La liquidation de l’astreinte pénale en matière d’infractions aux règles d’urbanisme n’est pas contraire aux garanties constitutionnelles (Cass, 4 févr.2014, n°13-83492)

Par un intéressant arrêt en date du 04 février 2014 (C.cass, 4 février 2014, n°13-83492), la Cour de cassation confirme la conformité à la constitution de la possibilité pour l’administration en vertu de l’article L 480-8 du Code de l’urbanisme de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal consécutivement à un jugement répressif rendu en matière d’infractions au Code de l’urbanisme. La Cour de cassation était saisie d’une demande de Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) formulée comme suit : « Les dispositions de l’article L.480-8 du code de l’urbanisme permettant à l’administration de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal, prononcée par le juge répressif qui a ordonné la remise en l’état des lieux en raison d’une infraction aux règles de l’urbanisme, ne sont-elles pas contraires aux garanties constitutionnelles instituées par les articles 2, 8 et 16 de la déclaration des droits de l’homme aux termes desquelles il appartient à la loi sous le contrôle du juge judiciaire de fixer les peines dans le cadre d’un procès juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties? » Reprenant une solution constante en la matière, la Cour refuse de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel :  « Attendu que les dispositions contestées sont applicables à la procédure ; Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ; Et attendu que la question posée ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux dès lors que la créance d’astreinte liquidée trouvant son fondement dans une décision prononcée par une juridiction répressive en application de l’article L. 480-7 du code de l’ urbanisme, le contentieux de son recouvrement ressortit aux juridictions de l’ordre judiciaire, la circonstance que l’Etat a procédé à la liquidation de l’astreinte prononcée, ainsi que le prévoit l’article L. 480-8 du même code, n’ayant pu modifier ni la nature du litige ni la détermination de la compétence » Cet arrêt est l’occasion de rappeler le régime juridique de la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale. La possibilité d’assortir une condamnation pénale en urbanisme, non seulement d’une obligation de démolition ou de remise en état, mais plus encore d’une astreinte est prévue à l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme : « Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté. Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus. Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». L’astreinte permet alors d’accompagner la sanction d’une pression financière. Il est utile de préciser que selon la Cour de cassation « le délai d’exécution de la mise en conformité ne peut courir avant que la condamnation soit devenue définitive » (Crim., 12 décembre 2000, n°00-81771). Sur le plan de la contestation, il convient de noter que la procédure de contestation à l’”état exécutoire” permet de contester le titre exécutoire procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux. Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer. Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur de l’astreinte. Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception. S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir : –        L’existence de la créance ; –        L’exigibilité de la créance ; –        Le montant de la créance. Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation  appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; et article R. 480-5 du code de l’urbanisme). Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public du lieu du domicile du débiteur ». A compter du jour où l’autorité compétente reçoit cette réclamation, date dont elle informe le débiteur en lui délivrant un reçu, elle dispose d’un délai de 6 mois pour statuer sur celle-ci. Si à l’issue de ce délai, l’autorité compétente n’a pas notifiée sa décision au débiteur, son silence vaut rejet. Dès lors qu’une décision explicite ou implicite intervient, le débiteur dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision explicite, ou à compter du jour où est née la décision implicite pour saisir la juridiction compétente (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 119)….

ICPE/ Entrepôts: attention à la qualité d’exploitant en titre lorsque le locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles! (CAA Versailles, 31 oct.2013, n°11VE02431)

Par un arrêt lu le 31 octobre 2013 « Société I. » n° 11VE02431, la Cour administrative d’appel de Versailles précise que l’ « exploitant » d’une ICPE est celui qui a obtenu du Préfet le récépissé de déclaration, et ce indépendamment du fait que l’exploitation effective de l’installation soit laissée à d’autres sociétés commerciales. En conséquence de quoi, c’est à cet exploitant que doit être adressé un arrêté de mise en demeure de respecter les conditions d’exploitation de l’installation classée en question. Déjà nous pouvions nous interroger en ces termes : « la qualité d’exploitant s’apprécie-t-elle in abstracto (en fonction du titre) ou in concreto (en fonction de l’exploitation réelle) ? (D.DEHARBE, Les installations classées pour la protection de l’environnement, Litec, 2007, pt. 419). La décision de la CAA de Versailles fournit une réponse claire à cette question mais elle n’est pas sous soulever de nouvelles interrogations au sujet d’une situation devenant alors problématique, quasi-piégeuse pour l’exploitant en titre car quels que soient les aménagements conventionnels conclus relatifs à la délégation de l’exploitation de l’installation, c’est toujours au titulaire du titre d’exploitant que l’administration enjoindra de se conformer à la règlement ICPE. Les faits étaient simples : la société I. s’est vue délivrer un permis de construire en vue de la reconstruction d’un bâtiment à usage de stockage et d’industrie. Parallèlement, la société I. a établi une déclaration pour l’exploitation, sous la rubrique 1510-2 de la nomenclature ICPE (soit l’activité d’entrepôt) pour un bâtiment composé de cinq cellules. Cela a donné lieu à un récépissé de déclaration qui constitue son titre. Par la suite, la société I. a donné à bail à des sociétés commerciales une partie du bâtiment dont l’une des ces sociétés exploitait un dépôt de pétards et d’artifices – relevant de la rubrique 1311 de la nomenclature ICPE – sans déclaration préalable. Une visite de contrôle pointait, en substance, l’absence de conformité des conditions d’exploitation de l’entrepôt à la réglementation applicable et conduisait in fine à l’arrêté de mise en demeure pris par le Préfet de la Seine-Saint-Denis à l’encontre de la société I. Le Tribunal administratif de Montreuil a d’abord rejeté la demande la société requérante d’annulation de l’arrêté de mise en demeure de régulariser sa situation administrative  d’annuler en déposant un dossier modificatif de déclaration. La société I. a alors interjeté appel du jugement en développant plusieurs moyens : –        Le jugement serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation car les installations, qui ont fait l’objet de la mise en demeure querellée, sont exclusivement exploitées par la société A ; –        La société I. n’est que propriétaire des locaux exploités et à ce titre, ne pouvait légalement être mise en demeure au titre de la législation sur les ICPE ; –        Les preneurs des locaux –  la société A – se sont contractuellement engagés pour l’exercice de leur activité commerciale à obtenir les autorisations administratives nécessaires ; –        Dès lors, il appartenait aux seuls preneurs des locaux de déposer la déclaration prévue à l’article R. 512-68 du code de l’environnement (déclaration d’un nouvel exploitant). La Cour constate d’abord que l’article R. 512-68 du code de l’environnement oblige « le nouvel exploitant » à déclarer au préfet « dans le mois qui suit la prise en charge de l’exploitation », les informations inhérentes à la personne et à l’activité du nouvel exploitant. La Cour considère que cet article ne s’applique pas en l’espèce puisque la société I. s’est vue délivrer un récépissé de déclaration pour l’exploitation d’un entrepôt couvert. Pour rejeter le moyen selon lequel seuls les preneurs des locaux exploitaient l’exploitation, ce qui empêcherait la société I. d’être mise en demeure, la Cour relève : « Qu’il résulte de l’instruction qu’en l’absence de toute déclaration auprès des services préfectoraux compétents d’un changement d’exploitant dans les conditions prévues par les dispositions susvisées, la Société I. est demeurée exploitante en titre de l’ensemble immobilier objet du récépissé délivré par le Préfet de la Seine-Saint-Denis le 8 mars 1999 ; » Par suite, la CAA de Versailles neutralise le moyen selon lequel la société I. n’est qu’une société civile immobilière et qu’à ce titre elle donne en location à des sociétés exploitante l’entrepôt dont elle est propriétaire. En effet, bien qu’une jurisprudence constante veut qu’en sa seule qualité de propriétaire, ce dernier ne peut pas faire l’objet d’une mise en demeure (CE, 21 févr. 1997, SCI Les Peupliers, req. n° 160250 ; CAA Marseille, 13 avril 2006, SCI Joëlle, req. n° 02MA00689 ; CAA Douai, 18 oct. 2008, Société Intradis, req. n° 06DA01279), la société I. était en outre exploitante de l’installation classée en litige ce qui rend de jure la mise en demeure querellée opposable. A ce titre, le Conseil d’Etat juge que l’exploitant doit s’entendre comme le titulaire de l’autorisation mais plus, que l’existence d’un contrat confiant à un tiers l’exploitation de l’installation est, en l’absence d’une telle autorisation de changement d’exploitant, sans influence sur la qualification d’exploitant (CAA Douai, 22 mai 2008, Société Novergie, req. n° 06DA01271 ; solution confirmée par : CE, 29 mars 2010, Communauté des communes de Fécamp, req. n° 318886). Dernièrement, dans un arrêt « Société Arcelormittal France » (CE, 6 déc. 2012, req. n°333977), le Conseil d’Etat a réaffirmé qu’un arrêté préfectoral pouvait être adressé, y compris après mise à l’arrêt définitif de l’installation, à l’exploitant « lequel doit s’entendre comme le titulaire de l’autorisation délivrée sur le fondement de l’article L. 511-1 du code de l’environnement […]». Ainsi, l’arrêté adressé au dernier exploitant de fait a donc été annulé. La juridiction d’appel de Versailles, pour répondre au moyen selon lequel il appartenait aux sociétés commerciales – dont la société A – d’obtenir les autorisations administratives indispensables à l’exercice de leur activité en vertu des clauses d’un bail, énonce : « que la société I. […] ne peut utilement soutenir […] qu’il incombait aux seuls preneurs d’informer l’administration du changement d’exploitant en vertu des clauses du bail qui les liaient à la société I., alors que les stipulations contractuelles liant la requérante à ses preneurs ne sauraient être opposées à l’administration » Cette analyse s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante selon laquelle le titre d’exploitant d’une installation classée…

CE, 25 sept. 13, “Société G… et autres”, n°358923 : grand ou petit arrêt du droit des sites et sols pollués ?

Par un arrêt en date du 25 septembre 2013 « Sté G… et autres » (req. n° 358923, consultable ici), le Conseil d’Etat juge, sur le fondement de la police des déchets, qu’en l’absence du producteur ou d’un détenteur connus des déchets résultant de l’exploitation d’une installation classée, le propriétaire du terrain, siège de la pollution, pourra être qualifié de détenteur desdits déchets. Ainsi, si le propriétaire a fait preuve de négligence en laissant à l’abandon les déchets, celui-ci sera tenu de responsable pour leur élimination. Cet arrêt constitue la dernière étape d’un contentieux vieux d’une vingtaine d’années, ayant suscité une autre jurisprudence de principe bien connue des environnementalistes, comme de ses faits d’ailleurs : sur un terrain dont elle est propriétaire, la société Wattelez exploitait une usine de régénération de caoutchouc. En 1989, la société Eureca rachète l’usine et en devient exploitante. Lorsque cette dernière fait l’objet d’une liquidation judiciaire en 1991, elle a laissé sur le terrain – propriété de la société Wattelez – plusieurs milliers de tonnes de pneumatiques usagés. Alors que sur le fondement de la  police ICPE, le préfet avait mis en demeure la société Wattelez d’éliminer les déchets entreposés, le Conseil d’Etat, saisi en cassation, a jugé que ladite société, en sa seule qualité de propriétaire des terrains et installations, ne pouvait être tenue d’éliminer les pneumatiques (CE, 21 févr. 1997, Ministre de l’environnement, req. n° 160787). C’est ensuite sur le fondement de la police des déchets que le maire de la commune de Palais-sur-Vienne avait mis en demeure la société Wattelez d’éliminer les déchets en cause en tant que détenteur des déchets. La notion de détenteur issue de l’ancienne directive mère de 1975 relative aux déchets (n° 75/442/CEE, refondue par la directive n° 2006/12/CE du 5 avril 2006 : JOUE n° L 114 du 27 avril 2006) a été reprise à l’article L. 541-2 du code de l’environnement, qui en tire la conclusion selon laquelle le détenteur est tenu d’assurer ou de faire assurer l’élimination des déchets. Saisi une nouvelle fois en cassation (CE, 26 juillet 2011, Cme de Palais-Sur-Vienne, req. n° 328651), le Conseil d’Etat énonce, sur le fondement de la police sur les déchets, que : «(…) le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ». Dans son arrêt statuant sur renvoi du Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 1er mars 2012, Société C et autres, n° 11BX01933) suivait la Haute juridiction en caractérisant la négligence de la société propriétaire du terrain. C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat était appelé à statuer le 25 septembre dernier sur la requête de la même société contre l’arrêt de la CAA de Bordeaux. Dans un considérant de principe, les juges du Palais-Royal affirment :  « Considérant que sont responsables des déchets au sens de ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions des articles 1er, 8 et 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets, les seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; qu’en l’absence de tout producteur ou de tout autre détenteur connu, le propriétaire du terrain sur lequel ont été déposés des déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l’obligation d’éliminer ces déchets ; » Le Conseil d’Etat pose ainsi deux conditions pour que le propriétaire d’un terrain puisse être tenu pour responsable de l’élimination des déchets : Pour qualifier le propriétaire du terrain d’ultime détenteur des déchets entreposés sur le terrain, il faut que le producteur des déchets ou tout autre détenteur des déchets – en pratique, celui-ci qui les a en sa possession – soient inconnus ou aient disparus (CE, 1er mars 2013, Société Natiocrédimurs et société Finamur, req. n° 354188) ; Quant au propriétaire, en tant que détenteur des déchets, il a fait preuve de négligence dans la gestion des déchets. Autrement dit, pour reprendre la fameuse fiction du droit civil, c’est « en bon père de famille » que le propriétaire aurait du les éliminer ou bien a minima ne pas les abandonner mais les gérer de façon à ce qu’ils ne produisent pas « des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d’une façon générale, à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement » (Cf. article L. 541-2 du code de l’environnement). En l’espèce et en reprenant la motivation de l’arrêt de la CAA de Bordeaux du 11 mars 2012, le Conseil d’Etat retient :  « 4. Considérant que la cour administrative d’appel de Bordeaux a notamment relevé que les déchets litigieux résultaient pour l’essentiel de l’exploitation antérieure de l’activité de régénération de caoutchouc par la société G…, que les requérants s’étaient abstenus de toute surveillance et de tout entretien du terrain en vue, notamment, de limiter les risques de pollution de la Vienne et les risques d’incendie, ni procédé à aucun aménagement de nature à faciliter l’accès au site des services de secours et de lutte contre l’incendie et qu’ils n’avaient pris aucune initiative pour assurer la sécurité du site ni pour faciliter l’organisation de l’élimination des déchets (…) et que la société G… avait refusé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie l’autorisation de pénétrer sur le site pour en évacuer les produits toxiques et en renforcer la sécurité ; qu’au vu de l’ensemble des circonstances qu’elle a ainsi relevées, la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui a suffisamment répondu aux moyens soulevés devant elle sans entacher son arrêt de contradiction de motifs, a donné aux faits qui lui étaient soumis une exacte qualification juridique et n’a…

Le juge civil des référés décomplexé face à l’ICPE causant un trouble anormal à son voisinage (Cass, 14 janv.2014, n°13-10167)

Dans un arrêt en date du 14 janvier 2014 (C.cass, 14 janvier 2014, pourvoi n° 13-10167), la Cour de cassation confirme un arrêt de Cour d’appel, statuant en référé, ordonnant l’arrêt de l’activité d’une centrale à béton, sous astreinte de 700 euros par jour de retard, au titre de l’existence des troubles anormaux de voisinage. La Cour de cassation relève ainsi : « Attendu qu’ayant relevé que les attestations produites faisaient état de graves nuisances, que des constats d’huissier établissaient l’importance des dépôts de ciment et graviers maculant l’environnement immédiat du restaurant et celle des nuages de poussières provoqués par le passage des camions et que la police municipale avait relevé de nombreuses infractions de voirie, la cour d’appel statuant en référé, qui a justement retenu que les sociétés exploitantes de la centrale à béton devaient répondre des conséquences d’une exploitation gravement préjudiciable aux intérêts des tiers, a pu déduire de ses constatations, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à l’existence d’un dommage imminent pour la pérennité de la société Pito, que les conditions d’exploitation de la centrale créaient pour cette société des nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage et que le trouble causé justifiait que soit ordonné l’arrêt de l’exploitation ». Cet arrêt souligne tout le potentiel juridique de la théorie des troubles anormaux de voisinage générés par une installation classées, de surcroît lorsque le juge civil statue en référé. D’abord, cet arrêt rappelle que dès lors que le code de l’environnement réserve les droits des tiers, la compétence exclusive du préfet en matière d’installations classées ne fait pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité de l’exploitant ICPE pour troubles de voisinage devant le juge judiciaire (Cass. 2e civ., 22 janv. 1959 : Bull. civ. 1959, II, p. 46. – Cass. 2e civ., 29 mars 1962 : Bull. civ. 1962, II, p. 258. – Cass. 2e civ., 16 juill. 1969 : Bull. civ.1969, II, p. 184 Cass. 1re civ., 13 juill. 2004, n° 02-15.176, FS-P :      JurisData n° 2004-024670 ; Bull. civ. 2004, I, p. 174 ; Environnement 2004, comm. 111, obs. D. Gillig ; AJDA 2005, p. 1235, note M. Moliner-Dubost ; RD imm. 2005, p. 40, obs. F.-G. T. – Rép. min. n° 05959 : JO Sénat Q, 14 mai 2009, p. 1215) et donc, au cas particulier, à la constatation d’un trouble manifestement illicite par le juge des référés (Cass. 1re civ., 15 mai 2001, n° 99-20.339, P, Divanac’h c/ Rannou : JurisData n° 2001-009553 ; Bull. civ. 2001, I, n° 135 ; RD imm. 2001, p.360, obs. M. B. ; RD imm. 2002, p. 370, obs. F.-G. T. ; D. 2001, p. 2242). Dans le cadre de cette théorie jurisprudentielle qui date du 19ème siècle, il n’est pas nécessaire, pour la victime, de démontrer la faute de voisin industriel au regard de son autorisation pour obtenir la cessation du trouble anormal de voisinage. Ce qui importe comme le rappelle la Cour c’est la démonstration d’une « exploitation […] préjudiciable aux intérêts des tiers ». Confronté à une action en trouble anormal, l’auteur du trouble ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité par la preuve de son absence de faute. La responsabilité  est engagée de manière objective dès que le trouble présente un caractère anormal et que le lien de causalité est établi entre le dommage allégué et le fait générateur invoqué. En l’espèce l’exploitation préjudiciable de l’installation se concrétise par des méconnaissances grossières des prescriptions élémentaires de fonctionnement d’une centrale à bitume. Mais rappelons que le seul respect des prescriptions techniques n’est pas exonératoire de responsabilité si la victime parvient à démontrer des conséquences résiduelles de l’exploitation encadrée en termes de dommage (Cass. 2e civ., 17 févr. 1993, n° 91-16.928, P : JurisData n° 1993-000172 ; Bull. civ. 1993, II, n° 68. Pour un cas extrême concernant des éoliennes non classées : TGI Montpellier, 17 septembre 2013, commenté ici). Gageons néanmoins que « la tendance générale en matière d’installations classées est en définitive de ne retenir l’existence d’un trouble anormal de voisinage que lorsque la réglementation n’a pas été respectée » (F. NESI, « Trouble anormal de voisinage et nuisances industrielles », Revue juridique de l’économie publique n° 696, Avril 2012,  étude 3). Ceci doit en particulier être le cas lorsque les seuils de pollution sont définis par des prescriptions ICPE, mais lorsque la règle est formulée sous la forme d’une obligation de moyen et non de résultat, la responsabilité de l’industriel n’en sera que plus exposée. Enfin et surtout  le juge des référés peut aller jusqu’à suspendre l’activité même de l’installation classée. Et c’est justement ce que confirme ici la Cour de cassation. Cette solution pour relativiser la séparation des autorités administratives et judiciaires n’est pas nouvelle : même si en principe il est interdit au juge judiciaire de « contrarie[r] les prescriptions édictées par l’Administration dans l’intérêt de la sûreté et de la salubrité publique» (Tribunal des conflits, 23 mai 1927 : S.1927, 3, p. 94), la Cour de cassation admet – sans doute contra legem – que les juridictions civiles en référé et sur la base de l’article 809 CPC puissent suspendre l’activité industrielle objet même de la police administrative (Cass. 2e civ., 10 nov. 2010, n° 09-17.147). Ainsi les exploitants d’installations classées ne peuvent ignorer l’insécurité juridique dans laquelle peut se trouver leur installation puisque leur respect des prescriptions imposées au fonctionnement de leur installation classée ne fait pas obstacle à ce que leur responsabilité soit mise en cause si leur activité génère des nuisances excédant un seuil normal pour le voisinage. La question sera alors de déterminer l’anormalité du seuil, en fonction d’un faisceau d’indices. David DEHARBE Aurélien BOUDEWEEL Green Law avocat

Conditions suspensives dans une promesse de vente: la Cour de cassation rappelle le caractère strict des clauses (Cass, 20 nov.2013)

Par un arrêt en date du 20 novembre 2013 (C.cass, 20 novembre 2013, pourvoi n°12-29021), la Cour de cassation rappelle la stricte interprétation qu’il convient d’avoir de la condition suspensive contenue dans une promesse de vente et tenant à l’obtention d’un prêt. En l’espèce, des particuliers avaient signé une promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt. Par la suite, le bénéficiaire de cette condition suspensive avait fait valoir la non obtention du prêt pour justifier de sa renonciation à la vente. Néanmoins, il ressortait des pièces que le bénéficiaire de la promesse avait en réalité sollicité auprès de la banque un prêt à un taux inférieur à celui prévu par la promsse de vente Toute la problématique résidait alors en l’espèce dans le fait que le particulier justifiait de la non obtention du prêt mais à un taux qui était  inférieur à celui contractuellement prévu dans la promesse de vente. S’estimant dans son bon droit, la partie adverse avait sollicité de la juridiction civile l’application de la clause pénale, sans succès jusqu’en appel. Dans son arrêt en date du 20 novembre 2013, la Cour de cassation casse néanmoins l’arrêt de Cour d’appel et rappelle la stricte interprétation qu’il convient de faire des dispositions contractuelles et notamment des conditions suspensives d’un contrat : « Vu l’article 1178 du code civil ; Attendu que pour débouter M. X… de sa demande au titre de la clause pénale, l’arrêt retient qu’il est reproché à Mme Y… d’avoir demandé à la BNP un prêt à un taux inférieur au taux prévu à la promesse de vente, qu’il est vrai qu’elle a demandé une simulation sur la base d’un taux de 4, 20 % dont il n’est pas démontré cependant qu’il soit fantaisiste, que le seul fait de demander un taux légèrement inférieur au taux prévu par la promesse ne constitue pas une faute justifiant la mise en jeu de la clause pénale et qu’il n’y a pas là une ” instrumentalisation ” de la condition suspensive ainsi que le prétend M. X… ; Qu’en statuant ainsi, tout en constatant, d’une part, que Mme Y… avait sollicité de la banque BNP Paribas un prêt à un taux ne correspondant pas aux caractéristiques de la promesse, d’autre part, qu’elle se contentait de produire une lettre de Cetelem indiquant que son dossier avait été détruit, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé » ; Cet arrêt de Cour de cassation rappelle l’importance des dispositions contractuelles prévues entre les parties. Dès lors que la promesse prévoyait une condition suspensive liée à un prêt à un certain taux, il appartenait au bénéficiaire de solliciter ledit prêt au taux contractuellement prévu. A défaut, il s’expose à l’application de la clause pénale. Cette décision confirme l’interprétation littérale qu’il convient d’avoir de l’article 1134 du Code civil, lequel dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Nul doute que la solution dégagée par la Cour de cassation dans cette espèce doit être étendue à l’ensemble du domaine contractuel. Il semble alors acquis par exemple que la clause pénale viendrait également s’appliquer dans la cas où une promesse de vente prévoyait l’obligation pour l’une des parties d’obtenir une autorisation d’urbanisme à une date déterminée. Aurélien Boudeweel Green Law Avocat