Vente et dépollution du terrain: gare à la rédaction des clauses contractuelles! (Cass. 3ème civ., 29 février 2012 : Juris-Data n°2012-003056)

Information de l’acquéreur, garantie des vices cachés…mais aussi délivrance conforme Qui dit vente et pollution dit nécessairement dispositions spécifiques en droit de l’environnement, notamment le très commenté article L. 514-20 du Code de l’environnement relatif à l’information environnementale due par le vendeur. Tout juriste pense également à la garantie des vices cachés mentionnée aux articles 1641 et suivants du Code civil qui trouve, dans l’hypothèse d’une vente d’immeuble pollué, un terrain de prédilection largement illustré ces dernières années par la jurisprudence. Plus épisodique mais tout aussi efficace, l’obligation de délivrance conforme en matière de vente ne doit cependant pas être oubliée. C’est ce que nous permet de rappeler un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 février dernier (Cass. 3ème civ., 29 février 2012 : Juris-Data n°2012-003056).   La stipulation d’une clause relative à la dépollution du terrain Deux époux avaient vendu à une société civile immobilière des terrains et des entrepôts commerciaux, ayant précédemment supportés des installations classées pour la protection de l’environnement, destinés à être démolis pour édifier des immeubles à usage d’habitation. L’acte de vente contenait une clause relative à la dépollution du terrain effectuée et précisait les différents documents remis préalablement à l’acquéreur (attestation de l’entreprise chargée de la dépollution, dossier de cessation d’activité avec remise en état du site par le dernier locataire). Or, à l’occasion des travaux de construction, l’acquéreur a découvert une pollution résiduelle consistant dans une poche de contamination aux hydrocarbures et nécessitant une dépollution complémentaire. Il a donc assigné le vendeur en vue d’obtenir l’indemnisation des travaux supplémentaires de dépollution. Si en première instance la SCI a obtenu la condamnation du vendeur, la Cour d’appel de Colmar a réformé cette décision estimant que le vendeur n’avait commis aucun manquement à son obligation de délivrance. En effet, les juges d’appel ont considéré que l’acquéreur avait été suffisamment informé des mesures de dépollution effectuées et donc des limites inhérentes à celle-ci et que le vendeur n’avait pris aucun engagement personnel de dépollution du terrain. Précisons que les éléments remis à l’acquéreur mentionnaient que les sources de pollution avaient été retirées et qu’il ne subsistait qu’une pollution résiduelle qui devait être progressivement et naturellement éliminée. Cependant, la Cour de cassation censure cet arrêt et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Metz pour qu’il soit à nouveau statué sur cette affaire.     L’obligation de délivrance conforme fondée sur un engagement contractuel… La Haute juridiction relève que « l’acte de vente mentionnait que l’immeuble avait fait l’objet d’une dépollution, ce dont il résultait que le bien vendu était présenté comme dépollué et que les vendeurs étaient tenus de livrer un bien conforme à cette caractéristique ». Cette décision doit juridiquement être approuvée. En effet, l’obligation de délivrance conforme visée aux articles 1603 et suivants du Code civil permet d’engager la responsabilité du vendeur en cas de non-conformité, c’est à dire de non-respect des spécifications convenues (à ne pas confondre avec la garantie des vices cachés qui sanctionne une impropriété de la chose à son usage). Or, la clause insérée à l’acte de vente, qui fonde en l’espèce l’obligation mise à la charge des vendeurs, ne fixait aucune limite claire quant à la dépollution et à la réhabilitation du terrain.   …qui se doit d’être clair et précis La solution de la Cour de cassation aurait sans doute été toute autre si les vendeurs avaient précisé expressément que leur engagement se cantonnait aux opérations de dépollution d’ores et déjà réalisées et qu’ils ne prendraient pas en charge les coûts générés par toute nouvelle découverte de pollution. Rappelons que l’article 1602 du Code civil édicte que « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ». On n’insistera donc jamais assez sur l’importance de la rédaction des clauses contractuelles relatives à la dépollution du terrain insérées dans les actes de vente et le caractère particulièrement précis et clair qu’elles doivent revêtir. Et ce d’autant plus lorsque l’on connaît le coût que peuvent atteindre parfois certaines opérations de dépollution qui sont alors susceptibles de remettre en cause l’intérêt économique même de la vente !   Marie LETOURMY Green Law Avocat  

Eolien/arrêté tarifaire: le vent de colère retient son souffle….

Les opérateurs éoliens l’attendent peut être plus que les requérants eux mêmes… mais la décision relative à l’arrêté tarifaire se fera encore attendre.  Saisie de la légalité de l’arrêté tarifaire éolien, la Haute juridiction a décidé par un arrêt ci dessous reproduit de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) une question préjudicielle. Les requérants avaient notamment soulevé un moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne. Cet argument suppose de savoir si le mécanisme mis en place relève de ces disposition. En effet, le Conseil d’Etat juge que: “la réponse au moyen soulevé dépend de la question de savoir si, compte tenu du changement de mode de financement de la compensation des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés à raison de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité, résultant de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, ce mécanisme doit désormais être regardé comme une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens et pour l’application des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne ; Et la Haute juridiction de souligner que “cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d’Etat ; qu’elle présente une difficulté sérieuse ; qu’il y a lieu, par suite, d’en saisir la Cour de justice de l’Union européenne en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, jusqu’à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur la requête de l’ASSOCIATION XXXXXX et autres”;   Ce type de saisine, typique du dialogue des juges nationaux et communautaires, prendra toutefois plusieurs mois laissant la filière dans une expectative difficilement tolérable…   Dans l’attente, il est en effet décidé : “Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l’ASSOCIATION XXXXXXXXXX et autres jusqu’à ce que la Cour de justice de l’Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : Compte tenu du changement de nature du mode de financement de la compensation intégrale des surcoûts imposés à Electricité de France et aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, à raison de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur au prix de marché de cette électricité, résultant de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, ce mécanisme doit-il désormais être regardé comme une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat au sens et pour l’application des stipulations de l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne ?“     ***   Le Conseil d’Etat statuant au contentieux Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux Séance du 12 mars 2012 – Lecture du 15 mai 2012 Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février et 5 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATIONXXXXXXXX, ainsi que pour M.B., M. L., M. C., M. E., M. D., M. S.,M. V., M. P., M. R., M. J., et M. M.; l’ASSOCIATION XXXXXXXXXXXXet autres demandent au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 17 novembre 2008 du ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent, ainsi que l’arrêté du 23 décembre 2008 le complétant ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à l’ASSOCIATION XXXXXXXXXXXXXd’une somme de 7 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;                                    ………………………………………………………………………… Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour le Syndicat XXXXXXXXXX; Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 mars 2012, présentée par le ministre de XXXXXXXXX; Vu le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 ; Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ; Vu la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 ; Vu la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 ; Vu le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ; Vu le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,  – les observations de Me Blondel, avocat de l’ASSOCIATION XXXXXXXXXXXet autres et de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat XXXXXXX, – les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blondel, avocat de l’ASSOCIATION XXXXXXXXXet autres et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat XXXXXXXX; Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, dans sa rédaction issue de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique : « Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et (…) les distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 (…) sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l’achat de l’électricité produite sur le territoire national par : (…) / 2° Les installations qui utilisent des énergies renouvelables, à l’exception de celles utilisant l’énergie mécanique du vent implantées dans les zones interconnectées au réseau métropolitain continental (…). Un décret en Conseil d’Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l’obligation d’achat. (…) / 3° Les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien, définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 (…). / Les contrats conclus en application du présent article par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés (…) prévoient des conditions d’achat prenant en compte les coûts d’investissement et d’exploitation évités par ces…

Toujours un temps d’avance …

Voici un nouvel arrêt (CAA Lyon, 24 avril 2012  n° 10LY02293) très intéressant quant à la compréhension que se fait le juge administratif de la cohabitation des radars météorologiques et des éoliennes. D’abord, on constatera qu’il est intervenu sans aucune expertise judiciaire et avant la récusation  par le Tribunal  administratif d’Amiens du même expertqui s’était prononcé sur le sujet pour la Cour administrative de Douai. Et on regrettera que la juridiction lyonnaise  se soit crue armée pour trancher elle-même le débat engagé par un opérateur sur la zone d’impact Doppler maximale. Mais surtout cet arrêt demeure sans doute le seul à cette date à se prononcer aussi nettement sur la question des enjeux  de sécurité civile d’une éventuelle perturbation de la veille météorologiques en partant des données concrêtes du territoire. Or à notre sens cette question doit être impérativement posée et ne recevra pas partout la même réponse – même si on a le sentiment que l’argument a ici été un peu gâché. Tout sera affaire d’espèce … Abbeville ou Avesne-sur-helpes ne recoupent certrainement pas les enjeux ici retenus par le juge. On sait ainsi que Météo-France a pu justifier ses avis défavorables dans des procédures de permis de construire éoliens, sollicitées très au nord de la France,  au nom des phénomènes  pluvieux de type cévenols… Dans la même veine Météo-France peut soutenir que les éoliennes l’empêchent de prévenir les populations des tornades … Mais leur alerte est-elle réellement opérationnelle ? Météo-France nous dit encore être empêché de suivre les nuages toxiques … Mais les éoliennes ne s’arrêtent-elles pas ? Il n’est pas question d’opposer la vocation des éoliennes à prévenir les maux que Météo-France se contente au mieux de prédire (quand l’alerte est possible mais si météo-France a pour slogan le temps d’avance !) mais d’exiger que dans ce débat que la sécurité civile ne soit plus convoquée par Météo-France pour protéger pour lui-même le réseau radars … Gageons que si le juge administratif semble hésitant, bien que saisi par des opérateurs requérants qui ressemble un peu à une armée mexicaine il contribue progressivement à s’approcher de ce qu’exigera ici l’Etat de droit : la censure de la motivation alibi.

Des précisions quant au contenu du DPE pour les centres commerciaux

L’arrêté du 18 avril 2012 relatif au diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les centres commerciaux existants proposés à la vente ou à la location en France métropolitaine publié au JO le 28 avril dernier apporte des précisions bienvenues quant au diagnostic par les articles R. 134-1 à 5 du Code de la Construction et de l’Habitation. Il vient définir le contenu du modèle proposé pour la réalisation du diagnostic de performance énergétique, à l’instar des 2 arrêtés du 8 février 2012 relatifs au DPE pour les bâtiments existants proposés à la vente ou à la location s’agissant des maisons individuelles. Cet encadrement de la méthodologie participe de l’objectif tenant à l’amélioration de la fiabilité du DPE que c’est fixé le Gouvernement et dont se fait l’échos le site du Ministère de l’écologie.

Eoliennes : mitage vous avez dit mitage ?

Voici un jugement TA Lille – 120412 – 0901813 qui explicite très nettement l’idée que les éoliennes, en tant que constructions soumises à permis de construire, mitent le paysage. C’est là une thèse qui peut se comprendre mais dont nous ne partageons pas les présupposés et qui mérite d’être débattue en doctrine. Certes l’éolienne est incontestablement tenue pour une construction en jurisprudence administrative, comme le démontre la lecture que font les juridictions des lois montagne et littoral (cf. CE, 16 juin 2010, Leloustre, aff. 311840 – Dominique GUIHAL, RJEP, n° 682, janvier 2011, commentaire n° 4 ; Jean-Luc PISSALOUX, revue Lamy des collectivités territoriales n° 63, 12/2010 ; Charles- André DUBREIL, DA, n° 11, novembre 2010, commentaire n° 151 ; Jean-Luc MAILLOT, La semaine juridique Administrations et collectivités territoriales n° 44, novembre 2010 ; I. MICHALLET, AJDA 2010, p. 1892. Cf également CAA Nantes, 28 janvier 2011, n° 08NT01037, note L. Bordereaux, Environnement n° 5, p. 27 – B. Baut-Ferrarese, « L’opposabilité de la loi littorale à l’implantation d’éoliennes », la Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 13/2011, 2120). L’on reste pour notre part extrêmement réservé sur l’idée d’un mitage éolien du paysage. Car une éolienne n’est pas un lieu de vie ni d’ailleurs d’activité, contrairement aux habitations et autres installations commerciales, industrielles ou artisanales. Intellectuellement du moins peut-on adopter ce point de vue critique sur l’arrêt pour reprocher aux conseillers d’Etat d’entretenir la fausse idée d’un mitage éolien d’un paysage participant du mythe de la nature vierge ! Sur cette question on incite les juristes à accepter de se plonger dans la sociologie du droit et en particulier la fameuse introduction de l’Eco-pouvoir de Pierre Lascoume ou les conceptions absolues de la nature objet ou sujet explicitées par François Ost dans sa Nature hors la loi. Reste que le droit positif jurisprudentiel est ce qu’il est. Pour les membres du Palais Royal, l’éolienne est une “construction” ayant un effet mitant. Le Tribunal administratif de Lille avec l’espèce rapportée suit cette option de la Haute juridiction. Il faut néanmoins prendre toute la mesure du résultat auquel conduit cette lecture de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme : ici on accorde au final une protection au paysage pauvre (d’ailleurs le Tribunal lui-même relève lui que les machines “s’incrivent dans un paysage d’openfield très ouvert, mais dépourvu de caractère particulier) contre “l’isolement” des éoliennes, ce qui contredit la démarche classique du Conseil d’Etat qui consiste aussi à caractériser la typicité du paysage avant de censurer les atteintes qui y sont portées (CE, 28 novembre 2007, « SA Jeumont », N° 279076). Et les juridictions du fond nous avaient habitué à respecter cette méthodologie du Cosneil d’Etat (cf. D. Deharbe, “Les représentations imagées du paysage devant le juge administratif  – l’exemple du contentieux éolien “, in Images et environnement, Colloque Toulouse, LGDJ, 2012).  Et certains pourront même considérer que le raisonnement du Tribunal parvient à ce résultat un peu bobo … l’on protège juridiquement le regard que l’on porte sur nos champs tout en acceptant au demeurant une surexploitation des sols et une expositions quantitative et qualitative de la ressource en eau. Ainsi l’éolienne aurait pour défaut d’être visible en territoire ouvert … la palisse aurait aussi ajouté qu’en paysage pauvre cela est parfaitement acceptable surtout si l’on retient une lecture intégrée de l’article R. 111-21 qui prend en compte la contribution des éoliennes à la politique climatique devenue un des objectifs du code de l’urbanisme (cf. art. L 1110).  Le Tribunal ne l’a pas compris ainsi, s’arrêtéant in fine à l’idée que l’éolienne a un effet de mitage quelle que soit lla qualité du paysage. Mais rien n’empêche de soutenir le contraire devant les autres juridictions du fond pour essayer d’inverser cette tendance …