Dragage du port de Rouen : rejet de la demande de suspension des opérations

Par Maître Fanny ANGEVIN (Green Law Avocat) Par une décision en date du 19 juillet 2017 n°1701997, le juge des référés du Tribunal administratif de Rouen a rejeté une requête d’une association et d’une fédération, autorisation ainsi le dragage du port de Rouen. Les requérants demandaient la suspension d’un arrêté de la préfète de la Seine-Maritime, du préfet du Calvados et du préfet de l’Eure, par lequel avait été autorisé, au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, des dragages d’entretien de l’estuaire aval et l’immersion des sédiments du port de Rouen au profit du Grand Port Maritime de Rouen. L’article L. 214-3 du code de l’environnement prévoit les régimes d’autorisation ou de déclaration des activités en eau et milieux aquatiques marins : « I.- Sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. Cette autorisation est l’autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l’application des dispositions du présent titre. […]» En l’espèce, les requérants invoquaient des risques relatifs à l’immersion de produits de dragage fortement contaminés, pouvant provoquer des pollutions qui auraient des conséquences sur l’environnement, la qualité des eaux, la faune piscicole et comportant des risques pour les usagers de certaines plages. Plus précisément Dans sa décision, le juge des référés estime que les risques soulevés par les requérants ne sont pas démontrés : « ni la dangerosité des sédiments dragués, ni le risque d’une pollution de zones naturelles protégées avoisinantes (ZNIEFF, Natura 2000) du site du Machu, des plages de Normandie et plus généralement des eaux de la Manche aux conséquences désastreuses sur l’environnement, sur la qualité des eaux et la faune piscicole directement liée à l’immersion de ces sédiments en plein mer ne sont, en l’état de l’instruction, établis par les pièces du dossier. » Par ailleurs, le juge note que « le recours à l’immersion de ces sédiments est nécessaire, après la saturation du site du Kannik, pour assurer la sécurité de la navigation maritime du fait de sa proximité avec le chenal d’entrée du grand port maritime de Rouen. ». C’est là un exemple topique de bilan des urgences où le juge prend en compte l’intérêt à suspendre pour le confronter à celui de maintenir la décision. En l’espèce l’intérêt général s’avère, dans les deux cas, favorable à l’Etat. Ainsi, le juge des référés conclut que la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne pouvait pas être regardée comme remplie et rejette par conséquent la demande de suspension des requérants. Les travaux de dragage autorisés par l’arrêté dont il était demandé la suspension ont donc pu continuer. Néanmoins, la décision au fond restant encore pendante, il conviendra de suivre l’issue de cette affaire. Et il ne faut pas non plus se méprendre sur la portée d’un tel arbitrage du juge des référés ainsi surmotivé : il est réalisé « en l’état de l’instruction ». Or sur des questions avec des enjeux aussi fort reste à savoir si l’absence de dangerosité pour l’environnement sera confirmée. La preuve est ici comme souvent dans les contentieux environnementaux les plus techniques un fardeau que le requérant doit porter.

LE CONTENTIEUX DE L’INTÉGRATION PAYSAGÈRE DES EnR : UN CADRE TROP ÉTRIQUÉ !

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Cet arrêt récent de la Cour administrative de Bordeaux (CAA Bordeaux, 1ère chambre, 29 juin 2017, n° 15BX02459) relatif à une centrale solaire au sol est très inquiétant pour ceux qui ont fondé un réel espoir dans la capacité du juge administratif à objectiver l’atteinte au paysage, via l’appréciation de l’article R.111-27 du code de l’urbanisme (le fameux ancien article R.111-21 du R.N.U.) et s’agissant d’apprécier la légalité des permis EnR (et désormais les autorisations environnementales uniques) ou les refus de telles autorisations. Ici la Cour considère qu’au sein d’une zone Npa d’un PLU autorisant la construction des installations de production d’énergie renouvelable, la construction d’une centrale photovoltaïque sur une emprise foncière de 9,6 hectares dite « zone 1 » située aux lieux-dits Le Perval, Plo de la Marène, Serre de la Mine, comprenant 23 716 modules photovoltaïques, six bâtiments, une ligne électrique souterraine et une clôture périphérique sur un terrain situé à Sauclières porte atteinte au caractère et à l’intérêt d’un ensemble paysager « Causse et Cévennes », et confirme les refus de permis de construire opposés par le préfet de l’Aveyron. La juridiction examine en ces termes l’intérêt du secteur naturel en tenant notamment compte de son inscription par l’UNESCO au titre du patrimoine de l’Humanité, en tant que témoignage d’un paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen : « 6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet litigieux est situé dans un secteur naturel, dépourvu de toutes constructions et qui appartient à un ensemble paysager « Causse et Cévennes », inscrit par l’UNESCO au titre du patrimoine de l’Humanité, témoignage d’un paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen et qui représente un territoire clairement identifiable par la qualité de son relief, de ses pelouses et de ses boisements. Les parcelles d’implantation du projet sont également situées dans le Parc naturel régional des Grands Causses dans une zone de patrimoine économique et/ou paysager et dans une ZNIEFF de type II « Causses du Larzac ». Si la société requérante fait valoir que l’implantation du projet a été établie derrière des mouvements de terrain et des boisements afin d’en limiter l’impact visuel, et qu’il ne sera visible d’aucune route, il ressort des photographies produites au dossier que le projet de la société par actions simplifiée unipersonnelle G1, situé à une altitude d’environ 800 mètres, modifiera le paysage dans lequel se situe son emprise en introduisant des constructions sans rapport avec les paysages existants et sera visible depuis les terrains situés à une altitude supérieure, ainsi que depuis une bergerie transformée en maison d’habitation avec gîtes de tourisme. Si la société par actions simplifiée unipersonnelle G1 se prévaut de l’avis favorable au projet du maire de la commune de Sauclières et de la commission d’enquête à l’issue de l’enquête publique qui s’est déroulée du 1er juin au 2 juillet 2012, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de l’Aveyron a émis le 12 juillet 2012, à l’unanimité, un avis défavorable au projet d’implantation de la centrale photovoltaïque litigieuse sur le territoire de la commune de Sauclières, ainsi d’ailleurs qu’aux quatre autres projets d’implantation de centrales photovoltaïques sur le territoire de la même commune. De même, l’architecte des bâtiments de France et le président du Parc naturel régional des Grands Causses ont également émis un avis défavorable respectivement le 5 août 2011 et le 29 août 2011. Les circonstances que le projet permettrait de prendre en compte l’intérêt public lié au développement des énergies renouvelables ou que les exploitants agricoles seraient favorables au projet afin de rentabiliser leurs exploitations sont sans influence sur l’appréciation portée par l’autorité administrative sur l’atteinte portée par le projet aux lieux avoisinants. Par suite, c’est par une exacte application des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme que le préfet de l’Aveyron a estimé, au regard de la qualité du site, et de l’impact de la réalisation de 23 716 modules, de cinq postes onduleurs et d’un poste de livraison, qu’une centrale photovoltaïque représentant une surface au sol de plus 3,55 hectares était de nature à porter atteinte au caractère et à l’intérêt des lieux avoisinants et aux paysages naturels. Ce seul motif suffisant à justifier le refus, la requérante ne peut utilement faire valoir que c’est à tort que le préfet a en outre retenu une atteinte à des parcelles ayant bénéficié des aides de la politique agricole commune dans les cinq dernières années ou en partie à vocation agricole, et l’incompatibilité du projet avec les « directives d’une circulaire » sur le contrôle des centrales photovoltaïques au sol. Il résulte de ce qui précède et sans qu’il soit besoin ni de procéder à la visite des lieux demandée par la requérante, ni qu’il soit fait droit à sa demande de mise en œuvre d’une procédure de médiation, qui n’apparait pas susceptible d’aboutir au regard des questions posées par ce litige, que la société par actions simplifiée unipersonnelle G1 n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ». Cet arrêt met en œuvre la méthodologie jurisprudentielle, au demeurant parfaitement cadrée par le Conseil d’Etat depuis sa décision Engoulevent (CE, 13 juill. 2012, n° 345970 ; voir aussi : CE, 7 févr. 2013, n° 348473 ; CE, 26 février 2014, n° 345011), déclinant le fameux arrêt Gomel (CEZ, 4 avril 1914, Gomel, Rec. Lebon p. 488) et rappelé par la décision de la CAA de Bordeaux : « Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets,…

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE L’AUTORITE CONCEDANT UN RESEAU DE CHALEUR : LOURDE CONDAMNATION

Par Thomas RICHET Élève avocat chez Green Law Voici un contentieux de la concession d’un réseau de chaleur qui doit retenir l’attention tant il est rare que des condamnations pécuniaires aussi lourdes soient prononcées par le juge (Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 03/03/2017, 398901). Par un contrat de concession conclu le 14 février 1997, la commune de Clichy-sous-Bois a concédé à la société Dhuysienne de chaleur (ci-après la « SDC ») son réseau public de distribution de chauffage urbain et d’eau chaude sanitaire. Cette concession portait sur le réseau primaire c’est-à-dire, sur la distribution de chaleur jusqu’aux postes de livraison mis à disposition par les abonnés. La société coopérative immobilière pour le chauffage urbain (ci-après la « SCICU ») a souscrit une police d’abonnement pour alimenter en chauffage et en eau chaude sanitaire des copropriétés situées sur le territoire de la commune, notamment celles du Chêne Pointu et de l’Etoile du Chêne Pointu (ci-après « les copropriétés du Chêne Pointu »). A la suite de la liquidation judiciaire la SCICU, les copropriétés du Chêne Pointu n’ont pas pu contracter de nouvelles polices d’abonnement auprès de la SDC, leur syndicat étant incompétent en la matière. La SDC ayant fait part de son intention de ne plus fournir en chaleur ces deux résidences, la commune a décidé d’utiliser son pouvoir de coercition, en mettant en demeure la société de poursuivre la délivrance de la prestation sous peine de mise en régie de la concession, et ce, malgré l’absence de police d’abonnement. Après s’être exécutée la SDC va rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Clichy-sous-Bois pour l’avoir obligée, via son pouvoir de coercition, à poursuivre ses prestations. Par un jugement du 17 septembre 2013, confirmé par un arrêt du 18 février 2016, dont la commune se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Montreuil a reconnu la responsabilité de la collectivité.   La commune soutenait devant le Conseil d’Etat que les clauses du contrat de concession et les principes régissant le service public imposaient à la SDC de poursuivre la fourniture en chaleur pour ces deux copropriétés.   L’absence de stipulations contractuelles justifiant l’usage d’un pouvoir de coercition Dans un premier temps, la commune invoquait le manquement de la SDC à ses obligations contractuelles pour justifier l’usage de son pouvoir de coercition. Elle soutenait d’abord que la SDC avait violé ses obligations contractuelles en ne fournissant pas en chaleur le réseau secondaire qui raccordait les postes de livraison aux usagers finaux. Or, le Conseil d’Etat relève que le contrat de concession ne portait que sur le seul réseau primaire. La Haute juridiction administrative rejette également le moyen selon lequel le concessionnaire était tenu d’assurer ses prestations à destination des copropriétés du Chêne Pointu. En effet, le juge administratif relève que ces deux copropriétés, suite à la liquidation judiciaire de la SCIDU, n’étaient plus titulaires d’une police d’abonnement. Enfin, le moyen selon lequel la SDC était tenue de rechercher la conclusion de polices d’abonnement de façon individuelle avec les copropriétaires des deux résidences est également rejeté car cette hypothèse n’était pas prévue au sein du contrat de concession. La commune n’établissait pas plus que les copropriétaires avaient recherché à bénéficier de polices d’abonnement individuelle.   Si les clauses du contrat de concession ne pouvaient justifier l’obligation faite à la SDC de poursuivre la délivrance de la prestation aux deux copropriétés, les principes régissant le service public, le pouvaient-ils ?   L’invocation contractuellement conditionnée des principes d’égalité des usagers devant le service public et de sa continuité C’est sur cette seconde partie du pourvoi que la décision délivrée par le Conseil d’Etat est certainement la plus riche d’enseignements. En effet, la commune soutenait que la SDC était également tenue, au titre des principes de continuité du service public et d’égalité de traitement des usagers devant le service public, de fournir la prestation de chaleur litigieuse aux copropriétés du Chêne Pointu. Les juges du Palais Royal considèrent que ces principes s’imposent au concessionnaire uniquement « dans les limites de l’objet du contrat et selon les modalités définies par ses stipulations ». Par conséquent, si les bénéficiaires ne remplissaient plus les conditions d’obtention de la prestation concédée, en l’espèce, la condition d’une police d’abonnement, le concessionnaire n’était nullement tenu de fournir la prestation à ces derniers. De plus, si les principes de continuité du service public et d’égalité des usagers devant le service public peuvent constituer un motif d’intérêt général, fondement du  pouvoir de modification unilatérale du contrat (Cf. CE, 21 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, Lebon 216), ces principes ne peuvent justifier l’utilisation du pouvoir de coercition qu’en cas de méconnaissance de ses obligations contractuelles par le concessionnaire. Ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce. Ainsi, le Conseil d’Etat reconnaît qu’en obligeant la SDC à s’exécuter la commune a commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité. Il condamne cette dernière à verser à la société concessionnaire une somme d’environ 1 500 000 d’euros. Dans un contexte marqué par la multiplication des projets de réseaux de chaleur et par la réforme des contrats de concession (Cf. ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession), et au-delà de l’enseignement rendu sur l’application des grands principes du service public à ces contrats publics, l’arrêt démontre, une fois de plus, l’importance d’une rédaction sécurisée des dispositions de ce type de contrat qui peuvent engager les collectivités publiques sur plusieurs dizaines d’années et pour des sommes considérables.  

Conchyliculture : une étude d’incidence ne permet pas de régulariser l’absence d’étude d’impact (TA Poitiers, 18 mai 2017)

Par Me Fanny ANGEVIN – Green Law Avocats Par une décision en date du 18 mai 2017 n°1501183-1502175-1601564-1600480, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l’arrêté du préfet de la Charente-Martime qui autorisait le comité régional de la conchyliculture Poitou-Charentes à implanter des filières conchylicoles dans l’anse de la Malconche, dans le Pertuis d’Antioche et sur le territoire de la commune de Saint-Georges d’Oléron ainsi que son arrêté modificatif. Ce jugement vient rappeler que la réalisation d’une notice d’impact ne peut permettre de couvrir le vice qui entache l’autorisation, qui n’avait pas donné lieu à une saisine au cas pas cas de l’autorité environnementale. Deux associations, deux communes concernées ainsi qu’un particulier étaient à l’origine de requêtes à l’encontre de ces arrêtés. L’intérêt à agir de tous les requérants ne fait aucune difficulté au sein du jugement. Dans sa décision, le TA de Poitiers ne statue que sur le moyen des requêtes relatif à l’absence d’étude d’impact. C’est tout l’intérêt de la decision. En effet, le Tribunal rappelle tout d’abord le contenu des articles L. 122-1 R. 122-2 et R. 122-3 du code de l’environnement, dans leurs versions applicables à l’époque où la décision du préfet a été prise. Ces articles encadrent notamment les conditions dans lesquelles une étude d’impact doit être mise en place. L’article R. 122-2 du code de l’environnement prévoit que les projets doivent être soumis à étude d’impact soit de façon systématique soit après un examen au cas par cas en fonction des critères du tableau annexé au présent article. En l’espèce, le projet portait sur la « mise en place de 313 filières conchylicoles de 100 mètres chacune, chaque filière étant arrimée au sol marin par 3 corps-morts en béton de 2,5 tonnes chacun et par un ancrage à l’extrémité de chaque filière ». Or, les projets de zones de mouillage et d’équipements légers sont soumis à étude d’impact au cas par cas, au sens de la rubrique 10° g) du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Pourtant, le Tribunal souligne que l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement n’a pas été saisie par le pétitionnaire d’une demande d’examen de la nécessité ou non de réaliser une étude d’impact. Un vice de procédure était donc établi. Le Tribunal administratif de Poitiers cherche ensuite dans sa décision à évaluer la possibilité de « Danthonyser » ce vice. La juridiction rappelle à ce titre que « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et les règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ». C’est la fameuse jurisprudence Danthony.   Le Tribunal administratif analyse donc si le vice a été de nature à priver les intéressés d’une garantie ou a influencé le sens de la décision prise. Il estime tout d’abord qu’au vu de l’importance que revêt l’étude d’impact en droit de l’environnement, le respect de cette procédure est constitutif d’une garantie pour le public, dont il a bien été privé en l’espèce. Puis, le Tribunal analyse ensuite si le vice a pu exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. A ce titre, la juridiction a dû répondre à une question relative à la portée du document d’incidences et notamment à la possibilité de considérer que le document d’incidences pouvait tenir lieu d’étude d’impact. Il est répondu à cette question, bien que légitime en soi au regard des éléments composant généralement un document d’incidences, par la négative. En effet, le Tribunal administratif considère que : la possibilité que le document d’incidences puisse tenir lieu d’étude d’impact n’est expressément prévue par aucune disposition législative ou réglementaire ; que ce document ne comportait pas en l’espèce, en tout état de cause, une analyse suffisante de l’ensemble des effets du projet (tout particulièrement sur le tourisme de l’île d’Oléron). Le Tribunal estime donc que « cette omission a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et a été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet quant à l’impact du projet à cet égard ; que dans ces conditions et contrairement à ce qui est soutenu en défense, le défaut de saisine de l’autorité environnementale aux fins de décider si une étude d’impact était requise ou non n’a pu être régularisé par le contenu du document d’incidences, qui ne peut être regardé comme tenant lieu d’étude d’impact ». Ainsi, le Tribunal administratif de Poitiers affirme que le contenu d’un document d’incidences ne peut régulariser l’absence de saisine de l’autorité environnementale aux fins de décider si une étude d’impact est requise. Cette décision doit interpeller les porteurs de projets qui sont confrontés à la procédure au cas par cas d’étude d’impact. Dans les grandes lignes, les porteurs de projet doivent se poser la question de savoir si leur projet est soumis à étude d’impact de manière systématique ou au cas par cas (article R. 122-2 du code de l’environnement) et si les démarches afin de saisir l’autorité environnementale ont été effectuées le cas échéant (article R. 122-3 du code de l’environnement). Bien évidemment, la sécurisation d’un projet nécessite la vérification de beaucoup d’autres éléments. Cette décision doit être appréciée dans le contexte de l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016 et du décret n°2016-1110 du 11 août 2016 qui avaient eu pour volonté de réduire le nombre de projets soumis à études d’impacts. Le Tribunal administratif de Poitiers rappelle avec sa décision que les conditions afin de déterminer si le projet est soumis à étude d’impact de manière systématique ou au cas par cas, restent strictes et que l’absence de saisine de l’autorité environnementale n’est que difficilement régularisable. Les porteurs de projet devront donc être particulièrement vigilants en ce qui concerne la possible soumission de leurs projets à étude d’impact et vérifier, le cas échéant,…

Vices cachés: le dernier exploitant d’un garage automobile ne peut ignorer les vices affectant les locaux

Par Me Graziella Dode – Green Law Avocats La Cour de cassation vient de juger que la clause de non-garantie des vices cachés ne peut être invoquée par le vendeur qui, en sa qualité de dernier exploitant d’un garage automobile, ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux (Cass. Civ. 3e, 29 juin 2017, n° 16-18.087, FS-P+B+R+I). En l’espèce, le vendeur a vendu le rez-de-chaussée d’un immeuble où avait été exploité un garage automobile. L’acquéreur (une SCI) avait exprimé dans l’acte notarié l’intention d’affecter ce bien à l’habitation. La SCI acquéreuse a fait réaliser une expertise qui a démontré la présente dans le sous-sol d’hydrocarbures et de métaux lourds provenant de cuves enterrées et rendant la dépollution nécessaire. Ainsi, l’acquéreur a assigné les vendeurs, les notaires et l’agent immobilier en garantie des vices cachés et indemnisation de son préjudice. La Cour d’appel de Toulouse avait jugé inopérante la clause de non garantie des vices cachés présente dans le contrat de vente en retenant que le vendeur, en sa qualité de dernier exploitant des lieux du garage précédemment exploité par son père, ne pouvait avoir ignoré les vices affectant les locaux (CA Toulouse, 25 janvier 2016, n° 14/06209). Le vendeur a formé un pourvoi en cassation en soulevant les arguments suivants : L’activité de garagiste impliquait que l’exploitant ait eu connaissance de l’existence des cuves mais nullement d’une pollution des sols, le vendeur niant avoir eu connaissance de ce vice ; La Cour d’appel aurait dû justifier en quoi elle décidait de s’écarter du rapport d’expertise qui, s’il relevait une pollution « avérée », indiquait également que « les différents intervenants au moment de la vente ne pouvaient diagnostiquer cette pollution » ; L’acquéreur connaissant l’affectation des lieux au moment de la signature de l’acte de vente et était par conséquent en mesure d’apprécier le risque de pollution. La Cour de cassation rejette son pourvoi : « ayant retenu à bon droit qu’en sa qualité de dernier exploitant du garage précédemment exploité par son père, M. X… ne pouvait ignorer les vices affectant les locaux et que l’existence des cuves enterrées qui se sont avérées fuyardes n’avait été révélée à l’acquéreur que postérieurement à la vente, la cour d’appel, appréciant souverainement la portée du rapport d’expertise, en a exactement déduit que le vendeur ne pouvait pas se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés ». En l’espèce, la responsabilité des notaires est écartée car ni le vendeur, ni l’agent immobilier, ne les avaient informés de la présence de cuves enterrées sous le garage. Celle de l’agence immobilière est retenue en revanche puisque celle-ci avait admis avoir eu connaissance de la présence des cuves et n’en n’avait pas informé les notaires. Par conséquent, le vendeur et l’agence immobilière sont condamnés in solidum à payer à l’acquéreur la somme de 155.710 euros. Dans cet arrêt, la Cour de cassation assimile le vendeur à un vendeur professionnel sur lequel pèse en principe une présomption de connaissance du vice caché (Voir par exemple Cass. Civ. 3e, 7 oct. 2014, n° 13-21.957). La Cour de cassation a posé ce principe il y a longtemps : si le vendeur est un professionnel, pèse sur lui une présomption irréfragable de mauvaise foi, même pour des vices indécelables (Com., 15 novembre 1971, pourvoi n° 70-11.036, Bull. 1971, IV, n° 276), et même s’il contracte avec un professionnel. La connaissance du vice doit cependant être prouvée pour les intermédiaires à la vente tels que les agents immobiliers ou les notaires. En l’espèce, la responsabilité de l’agent immobilier est retenue car il avait admis avoir eu connaissance de la présence des cuves. Par ailleurs, en application des principes de la responsabilité civile, l’acheteur peut réclamer réparation de tout préjudice lié au vice (Civ. 1re, 30 janvier 1996, pourvoi n° 94-10.861, Bull. 1996, I, n° 46). Dans l’arrêt du 29 juin 2017, la Haute juridiction apprécie de manière restrictive cette présomption de connaissance du vice caché par le vendeur puisque celui-ci n’avait pas lui-même exercé d’activité dans le garage automobile. C’est le père du vendeur qui avait exploité le bien vendu. Pour autant, le vendeur avait la qualité de dernier exploitant en titre et par conséquent, il ne pouvait ignorer le vice affectant ce bien.