Antennes relais : une compétence judiciaire résiduelle

Par deux décisions en date du 17 octobre 2012 (pourvois n° 10-26.854 et n° 11-19.259), la Première chambre civile de la Cour de cassation confirme l’incompétence du juge judiciaire pour connaître du contentieux relatif à l’implantation des antennes relais. Elle se reconnaît néanmoins compétente en matière d’indemnisation des dommages causés par une antenne relais. Les décisions de la Cour de cassation confirment la position adoptée par le Tribunal des conflits dans ses décisions du 14 mai 2012 sur la compétence juridictionnelle (n° C-3844, C-3846, C-3848, C-3850, C-3854 reproduits in CPEN – cf. B. Steinmetz, « Antenne relais de téléphonie mobile et pluralité de compétences juridictionnelles », Environnement n° 8, Août 2012, comm. 72 ; cf. également la décision TC, 15 oct. 2012, n° 3875). Suivant le même raisonnement, la Cour de cassation dans ses deux décisions concède qu’existe une police de la communication dans laquelle le juge judiciaire ne saurait s’immiscer et reconnaît ainsi par principe l’incompétence de l’ordre judiciaire dans le cas d’une « action portée devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le fondement, aux fins d’obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique ». Mais la Cour de cassation se reconnaît toutefois compétente pour les actions en dommages et intérêts stricto sensu qui concernent une antenne relais n’ayant pas la qualité d’ouvrage public et engagées sur le fondement des troubles anormaux de voisinage. Dans l’espèce n° 10-26.854 le tiers exposés aux antennes avait fait assigner, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, les sociétés SFR et Orange France devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes d’argent en réparation de son trouble de jouissance et de son préjudice physique et moral et à procéder au blindage de son appartement, en alléguant des troubles d’électro hypersensibilité qu’il attribuait à l’installation d’antennes relais de téléphonie mobile dans son quartier. On remarquera que la réparation en nature impliquerait d’engager des travaux qui certes ne remettent pas en cause le droit d’émettre et l’implantation mais grèvent l’activité de l’opérateur. Il faut saluer la volonté de la Cour de cassation de conserver ce chef de compétence, tant il est évident que le juge judiciaire demeure bien plus enclin ces dernières années à protéger l’individu des risques sanitaires controversés que le juge administratif : le Conseil d’Etat, pour sa part, demeure subjugué par la perception étatique du risque géré par ses élites qu’il tend à faire primer, sous le prisme de l’intérêt général, sur les contestations individuelles. C’est dire que l’indemnisation ou la réparation en nature (à l’exclusion du démantèlement) du risque sanitaire mais également de la perte de valeur des immeubles du fait de l’implantation d’une antenne relai demeurent toujours indemnisables devant le juge judiciaire ; sauf, pour l’opérateur, à démontrer que l’antenne constitue un ouvrage public. Mais comme le remarque B. Steinmetz – art. cit. – le juge judiciaire étant très exigeant pour retenir cette qualification, cela demeure une hypothèse résiduelle : CA Montpellier, 15 sept. 2011, RG n° 10/04612.    Les décisions rendues par la Cour de cassation devraient donc régler de manière définitive la question de la compétence juridictionnelle dans le contentieux des antennes relais. Une vigilance particulière doit donc être portée sur la nature exacte des demandes aux fins de déterminer la juridiction (administrative ou judiciaire) compétente. Et on l’aura compris, si le riverain de l’antenne relai entend saisir le juge judiciaire, il faudra pour son conseil se convaincre que la demande indemnitaire ne met pas en cause un ouvrage public et ne constitue pas non plus une immixtion dans la police spéciale des télécommunications. Dans le cas contraire, saisir le juge administratif s’imposera mais n’aura d’intérêt que pour faire cesser un trouble du fait de l’ouvrage dont l’anormalité sera bien périlleuse à démontrer, tant du moins que la jurisprudence du Conseil d’Etat refusera de déceler un risque pour la santé humaine dans le fonctionnement réglementaire des antennes relais (CE, 19 juill. 2010, n° 328687, Ass. du quartier Les Hauts de Choiseul). Aurélien BOUDEWEEL, Green law avocat

Eoliennes/paysage: le Conseil d’Etat relativise l’impact paysager au regard des intérêts environnementaux des éoliennes

Dans une décision Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, Association Engoulevent, n°345970, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Marseille selon lequel l’appréciation de l’impact paysager d’un parc éolien doit s’effectuer par rapport aux intérêts publics que la construction entend défendre, notamment la protection des espaces naturels (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 25/11/2010, 09MA00756, Inédit au recueil Lebon). Par une série d’arrêts, la Cour administrative d’appel de Marseille s’était en effet courageusement initiée à relativiser l’impact paysager généré par l’implantation d’éoliennes, et ce, au regard « de l’intérêt public que l’implantation assure en matière de préservation des espaces naturels et de concentration des équipements de production d’énergie » ou encore de « l’économie des territoires utilisés par la recherche d’une concentration des équipements de production d’énergie » (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 21/10/2010, 08MA03443 ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 10/02/2011, 09MA00923, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 14/04/2011, 09MA01877, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 16/06/2011, 09MA01017, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 06/10/2011, 09MA03285, Inédit au recueil Lebon ;).   Nous avions déjà salué ces décisions qui tentaient de redonner toute sa portée à l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, dont la finalité est la protection de l’environnement, en mettant en avant les bénéfices environnementaux des éoliennes. Car c’est bien là tout le paradoxe des éoliennes, lequel repose sur l’apparente contradiction entre leur finalité et leur configuration exceptionnelle : la vocation environnementale de celles-ci – production d’énergie propre – peut se trouver niée et occultée au nom de la protection des paysages, autre branche de la protection de l’environnement ! Mais la mise en œuvre d’un bilan des intérêts environnementaux n’étant pas expressément prescrite par l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, qui prévoit uniquement la possibilité pour l’administration de refuser de délivrer un permis de construire ou de l’assortir de prescriptions spéciales si « les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentale », il existait un risque que le Conseil d’Etat censure ce raisonnement en cas de pourvoi.   Or, c’est avec surprise que le Conseil d’Etat accueille le raisonnement suivi par la Cour, et approuve l’application d’un bilan des intérêts environnementaux à l’appréciation de l’impact paysager causé par l’implantation d’éoliennes : « 8. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l’existence d’une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus ; 9. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l’Hérault aurait entaché la décision par laquelle il a accordé les permis de construire litigieux d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme citées ci-dessus, la cour administrative d’appel de Marseille a procédé à l’examen du caractère du site dans lequel devait être réalisé le projet de parc éolien, en soulignant à la fois les éléments illustrant son caractère naturel et ceux de nature à atténuer l’intérêt de ce site, tenant, pour ces derniers, au faible intérêt des plantations couvrant de larges espaces et à la présence de différents équipements électriques de puissance tout autour du site ; qu’elle a ensuite apprécié, après avoir procédé à la caractérisation du site, l’impact du projet d’éoliennes sur le paysage ; qu’en déduisant des appréciations auxquelles elle avait procédé que l’atteinte portée au site par le projet, au demeurant limitée et ne conduisant ni à sa dénaturation ni à la transformation de ses caractéristiques essentielles, n’était pas disproportionnée par rapport à la défense des autres intérêts publics que cette implantation regroupée assure en matière de protection des espaces naturels, qui est au nombre des intérêts visés à l’article R. 111-21, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier ; que, si la cour a en outre relevé, pour qualifier l’ampleur de l’atteinte portée au site, que l’implantation du projet d’éoliennes assurait l’économie des territoires utilisés par la recherche d’une concentration des équipements de production d’énergie, elle s’est, ce faisant, bornée à prendre en compte la caractéristique de l’implantation du projet, sans méconnaître les règles rappelées au point 8 de la présente décision ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, 345970) Précisons que le Conseil d’Etat a entendu limiter cette technique du bilan à l’appréciation des seuls intérêts visés à l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, autrement dit aux seuls intérêts relatifs à la protection de l’environnement : « Que les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus ; » Ainsi, des intérêts économiques ou financiers ne pourront être invoqués pour compenser l’impact…

Antenne relais: le Conseil d’Etat confirme la soumission à permis de construire selon la surface au sol créée

La Haute juridiction a confirmé dans un arrêt du 20 juin 2012 que les antennes relais, dont la hauteur est supérieure à douze mètres, et dont les installations techniques entrainent une SHOB de plus de 2m², relèvent du régime du permis de construire et non de la déclaration préalable de travaux. Cette décision rééquilibre le contentieux en la matière, qui a fait l’objet de plusieurs soubresauts des derniers mois. En l’espèce, le Conseil d’Etat était saisi d’un jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté le recours de riverains demandant l’annulation de la décision du 30 juin 2009 par laquelle un Maire ne s’était pas opposé aux travaux déclarés par un opérateur de téléphonie en vue de l’édification d’un pylône et d’armoires techniques (CE, 20 juin 2012, n°344646, publié aux Tables du recueil Lebon). L’antenne relais de téléphonie mobile était composée: – d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 18 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 9 mètres carrés, – et d’autre part, d’installations techniques sur une dalle de béton clôturée de palissades en bois d’une surface de 10,5 mètres carrés ; Le Conseil d’Etat relève alors que les surfaces de plancher cumulées du pylône et du local technique sont créatrices d’une surface hors oeuvre brute supérieure à deux mètres carrés. Or, par la combinaison de plusieurs dispositions du Code de l’urbanisme qui organisent la soumission à permis de construire (qui demeure le principe), et les exceptions tenant à l’exemption de toute formalité ou à la soumission à simple déclaration préalable de travaux, le Conseil d’Etat estime que: “ […] qu’il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une surface hors oeuvre brute de plus de deux mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a) et au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code;” La défense de l’opérateur de téléphonie reposait sur une dissociation de l’antenne proprement dite, et des ouvrages techniques annexes. Pris isolément, chaque élément pouvait alors, selon l’opérateur (et le Tribunal administratif de Nîmes avant qu’il ne soit censuré) relever du régime de la déclaration préalable. Or, ce raisonnement est rejeté par le Conseil d’Etat qui estime qu’il aurait fallu rechercher s’ “il existait un lien fonctionnel entre les deux ouvrages leur conférant le caractère d’une seule construction“. Et c’est effectivement le cas selon l’arrêt du 20 juin 2012, qui qualifie les antennes relais et les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement d’”ensemble fonctionnel indissociable”. Il faut noter tout d’abord que la soumission des antennes relais à permis de construire ne se justifiera qu’en fonction des circonstances de chaque espèce, selon que la surface créée par les ouvrages annexes à l’antenne proprement dite est supérieure à 2m². Il faudra à cet égard être vigilant car les dispositions relatives au calcul des surfaces de plancher ont été modifiées au sein du Code de l’urbanisme par décret du 28 février 2012. Ainsi, l’article R421-9 du Code de l’urbanisme prévoit dorénavant que peuvent être soumis à déclaration préalable: “c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : – une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; – une emprise au sol inférieure ou égale à deux mètres carrés ; – une surface de plancher inférieure ou égale à deux mètres carrés” Ainsi, la jurisprudence du Conseil d’Etat demeure encore valable malgré la réforme apportée en début d’année, lorsque les ouvrages annexes ont une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 2m². Ensuite, cette décision de la Haute juridiction (qui a les honneurs d’une publication au Recueil) s’inscrit dans un contexte où certains juges du fond avaient suivi le même raisonnement. Ainsi, les praticiens connaissaient déjà le jugement du Tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, 07 octobre 2010, « M. Martini », n°0802863, non frappé d’appel), qui avait considéré: «  Considérant qu’aux termes de l’article R 421-1 du Code de l’urbanisme : ‘Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception : […] b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable.’ ; qu’en application de l’article R 421-9 du Code de l’urbanisme : ‘En dehors des secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité et des sites classés, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : a) Les constructions ayant pour effet de créer une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; […] c) Les constructions dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure à douze mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface hors œuvre brute ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables ni aux éoliennes ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol ;’ Qu’il résulte de la combinaison de ces articles que la demande d’autorisation tendant à la construction d’un pylône d’une hauteur de douze mètres et dont la surface hors œuvre brute excède deux mètres carrés doit donner lieu à délivrance de permis de construire ». Mais surtout, la soumission des antennes relais à permis de construire s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel mouvementé, restreignant la compétence du juge judiciaire et le pouvoir des Maires. En effet, plusieurs décisions capitales sont récemment intervenues, redistribuant les cartes contentieuses des opposants aux antennes relais. Chacun se souviendra des trois décisions du Conseil d’Etat du 26 octobre 2011, qui avaient jugé que seules les autorités de l’Etat désignées par…

Permis de construire: attention aux irrégularités d’affichage!

Le Conseil d’État vient de rendre une décision illustrant la vigilance dont doivent impérativement faire preuve les bénéficiaires de permis de construire quant à l’affichage de leur permis sur le site (CE, 6ème ss, 6 juillet 2012, N°339883). Publiée aux Tables du Recueil Lebon, cette décision mérite attention.    En l’espèce, le panneau d’affichage du permis de construire comportait une erreur sur la hauteur de la construction autorisée. Les premiers juges, saisis d’une demande d’annulation du permis de construire, avaient estimé la requête tardive. Le requérant soutenait pour sa part que le délai de recours n’avait pu commencer à courir car l’affichage était irrégulier. Le Conseil d’Etat lui donne raison et considère le délai de recours comme n’ayant pas commencé à courir.   En principe, le délai de recours de deux mois contre une décision de permis de construire court à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage régulier sur le site (article R600-2 du Code de l’urbanisme). Cet affichage est régi par les articles A424-16 et suivants du Code de l’urbanisme sur les mentions qu’il doit comporter, ainsi que par l’article R424-15 s’agissant de la mention de l’obligation de notifier le recours à son bénéficiaire et à l’auteur de l’acte. Une jurisprudence abondante existe sur la régularité de l’affichage, tant les enjeux sont importants. La plupart du temps, les requérants tentent d’invoquer la non visibilité à partir de la voie publique, les dimensions du panneau, la non continuité de l’affichage durant deux mois… Était ici en cause la question de savoir si une erreur sur l’une des mentions devant figurer sur le panneau pouvait rendre l’affichage irrégulier, et donc empêcher le délai de recours de courir.   Par sa décision du 6 juillet 2012, la Haute juridiction censure les juges d’appel en considérant que: – l’article A424-16 du Code de l’urbanisme prévoit l’affichage de certaines mentions (notamment la hauteur de la construction); – que cet article a pour “objet de permettre aux tiers, à la seule lecture du panneau, d’apprécier l’importance et la consistance du projet”. Il rejette ici l’argument retenu par la CAA consistant à dire que le tiers pouvait prendre connaissance des détails de la construction en consultant le dossier en Mairie, comme cela était indiqué sur le panneau d’affichage. – et que par suite, si une telle mention fait défaut ou si elle est affectée d’une erreur substantielle, elle peut rendre l’affichage irrégulier.   Dès lors, l’affichage étant irrégulier, le délai de recours contre le permis n’a pu courir. Le requérant est donc toujours recevable à en demander l’annulation. Cette décision doit renforcer l’attention des bénéficiaires de permis quant à l’affichage qu’ils réalisent sur le terrain, dans un souci de sécurité juridique.   —————————— Conseil d’État N° 339883    Mentionné dans les tables du recueil Lebon 6ème sous-section jugeant seule   Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 25 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Dany A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’arrêt n° 09BX00342 du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0800671 du 27 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de S. a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 mai 2007 par lequel le maire de la commune de S. a délivré à la S.A.R.L Groupe B. un permis de construire six villas correspondant à huit logements sur une parcelle cadastrée XXXXX sise 185, allée des T. et, d’autre part, à l’annulation de cet arrêté ; 2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de la S.A.R.L Groupe B. et de la commune de S. le versement de la somme de 3 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; […] Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant que, pour confirmer la tardiveté opposée par le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion à la demande de M. A tendant à l’annulation du permis litigieux, la cour administrative d’appel de Bordeaux a notamment relevé qu’une erreur dans les mentions du panneau d’affichage concernant la hauteur de la construction projetée était sans conséquence sur la régularité de l’affichage, dès lors qu’il comportait les mentions permettant aux tiers d’identifier le permis de construire et d’en consulter le dossier en mairie ; Considérant qu’aux termes de l’article R. 490-7 du code de l’urbanisme, en vigueur à la date de l’arrêté litigieux : ” Le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire court à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : / a) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l’article R. 421-39 ; / b) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l’article R. 421-39 ” ; que l’article R. 421-39 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : ” Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d’octroi et pendant toute la durée du chantier (… ). ” ; qu’aux termes de l’article A. 421-7, alors en vigueur, pris pour l’application de l’article R. 421-39 et dont les dispositions ont été reprises aux articles A. 424-15 et suivants: ” L’affichage du permis de construire sur le terrain est assuré par les soins du bénéficiaire du permis de construire sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. / Ce panneau indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale dudit bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des…

Parcs naturels régionaux: analyse d’une directive “Crédit foncier de France” du 04 mai 2012

Suite à la publication du décret n° 2012-83 du 24 janvier 2012 relatifs aux parcs naturels régionaux (cf. notre brève sur ce blog en date du 8 février 2012 : Parcs naturels régionaux: modification du régime par le décret n° 2012-83 du 24 janvier 2012), le ministre de l’écologie a adressé aux services de l’Etat intéressés (soit aux services régionaux)  une circulaire  du 4 mai 2012– dont l’élaboration a été concertée avec la Fédération des parcs naturels régionaux de France et l’Association des régions de France- , relative au classement et au renouvellement de classement des parcs naturels régionaux et à la mise en œuvre de leurs chartes qui, en réalité, n’est autre qu’une directive  de type « Crédit foncier de France ».    L’appellation du texte en tant que “circulaire” ne doit pas induire en erreur sur la nature juridique du texte : le brouillage des catégories juridiques n’est cependant pas réel puisque qu’il est précisé, dans la présentation même  de ce texte, qu’il s’agit d’une  « directive adressée par le ministre aux services chargés de leur application, sous réserve, le cas échéant de l’examen particulier des situations individuelles ». Cette directive, d’application immédiate, abroge la circulaire n°NOR DEVN11377C du 15 juillet 2008 relative au classement et au renouvellement de classement des parcs naturels régionaux et à la mise en œuvre de leurs chartes. En même temps, elle détaille sur quarante pages la nouvelle procédure de classement et de renouvellement des parcs naturels régionaux. Après avoir rappelé l’existence de 48 parcs naturels régionaux recouvrant 14 % du territoire national  constitutifs de « l’une des premières infrastructures écologiques françaises », le ministre rappelle  l’importance du rôle des services de l’Etat en tant que garants de la régularité de la procédure comme du fonctionnement et de l’aménagement des parcs. Les nouvelles priorités des parcs naturels régionaux déclinées avec les lois Grenelle (telles que la préservation de la biodiversité avec la participation aux schémas régionaux de cohérence écologique ou encore la  lutte contre le changement climatique avec une participation à l’élaboration des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie -SRCAE) sont réaffirmées. Au titre du SRCAE, la charte peut « promouvoir les objectifs et les orientations du schéma régional, sans pour autant fixer directement les orientations en matière d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique ou des objectifs quantitatifs et qualitatifs en matière de choix de production énergétique. Dans ces divers domaines, les parcs naturels régionaux sont plus que jamais attendus dans leur rôle d’expérimentateur au profit de l’innovation et du transfert ».   Trois priorités sont portées par la directive : Le rappel de l’implication des services de l’Etat dans l’élaboration ou la révision des chartes de parcs naturels régionaux (PNR) ; La nécessité d’adapter le contenu des chartes aux enjeux écologiques actuels ; Les procédures de classement et de renouvellement de parc naturel régional.   Comme souvent,  le partenariat avec l’Etat dans l’élaboration de la charte est rappelé : l’Etat accompagne les collectivités territoriales et les intercommunalités (plus précisément, le conseil régional et le syndicat mixte ou l’organisme préfigurateur) tout au long de la définition du projet de territoire. Le préfet de région sera le garant  de la tenue des engagements de l’Etat  tout comme il assurera un bilan quadriennal des réalisations et difficultés rencontrées par l’Etat dans la mise en œuvre de ses engagements. Les critères du classement sont rappelés, à savoir la qualité et la  fragilité du territoire ; la pertinence et la cohérence du territoire ;  la réalité du projet de développement sur 12 ans ; l’engagement suffisant des CTI (collectivités territoriales et intercommunalités), soit la mise en œuvre d’une gouvernance réelle ; la capacité du syndicat mixte à conduire de manière cohérente le projet. En même temps, les interférences entre les lois Grenelle (I et II) et la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 sont soulignées. Tant il est vrai que le partage des compétences entre les communes et les intercommunalités à fiscalité propre peut s’avérer complexe !  La distinction entre les compétences intercommunales et communales est soulignée pour l’adhésion au syndicat mixte du parc, de même que les conséquences issues de la transformation  d’un EPCI (établissement public de coopération intercommunale) ou de la fusion d’EPCI (qui reprennent les engagements pris par les précédentes intercommunalités). La dynamique de la gouvernance est mise en avant  tant pour l’engagement des signataires  (Etat, collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre), que pour l’organisation du rapport  ou l’évaluation et le suivi de la mise en œuvre de la charte. Là encore, les conséquences du classement sont énoncées : suite à l’approbation de la charte par les communes, les EPCI à fiscalité propre, les départements et les régions, les CTI sont liés par leurs engagements  ( un non-renouvellement du classement à échéance de 12 ans, voire un déclassement sera alors envisageable). Bien évidemment, pour faciliter le travail des services  de l’Etat, notamment, le contenu des délibérations est présenté comme celui  de l’avis délivré par le préfet de région sur l’opportunité du projet.   Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public