Capacités financières et ICPE : pour une prise en compte du modèle économique du secteur d’activité en cause ! (TA Limoges, 14 déc.2017)

Par David DEHARBE- avocat associé GREEN LAW AVOCATS La jurisprudence Hambrégie (CE, 22 fév. 2016, n°384821.) du Conseil d’Etat, parfois interprétée de façon bien trop stricte par certaines juridictions du fond, et relative aux capacités techniques et financières exigibles du demandeur à l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, n’en finit plus de faire des dégâts… Avec son jugement du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Limoges (TA Limoges 14 décembre 2017, Association Sources et rivières du limousin, n° 1500920) inscrit sa jurisprudence dans la série des annulations de projet pour défaut de la démonstration dans le DDAE de ces capacités et montre que le juge peut néanmoins utiliser ses nouveaux pouvoirs détenus depuis l’ordonnance du 26 janvier 2017. Cette annulation est couplée en l’espèce à un avis d’un commissaire enquêteur jugé irrégulier car ce dernier a osé s’exprimer sur la guérilla contentieuse que mènent certaines associations à la liberté de l’industrie, on se dit que le juge a définitivement perdu de vue la vocation de la police des installations à concilier cette liberté avec les intérêts du voisinage et plus largement de l’environnement … Revenons sur ce qui est finalement reproché au commissaire enquêteur. Aux termes du jugement :« L’intervention de l’association des sources et rivières du Limousin (SRL) n’avait pas d’autre objectif que de décrédibiliser le porteur du projet et les services de l’Etat, juste pour faire du sensationnel et montrer qu’elle existait », qu’« en faisant usage d’affirmations non vérifiées et pouvant avoir des incidences graves, SRL a pris le parti de la facilité et du tout négatif» et en s’interrogeant sur la « légitimité » de l’association à conserver « une habilitation au titre de la représentativité dans les instances régionales », le commissaire enquêteur doit être regardé, par ces remarques dépréciatives portées à l’encontre de l’association requérante, seule à avoir présenté des observations défavorables au projet, exprimé un parti pris initial favorable au projet ; que, dès lors, l’association sources et rivières du Limousin est fondée à soutenir que le commissaire enquêteur a manqué, en l’espèce, à son devoir d’impartialité ». Et au final le Tribunal d’en conclure : « que ce vice n’a pas, en l’espèce, exercé d’influence sur le sens de la décision prise par le préfet de la Creuse, il a privé le public de la garantie qui s’attache à l’expression par le commissaire enquêteur d’une position personnelle, émise de manière objective au vu de l’ensemble du dossier ». A croire que le public est plus bête de l’administration et qu’il faut le protéger. Assurément il faut le protéger des commissaires enquêteurs ….certainement pas en censurant l’autorisation mais en supprimant cette institution dont la médiation est bien inutile. En tout état de cause on ne voit pas en quoi cette « garantie » a porté atteinte au principe de participation … Ce défaut de démonstration d’une telle atteinte est sans doute insupportable pour le pétitionnaire. Ne l’est pas moins sans doute l’analyse faite en l’espèce de la question des capacités financières. D’emblée disons-le nous sommes bien conscients des conditions très particulières de la jurisprudence Hambrégie où était en cause un investissement de 772 millions d’euros nécessaire à l’installation d’une centrale à gaz, financés à 30% sur fonds propres et à 70% par dette bancaire!  Quand est en cause une usine à gaz comme celle en cause dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, on pourrait à la rigueur  comprendre que le Conseil d’Etat admette que le juge du fond puisse vérifier que les engagements des tiers sont des engagements « fermes ». Mais s’agissant de capacités qui doivent seulement être suffisamment « certaines », on ne saurait absolument pas exiger des établissements bancaires un engagement définitif pour le plus grand nombre des installations classées. Devant le Tribunal administratif de Limoges était mis en cause le fait que le préfet de la Creuse avait autorisé le propriétaire d’une usine de production d’électricité située sur le territoire de la commune de Saint-Hilaire-le-Château, à disposer de l’énergie de la rivière « Le Thaurion » pour l’exploitation d’une modeste production d’énergie hydroélectrique. Mais, une association avait demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler cet arrêté. Or le Tribunal relève « que la notice d’impact produite par M. D. dans le dossier de demande d’autorisation mentionne que ce dernier possède une entreprise de travaux publics basée au Moutier d’Ahun, qu’il réalisera lui-même la partie du projet consacrée au génie civil et qu’il dispose des compétences et des connaissances suffisantes pour assurer ultérieurement le fonctionnement de la centrale avec l’assistance de prestataires spécialisés pour la partie technique ; que, par un courrier du 26 mars 2014 adressé au commissaire enquêteur et joint au dossier d’enquête publique, M. D. a également précisé qu’il «n’avait pas plus de capacités qu’un bon nombre de gestionnaires de ce type d’installation », qu’il était prévu l’assistance de prestataires spécialisés pour la partie électrique et que « pour le reste, [il pensait] pouvoir assumer », étant « responsable d’une petite entreprise de maçonnerie depuis 30 ans après 10 ans de conduite de chantier et qu’à ce jour cette entreprise n’est pas trop en mauvaise posture » ; que, par ce même courrier, s’agissant des capacités financières, l’intéressé s’est borné à exposer qu’un financement était prévu avec un apport personnel de 150 000 euros et que « pour le reste c’est la banque qui jugera de l’opportunité ou non de soutenir ce projet afin de le finaliser » ; que ces seules mentions n’étaient pas suffisantes pour apprécier la capacité technique et financière de l’exploitant à assurer le bon fonctionnement de l’installation en cause ». Et une nouvelle fois le principe de participation vient en creux interdire la régularisation par une simple Danthonysation du moyen : « les insuffisances de ces indications dans le dossier de demande d’autorisation ont eu pour effet de nuire à l’information complète du public et sont susceptibles d’avoir exercé une influence sur la décision du préfet de la Creuse, l’association sources et rivières du Limousin est fondée à soutenir que la notice d’impact est entachée d’insuffisance…

Contestation du montant de l’indemnité suite à la résiliation d’un marché public d’évacuation d’O.M. : les pièces contractuelles sont essentielles !

Par Maître Thomas RICHET (Green Law Avocats) Par un arrêt du 14 décembre 2017 (requête n°15BX01342), la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle aux opérateurs économiques l’importance d’une bonne lecture des pièces contractuelles d’un marché public. Dans cette affaire, la communauté intercommunale du nord de La Réunion (ci-après la « CINOR ») avait conclu le 4 mars 2013 un marché public avec la société ECM Caly et Paji (ci-après « société ECM ») ayant pour objet la fourniture de 16 caissons métalliques destinés à l’évacuation des ordures ménagères pour un montant total de 89 059 euros. Par un courrier du 26 avril 2013, le président de la CINOR a prononcé la résiliation de ce marché sur le fondement de l’article 33 du Cahier des Clauses Administratives Générales Fournitures Courantes et Services (ci-après « CCAG-FCS ») auquel renvoyait l’article 9 du Cahier des Clauses Administratives Particulières (ci-après « CCAP ») et a fixé le montant de l’indemnité de résiliation à 4 452, 95 euros correspondant à 5% du montant hors taxes du marché. L’article 33 du CCAG-FCS dispose que : « Lorsque le pouvoir adjudicateur résilie le marché pour motif d’intérêt général, le titulaire a droit à une indemnité de résiliation, obtenue en appliquant au montant initial hors taxes du marché, diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises, un pourcentage fixé par les documents particuliers du marché ou, à défaut, de 5 %. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements, éventuellement engagés pour le marché et strictement nécessaires à son exécution, qui n’aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe d’apporter toutes les justifications nécessaires à la fixation de cette partie de l’indemnité dans un délai de quinze jours après la notification de la résiliation du marché. Ces indemnités sont portées au décompte de résiliation, sans que le titulaire ait à présenter une demande particulière à ce titre. » La société ECM a décidé de saisir le Tribunal administratif de La Réunion d’un recours en reprise des relations contractuelles (« recours Béziers II »), et en demande de condamnation de la CINOR. Par un jugement n°1300817 du 29 décembre 2014, dont la CINOR a interjeté appel devant la Cour administrative de Bordeaux, les juges de première instance ont condamné la communauté intercommunale à verser à cette société la somme de 18 451,76 euros, assortie des intérêts aux taux légal à compter du 19 juin 2013. L’arrêt commenté est intéressant à double titre. D’abord en ce qu’il rappelle une règle constante du contentieux administratif : il appartient au premier juge de répondre à tous les moyens qui ne sont pas « inopérants ». Mais l’arrêt doit  surtout retenir l’attention s’agissant du contentieux de l’exécution des marchés publics. Un moyen qui n’est pas inopérant et auquel le juge administratif ne répond pas rend son jugement irrégulier (constant) Dans un premier temps, la cour décide d’annuler le jugement rendu par les premiers juges en ce qu’ils ne se sont pas prononcés sur un moyen développé par la CINOR. Ce moyen était tiré du fait que la société ECM n’avait pas respecté les règles fixées à l’article 33 du CCAG-FCS (règles reproduites ci-dessus), auxquelles renvoyait l’article 9 CCAP. En effet, les juges de première instance avaient bien rejeté une fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux mais avaient omis de répondre au moyen de la personne publique concernant le respect de la procédure prévue à l’article 33 du CCAG-FCS. Le moyen n’étant pas inopérant, c’est-à-dire qu’il n’était pas manifestement infondé,  le tribunal devait y répondre. En effet, L’omission de répondre à un moyen entache la régularité du jugement (CE, 10 juin 1966, Mme Perrucot, n°64572 ; CE, Assemblée, 1er avril 1988, Mlle Vadsaria, n°55232 ; CE, 5 novembre 1990, Péan, n°79657). A la différence du défaut de réponse à une partie des conclusions, le défaut de réponse à un moyen entraîne en principe l’annulation totale du jugement, à moins que le moyen auquel il n’a pas été répondu ait été présenté à l’appui de conclusions divisibles (CE, 10 février 1982, Angeletti, n°17618) Le moyen n’était pas inopérant, il n’y a pas été répondu, le jugement n’étant pas régulier, il doit être annulé. Pour être recevables, des conclusions indemnitaires en demande de majoration de l’indemnité de résiliation doivent respecter la procédure décrite par les documents contractuels du marché publics La cour relève que la procédure prévue à l’alinéa 2 de l’article 33 du CCAG-FCS n’a pas été respectée par la société ECM lors de la demande de majoration de l’indemnité de résiliation. Cet alinéa prévoit l’obligation, pour l’opérateur économique désireux de solliciter une majoration de l’indemnité de résiliation, suite à la résiliation de son marché public de fournitures, de transmettre, dans les quinze jours de la notification de cette résiliation, les justificatifs nécessaires. En l’espèce, aucun élément ne permettait de s’assurer de la date à laquelle la société ECM avait contesté le montant de l’indemnisation, et donc du délai dans lequel elle avait introduit cette demande. En outre, la cour relève que la demande n’était pas assortie des justificatifs nécessaires. Dès lors, même si cette société avait introduit des conclusions en reprise des relations contractuelles dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de résiliation du marché, elle n’était pas fondée à solliciter une majoration de l’indemnité due au titre de la résiliation pour motif d’intérêt général. La cour relève donc que : « [la CINOR] est fondée à soutenir que la société ECM Caly et Paji a méconnu les stipulations précitées de l’article 33 du cahier des clauses administratives générales ” fournitures courantes et de services ” et que ses conclusions indemnitaires, tendant à la condamnation de la communauté intercommunale du nord de La Réunion à lui verser une somme supplémentaire au titre de l’indemnisation de la résiliation du marché, devaient être rejetées comme irrecevables. »   Cette solution doit attirer l’attention des opérateurs économiques et des pouvoirs adjudicateurs sur les règles applicables à la phase d’exécution des marchés publics et qui sont contenues au sein même des pièces…

ICPE : les porteurs de projets devraient enfin être fixés sur la question des capacités financières… ! (TA Lille, 14 déc.2017)

Par Sébastien BECUE- GREEN LAW AVOCATS Dans le cadre d’un recours intenté à l’encontre d’une autorisation unique expérimentale d’un parc éolien (défendue par le Cabinet); le Tribunal administratif de Lille a décidé d’interroger le Conseil d’Etat sur la possible application rétroactive des dispositions procédurales du nouveau régime de l’autorisation unique environnementale (cf. Ordonnance entrée en vigueur au 1er mars 2017) aux contentieux en cours contre les autorisations uniques expérimentales et les autorisations d’exploiter ICPE. Cela concernera en particulier l’épineuse question de l’appréciation des capacités techniques et financières. En particulier, deux questions cruciales devraient être tranchées en principe sous trois mois. La première concerne tous les projets industriels : il s’agit de savoir si le juge de plein contentieux des installations classées peut se fonder sur la nouvelle définition des capacités techniques et financières lorsqu’il réalise son contrôle de la suffisance du dossier de demande d’autorisation. La seconde concerne seulement la filière éolienne : la dispense de permis de construire prévue par le nouveau régime rend-elle inopérants les moyens soulevés à l’encontre des autorisations uniques expérimentales en tant qu’elles valent également permis de construire ; et, par voie de conséquence, rend-elle sans objet les recours à l’encontre des permis de construire un parc éolien lorsque le projet bénéficie également d’une autorisation d’exploiter ICPE ? Le Tribunal semble lier la réponse à ces questions à la valeur juridique du texte fondant le régime, à savoir une ordonnance qui n’est pour l’heure pas encore ratifiée. A suivre. …

L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt France Nature Environnement en date du 6 décembre 2017 qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon (CE 6 déc. 2017, n° n° 400559, FNE), le Conseil d’Etat a annulé une disposition du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale. Cette disposition avait désigné le préfet de région en qualité « d’autorité environnementale » pour tout projet situé dans la région concernée et pour lequel l’article R 122-6 du code de l’environnement n’avait désigné, en cette qualité, ni le ministre de l’environnement, ni la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (C.G.E.D.D), ni la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du C.G.E.D.D. La Haute Juridiction a jugé, en application de la théorie de l’acte clair, que cette disposition méconnaît les exigences découlant de l’article 6, paragraphe 1 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Selon le Conseil d’Etat, il résulte clairement de ces dispositions que « si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné » (cf. considérant n° 5). Or selon le Conseil d’Etat, ni le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’avait prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est en charge de l’élaboration ou de la conduite d’un projet au niveau local ou encore, dans les cas où l’autorité préfectorale est compétente pour autoriser un projet, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard (cf. considérant n° 7). En d’autres termes, dans les cas où le préfet de région assure la maîtrise d’ouvrage d’un projet et dans les cas où il est compétent pour autoriser un projet, « notamment lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région », les textes ne garantissent pas que la compétence d’autorité environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard. Cette solution découle de l’application par le Conseil d’Etat de l’arrêt que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 20 octobre 2011 (cf. C-474/10) à propos des garanties d’indépendance des autorités qu’il faut consulter dans le cadre de l’adoption d’un plan ou d’un programme susceptible d’avoir des incidences environnementales, en application de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001. A cet égard, le Conseil d’Etat a jugé qu’il pouvait statuer sans qu’il soit tenu de saisir préalablement la Cour d’une demande de décision préjudicielle aux fins d’interprétation de la directive du 13 décembre 2011. Il a raisonné en considérant que l’application de l’arrêt de la Cour à la disposition en cause s’imposait avec une telle évidence qu’elle ne laissait place à aucun doute raisonnable et ce, alors même que cette disposition concerne la désignation de l’autorité environnementale d’un « projet » et non, d’un « plan ou programme ». Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que « la directive du 27 juin 2001 comme celle du 13 décembre 2011 ont pour finalité commune de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences ». Il également insisté sur la « finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raisons de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement » (cf. considérant n° 5). Suivant ce raisonnement, il n’était pas tenu de déférer à son obligation de saisine de la Cour (cf. CJCE 6 octobre 1982, aff. 283/81, Srl CILFIT et a. : Rec. CJCE, p.  3415). Reste que cette solution ne va pas de soi, tout particulièrement en ce qu’elle vise les cas dans lesquels le préfet de région est compétent pour autoriser un projet. En effet, plusieurs juridictions de première instance comme d’appel ont considéré que lorsqu’un projet est porté par une personne privée, rien ne s’oppose à ce qu’une administration d’Etat soit chargée d’évaluer l’impact du projet en cause sur l’environnement (cf. notamment : CAA Nantes,  20 mars 2017, n°16NT03962 ; CAA Nantes 14 novembre 2016, req. n° 17NT02860, 15NT02487 et 15NT02851 ; TA Limoges, 11 avril 2017, n°1401846 et 1401848 ; TA Paris 2 février 2017, req. n° 1518822 ; TA Dijon 1er juillet 2016, req. n° 1403275). Surtout il convient désormais à apprécier la portée du motif de l’annulation prononcée par l’arrêt. Les requérants frappés du syndrome NIMBY seront évidemment tentés de soutenir que la jurisprudence FNE emporte automatiquement annulation des procédures d’autorisation délivrées sur la base d’un avis de l’autorité environnementale signé par le préfet de région qui serait encore signataire de l’arrêté ICPE, d’une autorisation ou d’une autorisation environnementale. Mais se serait se méprendre sur la portée de l’arrêt du Conseil d’Etat : les magistrats du Palais Royal se sont bornés à juger que le préfet de région ne peut être tout à la fois l’autorité décisionnaire d’un projet et l’autorité compétente pour procéder à l’évaluation environnementale de ce projet. En revanche, il serait erroné de déduire de cet arrêt qu’un service du préfet de région ne pourrait pas exercer la mission de consultation environnementale, dès lors que ce service dispose de moyens administratifs et humains qui lui soient propres pour exercer cette mission et qu’il soit ainsi en mesure de remplir la mission et de donner un avis objectif…

Conchyliculture : une étude d’incidence ne permet pas de régulariser l’absence d’étude d’impact (TA Poitiers, 18 mai 2017)

Par Me Fanny ANGEVIN – Green Law Avocats Par une décision en date du 18 mai 2017 n°1501183-1502175-1601564-1600480, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé l’arrêté du préfet de la Charente-Martime qui autorisait le comité régional de la conchyliculture Poitou-Charentes à implanter des filières conchylicoles dans l’anse de la Malconche, dans le Pertuis d’Antioche et sur le territoire de la commune de Saint-Georges d’Oléron ainsi que son arrêté modificatif. Ce jugement vient rappeler que la réalisation d’une notice d’impact ne peut permettre de couvrir le vice qui entache l’autorisation, qui n’avait pas donné lieu à une saisine au cas pas cas de l’autorité environnementale. Deux associations, deux communes concernées ainsi qu’un particulier étaient à l’origine de requêtes à l’encontre de ces arrêtés. L’intérêt à agir de tous les requérants ne fait aucune difficulté au sein du jugement. Dans sa décision, le TA de Poitiers ne statue que sur le moyen des requêtes relatif à l’absence d’étude d’impact. C’est tout l’intérêt de la decision. En effet, le Tribunal rappelle tout d’abord le contenu des articles L. 122-1 R. 122-2 et R. 122-3 du code de l’environnement, dans leurs versions applicables à l’époque où la décision du préfet a été prise. Ces articles encadrent notamment les conditions dans lesquelles une étude d’impact doit être mise en place. L’article R. 122-2 du code de l’environnement prévoit que les projets doivent être soumis à étude d’impact soit de façon systématique soit après un examen au cas par cas en fonction des critères du tableau annexé au présent article. En l’espèce, le projet portait sur la « mise en place de 313 filières conchylicoles de 100 mètres chacune, chaque filière étant arrimée au sol marin par 3 corps-morts en béton de 2,5 tonnes chacun et par un ancrage à l’extrémité de chaque filière ». Or, les projets de zones de mouillage et d’équipements légers sont soumis à étude d’impact au cas par cas, au sens de la rubrique 10° g) du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Pourtant, le Tribunal souligne que l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement n’a pas été saisie par le pétitionnaire d’une demande d’examen de la nécessité ou non de réaliser une étude d’impact. Un vice de procédure était donc établi. Le Tribunal administratif de Poitiers cherche ensuite dans sa décision à évaluer la possibilité de « Danthonyser » ce vice. La juridiction rappelle à ce titre que « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et les règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé les intéressés d’une garantie ». C’est la fameuse jurisprudence Danthony.   Le Tribunal administratif analyse donc si le vice a été de nature à priver les intéressés d’une garantie ou a influencé le sens de la décision prise. Il estime tout d’abord qu’au vu de l’importance que revêt l’étude d’impact en droit de l’environnement, le respect de cette procédure est constitutif d’une garantie pour le public, dont il a bien été privé en l’espèce. Puis, le Tribunal analyse ensuite si le vice a pu exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. A ce titre, la juridiction a dû répondre à une question relative à la portée du document d’incidences et notamment à la possibilité de considérer que le document d’incidences pouvait tenir lieu d’étude d’impact. Il est répondu à cette question, bien que légitime en soi au regard des éléments composant généralement un document d’incidences, par la négative. En effet, le Tribunal administratif considère que : la possibilité que le document d’incidences puisse tenir lieu d’étude d’impact n’est expressément prévue par aucune disposition législative ou réglementaire ; que ce document ne comportait pas en l’espèce, en tout état de cause, une analyse suffisante de l’ensemble des effets du projet (tout particulièrement sur le tourisme de l’île d’Oléron). Le Tribunal estime donc que « cette omission a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et a été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet quant à l’impact du projet à cet égard ; que dans ces conditions et contrairement à ce qui est soutenu en défense, le défaut de saisine de l’autorité environnementale aux fins de décider si une étude d’impact était requise ou non n’a pu être régularisé par le contenu du document d’incidences, qui ne peut être regardé comme tenant lieu d’étude d’impact ». Ainsi, le Tribunal administratif de Poitiers affirme que le contenu d’un document d’incidences ne peut régulariser l’absence de saisine de l’autorité environnementale aux fins de décider si une étude d’impact est requise. Cette décision doit interpeller les porteurs de projets qui sont confrontés à la procédure au cas par cas d’étude d’impact. Dans les grandes lignes, les porteurs de projet doivent se poser la question de savoir si leur projet est soumis à étude d’impact de manière systématique ou au cas par cas (article R. 122-2 du code de l’environnement) et si les démarches afin de saisir l’autorité environnementale ont été effectuées le cas échéant (article R. 122-3 du code de l’environnement). Bien évidemment, la sécurisation d’un projet nécessite la vérification de beaucoup d’autres éléments. Cette décision doit être appréciée dans le contexte de l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016 et du décret n°2016-1110 du 11 août 2016 qui avaient eu pour volonté de réduire le nombre de projets soumis à études d’impacts. Le Tribunal administratif de Poitiers rappelle avec sa décision que les conditions afin de déterminer si le projet est soumis à étude d’impact de manière systématique ou au cas par cas, restent strictes et que l’absence de saisine de l’autorité environnementale n’est que difficilement régularisable. Les porteurs de projet devront donc être particulièrement vigilants en ce qui concerne la possible soumission de leurs projets à étude d’impact et vérifier, le cas échéant,…