Garantie décennale: un système de climatisation par pompe à chaleur constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil et la garantie peut s’appliquer (Cass, 24 sept.2014)

Dans un arrêt en date du 24 septembre 2014, la Cour de cassation (C.cass, civ, 3ème, 24 septembre 2014 n°13-19615) est venue préciser qu’un système de climatisation par pompe à chaleur constitue un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du Code civil de sorte que la garantie décennale doit pouvoir s’appliquer. Rappelons que la responsabilité décennale est prévue par l’article 1792 du Code civil qui dispose : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ». L’article 1792-2 du Code civil ajoute que : « La présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ». Il résulte de ces dispositions que les dommages allégués doivent présenter un caractère de gravité suffisant pour que la garantie décennale puisse être mise en jeu. Une jurisprudence abondante rappelle que les juges du fond doivent prendre soin d’observer ce caractère de la gravité des dommages (C.Cass. 3e civ., 8 oct. 1977, n° 95-20.903 : JurisData n° 1997-003989 et Cass. 3e civ., 19 nov. 1997, n° 95-15.811) pour éviter la censure de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 20 mai 1998, préc. – Cass. 3e civ., 27 mai 1999, n° 97-17.520 : RD imm. 1999, p. 406, obs. Ph. Malinvaud).  Il convient de distinguer deux types de dommages au titre de la garantie décennale : Les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage (C.civ, art. 1792, al. 1er). La jurisprudence fournit de nombreux exemples à cet égard (C.Cass. 3e civ, 12 mars 1986, n° 84-14.486 : défaut d’étanchéité provoquant des infiltrations à l’intérieur des appartements ; C. Cass. 3e civ., 4 févr. 1986 : une fissure large et traversante ; C.Cass. 3e ci., 14 nov. 1984 : glissement de terrain déstabilisant l’assise d’une construction). Les dommages rendant l’immeuble impropre à sa destination : la référence à la notion de destination de l’immeuble permet alors la mise en œuvre de la garantie décennale. De fait, de nombreux dommages qui n’affectent pas la solidité de l’immeuble peuvent néanmoins être pris en compte au titre de la garantie décennale. Ces désordres peuvent résulter de la défaillance  soit des éléments de construction de l’immeuble (isolation par exemple) soit des éléments d’équipement. En l’espèce, il s’agissait de cette deuxième catégorie de dommages dont était saisie la Cour de cassation. Une société entendait faire jouer la garantie décennale eu égard aux désordres sur une climatisation par pompe à chaleur installée dans son immeuble. La Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel qui n’avait pas accueilli la demande de garantie et rappelle: « … que pour débouter la société Maison Malleval de ses demandes formées sur l’article 1792 du code civil, l’arrêt retient que s’agissant d’un ouvrage conçu au sein d’un bâtiment de commerce et bureaux afin de rafraîchir l’air ambiant, il doit être considéré en raison de son importance et de son emprise sur le sous-sol comme constituant un élément d’équipement, que, compte tenu du fait qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage autonome mais d’un simple élément d’équipement, l’impropriété à destination ne se conçoit pas au niveau de l’élément d’équipement lui-même mais bien à celui de l’ouvrage desservi dans son ensemble et que la société Maison Malleval ne dit pas en quoi un certain rafraîchissement de l’air ambiant était nécessaire au bon fonctionnement de sa surface de vente en rez-de-chaussée et de ses bureaux ; Qu’en statuant ainsi, alors que l’installation d’un système de climatisation par pompe à chaleur immergée au fond d’un puits en contact avec la nappe phréatique sur un ouvrage existant constitue un ouvrage dont l’impropriété à destination s’apprécie indépendamment de l’immeuble pris dans son ensemble, la cour d’appel a violé les textes susvisés». Cet arrêt de la Cour de cassation confirme que l’enjeu de la qualification d’’ouvrage’ est fondamental.  En cas de désordres, il permet à la victime d’obtenir la responsabilité du constructeur de l’ouvrage dès constat du désordre. En revanche, en l’absence de désordres affectant un ouvrage au sens juridique du terme, la victime de désordres devra rechercher et démontrer une faute, un préjudice, le lien de causalité entre les deux : soit une démonstration classique du droit de la responsabilité contractuelle, parfois difficile à démontrer en matière immobilière. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Inondations … Attention les Ministres sortent les parapluies ! (instructions ministérielles du 22 sept. et 6 oct. 2014)

Le Gouvernement semble très mal à l’aise sur la question de la gestion du risque inondation dans les zones à risque. Il s’agit pourtant d’une question au cœur de l’actualité : en effet, le procès « Xynthia » est actuellement en délibéré, le bilan à mi-parcours du plan « Submersions rapides » vient d’être dressé et les récentes inondations dans le sud de la France ont encore fait des victimes… Le Gouvernement encourt un risque de voir sa responsabilité engagée pour carence fautive dans les zones où il existe un risque d’inondation. Afin de se couvrir, il a sorti les parapluies : deux instructions ministérielles sont venues donner des consignes aux Préfets afin qu’ils agissent de façon à ne pas pouvoir se faire reprocher une quelconque carence dans la gestion du risque inondation. La première instruction ministérielle date du 22 septembre 2014. Elle émane de Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Cette instruction ministérielle est relative aux thèmes prioritaires d’actions nationales en matière de risques naturels et hydrauliques pour 2014-2015. Comme l’indique son titre, elle a pour objectif d’établir des priorités d’actions pour les deux années à venir, dans le domaine de la prévention des risques naturels et hydrauliques. Le titre de cette instruction est d’ailleurs un peu trompeur dans la mesure où l’instruction concerne essentiellement le risque d’inondations. Elle établit des priorités pour « assurer le meilleur fonctionnement possible des services de prévision des crues et d’hydrométrie et des services de contrôle de sécurité des ouvrages hydrauliques ». L’instruction prévoit en outre des actions prioritaires sur quatre thèmes : –        la poursuite de la mise en œuvre de la directive européenne 2007/60/CE du 23  octobre  2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, afin de mieux identifier les territoires prioritaires et de faire émerger les stratégies des acteurs locaux ; –        l’accompagnement des projets portés par les collectivités territoriales, notamment les programmes de travaux de confortement des digues pour les territoires touchés par la tempête Xynthia ; –        la poursuite de l’élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRn) sur les secteurs à forts enjeux, en terminant notamment l’élaboration des PPR littoraux prioritaires ; –        l’accompagnement des collectivités dans la mise en œuvre du volet prévention des inondations de la compétence GEMAPI (gestion des eaux et des milieux aquatiques et prévention des inondations) créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’information des métropoles. Hormis le risque inondation, cette instruction rappelle qu’il faut également tenir compte des autres risques naturels. A cet égard, elle invite les Préfets à mettre en œuvre une gouvernance partenariale avec les différents acteurs de la prévention des risques naturels et insiste sur le partage impératif des informations sur les risques naturels entre les différents acteurs. Elle ajoute que les projets d’urbanisme importants doivent être exemplaires en ce qui concerne la gestion des risques et que des priorités locales peuvent être établies. Enfin, Madame le Ministre attire l’attention des préfets sur l’une des recommandations du rapport d’évaluation à mi-parcours du plan « submersions rapides » concernant la responsabilité de l’Etat dans les campings à risque. Pour ces campings, elle souligne qu’il est nécessaire d’adopter des plans d’actions en insistant sur le fait que les situations les plus critiques peuvent aboutir à la fermeture. Elle rappelle à cet effet que la mise en œuvre de cette action leur avait été demandée par une lettre du 17 février 2011 et une circulaire interministérielle du 7 avril 2010. C’est sur ce point que les parapluies sont grands ouverts : l’instruction ministérielle mentionne en effet très clairement la responsabilité de l’Etat dans les campings à risque et la nécessité d’agir pour éviter tout dommage. La seconde instruction ministérielle date du 6 octobre 2014. Elle émane de Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et de Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Cette instruction est relative à l’application de la réglementation spécifique aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones de submersion rapide. Elle tire le bilan de l’évaluation à mi-parcours du plan de « submersions rapides » et vient compléter l’instruction du mois de septembre sur cette question.  Elle a pour objet de rappeler la réglementation relative aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones à risque prévisible. A cet égard, elle exige le recensement de l’ensemble des campings situés en zone à risque. Pour les campings existants, elle demande que soit vérifié le respect des prescriptions d’information, d’alerte et d’évacuation arrêtées en application de l’article L. 443-2 du code de l’environnement. Cette instruction impose également aux Préfets de département de vérifier la validité des autorisations accordées. Outre ces mesures, elle insiste sur la nécessité de prendre en compte les autres risques naturels et technologiques lors de l’instruction du permis d’aménager et du contrôle de légalité. Elle précise également les conditions d’évacuation des campings dans les zones à risque lorsque la vigilance orange ou rouge pour crue est déclenchée. Par ailleurs, elle invite les gestionnaires de camping à prendre en compte ses recommandations en présence d’un risque de tempête (élagage des arbres, surveillance, regroupement des campeurs dans des abris en dur). Elle demande aussi à ce que des inspections des campings soient réalisées. Enfin, un modèle de cahier des prescriptions est annexé à cette instruction. Ce modèle comporte plusieurs rubriques : –        sur les risques existants ; –        sur les mesures d’information ; –        sur les dispositifs d’alerte ; –        sur la procédure d’évacuation et de mise à l’abri ; –        sur le rôle du gestionnaire du camping. Les gestionnaires des campings se voient donc imposer de nombreuses mesures de prévention des risques, à croire que ce sont eux les responsables des dommages causés par les inondations. Certes, ils ont demandé l’autorisation d’implanter un camping dans une zone à risque. Cependant, l’autorisation est, in fine, délivrée par l’administration, sous le contrôle du Préfet. Il est assez maladroit pour l’Etat d’imposer de nombreuses obligations aux gestionnaires des campings existants alors qu’il peut être considéré que c’est lui, à l’origine, qui a commis une faute en ne s’opposant…

Eau: condamnation d’un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale (TI Soissons, 25 sept.2014)

Par une ordonnance de référé en date du 25 septembre 2014, le tribunal d’instance de SOISSONS a condamné un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale à une famille dans l’incapacité de payer ses factures (ici disponible: jugement TI SOISSONS 25.09.14). En l’espèce, le distributeur d’eau avait coupé entre le 28 juillet et le 15 septembre l’alimentation en eau d’une famille en grande difficulté financière qui était dans l’incapacité de payer ses factures. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de SOISSONS fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: « Selon l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la Loi n°2013-312 du 15 avril 2013 «  En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide  auprès de la collectivité par cette personne ». Il découle de ce texte qu’un client d’un distributeur d’eau, qui est de bonne foi, mais qui, compte-tenu de l’existence d’une situation financière très obérée, est en retard dans le règlement de ses factures, a, en vertu de son droit fondamental à l’eau, le droit d’obtenir une aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau dans sa résidence principale, ou, à défaut, le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès de son fournisseur, qui ne peut pas interrompre la fourniture d’eau si cet usager respecte les modalités de paiement de celle-ci qui ont été convenues entre les parties. (…) En l’espèce, la bonne foi de Madame Fabienne M… épouse D….est présumée. La L…. n’allègue ni ne prouve aucun élément qui serait susceptible d’établir sa mauvaise foi, concernant sa réelle volonté de s’acquitter du règlement de ses factures d’eau, alors qu’il résulte des termes d’un courrier en date du 18 septembre 2014, émanant de la Société S…, adressé à Madame Fabienne M….épouse D…., que cette dernière a versé 2 acomptes d’un montant de 30,00 €, le 20 août 2014, et de 50,00 € le 08 septembre 2014, conformément à l’échéancier convenu entre les parties ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. L’ordonnance rendue par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière l’application des dispositions de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. On retiendra de cette disposition: Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier qui est présumée mais peut être combattue par le distributeur. Notons que l’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Compte-tenu des difficultés financières de nombreuses familles, il est fort à parier que les tribunaux seront de plus en plus sollicités au visa de cette disposition comme le démontrera également le futur jugement rendu par le tribunal d’instance de BOURGES dans un litige identique au présent litige concernant un autre distributeur et dont le délibéré est attendu le 12 novembre prochain…. Affaire à suivre. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Urbanisme: la notification d’un pourvoi en cassation à l’adresse de l’avocat à la Cour est vue comme respectant l’article R600-1 CU (CE, 15 oct.2014)

Aux termes d’une décision du 15 octobre 2014, le Conseil d’Etat est venu apporter une précision sur la régularité d’une notification de recours réalisée en vertu de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 15 octobre 2014, n°366065, mentionné dans les tables du Recueil Lebon) Les faits sont les suivants. Le préfet de la région Auvergne a délivré à une société un permis de construire en vue de la réalisation d’un parc éolien. Par un jugement du 27 mars 2012, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ce permis à la demande plusieurs requérants. Le pétitionnaire a alors fait appel de ce jugement et a obtenu gain de cause en appel. Un pourvoi en cassation a alors été formé à l’encontre de l’arrêt de la Cour administrative d’appel. Devant le Conseil d’Etat, le pétitionnaire du permis de construire opposait une fin de non-recevoir tirée de ce que les requérants ne lui auraient pas régulièrement notifié leur pourvoi. On comprend à la lecture de l’arrêt que les requérants avaient notifié leur pourvoi à l’adresse de leur avocat à la Cour, les ayant représenté en instance d’appel. Il invoquait, à cet effet, les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. Aux termes de cet article, ” En cas (…) de recours contentieux à l’encontre (…) d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, (…) l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant (…) un permis de construire, d’aménager ou de démolir. (…) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (…) du recours. / La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux “. Le Conseil d’Etat a alors rappelé que cette obligation de notification s’appliquait au recours initial mais également à tout recours ultérieur contre une décision juridictionnelle : « ces dispositions font obligation à l’auteur d’un recours contentieux de notifier une copie du texte intégral de son recours à l’auteur et au bénéficiaire du permis attaqué, de même que, ultérieurement, de son recours contre une décision juridictionnelle rejetant tout ou partie des conclusions tendant à l’annulation de cette décision ». Il a ensuite considéré que, qu’il ressortait des pièces de la procédure que les requérants avaient, dans le délai imparti, expédié à la société pétitionnaire, par lettre recommandée avec accusé de réception, une copie de leur pourvoi contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon à une adresse qui correspondait «  en réalité non à celle de son siège social mais à celle de son avocat devant la cour ». Bien que la société n’ait pas reçu cette notification en raison du caractère erroné de l’adresse, le Conseil d’Etat a jugé la notification régulière dès lors qu’elle avait été faite à l’adresse figurant dans les visas de l’arrêt attaqué. Cette décision est à rapprocher d’une décision rendue par le Conseil d’Etat le 24 septembre 2014 (Conseil d’État, 10ème / 9ème SSR, 24/09/2014, 351689, mentionné dans les tables du Recueil Lebon). Aux termes de cette seconde décision, le Conseil d’Etat a rappelé que « le but [de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme] est d’alerter tant l’auteur d’une décision d’urbanisme que son bénéficiaire de l’existence d’un recours contentieux formé contre cette décision, dès son introduction ». En l’espèce, il a annulé le jugement d’une cour administrative d’appel qui avait considéré que le requérant n’avait pas rempli son obligation de notifier la requête d’appel au détendeur en expédiant celle-ci non pas à l’adresse du pétitionnaire mais à l’adresse de l’architecte à qui le pétitionnaire avait donné mandat jusqu’à la notification de la décision définitive de l’administration. Le Conseil d’Etat a considéré dans cette seconde décision que la Cour avait commis une erreur de droit en considérant que la notification n’avait pas été régulière alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que l’adresse qui avait été écrite sur la notification était mentionnée sur le permis litigieux comme étant celle à laquelle la bénéficiaire du permis de construire était domiciliée. En conséquence, il résulte de ces deux décisions que si la notification a été faite par erreur à une mauvaise adresse, la notification est regardée comme régulière sur le fondement de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme si l’erreur était légitime et figurait sur les documents officiels (tels que le permis litigieux ou l’arrêt qui est attaqué). L’erreur est considérée comme légitime si elle résulte elle-même d’une erreur commise par la personne dont l’acte est attaqué (administration ou juridiction qui a inscrit une adresse erronée dans la décision attaquée). Si cette position du Conseil d’Etat se comprend au regard de la nature de l’erreur commise par l’auteur de la notification, elle nous semble néanmoins ne pas tout à fait correspondre à l’esprit de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme qui vise, rappelons-le, à « alerter tant l’auteur d’une décision d’urbanisme que son bénéficiaire de l’existence d’un recours contentieux formé contre cette décision, dès son introduction ».

Diagnostic de performance énergétique : son absence à l’acte n’entraîne pas l’annulation de la vente !

Par un arrêt en date du 8 juillet 2014 (C.cass., 3ème civ.,8 juillet 2014, n°13-19-330) la Cour de cassation rappelle dans le cadre d’un litige relatif à la vente d’un immeuble, que l’absence de diagnostic de performance énergétique au dossier de vente n’entraîne pas pour autant son annulation. En l’espèce, après qu’un contrat de vente fût signé, les  acquéreurs ont sollicité par la voie judiciaire la nullité de ce dernier au motif que le droit de rétractation prévu par l’article L. 271-1 du CCH n’aurait pas été régulièrement purgé. Selon eux, le délai de rétractation n’aurait pas commencé à courir, faute d’avoir annexé au compromis le diagnostic de performance énergétique (DPE) et l’état des risques naturels et technologiques. Ils ajoutent enfin et compte tenu de la notification du cahier des charges et du règlement du lotissement, postérieurement à la signature du compromis, qu’il aurait fallu procéder à une nouvelle purge du délai de rétractation Rappelons que le législateur contemporain a multiplié les diagnostics obligatoires avant toute vente immobilière, effectués par des organismes agréés et devant figurer en annexe de la promesse de vente ou, à défaut de promesse, dans l’acte authentique de vente. La plupart de ces annexes sont contenues dans le dossier de diagnostic technique prévu par l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 (art. L. 271-4-I du Code de la construction et de l’habitation et Décret n° 2006-1114, 5 sept. 2006). Notons que les articles L. 134-3 du Code de la construction et de l’habitation et L. 271-4 et suivants du même code prévoient que dans le cas d’une vente d’immeubles existants, le diagnostic de performance énergétique (DPE) doit être annexé à la promesse de vente. Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel qui avait rejeté la demande des acquéreurs en retenant que : « Attendu qu’ayant souverainement retenu que M. et Mme X… s’étaient engagés en toute connaissance des contraintes environnementales du lotissement sans que leur consentement ne fût vicié et qu’en signant l’acte authentique sans émettre de réserve ils avaient renoncé à se prévaloir de l’irrégularité de la purge du droit de rétractation, la cour d’appel, qui n’a pas modifié l’objet du litige ni violé le principe de la contradiction et devant laquelle il n’était pas soutenu que l’objet de la vente avait été substantiellement modifié par les documents remis après la signature de la promesse de vente, a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que les demandes des acquéreurs devaient être rejetées». L’arrêt rendu par la Cour de cassation confirme plusieurs décisions déjà rendues par les juridictions du fond. Une jurisprudence abondante rappelle que le DPE n’est exigible que pour les ventes conclues postérieurement au 1er  novembre 2006. En l’occurrence, les juges ont pu rappelé que la loi ne sanctionne pas l’absence dudit diagnostic par la nullité de la promesse (CA Rouen, 1re ch., 18 mai 2011, n° 10/02832). Le présent arrêt est intéressant en ce qu’il souligne que même pour les ventes intervenues après le 1er novembre 2006, l’absence de diagnostic de performance énergétique n’entraîne pas la nullité de la vente. La cour de cassation constate en l’occurrence que les acquéreurs avaient signés l’acte authentique sans émettre la moindre réserve, renonçant ainsi à se prévaloir de l’irrégularité de la vente. Si l’arrêt de la cour de cassation peut être surprenant au premier abord, il est en tout état de cause empreint d’une certaine logique puisque l’on peut constater que la cour d’appel puis la cour de cassation avaient pu relever que les acquéreurs ne soulevaient à aucun moment le fait que l’objet de la vente avait été substantiellement modifié par les documents remis après la vente… ce qui aurait pu changer le sens de la décision! Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat