Immobilier: le notaire n’est pas responsable en cas de clause claire et explicite d’exclusion de garantie contre les vices cachés

Par Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat   Par un arrêt en date du 3 février 2016 (C.cass, 1ère civ, 3 février 2016 n°15-10.219) la Cour de cassation rappelle que le notaire ne manque pas à ses obligations professionnelles lorsque la clause excluant la garantie des vices cachés insérée dans l’acte est claire, précise et rédigée dans des termes aisément compréhensibles, et ne comportait aucun caractère technique pour un acquéreur non averti. En l’espèce, une vente fût signée concernant un immeuble à usage commercial. L’acte de vente prévoyait une clause d’exclusion de garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments. Par suite, à l’occasion de travaux réalisés sur les lieux, des vices cachés ont malheureusement été découverts. L’acquéreur s’est alors dans un premier temps tourné vers le vendeur mais a vu son action rejetée. C’est dans ces conditions que l’acquéreur s’est décidé à se retourner contre le notaire en responsabilité et indemnisation. Rappelons que l’article 1641 du code civil dispose que le vendeur «est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». Il découle de cet article 1641 du code civil que la garantie contre les vices cachés ne s’applique donc : – Qu’en présence d’un vice ; – D’un vice qui était caché lors de la vente ; – Et à condition qu’il soit invoqué dans le délai prévu à cet effet. Le vice s’apprécie par rapport à la destination normale de la chose. La formule jurisprudentielle habituelle au visa de l’article 1641 du code civil est celle d’un « défaut ou vice rendant la chose impropre à sa destination normale » (Cass. 3ème Civ., 14 fév. 1996 : Bull. Civ. 3, n° 47 ; Paris, 16 sept. 1997, TA 97, p. 1390). Les parties peuvent décider contractuellement d’écarter cette garantie : on parle alors de clause d’exclusion de garantie de vices cachés. Le notaire rédacteur de l’acte peut voir sa responsabilité engagée si une faute est commise. En l’espèce, dans le cadre du litige qui lui était soumis, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel qui avait rejeté les demandes de l’acquéreur aux motifs : « Attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la clause excluant la garantie des vices cachés pouvant affecter le sol, le sous-sol ou les bâtiments insérée dans l’acte de vente est particulièrement claire et précise et rédigée dans des termes aisément compréhensibles, ne comportant aucun caractère technique pour un acquéreur non averti et lui permettant, ainsi, de prendre conscience de la portée de son engagement lorsqu’il a acquiescé aux différentes conditions en paraphant chacune des pages de l’acte, et que cette clause a été validée par l’arrêt du 3 septembre 2009, en raison de la bonne foi de la venderesse non professionnelle ; que l’arrêt ajoute que la lecture de l’acte a été faite par le notaire aux parties et que les termes non ambigus de cette clause ne portaient pas à explication spécifique de sa part, chacune des parties étant en mesure de comprendre son sens et sa portée ; que, de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, que le notaire n’avait pas manqué à ses obligations professionnelles ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus ». Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue de l’obligation de conseil que doit le notaire envers ses clients mais aussi les limites que cette obligation. Il est utile de rappeler que ce devoir de conseil revêt un caractère impératif: le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Plus encore, l’obligation de conseil du notaire porte donc tant sur la validité de l’acte que sur les risques juridiques et économiques encourus. Si la clause est rédigée dans des termes clairs, que l’une et l’autre des parties est à même de comprendre, il n’est pas requis de la part du notaire qu’il explicite davantage la portée de cette disposition et aucune faute ne pourra lui être reprochée. De l’importance donc de bien veiller à la rédaction et la lecture des actes de vente qui peuvent prévoir des régimes exonératoires ou des clauses limitatives, notamment sur les questions d’absence de raccordements et qui se rencontrent fréquemment en matière immobilière (la jurisprudence en la matière est foisonnante : voir en ce sens: Cass. 3e civ., 19 oct. 1971 : Bull. civ. 1971, III, n° 498 ; D. 1972, jurispr. p. 77 ; CA Paris, 8 déc. 1989 : D. 1990).

Urbanisme : l’absence d’impartialité des conseillers municipaux n’en fait pour autant pas des conseillers intéressés (CE, 22 février 2016, n°367901)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Le Conseil d’Etat, dans une décision très récente (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 22 février 2016, n°367901, mentionné au recueil Lebon), a rappelé que le fait que des conseillers municipaux ne soient pas impartiaux lors de la participation à une délibération ne permettait pas nécessairement de les qualifier de conseillers « intéressés ». Les faits de l’affaire étaient les suivants. Une société a été autorisée à exploiter une centrale d’enrobage à chaud et une installation de recyclage de déblais de terrassement au sein d’une zone d’activités d’une commune, et dans laquelle était autorisée, selon le plan local d’urbanisme alors en vigueur, l’implantation d’installations classées pour la protection de l’environnement. Cependant, que par une délibération du 25 mars 2009, le conseil municipal a approuvé une modification du plan local d’urbanisme interdisant, dans ce secteur, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation et toute installation connexe. Deux conseillers municipaux, anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités, avaient participé au vote et la délibération avait eu précisément pour objet de modifier le règlement du plan local d’urbanisme pour interdire, dans le secteur concerné, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation. La société exploitante et la société réalisant la zone d’activités ont demandé l’abrogation de cette délibération. Par une décision du 22 octobre 2009, le maire de la commune a refusé de donner suite à leur demande d’abrogation. Les deux sociétés ont alors introduit un recours en annulation devant le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 28 juillet 2011, a rejeté leur requête. Ce jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux par un arrêt du 19 février 2013 contre lequel ces sociétés se pourvoient en cassation. Plusieurs moyens étaient invoqués pour contester le refus d’abrogation. En particulier, il était soutenu la délibération litigieuse du 25 mars 2009 avait été adoptée en méconnaissance de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dès lors que deux conseillers municipaux, anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités, avaient participé au vote et que la délibération avait eu précisément pour objet de modifier le règlement du plan local d’urbanisme pour interdire, dans le secteur concerné, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation.   Rappelons qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » Il résulte de ces dispositions que « la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition est de nature à entraîner l’illégalité de cette délibération ; que, de même, la participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition, est susceptible de vicier la légalité de cette délibération, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation au vote de la délibération litigieuse, dès lors que la personne intéressée a été en mesure d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse » (Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 novembre 2012, n°334726, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lorsqu’un ou plusieurs membres du conseil municipal intéressés à l’affaire  ont pris part à une délibération, deux situations nous paraissent devoir être distinguées : –       Dans l’hypothèse où le conseiller municipal participe au vote de la délibération, il suffit qu’il ait un intérêt à l’affaire  pour que ladite délibération soit illégale : –       Dans l’hypothèse où le conseiller municipal ne participe  pas au vote de la délibération mais qu’il a participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption de cette délibération, il doit avoir été susceptible d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse pour qu’elle soit illégale.   Il convenait donc de déterminer si , en l’espèce, le fait que des conseillers municipaux soient des anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités devait conduire à les qualifier de conseillers « intéressés » à la délibération portant sur une modification du plan local d’urbanisme ayant pour objet de restreindre ce type d’activité sur la commune. La notion d’intérêt à l’affaire est difficile à appréhender. En principe, l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune   (Conseil d’Etat, Section, 16 décembre 1994, n°145370, publié au recueil Lebon). En matière d’association, il a déjà été jugé à propos d’un maire ayant participé à une délibération en vue d’attribuer un local à l’association qu’il présidait devait être considéré comme ayant un intérêt à l’affaire car « l’association, bien que dépourvue de but lucratif, poursuivait des objectifs qui ne se confondaient pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune ». (Conseil d’Etat, Section, 16 décembre 1994, n°145370, publié au recueil Lebon ; voir également en ce sens Conseil d’Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 9 juillet 2003, n°248344, mentionné aux tables du recueil Lebon). De même, lorsque plusieurs conseillers municipaux sont membres d’une association ayant obtenu, devant le tribunal administratif, l’annulation d’une délibération du conseil municipal de la commune adoptant le projet de révision du plan d’occupation des sols, ils ne peuvent participer au vote tendant à décider si le maire pouvait être autorisé à faire appel dudit jugement car leur intérêt, en l’espèce, n’était pas distinct de celui de l’association, et qu’ils devaient ainsi être regardés comme intéressés aux questions contentieuses pendantes entre la commune et l’association (CAA Paris, Plénière, 9 octobre 1997, n°97PA00998, publié au recueil Lebon) En revanche, lorsque l’association poursuit des objectifs communs avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune, il en va différemment. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger que le fait…

ICPE : Piqûre de rappel sur l’importance de la description des capacités techniques et financières dans la demande d’autorisation ICPE (CE, 22 février 2016)

Par Sébastien Bécue Green Law Avocats Par un arrêt en date du 22 février 2016, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi exercé par une société à l’encontre de la décision de la Cour administrative d’appel de Nancy confirmant l’annulation de son autorisation d’exploiter ICPE une centrale à gaz. Le Conseil d’Etat, comme la Cour auparavant, considère que la description que la société fait de ses capacités techniques et financières est insuffisante. L’arrêté d’autorisation est en conséquence annulé. Cette décision peut étonner lorsqu’on sait à quel grand groupe énergéticien français la société exploitante appartient. Comment peut on en arriver procéduralement à une annulation sur le fondement des capacités techniques et financières? Rappel sur l’obligation de mention des capacités dans la demande d’autorisation ICPE Cette obligation résulte du code de l’environnement qui prévoit, aux articles L. 512-1 et R. 512-3, que la demande d’autorisation doit mentionner les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre d’exploiter son installation conformément aux obligations résultant du droit de l’environnement, et notamment celles liées à la future remise en état du site accueillant son installation. Le préfet, lorsqu’il statue sur la demande d’autorisation, doit donc apprécier les capacités mentionnées par le futur exploitant dans sa demande. Et le juge administratif contrôle assez strictement l’appréciation portée par le préfet en vérifiant séparément la suffisance des capacités techniques et financières. Il ressort de la jurisprudence que peuvent être prises en compte, dans l’analyse des capacités techniques du demandeur : L’expérience du demandeur dans l’activité (voir par exemple CAA Versailles, 16 juil. 2012, n°10VE03178) ; Les processus et matériels utilisés, les effectifs et leur qualification (CAA Marseille 11 juil. 2011, n°09MA02014). En ce qui concerne les capacités financières, il est tenu compte des informations sur la situation financière du demandeur : chiffre d’affaire et bilan comptable (CAA Nantes, 25 mars 2011, n°10NT00043) ou analyse financière réalisée par des tiers (CAA Lyon, 4 nov. 2011, n°09LY00624). Par ailleurs, l’appartenance à un groupe peut être prise en compte (CAA Lyon, 5 avril 2012, n°10LY02466). L’appréciation par la Cour administrative d’appel des capacités de la société exploitante La décision de la Cour administrative d’appel, décomposable en deux temps, fournit un bon exemple concret d’appréciation des capacités d’un demandeur. Dans un premier temps, la Cour vérifie que la société dispose des capacités financières pour réaliser son projet en se fondant sur le plan de financement annoncé : 772 millions d’euros d’investissement nécessaire, financés à 30% sur fonds propres et à 70% par dette bancaire. En ce qui concerne la partie financée sur fonds propres, la Cour estime que les capacités sont suffisantes : si la société ne dispose que d’un capital social de 7,5 millions d’euros, elle produit néanmoins une « lettre de support » de sa société mère par laquelle cette dernière s’engage à lui apporter son soutien. L’appréciation de la Cour sur les capacités relatives à la partie financée par dette bancaire est au contraire négative : les divers documents produits par la société (note générale sur le financement, sur la conformité du montage envisagé avec la pratique) sont trop génériques et ne comportent aucun engagement précis, tant au regard des montants que de l’identité des prêteurs. Dans un second temps, la Cour vérifie les capacités techniques de la société exploitante, et son appréciation est toute aussi sévère. Alors que la société exploitantene dispose d’aucune expérience antérieure dans l’exploitation de centrale à gaz, la Cour considère qu’elle ne démontre pas avoir contracté avec des constructeurs ou exploitants présentant des garanties. En effet, la société s’engage seulement, une fois les autorisations obtenues, à consulter les leaders du secteur. Elle produit aussi un document attestant de la conclusion avec une grande société internationale d’un accord de coopération fixant les éléments essentiels d’un éventuel futur contrat. La Cour estime que la construction et l’exploitation auraient dû à tout le moins faire l’objet de protocoles d’accord. Validation du raisonnement par le Conseil d’Etat et affirmation du caractère non « danthonysable » de l’insuffisance des capacités techniques et financières En premier lieu, le Conseil d’Etat valide entièrement la démarche de la Cour administrative d’appel en estimant dans un attendu clair : « que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l’appui de son dossier de demande d’autorisation (…) notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code ». En second lieu, il ajoute que la démonstration de ces capacités étant l’une des conditions de délivrance  de l’autorisation d’exploiter « la cour n’avait pas à rechercher si les insuffisances du dossier de demande relatives aux capacités techniques et financières auraient pu nuire à l’information du public ou avoir une influence sur le sens de la décision prise par le préfet ». Le Conseil d’Etat statue ici sur un argument de la société exploitante fondé sur la jurisprudence dite “Danthony” aux termes de laquelle un vice de forme n’entraîne l’annulation d’une décision que s’il a eu pour conséquence de nuire à l’information du public ou exercé une influence sur le sens de ladite décision. *** Il semble effectivement, au regard de l’appréciation portée par la Cour, qu’en l’espèce, la société exploitante ait fourni des informations trop peu détaillées sur son projet. Il est surprenant qu’une fois en appel elle n’ait pas pris ses précautions en fournissant plus de détails. Rappelons en effet que le juge des installations classées statuant en plein contentieux, le demandeur a la possibilité de compléter sa demande d’autorisation jusqu’au jour du jugement sur ce point particulier des capacités techniques et financières (CE, 13 juil.2006,  n°285736). Plus généralement, on…

Produits phytopharmaceutiques : la Commission réticente concernant l’approbation ou le renouvellement de substances actives

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Le 2 février 2016, la Commission européenne a, une nouvelle fois, montré sa réticence à approuver ou à renouveler les substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques. Ce comportement témoigne, à notre sens, d’une volonté de limiter le nombre de substances actives présentes dans les produits phytopharmaceutiques mis sur le marché sur le territoire des Etats membres. En premier lieu, elle a, par un règlement d’exécution (UE) 2016/138 du 2 février 2016, refusé d’approuver la substance active 3-décén-2-one, conformément au règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. A cet égard, il convient de rappeler que, pour qu’une substance active soit approuvée, elle doit respecter les critères posés par l’article 4 du règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. En particulier, il est nécessaire que: les résidus des produits phytopharmaceutiques n’aient pas d’effet nocif sur la santé des êtres humains ou sur la santé des animaux ou sur les eaux souterraines ; les résidus des produits phytopharmaceutiques n’aient pas d’effet inacceptable pour l’environnement.   En outre, le produit phytopharmaceutique doit : être suffisamment efficace ; ne pas avoir d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ou sur la santé animale ou sur les eaux souterraines ; n’avoir aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ; ne provoquer ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ; ne pas avoir d’effet inacceptable sur l’environnement. En l’espèce, il a été considéré que « l’existence de résultats positifs en matière de génotoxicité et le caractère limité des données toxicologiques empêchent d’établir des valeurs toxicologiques de référence finales et que, par conséquent, l’évaluation des risques pour les opérateurs, les travailleurs, les autres personnes présentes, les résidents et les consommateurs n’a pas pu être menée à bien. » En outre, « l’évaluation de la demande de LMR accompagnée de la demande d’exempter le 3-décén-2-one de la fixation d’une LMR n’a pas pu être terminée, car les informations disponibles sont insuffisantes pour déterminer si l’utilisation de 3-décén-2-one en tant que substance active dans les produits phytopharmaceutiques n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris celle des groupes vulnérables, lors d’une ingestion par voie alimentaire. » Au regard de ces éléments, les critères de l’article 4 ne pouvaient être considérés comme remplis. Par suite, la substance active n’a pu être approuvée car « il n’a pas été démontré qu’il était permis d’escompter, en ce qui concerne une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant de la 3-décén-2-one, qu’il soit satisfait aux critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009. » En second lieu, elle a, par un règlement d’exécution (UE) 2016/139 du 2 février 2016, approuvé la substance active metsulfuron-méthyle comme « substance dont on envisage la substitution » conformément au règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Pour ce faire, elle a, dans un premier temps, considéré que l’ensemble des conditions d’approbation de la substance active étaient remplies : « Des informations sur une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant la substance active concernée ont permis d’établir qu’il est satisfait aux critères d’approbation visés à l’article 4 du règlement (CE) n° 1107/2009. Ces critères d’approbation sont donc réputés être remplis. […] L’évaluation des risques pour le renouvellement de l’approbation du metsulfuron-méthyle repose sur un nombre limité d’utilisations représentatives, qui toutefois ne restreignent pas les utilisations pour lesquelles les produits phytopharmaceutiques contenant du metsulfuron-méthyle peuvent être autorisés. Il convient donc de ne pas maintenir la restriction à l’utilisation en tant qu’herbicide. » Puis, dans un deuxième temps, elle a considéré que « le metsulfuron-méthyle est une substance dont on envisage la substitution conformément à l’article 24 du règlement (CE) n° 1107/2009.» L’article 24 du règlement (CE) n°1107/2009 qu’une substance active satisfaisant aux critères prévus à l’article 4 est approuvée, pour une période ne dépassant pas sept ans, comme « substance dont on envisage la substitution » si elle satisfait à un ou plusieurs critères supplémentaires. Plus précisément, en vertu du point 4 de l’annexe 2, il est nécessaire qu’une des conditions suivantes soit remplie pour qu’il soit envisagé la substitution d’une substance active : la dose journalière admissible, le niveau acceptable d’exposition de l’opérateur ou la dose aiguë de référence qui s’y rapportent sont sensiblement inférieurs à ceux de la majorité des substances actives approuvées dans les groupes de substances/catégories d’utilisation ; elle satisfait à deux des critères prévus pour être considérée comme une substance PBT ; elle suscite des préoccupations liées à la nature des effets critiques qui, combinés aux modes d’utilisation et d’exposition concernés, créent des situations d’utilisation qui restent inquiétantes même lorsqu’elles s’accompagnent de mesures de gestion des risques très restrictives ; elle contient un pourcentage important d’isomères non actifs ; elle est ou doit être classée carcinogène de catégorie 1A ou 1B ; elle est ou doit être classée toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B ; si elle n’est pas considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme. En l’espèce, le metsulfuron-méthyle a été considéré comme « une substance persistante et toxique » étant donné que sa demi-vie en eau douce est supérieure à quarante jours et que sa concentration sans effet observé à long terme pour les organismes d’eau douce est inférieure à 0,01 mg/l.   La Commission a donc estimé que « Le metsulfuron-méthyle satisfait donc à la condition établie à l’annexe II, point 4, deuxième tiret, du règlement (CE) n°1107/2009. » c’est-à-dire qu’ « elle satisfait à deux des critères prévus pour être considérée comme une substance PBT » Elle a alors accepté de renouveler l’autorisation de la substance active comme substance dont on envisage la substitution en prévoyant certaines conditions telles que demander des informations confirmatives supplémentaires. En conséquence, ces deux règlements traduisent d’une volonté de la Commission d’apprécier strictement les conditions d’approbation ou de renouvellement d’une substance acte contenue dans un produit phytopharmaceutique et, par suite, de limiter autant que possible…

La vocation informative de l’étude d’impact d’une carrière sanctionnée (CAA Lyon, 1er décembre 2015, n°14LY03687)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, aux termes de sa décision dite Danthony, a dégagé le « principe » selon lequel « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). Ainsi, une décision affectée d’un vice de procédure n’est illégale que s’il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d’exercer, dans les circonstances de l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. Cette décision avait pour objectif de permettre « au juge d’exercer pleinement son office, c’est-à-dire de mesurer la portée exacte du moyen de légalité invoqué, en recherchant si, dans les circonstances de l’espèce, la formalité, même substantielle, a été affectée d’une façon telle qu’elle n’a pu atteindre correctement son objet […] » (Gaelle Dumortier, conclusions sur Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). En droit de l’environnement, la garantie essentielle protégée par le juge administratif est le droit à l’information du public. La décision du Conseil d’Etat Ocréal (CE, 14 octobre 2011, n°323257) sanctionne ainsi les insuffisances d’une étude d’impact si « elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative». La garantie liée à l’information complète du public s’exprime en particulier en matière de vices de procédure lorsque le juge du plein contentieux est saisi. En effet, le Conseil d’Etat considère qu’« il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce ; que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure ; que les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; qu’en outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ; » (CE, 22 septembre 2014, n°367889, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Cette décision combine le principe dégagé par la décision Danthony avec l’office du juge du plein contentieux des installations classées : le juge peut admettre la régularisation a posteriori de vices de procédure qui auraient dû, en principe, entraîner l’illégalité de la décision contestée sous réserve qu’ils n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. Le juge est très strict quant à l’appréciation de l’information complète de la population. Une décision récente en témoigne (CAA Lyon, 1er décembre 2015, n°14LY03687). Il s’agit de la décision présentement commentée. Dans cette affaire, deux questions de droit se posaient principalement : l’étude d’impact contenue dans le dossier de demande d’autorisation était-elle suffisante en ce qui concernait les vestiges archéologiques ? Dans l’hypothèse d’une insuffisance de l’étude d’impact, celle-ci pouvait-elle être susceptible d’être régularisée ? • Sur la question de la suffisance de l’étude d’impact Ainsi que le souligne cet arrêt, une des spécificités du recours de plein contentieux est qu’ « il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce ; que les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une installation classée relèvent des règles de procédure ; ». Or, il résulte des dispositions en vigueur à la date de la délivrance de l’autorisation, « que la protection du patrimoine archéologique figure au nombre des intérêts que doit prendre en compte, le cas échéant, l’étude d’impact ». En l’espèce, la Cour administrative constate que : « le projet […] est implanté sur le plateau du Puy-de-Mur ; que, malgré la présence de vestiges archéologiques répartis sur ce plateau, dont témoignent plusieurs publications antérieures à 1997, notamment un ouvrage de 1933, qui fait état de deux sites protohistorique et médiéval, un document du service régional d’archéologie de 1992, qui mentionne des ” vestiges importants ” sur le site du Puy-de-Mur à Vertaizon, couvrant le néolithique et les âges des métaux entre 4 500 et 2 100 ans ou encore la ” Carte archéologique de la Gaule “, publiée en 1994, qui regroupe l’ensemble des découvertes réalisées sur ce site de 1971 à 1994, sans compter les prospections et campagnes de fouilles qui…