Urbanisme: Extension du délai de validité et renforcement de la possibilité de prorogation des autorisations d’urbanisme (décret du 5 janvier 2016)

Par Sébastien BECUE- Green Law avocats Le 5 janvier 2016, le gouvernement a publié le décret n°2016-6 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d’aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable, texte qui s’inscrit dans la droite ligne du plan de relance pour le logement annoncé par Manuel Valls en août 2014. Les apports principaux du décret sont les suivants : La pérennisation de l’extension du délai de validité des autorisations d’urbanisme de deux à trois années ; La faculté, pour le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, d’en demander deux fois la prorogation pour une durée d’un an ; L’extension de la faculté de prorogation spécifique aux éoliennes à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie renouvelable.     La pérennisation de l’extension du délai de validité des autorisations d’urbanisme   Pour rappel, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux est tenu de commencer les travaux autorisés ou déclarés dans un délai déterminé. A défaut, son autorisation « périme » (article R* 424-17 du code de l’urbanisme). Le point de départ de ce délai est en principe la date de notification ou de naissance tacite de la décision, sauf lorsque le commencement des travaux est subordonnée à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation. Dans ce cas, le délai court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation (article R* 424-20). Le commencement des travaux se formalise en pratique par la transmission à au maire d’un formulaire CERFA de « déclaration d’ouverture de chantier » (DOC) (article R* 424-16). Le juge, lorsqu’il statue en matière de péremption, ne s’arrête toutefois pas au DOC, il contrôle la réalité du commencement des travaux (CE, 9 févr. 1977, n°00114 ; CE, 5 oct. 1988, n°72619). Le bénéficiaire avait jusqu’à maintenant deux années pour débuter les travaux. Mais déjà, dans le cadre du plan de relance, un décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 (que nous commentions ici) prévoyait, de façon dérogatoire, l’extension du délai de validité de deux à trois années pour les autorisations et décisions de non-opposition en cours de validité à la date de la publication du décret et celles intervenant au plus tard le 31 décembre 2015. Le décret ici commenté pérennise donc ce dispositif en l’inscrivant dans le code de l’urbanisme. Le délai de validité de trois années devient ainsi la règle. Il est à noter que le décret ne modifie pas la seconde cause de péremption des autorisations d’urbanisme et décisions de non-opposition, qui est celle causée par l’interruption des travaux au delà d’un délai d’une année. Par ailleurs, le décret procède aussi à l’extension de deux à trois années du délai de validité des décision de non-opposition à déclaration préalable portant sur un changement de destination ou une division de terrain (article R* 424-18 du code de l’urbanisme). La faculté de prorogation des autorisations d’urbanisme   Lorsqu’une autorisation d’urbanisme ou décision de non-opposition risque de « périmer », son bénéficiaire a la faculté de solliciter de l’administration, deux mois au moins avant l’expiration du délai de validité, qu’elle lui soit prolongée pour une durée d’un an, à la condition toutefois que « les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’[aient] pas évolué de façon défavorable à son égard » (article R*424-21 alinéa 1). Jusqu’au présent décret, l’autorité pouvait proroger l’autorisation ou la décision de non-opposition « pour une année ». Désormais elle a la faculté de le faire « deux fois pour une durée d’un an ». Le bénéficiaire devra donc effectuer deux demandes. L’extension de la faculté de prorogation spécifique aux éoliennes à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie renouvelable Les éoliennes bénéficient de conditions de prorogation spécifiques et particulièrement intéressantes : la demande de prorogation peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation, et, le cas échéant, après prorogation de l’enquête publique (article R*424-21 alinéas 2 et 3 ; pour une présentation détaillée du régime, voir ici). Le décret objet du présent commentaire étend cette faculté, jusque là réservée aux seules éoliennes, à l’ensemble des ouvrage de production d’énergie renouvelable (à savoir, pour rappel : les ouvrages utilisant les énergies suivantes : éolienne, solaire, géothermique, aérothermique, hydrothermique, marine et hydraulique, biomasse, gaz de décharge, gaz de stations d’épuration d’eaux usées, et biogaz). Modalités d’entrée en vigueur du décret Ces trois modifications s’appliquent à l’ensemble des autorisations en cours de validité à la date de publication du décret, à savoir au 6 janvier 2016; Pour les autorisations d’urbanisme, décisions de non-opposition à déclaration de travaux, de changement de destination ou division de travaux, ayant bénéficié d’une prorogation ou de la « majoration » du décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 précité, le délai résultant est majoré d’un an. Ce décret va très certainement dans le sens des porteurs de projet. Toutefois on attend toujours les mesures permettant une vraie réduction de la durée des contentieux devant les juridictions administratives, à notre sens principal obstacle d’ordre juridique à la reprise de la construction.

Ne constitue pas un trouble “anormal” la perte d’ensoleillement en zone urbaine (Cass, 29 sept.2015)

Par Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat Dans un arrêt en date du 29 septembre 2015 (C.cass, 29 septembre 2015, n°14-16729), la Cour de cassation estime que ne constitue pas un trouble anormal de voisinage la construction de logements dans le voisinage dans la mesure où la perte d’ensoleillement n’excède pas le risque encouru du fait de l’installation en milieu urbain. En l’espèce des particuliers avaient assigné une société qui avait édifié sur une parcelle voisine de leur propriété deux bâtiments de 16 logements en réparation d’un trouble anormal de voisinage qui étaient caractérisé par une perte d’intimité et d’ensoleillement. Ils avaient obtenu partiellement satisfaction en première instance mais la Cour d’appel avait censuré ce jugement au motif qu’une haie végétale permettait de supprimer la perte d’intimité et qu’au surplus il n’y avait pas d’incidence de la construction projetée sur l’ensoleillement. Rappelons que l’article 1382 du Code civil dispose  que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». La théorie des troubles anormaux de voisinage est purement prétorienne. Il s’agit pour un voisin subissant un trouble de voisinage d’engager la responsabilité de l’auteur du trouble. Mais, cette responsabilité est particulière en ce qu’elle est autonome, c’est-à-dire détachée de toute faute de la part du voisin trublion et donc du fondement des articles 1382 et suivants du Code civil (Cass. 1re civ., 18 sept. 2002 ; Cass. 3e civ., 24 sept. 2003). Il suffit à la victime d’un trouble de voisinage de démontrer que celui-ci est « anormal » afin d’obtenir une réparation en nature ou par équivalent. Il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement (Cass. 3e civ., 3 nov. 1977 ; Cass. 2e civ., 19 mars 1997 ) si tel ou tel agissement constitue ou non, en fonction des circonstances de temps et de lieu, un trouble anormal de voisinage. Pour ouvrir droit à réparation, le trouble de voisinage doit présenter un caractère anormal et donc être d’une gravité certaine. Le caractère normal dudit trouble ne peut s’apprécier en fonction de la seule réception des victimes. La victime d’un trouble de voisinage ne peut prétendre à l’immutabilité de ses avantages individuels dans une zone constituée de nombreux immeubles. La réduction d’ensoleillement dans une cuisine, dont la durée varie suivant les saisons constitue un inconvénient normal et prévisible de voisinage en zone urbaine de l’habitat continu (CA Paris, 19e ch. A, 22 avr. 1997 : JurisData n° 1997-020965). Dans l’espèce qui lui est soumise, la Cour de cassation confirme l’appréciation de la cour d’appel et refuse de reconnaître l’existence d’un trouble anormal de voisinage aux motifs que: « qu’ayant relevé que les constructions avaient été réalisées en zone urbaine dans un secteur où la situation existante et son maintien ne faisaient l’objet d’aucune protection particulière, qu’une haie végétale permettrait de diminuer ou de supprimer la perte d’intimité résultant des vues sur une partie du jardin depuis l’un des bâtiments construits, que les constructions édifiées au nord de la parcelle où se trouvent leur mas et leur piscine n’avaient qu’une faible incidence sur leur ensoleillement et que, s’agissant de la parcelle située au Sud-Ouest, rien n’établissait que la luminosité de la maison était affectée dans des proportions excédant le risque nécessairement encouru du fait de l’installation en milieu urbain, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif surabondant tenant à la proximité d’un centre commercial, a souverainement retenu que l’existence d’un trouble anormal du voisinage n’était pas établi ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation n’est pas sans rappeler la jurisprudence rendue jusqu’à présent, qui confirme que le trouble anormal de voisinage s’apprécie à l’aune de l’environnement dans lequel s’inscrit le trouble supposé : ainsi n’excède pas les inconvénients normaux du voisinage la perte de vue et d’ensoleillement résultant de l’implantation d’un bâtiment dès lors que ces troubles sont la conséquence inévitable de l’urbanisation progressive des communes situées dans les banlieues de grandes villes et particulièrement de Paris, et de la concentration des constructions sur des terrains de dimensions modestes (CA Paris, 19e ch. A, 28 mars 1995 : JurisData n° 1995-020964). De la même manière, il a été jugé que la perte de vue résultant du fait que le nouvel immeuble est plus haut d’un étage que les anciens bâtiments ne constitue pas un trouble, s’agissant d’une élévation modérée qui s’inscrit dans un environnement urbain entrant dans les prévisions raisonnables d’un développement citadin (CA Rouen, 1re ch., 10 janv. 2007 : JurisData n° 2007-334206). Enfin, l’immeuble édifié se trouvant dans une zone suburbaine ayant vocation à évoluer vers des caractéristiques plus urbaines, la perte de vue et d’ensoleillement ne présente pas le caractère d’anormalité nécessaire à la qualification de trouble de voisinage (CA Rouen, 1re ch., 15 nov. 2006 : JurisData n° 2006-323597). L’appréciation du trouble anormal de voisinage en zone urbaine s’apprécie donc très sévèrement par les juridictions civiles. On peut donc que conseiller aux particuliers, victimes de ces troubles en zone urbaine, de : Se constituer des preuves irréfragables quant à l’existence des troubles : constat d’huissier circonstancié et attestations. Justifier auprès de la juridiction la zone précise dans laquelle ils se trouvent au demeurant par le biais d’un relevé cadastral ou d’une carte de zonage afin d’éviter toute interprétation à cet égard par la juridiction, Faire la démonstration que le trouble invoqué (hauteur des habitations par exemple) ne présente pas le caractère de normalité dans le secteur considéré.

Droit de préemption : attention à la rédaction des délégations de signature !

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Avant tout exercice du droit de préemption, il est nécessaire de s’assurer de la régularité des délégations éventuellement accordées pour l’exercice de ce droit. A cet égard, la Cour administrative de Bordeaux a, dans une décision du 17 décembre 2015, apporté des précisions extrêmement intéressantes quant à la rédaction des délégations relatives à l’exercice du droit de préemption (CAA Bordeaux, 17 décembre 2015, n°15BX02085-15BX02227). Les faits soumis à l’appréciation de la Cour administrative d’appel de Bordeaux étaient les suivants. La commune de Bordeaux avait, par un arrêté du 1er juillet 2013, exercé le droit de préemption urbain que lui avait délégué la communauté urbaine de Bordeaux sur un ancien site industriel. L’acquéreur évincé avait demandé l’annulation de cet arrêté. Le Tribunal administratif de Bordeaux avait fait droit à sa demande par un jugement n° 13603234 en date du 7 mai 2015 en concluant que M. X, adjoint au maire, n’était pas compétent pour signer la décision du 1er juillet 2013 « faute de disposer d’une délégation de signature incluant précisément le droit de préemption urbain ». La commune de Bordeaux avait alors relevé appel de ce jugement et demandé le sursis à exécution de ce jugement. Après avoir rapidement écarté un moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement, la Cour administrative d’appel s’est prononcée sur la question de savoir si l’auteur de la décision de préemption était compétent. La Cour a commencé par rappeler qu’aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : […] 15° D’exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l’exercice de ces droits à l’occasion de l’aliénation d’un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l’article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal […] » La Cour a également précisé qu’en vertu de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal. » En l’espèce, la Cour a constaté que le maire de la commune de Bordeaux avait donné délégation de signature à M. X, adjoint au maire et signataire de l’arrêté attaqué, à l’effet de signer « tous les actes relevant de son champ de délégation », à savoir les « finances et l’administration générale (notamment état civil, recensement, organisation des élections, cimetières, la gestion du patrimoine immobilier communal, les affaires juridiques et informatiques) ». [souligné par nos soins] Or, la Cour administrative d’appel considère à cet égard que : « Cette délégation ne mentionne pas l’exercice du droit de préemption, lequel ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la commune, une modalité de gestion du patrimoine immobilier communal, mais un mode d’accroissement de ce patrimoine, soumis au demeurant, compte tenu de l’atteinte qu’il porte aux libertés individuelles, à une procédure spéciale qui encadre ses conditions d’exercice et justifie qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. » [souligné par nos soins] En conséquence, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé la décision de préemption. Il convient de relever que, dans cette même affaire, le Conseil d’Etat avait déjà donné son avis sur cette question dans le cadre de son office de juge de cassation en matière de référé. Un référé-suspension avait, parallèlement à la procédure au fond, été introduit par l’acheteur évincé devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux. Celui-ci avait rejeté la demande de suspension et l’acheteur évincé avait alors formé un pourvoi en cassation. Aux termes d’une décision du 2 juin 2014, le Conseil d’Etat avait fait droit à la demande de cassation et, décidant de régler l’affaire au titre des référés, avait suspendu l’exécution de la décision de préemption. Il avait notamment précisé au sein de sa décision que, parmi tous les moyens invoqués, un seul était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée : celui de l’incompétence du signataire. Le Conseil d’Etat avait ainsi estimé que : « Le moyen invoqué par M. C…et tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté du 1er juillet 2013, faute de disposer d’une délégation de signature incluant le droit de préemption urbain, paraît, au vu des pièces versées au dossier en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. » (Conseil d’État, 1ère sous-section jugeant seule, 2 juin 2014, n°373687). Il résulte de ce qui précède que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux était prévisible au regard de la position adoptée par le Conseil d’Etat. Il est assez intéressant de relever que la Cour administrative d’appel semble même être allée encore plus loin que le Conseil d’Etat dans son appréciation des délégations de signature concernant le droit de préemption. En effet, à aucun moment dans sa décision, le Conseil d’Etat n’a exigé qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. Le Conseil d’Etat se bornait à constater qu’en l’espèce la délégation de signature n’incluait pas le droit de préemption urbain. Cela pouvait sous-entendre que le droit de préemption ne relevait pas « la gestion du patrimoine immobilier communal ». En exigeant la mention expresse du droit de préemption dans la délégation, la Cour administrative d’appel paraît donc avoir été encore plus loin que le Conseil d’Etat…

La revanche de l’éolien sur le droit : l’effet boomerang

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Longtemps l’éolienne aura été saisie par le droit, pour ralentir son implantation. On assiste ces dernières mois à une situation inverse et pour ainsi dire à un effet boomerang : les solutions particulières obtenues et exigées par la filière éolienne au nom d’une simplification du droit se systématisent aux matières juridiques qui les ont concédées. Ainsi l’expérimentation en cours d’une autorisation unique consacre-t-elle un régime EnR (encadré par l’ordonnance ratifiée n° 2014-355, 20 mars 2014 et le D. n° 2014-450, 2 mai 2014) qui a vocation à se généraliser à toutes les installations classées : l’article 103 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (JORF n°0181 du 7 août 2015 page 13537, texte n° 1) habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances afin cette fois de généraliser dans un délai de 18 mois le principe de l’autorisation unique Il est dès lors remarquable que le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d’urbanisme et portant diverses dispositions relatives à l’application du droit des sols et à la fiscalité associée (JORF n°0004 du 6 janvier 2016  texte n° 24) allonge la durée de validité des autorisations d’urbanisme. Il porte le délai de validité initial des autorisations d’urbanisme de deux ans à trois ans. De surcroît, ce délai pourra être prorogé d’un an, non plus une seule fois mais deux fois. Enfin, le délai de validité de l’ensemble des permis et des décisions de non-opposition à déclaration préalable portant sur des ouvrages de production d’énergie renouvelable pourra être prorogé plusieurs fois pour une année, jusqu’à l’achèvement d’un délai de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Or ces dernières dispositions étaient jusqu’alors réservées aux seuls projets éoliens … Précisons encore trois apports purement urbanistiques de ce même décret. D’une part, ce texte simplifie les formalités opposables aux travaux sur construction existante. Le seuil de soumission de ces travaux à permis de construire est en effet relevé de 20 m2 à 40 m2, sur l’ensemble des territoires dotés d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols et plus uniquement en zones urbaines. D’autre part, le décret procède à une correction de la partie réglementaire du code de l’urbanisme relative au recours obligatoire à l’architecte, aux fins de mise en cohérence avec la partie législative du même code. Enfin, le décret comporte des corrections et compléments portant sur la fiscalité associée aux autorisations d’urbanisme, afin de tirer les conséquences de la disparition de la participation pour non réalisation des aires de stationnement (PNRAS) et du versement pour dépassement du plafond légal de densité (VDPLD) et de clarifier les éléments à fournir pour l’identification du redevable des taxes.

Urbanisme : détermination de l’autorité compétente lorsque le permis de construire est attribué au nom de l’Etat (CE, 25 novembre 2015, n°372045)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat   « L’État, c’est moi », aurait affirmé Louis XIV le 13 avril 1655 devant les parlementaires parisiens… Louis XIV disparu, il devient difficile de savoir qui désormais représente l’Etat…et ce plus particulièrement en matière de permis de construire délivrés “au nom de l’Etat”, lorsqu’il existe un désaccord entre le maire et le Préfet lors de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme. Aux termes d’une décision du 25 novembre 2015 (CE, 1ère / 6ème SSR, 25 novembre 2015, n°372045, mentionné dans les tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat a déterminé qui, en cas de désaccord sur le permis de construire, aurait le dernier mot entre le maire ou le Préfet dans l’hypothèse où le maire reviendrait sur l’avis qu’il avait émis initialement. Les faits de l’espèce étaient les suivants. Un permis de construire avait été sollicité sur le territoire d’une commune dépourvue de plan local d’urbanisme mais dotée d’une carte communale et n’ayant pas fait le choix, par le vote d’une délibération en ce sens de son conseil municipal, de conférer au maire le pouvoir de statuer en son nom sur les demandes d’autorisation d’urbanisme. Dans cette commune, les autorisations d’urbanisme étaient donc délivrées au nom de l’Etat. Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction s’était déclaré favorable au projet, tandis que le maire, postérieurement à l’expiration du délai au terme duquel son avis était réputé favorable, avait émis un avis négatif. Le Préfet avait alors décidé d’accorder le permis de construire sollicité. La commune avait saisi le tribunal administratif qui avait annulé ce permis au motif qu’il émanait d’une autorité incompétente. Par un arrêt du 12 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Lyon avait confirmé le jugement grâce au motif suivant: « 7. Considérant qu’il est constant que la commune […], dépourvue de plan local d’urbanisme mais dotée d’une carte communale, n’a pas fait le choix, par le vote d’une délibération en ce sens de son conseil municipal, de conférer au maire le pouvoir de statuer en son nom sur les demandes d’autorisation d’urbanisme ; qu’il ressort des pièces produites […]que le responsable de ce service de la direction départementale des territoires, qui y a d’ailleurs expressément visé l’article R. 422-2 e) précité du code de l’urbanisme, s’est déclaré favorable au projet, manifestant ainsi un désaccord avec le maire […], lequel avait porté sur le formulaire de demande de permis un avis négatif ; que, toutefois, cet avis, daté du 30 mars 2010, est intervenu plus d’un mois après que, le 18 janvier 2010, [le pétitionnaire] a renouvelé sa demande de permis de construire et en a déposé le dossier à la mairie de […]; que le maire de cette commune avait ainsi déjà émis, par son silence, un avis réputé favorable et épuisé sa compétence consultative ; qu’il n’existait en conséquence, l’avis défavorable du 30 mars 2010 devant être ignoré, aucun désaccord entre ce maire et le responsable du service instructeur ; que les faits antérieurs à cet avis réputé favorable, et notamment le refus de permis de construire opposé le 5 mai 2007, sont sans incidence ; que le préfet était dès lors incompétent, comme l’a jugé le tribunal, pour délivrer [au pétitionnaire] le permis de construire en litige ; » (CAA Lyon, 12 juillet 2013, n°13LY00643)   Le pétitionnaire s’était alors pourvu en cassation. Le Conseil d’Etat devait donc désigner qui était l’autorité compétente pour prendre la décision sur la demande d’autorisation d’urbanisme, question qui nécessitait de déterminer si un maire pouvait changer d’avis après avoir émis un premier avis favorable. Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat a censuré la position de la Cour administrative d’appel de Lyon. Il a, tout d’abord, indiqué à qui devait en principe échoir la compétence en matière d’urbanisme. Principe de compétence du Maire: dans les communes qui ne sont pas dotées d’un document d’urbanisme ou qui sont dotées d’une carte communale mais dans lesquelles le conseil municipal n’a pas délibéré pour donner la compétence au maire en matière d’instruction d’autorisations d’urbanisme, l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme dispose que le permis de construire est délivré au nom de l’Etat, par le maire ou par le Préfet. Plus exactement, l’article R.422-1 du code de l’urbanisme précise que « Lorsque la décision est prise au nom de l’Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme où elle émane du préfet. » Exceptions à la compétence du Maire: Parmi les exceptions listées à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme, il est notamment exposé que le Préfet est compétent pour délivrer le permis de construire dans les communes visées au b de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme « En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction mentionné à l’article R. 423-16 » du code de l’urbanisme. Ces précisions sur la compétence apportées, le Conseil d’Etat a alors examiné quelle était la procédure lors de l’instruction d’un permis de construire délivré au nom de l’Etat. Il a notamment souligné qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 423-72 du code de l’urbanisme, «  Lorsque la décision est de la compétence de l’Etat, le maire adresse au chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis […] ». De plus, le Conseil d’Etat a relevé que, selon l’article R. 423-74 du même code : « Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction adresse un projet de décision au maire ou, dans les cas prévus à l’article R. 422-2, au préfet. / Dans les cas prévus à l’article R. 422-2, il en adresse copie au maire […] ». Cet état du droit rappelé, le Conseil d’Etat devait donc déterminer si le maire pouvait retirer son avis favorable pour…