Les causes d’exonération d’un dommage de travaux publics : Attention, terrain glissant ! (CAA Bordeaux, 17 nov.2014)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux (formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795) vient de rendre une intéressante décision en matière d’indemnisation du fait d’un dommage de travaux publics. Le 19 avril 2000, à la suite d’une période de précipitations intenses, un glissement de terrain sur les pentes du Mont Cabassou, dans la commune de Rémire-Montjoly (Guyane), a provoqué une importante coulée de boue. Cette coulée de boue a, en partie, enseveli l’usine de fabrication de yaourts, glaces et jus de fruits appartenant à la société Cilama, située en contrebas de la RN 3, à la base du Mont Cabassou. Les assureurs de la Cilama lui ont versé plus de douze millions d’euros en réparation des dommages aux biens subis lors du glissement de terrain et des pertes d’exploitation. Ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Cayenne pour demander la condamnation de l’État à réparer leur préjudice. Par un jugement du 9 juin 2008, le tribunal administratif de Cayenne a déclaré l’Etat entièrement responsable des dommages et l’a condamné à rembourser intégralement les assureurs. L’État a alors interjeté appel. La cour administrative d’appel de Bordeaux a alors déclaré l’Etat responsable d’un tiers des dommages subis par la société Cilama, a rejeté les conclusions de l’Etat tendant à ce que la commune de Rémire-Montjoly le garantisse des condamnations prononcées contre lui et a prescrit une expertise en vue d’évaluer le montant exact du préjudice (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 19 janvier 2010, n°08BX02263). A la suite d’un pourvoi de la société Cilama, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt pour insuffisance de motivation et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Bordeaux (Conseil d’État, 29 juin 2012, n°337820). L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux rendu après renvoi du Conseil d’Etat est la décision présentement commentée (Cour administrative d’appel de Bordeaux, formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795). Cette décision mérite qu’on s’y intéresse en ce qu’elle rappelle dans quelles conditions la responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de carence du maire ou en présence de dommages causés à des tiers par des travaux publics. Tout d’abord, la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne en ce qu’il avait retenu la responsabilité pour faute de l’Etat (I.) puis, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, admet la responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages de travaux publics causés à des tiers (II.).  Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Cayenne Après avoir rappelé les dispositions du 5° de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales et le 1° de l’article L.2215-1 du même code, la Cour considère « qu’il résulte de ces dispositions que la responsabilité de l’Etat en matière de prévention des accidents naturels ne peut être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire pour prendre les mesures propres à prévenir de tels accidents, ait commis une faute lourde ». Il est vrai qu’en principe, la prévention des accidents naturels relève de la compétence du maire. Néanmoins, en cas de carence du maire, le Préfet peut se substituer au maire de la Commune après une mise en demeure restée sans résultat. Si toutefois le Préfet reste lui aussi inactif, la responsabilité de l’Etat ne peut alors être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire, ait commis une faute lourde (Conseil d’Etat, 1ère et 2ème sous-sections réunies, 7 avril 1967, n°65187 65224, mentionné aux tables du recueil Lebon, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°283000, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°293882). En l’espèce, le tribunal administratif s’est borné à retenir que l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement était constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Dès lors qu’il n’a pas caractérisé l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement de « faute lourde », le tribunal administratif a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son jugement. C’est donc à bon droit que la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne. Sur l’effet dévolutif de l’appel  Dans un premier temps, la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat du fait des dommages causés par des travaux publics à des tiers (2.1.). Puis, dans un second temps, elle écarte chacune des causes d’exonération susceptibles d’être invoquées (2.2.). – Sur la responsabilité sans faute de l’Etat pour des dommages causés à des tiers par des travaux publics  La cour administrative de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages causés aux tiers par des travaux publics.  Tout d’abord, elle explique « que le mouvement de terrain survenu le 19 avril 2000 a été provoqué par le soulèvement des couches géologiques supérieures du Mont Cabassou […] et que ce soulèvement résulte des fortes pressions provenant du gonflement, à la suite de pluies intenses, d’une nappe d’eau profonde et captive située dans le substratum granitique, fissuré dans sa partie supérieure ». Puis, elle précise «  qu’à la suite de deux précédents glissements de terrain importants, survenus le 14 février 1989 et le 23 mai 1990, les services de l’équipement, chargés de l’entretien de la RN 3, ont notamment décidé, afin de prévenir la survenance de nouveaux mouvements de terrain ou tout au moins d’en limiter l’ampleur, de faire procéder à des prélèvements de matériaux dans la partie supérieure des zones touchées par ces deux glissements ». Elle en déduit alors « qu’en réduisant l’épaisseur des couches géologiques supérieures dans la partie du Mont Cabassou exposée aux surpressions en provenance de la nappe captive et en diminuant ainsi le poids de ces couches dont la pression contrebalançait ces surpressions, ces travaux publics, à l’égard desquels les sociétés Cilama et Antilles Glaces ont la qualité de tiers, ont joué un rôle déterminant dans…

Modules photovoltaïques défectueux: quels recours au stade du référé ? (CA Nimes, 5 juin 2014)

Dans un arrêt du 5 juin 2014 (C. d’appel de Nîmes, 5 juin 2014, n°13/05737), la Cour d’appel de Nîmes infirme en grande partie l’ordonnance rendue par le Tribunal de commerce d’Avignon du 5 novembre 2013 en ce qu’elle déclare recevable la demande d’expertise mais refuse de condamner l’installateur photovoltaïque à verser au demandeur une provision de 30 000 euros. En l’espèce, une société avait contracté auprès d’une autre société la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque pour un montant de 255 000 euros. Il est utile de relever que les panneaux installés étaient de marque SCHEUTEN SOLAR. Il ressort de l’arrêt que très rapidement l’installation a été arrêtée au regard des risques incendie que présentaient les panneaux SCHEUTEN. La particularité du litige soumis à la juridiction tenait au fait que la société SCHEUTEN SOLAR, fabricante des panneaux solaires, était en cessation d’activité. Afin d’obtenir une indemnisation pour le préjudice subi, la société victime de l’installation défectueuse a saisi le tribunal de commerce d’AVIGNON d’une demande d’expertise au titre de l’article 145 du code de procédure civile et de provision au titre de l’article 873 du même code. Rappelons en effet que l’article 145 du Code de procédure civile prévoit que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Dans le cadre d’une action en référé et dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut en outre accorder une provision au créancier au titre de l’article 873, alinéa 2 du Code de procédure civile. Cette procédure est applicable quelle que soit la nature de la créance, délictuelle, contractuelle ou quasi-contractuelle. Avant d’accorder une provision, le juge doit seulement s’assurer que l’obligation n’est pas sérieusement contestable, à l’exclusion de toute autre condition. Il est désormais constant que l’urgence n’est pas requise (Cass. 1re civ., 4 nov. 1976 : Bull. civ. 1976, I, n° 330 ; RTD civ. 1977, 361, obs. Normand. – Cass. com., 7 mars 1995 : Bull. civ. 1995, IV, n° 67). Il est acquis que la provision, qui n’est pas une avance, peut donc être accordée pour la totalité de la somme demandée s’il apparaît qu’aucune contestation ne peut être opposée. La pratique parle de « référé 100 % », qui tend alors, malgré son caractère provisoire, à désintéresser le créancier et à devenir définitif. En l’espèce, la Cour d’appel de NIMES confirme l’ordonnance de référé rendu par le tribunal de commerce d’AVIGNON et juge : « Attendu au fond qu’il convient de rappeler que le présent litige intervient en une procédure de référé ; que l’expertise judiciaire ayant été ordonnée en première instance est en cours, que plusieurs parties en parlent mais aucune ne remet à la cour notamment le compte rendu de la première réunion d’expertise ;  Attendu qu’il convient de se reporter aux pièces aux débats pour comprendre que l’installation concerne des panneaux photovoltaïques fait l’objet d’un contrat principal S.A.R.L X / S.A.R.L Y ; que plus précisément et sommairement il faut rappeler et souligner que certains composants sont défectueux et pourraient générer un incendie ;  Attendu qu’aucune partie présente en appel ne conteste le principe même d’une expertise et la mission confiée à l’expert judiciaire ;  Attendu que sur sa demande de provision contre la S.A.R.L X, la S.A.R.L Y doit justifier au sens de l’article 873 du code de procédure civile de ‘l’existence d’une obligation ‘, qui ne serait ‘ pas sérieusement contestable’ ; que s’agissant d’une action ayant pour fondement une responsabilité elle doit préciser la nature contractuelle ou délictuelle de l’obligation, un dommage et un lien de causalité ». Cet arrêt de la Cour d’appel de NIMES est pour le moins intéressant puisqu’il rappelle le pouvoir du juge des référés pour allouer une provision en cas d’existence d’une créance certaine et non sérieusement contestable et les conditions dans lesquelles elle peut être demandée. En l’occurrence, la défectuosité des panneaux photovoltaïques était inconstatable et même relayée par les pouvoirs publics (Sénat question écrite n°7228 du sénateur Jean-Marc-Pastor, JO Sénat, 16 janvier 2014). Cependant, le producteur doit préciser la nature de l’obligation pour pouvoir prétendre à une provision. Au demeurant bon nombres de particuliers ou sociétés sont aujourd’hui confrontées à des problèmes tenant à la mise en liquidation (ou redressement judiciaire) des sociétés qui ont procédé à la pose et la fourniture des installations photovoltaïques.   Ces derniers, et l’arrêt commenté le démontre, ne doivent pas oublier qu’un recours contre les assureurs du fabricant ou de l’installateur des panneaux photovoltaïques demeure un moyen efficace pour obtenir réparation dès le stade de la procédure de référé.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Urbanisme / construction d’une maison dont le chantier est abandonné : attention à la péremption du permis en application de l’article L480-4 du code de l’urbanisme !

Par une réponse ministérielle en date du 16 septembre 2014 (réponse ministérielle, 16 septembre 2014 suite à la Question écrite n°62840 de la Députée Marie-Jo ZIMMERMANN), le ministre de l’écologie rappelle que le permis de construire est périmé si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année, de sorte que les travaux déjà exécutés avant l’abandon du chantier peuvent être constitutifs d’une infraction pénale devant être constatés par l’établissement d’un procès-verbal dans les conditions prévues par l’article L480-1 du code de l’urbanisme. Rappelons que la réponse du ministre de l’écologie repose sur l’interprétation qui doit être faite de l’article R424-17 du code de l’urbanisme, lequel prévoit que : Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de 2 ans à compter de la notification visée à l’article R421-34 du code de l’urbanisme ou de la délivrance tacite du permis de construire ; Le permis est également périmé si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. La jurisprudence rendue en la matière rappelle que les deux causes de caducité ne sont absolument pas liées. Le Conseil d’État considère ainsi que l’interruption des travaux pendant une durée de plus d’un an rend caduc le permis de construire alors même que le délai de 2 ans n’est pas expiré (CE, 8 nov. 2000, n° 197505). Attention donc au début de travaux avant l’expiration du délai de deux ans qui seraient ensuite interrompus pendant plus d’une année. Les nombreux jugements et arrêts permettent de se rendre compte que les juges apprécient souverainement la notion de “commencement de travaux” ou celle “d’interruption des travaux” au sens des dispositions du code de l’urbanisme : Un permis de construire est ainsi considéré comme périmé dès lors que les travaux ont commencé mais ont été interrompus depuis plus de deux ans dans la mesure où un permis a été accordé pour 500 maisons individuelles mais qu’en 4 ans il n’a été construit qu’un pavillon (CE, 2 déc. 1987, n° 56789) ou encore lorsque seuls des travaux de terrassement et quelques travaux de débroussaillement et de défrichement ont été effectués quelques jours seulement avant le délai de validité du permis (CE, 21 juin 2002, n° 211864). Un permis de construire dont le chantier est interrompu depuis plus d’un an est ainsi considéré comme périmé dès lors que l’on constate l’arrêt du chantier pendant plus d’un an après l’arasement de l’ancien bâtiment (CE, 8 nov. 2000, n° 19750). La réponse ministérielle du 16 septembre 2014 est aussi l’occasion de rappeler la procédure de constatations des infractions prévue par le code de l’urbanisme. On rappellera brièvement que :  Les infractions aux dispositions concernant le permis de construire sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’Urbanisme, suivant l’autorité dont ils relèvent, et assermentés (C. urb., art. L. 480-1, al. 1er et R. 480-3) ; Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’EPCI compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoit l’article L. 480-4, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal (C. urb., art. L. 480-1, al. 3) ; Sur sa forme, le procès-verbal doit contenir la date, le lieu et la nature de l’infraction, la référence aux textes de loi concernés. Plans et photos peuvent être annexés au PV. Les procès-verbaux dressés par les agents autorisés font foi jusqu’à preuve contraire (C. urb., art. L. 480-1, al. 1er). Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public (C. urb., art. L. 480-1, al. 4). Une vigilance particulière doit donc être portée par les maîtres d’ouvrages sur les risques de péremption de permis de construire et notons enfin qu’aucun délai n’est imparti au maître d’ouvrage pour achever les travaux. Par ailleurs, rappelons qu’il est envisageable d’échelonner les travaux dans le temps à la double condition : – Que l’interruption soit inférieure à un an ; – Que les travaux exécutés d’une année sur l’autre soient suffisamment importants pour ne pas être considérés par la juridiction administrative comme un simulacre destiné à éviter la péremption.     Aurélien BOUDEWEEL Avocat

Garantie décennale: un système de climatisation par pompe à chaleur constitue un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil et la garantie peut s’appliquer (Cass, 24 sept.2014)

Dans un arrêt en date du 24 septembre 2014, la Cour de cassation (C.cass, civ, 3ème, 24 septembre 2014 n°13-19615) est venue préciser qu’un système de climatisation par pompe à chaleur constitue un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du Code civil de sorte que la garantie décennale doit pouvoir s’appliquer. Rappelons que la responsabilité décennale est prévue par l’article 1792 du Code civil qui dispose : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ». L’article 1792-2 du Code civil ajoute que : « La présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ». Il résulte de ces dispositions que les dommages allégués doivent présenter un caractère de gravité suffisant pour que la garantie décennale puisse être mise en jeu. Une jurisprudence abondante rappelle que les juges du fond doivent prendre soin d’observer ce caractère de la gravité des dommages (C.Cass. 3e civ., 8 oct. 1977, n° 95-20.903 : JurisData n° 1997-003989 et Cass. 3e civ., 19 nov. 1997, n° 95-15.811) pour éviter la censure de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 20 mai 1998, préc. – Cass. 3e civ., 27 mai 1999, n° 97-17.520 : RD imm. 1999, p. 406, obs. Ph. Malinvaud).  Il convient de distinguer deux types de dommages au titre de la garantie décennale : Les dommages compromettant la solidité de l’ouvrage (C.civ, art. 1792, al. 1er). La jurisprudence fournit de nombreux exemples à cet égard (C.Cass. 3e civ, 12 mars 1986, n° 84-14.486 : défaut d’étanchéité provoquant des infiltrations à l’intérieur des appartements ; C. Cass. 3e civ., 4 févr. 1986 : une fissure large et traversante ; C.Cass. 3e ci., 14 nov. 1984 : glissement de terrain déstabilisant l’assise d’une construction). Les dommages rendant l’immeuble impropre à sa destination : la référence à la notion de destination de l’immeuble permet alors la mise en œuvre de la garantie décennale. De fait, de nombreux dommages qui n’affectent pas la solidité de l’immeuble peuvent néanmoins être pris en compte au titre de la garantie décennale. Ces désordres peuvent résulter de la défaillance  soit des éléments de construction de l’immeuble (isolation par exemple) soit des éléments d’équipement. En l’espèce, il s’agissait de cette deuxième catégorie de dommages dont était saisie la Cour de cassation. Une société entendait faire jouer la garantie décennale eu égard aux désordres sur une climatisation par pompe à chaleur installée dans son immeuble. La Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel qui n’avait pas accueilli la demande de garantie et rappelle: « … que pour débouter la société Maison Malleval de ses demandes formées sur l’article 1792 du code civil, l’arrêt retient que s’agissant d’un ouvrage conçu au sein d’un bâtiment de commerce et bureaux afin de rafraîchir l’air ambiant, il doit être considéré en raison de son importance et de son emprise sur le sous-sol comme constituant un élément d’équipement, que, compte tenu du fait qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage autonome mais d’un simple élément d’équipement, l’impropriété à destination ne se conçoit pas au niveau de l’élément d’équipement lui-même mais bien à celui de l’ouvrage desservi dans son ensemble et que la société Maison Malleval ne dit pas en quoi un certain rafraîchissement de l’air ambiant était nécessaire au bon fonctionnement de sa surface de vente en rez-de-chaussée et de ses bureaux ; Qu’en statuant ainsi, alors que l’installation d’un système de climatisation par pompe à chaleur immergée au fond d’un puits en contact avec la nappe phréatique sur un ouvrage existant constitue un ouvrage dont l’impropriété à destination s’apprécie indépendamment de l’immeuble pris dans son ensemble, la cour d’appel a violé les textes susvisés». Cet arrêt de la Cour de cassation confirme que l’enjeu de la qualification d’’ouvrage’ est fondamental.  En cas de désordres, il permet à la victime d’obtenir la responsabilité du constructeur de l’ouvrage dès constat du désordre. En revanche, en l’absence de désordres affectant un ouvrage au sens juridique du terme, la victime de désordres devra rechercher et démontrer une faute, un préjudice, le lien de causalité entre les deux : soit une démonstration classique du droit de la responsabilité contractuelle, parfois difficile à démontrer en matière immobilière. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Inondations … Attention les Ministres sortent les parapluies ! (instructions ministérielles du 22 sept. et 6 oct. 2014)

Le Gouvernement semble très mal à l’aise sur la question de la gestion du risque inondation dans les zones à risque. Il s’agit pourtant d’une question au cœur de l’actualité : en effet, le procès « Xynthia » est actuellement en délibéré, le bilan à mi-parcours du plan « Submersions rapides » vient d’être dressé et les récentes inondations dans le sud de la France ont encore fait des victimes… Le Gouvernement encourt un risque de voir sa responsabilité engagée pour carence fautive dans les zones où il existe un risque d’inondation. Afin de se couvrir, il a sorti les parapluies : deux instructions ministérielles sont venues donner des consignes aux Préfets afin qu’ils agissent de façon à ne pas pouvoir se faire reprocher une quelconque carence dans la gestion du risque inondation. La première instruction ministérielle date du 22 septembre 2014. Elle émane de Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Cette instruction ministérielle est relative aux thèmes prioritaires d’actions nationales en matière de risques naturels et hydrauliques pour 2014-2015. Comme l’indique son titre, elle a pour objectif d’établir des priorités d’actions pour les deux années à venir, dans le domaine de la prévention des risques naturels et hydrauliques. Le titre de cette instruction est d’ailleurs un peu trompeur dans la mesure où l’instruction concerne essentiellement le risque d’inondations. Elle établit des priorités pour « assurer le meilleur fonctionnement possible des services de prévision des crues et d’hydrométrie et des services de contrôle de sécurité des ouvrages hydrauliques ». L’instruction prévoit en outre des actions prioritaires sur quatre thèmes : –        la poursuite de la mise en œuvre de la directive européenne 2007/60/CE du 23  octobre  2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, afin de mieux identifier les territoires prioritaires et de faire émerger les stratégies des acteurs locaux ; –        l’accompagnement des projets portés par les collectivités territoriales, notamment les programmes de travaux de confortement des digues pour les territoires touchés par la tempête Xynthia ; –        la poursuite de l’élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRn) sur les secteurs à forts enjeux, en terminant notamment l’élaboration des PPR littoraux prioritaires ; –        l’accompagnement des collectivités dans la mise en œuvre du volet prévention des inondations de la compétence GEMAPI (gestion des eaux et des milieux aquatiques et prévention des inondations) créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’information des métropoles. Hormis le risque inondation, cette instruction rappelle qu’il faut également tenir compte des autres risques naturels. A cet égard, elle invite les Préfets à mettre en œuvre une gouvernance partenariale avec les différents acteurs de la prévention des risques naturels et insiste sur le partage impératif des informations sur les risques naturels entre les différents acteurs. Elle ajoute que les projets d’urbanisme importants doivent être exemplaires en ce qui concerne la gestion des risques et que des priorités locales peuvent être établies. Enfin, Madame le Ministre attire l’attention des préfets sur l’une des recommandations du rapport d’évaluation à mi-parcours du plan « submersions rapides » concernant la responsabilité de l’Etat dans les campings à risque. Pour ces campings, elle souligne qu’il est nécessaire d’adopter des plans d’actions en insistant sur le fait que les situations les plus critiques peuvent aboutir à la fermeture. Elle rappelle à cet effet que la mise en œuvre de cette action leur avait été demandée par une lettre du 17 février 2011 et une circulaire interministérielle du 7 avril 2010. C’est sur ce point que les parapluies sont grands ouverts : l’instruction ministérielle mentionne en effet très clairement la responsabilité de l’Etat dans les campings à risque et la nécessité d’agir pour éviter tout dommage. La seconde instruction ministérielle date du 6 octobre 2014. Elle émane de Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et de Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Cette instruction est relative à l’application de la réglementation spécifique aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones de submersion rapide. Elle tire le bilan de l’évaluation à mi-parcours du plan de « submersions rapides » et vient compléter l’instruction du mois de septembre sur cette question.  Elle a pour objet de rappeler la réglementation relative aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones à risque prévisible. A cet égard, elle exige le recensement de l’ensemble des campings situés en zone à risque. Pour les campings existants, elle demande que soit vérifié le respect des prescriptions d’information, d’alerte et d’évacuation arrêtées en application de l’article L. 443-2 du code de l’environnement. Cette instruction impose également aux Préfets de département de vérifier la validité des autorisations accordées. Outre ces mesures, elle insiste sur la nécessité de prendre en compte les autres risques naturels et technologiques lors de l’instruction du permis d’aménager et du contrôle de légalité. Elle précise également les conditions d’évacuation des campings dans les zones à risque lorsque la vigilance orange ou rouge pour crue est déclenchée. Par ailleurs, elle invite les gestionnaires de camping à prendre en compte ses recommandations en présence d’un risque de tempête (élagage des arbres, surveillance, regroupement des campeurs dans des abris en dur). Elle demande aussi à ce que des inspections des campings soient réalisées. Enfin, un modèle de cahier des prescriptions est annexé à cette instruction. Ce modèle comporte plusieurs rubriques : –        sur les risques existants ; –        sur les mesures d’information ; –        sur les dispositifs d’alerte ; –        sur la procédure d’évacuation et de mise à l’abri ; –        sur le rôle du gestionnaire du camping. Les gestionnaires des campings se voient donc imposer de nombreuses mesures de prévention des risques, à croire que ce sont eux les responsables des dommages causés par les inondations. Certes, ils ont demandé l’autorisation d’implanter un camping dans une zone à risque. Cependant, l’autorisation est, in fine, délivrée par l’administration, sous le contrôle du Préfet. Il est assez maladroit pour l’Etat d’imposer de nombreuses obligations aux gestionnaires des campings existants alors qu’il peut être considéré que c’est lui, à l’origine, qui a commis une faute en ne s’opposant…