de retenue normale, est supérieur à 50 000 mètres cubes et à l’aval desquels, à une distance d’au plus 400 mètres, existent une ou plusieurs habitations » (décision commentée : CE, 16 juillet 2025, n° 497179, point 11 ).
Enfin, il a mis en perspective cet article avec les circonstances de l’espèce :
« Il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté en défense que le barrage litigieux, en aval duquel est situé le Grand Moulin d’Aigurande, a une hauteur supérieure à 2 mètres et une superficie de 27 000 mètres carrés. Eu égard à la profondeur du barrage, dont le volume pourrait ainsi dépasser 50 000 mètres cubes, le moyen tiré de ce que l’ouvrage a le caractère d’un barrage classé au sens de l’article R. 214-112 du code de l’environnement est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 15 avril 2024 » (décision commentée : CE, 16 juillet 2025, n° 497179, point 12 ).
Ce barrage répond donc à la catégorisation de classe C : le Conseil d’État n’a donc pas retenu l’argument de la juge des référés du Tribunal administratif, il a annulé l’ordonnance et a suspendu l’arrêté portant récépissé de la déclaration.
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