Les modalités de restitution d’une installation classée par le preneur

Par Maître Aurelien BOUDEWEEL Green Law Avocats Par un arrêt en date du 23 juin 2016 (C.cass., civ 3ème, 23 juin 2016, n°15-11.440) la Cour de cassation rappelle que le réaménagement  du site sur lequel a été exploitée une installation classée fait partie intégrante de l’activité exercée. Par conséquent l’indemnité d’occupation due pendant la remise en état du site après cessation de l’activité est fixée par référence au loyer prévu au bail. En l’espèce, une société a exploité en qualité de preneur, un terrain en vue d’exploiter une décharge par enfouissement de déchets industriels, installation classée au sens du Code de l’environnement. Dans la perspective de l’arrêt d’exploitation du site, la société exploitante de l’installation avait donné congé au bailleur avec effet au 31 décembre 2004 et, a dans le même temps déposé un dossier de fin d’exploitation. Il est utile de préciser que la société exploitante a alors inévitablement continué à occuper le site afin de pouvoir se conformer aux prescriptions préfectorales de remise en état postérieurement au 31 décembre 2004. Les propriétaires bailleurs ont alors assigné la société exploitante afin d’obtenir une indemnité d’occupation que cette dernière refusait de verser. Rappelons qu’aux termes des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, désormais codifiée aux articles L. 511-1 et suivants du code de l’environnement, la charge de dépollution d’un site industriel incombe en effet au dernier exploitant et non au propriétaire du bien pollué. Au visa de ces dispositions, une Cour d’appel a ainsi déduit, à bon droit, que cette obligation de remise en état d’une installation classée, résultant d’une obligation « particulière », commençant avec la déclaration faite par l’exploitant à l’Administration, en l’espèce par le locataire, et s’achevant avec le nettoyage des cuves à la fin de l’exploitation, était à la charge du preneur (Cass. 3e civ., 10 avr. 2002, n° 00-17.874 : JurisData n° 2002-013924 ). Saisi du litige, la Cour de cassation censure la Cour d’appel qui avait rejeté l’action des propriétaires: « Attendu qu’il résulte de ces textes que le réaménagement du site sur lequel a été exploitée une installation classée fait partie intégrante de l’activité exercée et de ce principe que l’indemnité d’occupation due pendant la remise en état d’un site, après cessation de l’activité, doit être fixée par référence au loyer prévu au bail ; Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 27 novembre 2014), que la société X, venant aux droits de la société Y, locataire de terrains destinés à l’usage de décharge de déchets industriels, installation classée dont l’exploitation a été autorisée jusqu’au 30 juin 2004, a déposé, le 2 juin 2004, un dossier de fin d’exploitation et notifié, les 28 et 29 juin 2004, aux bailleurs, Mme Elisabeth X…veuve Y…, MM. Christophe, Stéphane, Guillaume et Florent Y… et Mmes Judith et Sara Y… (les consorts Y…) un congé à effet du 31 décembre 2004 ; que, la société X ayant continué à occuper les terrains au-delà de cette date pour procéder à un réaménagement conforme aux prescriptions préfectorales, les consorts Y… ont sollicité sa condamnation au paiement d’un arriéré de loyers ou d’une indemnité d’occupation ; Attendu que, pour fixer l’indemnité d’occupation à une certaine somme correspondant à la valeur locative d’une terre agricole, l’arrêt retient qu’au-delà du 31 décembre 2004, les propriétaires ne pouvaient plus donner leurs terrains à usage de décharge ni même à un autre usage commercial ou industriel, en considération des contraintes environnementales résultant de l’exploitation de cette ancienne carrière à usage d’enfouissement de déchets, que l’occupation des terrains par la société X privant les propriétaires de jouissance pour la période concernée ne leur a causé qu’un préjudice très limité, qui ne peut être évalué sur la base du loyer convenu entre les parties pendant la période d’exploitation commerciale de la décharge et qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité correspondant à la fourchette basse de la valeur locative des terres agricoles de moyenne qualité, seul usage potentiel envisageable de ces terrains à l’issue du suivi post-exploitation de trente ans». L’arrêt rendu par la Cour de cassation confirme le courant jurisprudentiel de ces dernières années. Relevons que dans une espèce relative à des locaux à usage commercial de garage automobile donnés à bail, les bailleurs ayant notifié au preneur un congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction, les juges du fond ont pu à juste titre considérer que l’indemnité d’occupation avait couru jusqu’au 1er  juin 2006, date à laquelle la locataire avait justifié avoir pris les mesures relatives à la mise en sécurité du site et s’agissant des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes de les avoir neutralisés conformément aux dispositions de l’article 18 de l’arrêté du 22 juin 1998 (A. 22 juin 1998, art. 18) ; peu important que la locataire ait libéré les lieux en 2005 (Cass. 3e civ., 19 mai 2010, n° 09-15.255 : JurisData n° 2010-006605). La solution est logique dans la mesure où le propriétaire d’un immeuble et/ou terrain sur lequel un preneur a exploité une installation classée, ne peut le remettre en location tant qu’une remise en état conforme à la législation sur les installations classées n’est pas intervenue. La décision de la Haute juridiction est l’occasion de rappeler aux bailleurs de terrains qui sont occupés par des industriels qu’ils sont en droit d’obtenir une indemnisation même après un congé donné par ces derniers. L’indemnité sera calculée sur celle fixée par le bail conclu. En cas de doute sur la soumission de l’entreprise au régime des installations classées, rappelons que le bailleur a toujours la possibilité comme tout administré de solliciter auprès de l’administration des renseignements en la matière.

L’inscription imminente du préjudice écologique dans le Code civil et l’action en réparation qui en découle

Par Graziella DODE – Elève-avocat, stagiaire Green Law Avocats- Master 2 Droit de l’environnement, sécurité, qualité des entreprises- Master 2 Droit des affaires Mardi 21 juin 2016, l’Assemblée nationale a voté les dispositions relatives au préjudice écologique qui devraient être inscrites prochainement dans le Code civil. Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages dont l’article 2 bis relatif au préjudice écologique est consultable ici. Après la navette parlementaire et l’échec de la Commission mixte paritaire, ce texte constitue vraisemblablement la version définitive de cette loi. Le contenu des dispositions du projet de loi relatives au préjudice écologique Il est intégré un Titre IV TER, intitulé « De la réparation du préjudice écologique » (art. 1386-19 et suivants du Code civil), après le Titre IV bis du livre III du Code civil.   Le principe retenu est que toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer. Le préjudice écologique s’entend de l’atteinte « non négligeable » aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement. L’action en réparation de ce préjudice est ouverte à plusieurs personnes ayant qualité et intérêt à agir : L’Etat, L’Agence française pour la biodiversité, Les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, Les établissements publics, Les associations agréées ou créées depuis au moins 5 ans à la date d’introduction de l’instance et qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement.   La réparation du préjudice écologique devra s’effectuer par priorité en nature. Si celle-ci est impossible, le juge pourra condamner le responsable à verser des dommages-intérêts au demandeur (ou à l’Etat si le demandeur ne parvient pas à prendre les mesures utiles) qui devront être affectés à la réparation de l’environnement. Les dépenses effectuées en prévention d’un dommage ou pour éviter qu’il ne s’aggrave seront des préjudices réparables. En tout état de cause, le juge saisi d’une demande en ce sens pourra prescrire les mesures propres à prévenir ou faire cesser le dommage. Les mesures de réparation pourront être inspirées de celles qui sont déjà mises en œuvre dans le cadre du titre VI (livre Ier) du code de l’environnement relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement. Champ d’application dans le temps de l’action relative au préjudice écologique Le texte précise que les dispositions seront applicables à la réparation des préjudices dont le fait générateur sera antérieur à la publication de la loi ; elles ne seront pas applicables aux préjudices ayant donné lieu à une action en justice introduite avant cette publication. Une prescription de 10 ans a été retenue. Il sera ainsi inséré un article 2226-1 dans le Code civil précisant que l’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice écologique se prescrit par 10 ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation de ce préjudice. Le texte prévoit également une nouvelle numérotation des articles pour prendre en compte l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations – que nous avions commenté ici – au 1er octobre 2016 (art. 1246 et suivants du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).   Le difficile avènement du préjudice écologique Le préjudice écologique souffre d’une absence de caractère personnel (en raison de la nature collective des biens inappropriables qu’il touche) alors que le régime de responsabilité civile classique exige un dommage certain, direct, et personnel. Pour autant, les juridictions judiciaires n’ont pas attendu l’inscription du préjudice écologique dans le Code civil pour statuer sur sa réparation. Avant l’affaire Erika, il y a eu des exemples de réparation des préjudices nés de dommages écologiques. Ainsi, l’affaire des boues rouges déversées au large de la Corse a été un des premiers exemples de réparation du préjudice causé à la nature par le juge judiciaire (TGI Bastia, 8 décembre 1976, « affaire Montedison »), indemnisant la perte de biomasse comme constituant une perte de stock pour les pêcheurs (préjudice économique). Outre des affaires de pollution (T. corr. Brest, 4 novembre 1988), le juge judiciaire a aussi indemnisé le préjudice moral des associations de défense de l’environnement du à la destruction d’animaux appartenant à des espèces protégées (Civ. 1ère, 16 novembre 1982, « affaire du balbuzard-pêcheur » ; CA Pau, 17 mars 2005 ; CA Aix-en-Provence, 13 mars 2006 ; T. corr. Dax, 11 mai 2006). Ces cas étaient cependant isolés et ne portaient pas sur le préjudice écologique « pur ». L’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 25 septembre 2012 (Crim. 25 sept. 2012, n° 10-82938) – qui porte sur le naufrage du pétrolier Erika au large des côtes bretonnes en 1999 et dont les cuves de fioul se sont répandues dans la mer et sur le littoral – a permis la consécration juridique du préjudice écologique indépendamment de la seule réparation du préjudice moral ou matériel né des atteintes à l’environnement. Dans son arrêt du 30 mars 2010 (CA Paris, 30 mars 2010, n° 08/02278, aff. Erika), la Cour d’appel de Paris fait d’ailleurs pour la première fois directement référence au terme de « préjudice écologique ». Récemment, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fait application de la jurisprudence Erika en reconnaissant l’existence d’un préjudice écologique du fait de la pollution de l’estuaire de la Loire causée par la raffinerie Total de Donges en Loire-Atlantique (Crim. 22 mars 2016, n° 13-87.650). L’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait parlé d’un « grand jour pour le droit de l’environnement » après l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 2012. Elle a ensuite déclaré à l’Assemblée nationale la volonté du Gouvernement d’en « tirer tous les enseignements » et «d’inscrire cette jurisprudence dans le Code civil par la reconnaissance du préjudice écologique ». A cet effet, un groupe de travail…

ICPE – distances d’implantation entre un bâtiment agricole et une maison d’habitation : le Conseil d’État précise sa position (CE 8 juin 2016)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats) L’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que  “Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l’implantation ou l’extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d’éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l’exception des extensions de constructions existantes […].” Parmi les distances d’implantation devant être respectées entre les bâtiments agricoles et les habitations et immeubles occupés par des tiers, les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement doivent, notamment, être « implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers […] » (arrêté du ministre de l’écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement, annexe I, article 2.1.1). Jusqu’à très récemment, le Conseil d’Etat estimait que la vérification du respect des prescriptions contenues dans les arrêtés préfectoraux pris en application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ne s’imposait pas à l’autorité délivrant des permis de construire  (Conseil d’état, 1ère sous-section jugeant seule, 2 février 2009, n°312131 ; Conseil d’Etat, 6ème sous-section jugeant seule, 16 octobre 2013, n°357444) Cependant, dans une décision mentionnée dans les tables du recueil Lebon en février 2016, le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que les règles de distance imposées lors de l’implantation d’un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux ICPE étaient applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité de ce bâtiment. L’autorité devant délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d’habitation doit donc désormais vérifier si les règles d’implantation sont bien respectées lors de l’instruction de la demande de permis de construire (Conseil d’Etat, 1ère / 6ème ssr, 24 février 2016, n°380556, mentionné dans les tables du recueil Lebon : voir notre analyse ici). Il a, en effet, considéré qu’ « il résulte de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l’implantation d’un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d’un tel bâtiment agricole ; qu’il appartient ainsi à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d’habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu’en soit la nature » (Conseil d’Etat, 1ère / 6ème ssr, 24 février 2016, n°380556, mentionné dans les tables du recueil Lebon ). S’inscrivant dans le prolongement de cette décision, le Conseil d’Etat a, récemment, précisé les conditions d’application dans le temps de cette règle. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 8 juin 2016, n°383638, Mentionné dans les tables du recueil Lebon). Dans cette affaire, deux permis de construire pour la réalisation de maisons à usage d’habitation ont été délivrés en 2008 à 50 mètres des bâtiments d’élevage de bovins d’une exploitation agricole, déclarée au titre des dispositions du livre V du code de l’environnement. Un véritable feuilleton judiciaire s’en est suivi. L’exploitant agricole a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler les deux permis de construire. Par un jugement n° 0802254, 0802255 du 4 mai 2010, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. La cour administrative d’appel de Bordeaux, faisant droit à l’appel formé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, a annulé ce jugement, par un arrêt n° 10BX02035 du 7 juin 2011. Un pourvoi a alors été formé par l’exploitant agricole devant le Conseil d’Etat. Par une décision n° 351538 du 4 novembre 2013, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt la cour administrative d’appel de Bordeaux et a renvoyé l’affaire devant cette cour. Par un arrêt n° 13BX03110 du 17 juin 2014, la cour administrative d’appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation par le Conseil d’Etat, a cette fois rejeté l’appel formé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement contre le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 mai 2010 (CAA Bordeaux, 17 juin 2014, n°13BX03110) La ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat tendant à l’annulation de cet arrêt. Dans son pourvoi, elle soutenait que la cour administrative d’appel de Bordeaux avait commis une erreur de droit en faisant application, à la date à laquelle les permis de construire ont été accordés, de l’exigence d’éloignement de 100 mètres posée par l’arrêté du 7 février 2005 et en jugeant que les constructions litigieuses ne respectaient pas les dispositions combinées de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de cet arrêté. Une application différée (en raison de l’application différée pour les installations d’élevage existantes) aurait été, selon Mme le Ministre, préférable. Le Conseil d’Etat rejette ce pourvoi. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle les textes applicables. Ainsi, aux termes de l’article 2 de l’arrêté du ministre de l’écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement, « Les dispositions de l’annexe I sont applicables dans un délai de quatre mois à compter de la publication du présent arrêté au Journal officiel. / Pour les installations existantes, déclarées au plus tard quatre mois après la publication du présent arrêté au Journal officiel, les dispositions mentionnées à l’annexe II sont applicables dans les délais suivants : (…) au plus…

Dommages de travaux publics et aménagement des berges : la démonstration du préjudice anormal et spécial est nécessaire ! (Conseil d’État, 25 mai 2016, n°393692)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats)   Aux termes d’une décision du 25 mai 2016, le Conseil d’Etat a rappelé que lorsqu’un tiers avait subi un dommage de travaux publics, la responsabilité sans faute de l’administration ne pouvait être engagée qu’en présence d’un préjudice anormal et spécial, dûment établi. (Conseil d’État, 25 mai 2016, n°393692)   Les faits de l’espèce étaient les suivants. Durant un hiver, une partie des eaux de l’Oise s’est déversée accidentellement dans un étang à la suite d’une rupture de la digue le séparant de la rivière. En application d’une convention du 30 août 1986, conclue entre les anciens propriétaires du plan d’eau et le syndicat intercommunal pour l’aménagement de l’Oise moyenne et de ses affluents, chargé de l’entretien du cours d’eau, des travaux de rétablissement du cours initial du lit de l’Oise ont été entrepris. En 2009, l’étang a changé de propriétaire. En 2010, le syndicat a supprimé un barrage sur la rivière qui devait réguler le niveau de l’étang. Le nouveau propriétaire de l’étang a demandé au syndicat de remédier aux désordres résultant de cette intervention car elle aurait eu pour effet d’abaisser le niveau de l’eau de l’étang et d’aggraver en conséquence le phénomène de sédimentation. Le nouveau propriétaire a également demandé à être indemnisé des préjudices subis du fait des travaux publics ainsi réalisés. Le 13 mai 2014, le tribunal administratif d’Amiens, saisi par le nouveau propriétaire, a retenu la responsabilité du syndicat à hauteur de la moitié des préjudices subis par le nouveau propriétaire et ordonné une expertise afin de les évaluer. Le 21 juillet 2015, la cour administrative d’appel de Douai a confirmé ce jugement (CAA Douai, 21 juillet 2015, n°14DA01182). Elle a retenu, contrairement au tribunal administratif d’Amiens, que le nouveau propriétaire avait la qualité de tiers par rapport aux ouvrages publics constitués par les aménagements des berges de l’Oise et aux travaux publics entrepris sur ces ouvrages, et non celle d’usager de ces mêmes ouvrages. Elle en a déduit que la responsabilité du syndicat ne pouvait être engagée qu’à raison, non d’une faute de sa part, mais du caractère anormal et spécial du préjudice subi. Saisi d’un pourvoi principal par le syndicat et d’un pourvoi incident par le nouveau propriétaire, le Conseil d’Etat a censuré cet arrêt. En effet, il a considéré que « si la cour a retenu l’existence d’un lien de causalité entre les travaux entrepris par le syndicat et les préjudices subis par [le nouveau propriétaire], elle s’est abstenue de préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour estimer que le préjudice subi par [lui] revêtait un caractère anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute du syndicat ; qu’en statuant ainsi, la cour a entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation et commis une erreur de droit ». (Conseil d’État, 25 mai 2016, n°393692) Cette décision du Conseil d’Etat est intéressante, à la fois sur ce qu’elle dit expressément et sur ce qu’elle sous-entend implicitement.   En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle que la responsabilité sans faute de l’administration du fait d’ouvrages publics ou de travaux publics ne peut être engagée que : d’une part, s’il existe un lien de causalité entre l’action de l’administration et le préjudice et que, d’autre part, si le préjudice présente un caractère anormal et spécial. L’abandon du caractère anormal et spécial du préjudice avait été envisagé (CAA Douai, 22 décembre 2008, n° 07DA01467) mais semblait avoir rapidement été abandonné (CAA Marseille, 15 décembre 2008, n°07MA01949) même si une décision récente a pu semer le doute (CAA Marseille, 13 février 2015, n°13MA02037). Le Conseil d’Etat revient donc sur une conception traditionnelle de la responsabilité sans faute de l’administration.     En deuxième lieu, le Conseil d’Etat souligne qu’il est impératif de démontrer en quoi le préjudice est anormal et spécial. Les juridictions du fond ne peuvent se borner à l’affirmer sans apporter aucun élément en ce sens. Il s’agit du motif pour lequel il censure la Cour administrative d’appel. Le caractère anormal et spécial du préjudice ne peut se déduire simplement des faits. Le Conseil d’Etat avait récemment sanctionné une Cour qui n’avait pas recherché si des pluies exceptionnelles constituaient un évènement de force majeure de nature à exonérer l’administration de sa responsabilité (Conseil d’État, 6ème SSJS, 22 octobre 2015, n°371894).   Le Conseil d’Etat exige donc une véritable vérification part les juridictions du fond des conditions d’engagement de la responsabilité sans faute.   En troisième et dernier lieu, le Conseil d’Etat semble valider le fait que les nouveaux propriétaires de l’étang soient des tiers par rapport aux travaux publics entrepris sur les aménagements des berges. La question aurait pu se poser de savoir s’ils n’avaient pas, en réalité, la qualité d’usagers ce d’autant plus qu’une controverse existait entre les juges de première instance et d’appel. En première instance, les premiers juges ont retenu la responsabilité pour faute du syndicat en raison d’un défaut d’entretien normal des aménagements affectant les berges et abords de l’Oise, lequel ne concerne que les usagers de ces ouvrages publics, et non la responsabilité sans faute dont seuls peuvent se prévaloir les tiers aux ouvrages ou travaux publics. En revanche, en appel, la Cour a retenu que « la modification de la configuration des lieux, déjà intervenue lors de l’acquisition de l’étang par la SCI du…. en 2009, résultant de l’écoulement de l’Oise à travers l’étang depuis la rupture de la digue, a eu pour conséquence d’établir une interdépendance entre ce cours d’eau et l’étang, de telle sorte que la SCI du … pourrait être regardée comme ayant la qualité d’usager par rapport aux ouvrages publics constitués par les aménagements des berges de la rivière, il résulte toutefois des écritures de première instance de la SCI du Bien Tombé que celle-ci n’invoquait que les préjudices résultant de la réalisation des opérations d’enlèvement du barrage de bastaings effectuées en 2010, qui constituent des travaux publics à l’égard desquels elle a la qualité de tiers » (CAA Douai, 21 juillet 2015, n°14DA01182). Elle a donc retenu…

Plans de prévention des risques technologiques : un projet de décret soumis à consultation publique

Un projet de décret relatif aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est soumis à la consultation du public sur le site du Ministère de l’environnement jusqu’au 17 juin 2016. Pour rappel, les PPRT sont des documents de planification créés par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages à la suite de la catastrophe de l’usine AZF de Toulouse de 2001. Régis par les articles L. 515-15 à L. 515-26 et  R. 515-39 à R. 515-50 du code de l’environnement, ils ont pour objet de limiter les effets des accidents susceptibles de survenir dans les installations « Seveso seuil haut » figurant sur une liste fixée par décret et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu. Comme l’indique le site du ministère de l’environnement, « ils  visent à améliorer la coexistence des sites industriels à haut risques existants avec leurs riverains, en améliorant la protection de ces derniers tout en pérennisant les premiers. » Les PPRT concernent : les installations classées « Seveso seuil haut » ou les stockages souterrains susceptibles d’accidents pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques, les sites comportant plusieurs de ces installations ou stockages. Les mesures qu’ils peuvent instaurer sont de nature foncière ou urbanistique. Elles visent tant à accroître la protection de  l’urbanisation existante (expropriation ou droit de délaissement,  travaux de renforcement…) qu’à réduire les risques induits par la présence de l’installation (mesures de réduction du risque à la source sur les sites industriels, restrictions sur l’urbanisme futur…). Le projet de décret soumis à consultation (consultable ici) s’inscrit dans une démarche d’amélioration des PPRT : en effet, ayant constaté que les mesures foncières ou les prescriptions de travaux pouvaient avoir pour effet de mettre certaines des entreprises riveraines en difficulté, le pouvoir législatif a autorisé le Gouvernement à légiférer sur cette question par voie d’ordonnance (loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises). Une ordonnance relative aux plans de prévention des risques technologiques a donc été publiée le 23 octobre 2015 (ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015), et c’est dans la continuité de cette ordonnance qu’a été élaboré le projet de décret. Ainsi, ce texte procède à une mise en cohérence de la partie réglementaire du code de l’environnement (art. R. 515-39 à R. 515-48) pour tenir compte des évolutions de la partie législative. Mais le projet de décret va plus loin, puisqu’un certain nombre de dispositions vont également être modifiées : l’article R. 515-39 du code de l’environnement est modifié pour prendre en compte le fait que les stockages souterrains sont devenus des installations classées ; la liste des documents d’un PPRT est modifiée : la note de présentation est ainsi supprimée ; les modalités de l’information prévue au I de l’article L. 515-16-2 du code de l’environnement sont précisées. Il est également prévu qu’en cas de vente ou de location ultérieure du bien, cette information est reportée dans l’état des risques par le vendeur ou le bailleur en application de l’article L.125-5 ; les projets de documents soumis à la consultation des personnes et organismes associés restent accompagnés d’une note de présentation, tout comme les projets de documents soumis à enquête publique ; un dispositif d’accompagnement des riverains peut désormais être organisé par les pouvoirs publics.