Plantez si vous pouvez !

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Pour la première fois à notre connaissance, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le respect des droits des tiers lorsque des prescriptions spéciales sont imposées au pétitionnaire pour accompagner des permis de construire éoliens (Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 16 octobre 2015, n°385114, mentionné dans les tables du recueil Lebon, consultable ici). Les faits de l’espèce ayant donné lieu à cette décision sont les suivants. Le Préfet de la Nièvre a accordé à un opérateur éolien six permis de construire en vue de l’implantation d’un parc de cinq éoliennes et d’un poste de livraison. Les autorisations de construire pour les éoliennes comportaient, en leur article 2, des prescriptions d’ordre technique, indivisibles du reste du permis imposant, au titre de la protection de l’environnement, la plantation de haies sur des parcelles appartenant à des propriétaires privés. Plusieurs requérants ont demandé au tribunal administratif de Dijon l’annulation de ces six arrêtés. Par un jugement n°1102113 du 4 avril 2013, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Les requérants ont ensuite interjeté appel auprès de la Cour administrative d’appel de Lyon. Par un arrêté n°13LY01455 du 19 août 2014, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu’il avait rejeté les conclusions des requérants tendant à l’annulation des cinq arrêtés du Préfet relatifs à la construction des cinq éoliennes en tant que, dans leur article 2, ces arrêtés prescrivaient la plantation de haies et a annulé dans cette mesure les arrêtés en cause. Dans cet arrêt, la Cour a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Les requérants ont alors formé un pouvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Aux termes de sa décision, la Haute Juridiction a annulé l’arrêt de la Cour administrative de Lyon au motif qu’elle avait omis de statuer sur un moyen qui n’était pas inopérant. Décidant de régler l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a alors successivement écarté les moyens tirés de : – L’absence de réponse à certains arguments relatifs à l’insuffisance de l’étude d’impact ; – L’insuffisance de l’analyse de l’étude d’impact sur les chiroptères ; – L’inexactitude de l’étude d’impact et de ses annexes en ce qui concerne l’axe du couloir de migration des grues cendrées ; – L’insuffisance des mesures acoustiques ; – La méconnaissance de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme relatif au contenu du dossier de permis de construire lorsque tout ou partie de l’installation est implantée sur du domaine public ; – La méconnaissance de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme en ce qui concerne l’impact sur l’avifaune ; – La méconnaissance de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme relatif à l’atteinte à l’activité agricole et à la promotion d’une urbanisation dispersée ; – La méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme relatif à l’atteinte au paysage ou à l’environnement visuel. Puis, et c’est là le principal apport de cette décision, le Conseil d’Etat se prononce sur le moyen selon lequel le Préfet aurait commis une erreur de droit en prescrivant la plantation de haies sur des parcelles privées, sans s’assurer de l’accord de leurs propriétaires. En premier lieu, le Conseil d’Etat considère que « si les requérants soutiennent que le préfet de la Nièvre a commis une erreur de droit en prescrivant la plantation de haies sur des parcelles privées, sans s’assurer de l’accord de leurs propriétaires, cette circonstance, à supposer que les propriétaires concernés n’aient pas donné leur accord à la date de délivrance des permis attaqués, n’est pas de nature à entacher d’illégalité ces derniers, qui ont été délivrés sous réserve des droits des tiers ». Cette position était prévisible. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que les permis de construire sont délivrés sous réserve des droits des tiers (pour les premières occurrences de ce principe que nous avons recensées : Conseil d’Etat, 5 mars 1965, n°57315 ou encore Conseil d’Etat, 18 octobre 1968, n°65358, publié au recueil Lebon ; pour des décisions très récentes : Conseil d’Etat, 19 juin 2015, n°368667, publié au recueil Lebon ; Conseil d’Etat, 23 mars 2015, n°348261, publié au recueil Lebon ou encore Conseil d’Etat, 9 mai 2012, n°335932, mentionné aux tables du recueil Lebon). En outre, bien que le Conseil d’Etat ne vise aucun texte pour affirmer ce principe, il convient de constater que ce dernier est désormais codifié à l’article A.424-8 du code de l’urbanisme aux termes duquel : « […] Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d’urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d’urbanisme. » A cet égard, il convient de souligner que les juridictions du fond n’hésitent pas à viser expressément l’article A.424-8 du code de l’urbanisme dans leurs arrêts (voir, pour quelques exemples, CAA Nantes, 3 avril 2015, n°14NT00188 ; CAA Bordeaux, 2 octobre 2014, n°13BX00806 ; CAA Marseille, 12 décembre 2013, n°11MA04657 ; CAA Lyon 12 novembre 2013, n°13LY01123). Il résulte de la rédaction de ces dispositions que le Conseil d’Etat ne pouvait reconnaître une quelconque erreur de droit du Préfet lorsqu’il a prescrit la plantation de haies sur des parcelles privées sans l’accord de leurs propriétaires. Cette position qui affirme la légalité des permis délivrés n’en présente pas moins une conséquence à ne pas perdre de vue pour les opérateurs. En effet, en second lieu, le Conseil d’Etat précise très logiquement que : « la construction du parc d’éoliennes ne pourra, au demeurant, être légalement réalisée conformément aux permis délivrés qu’à la condition que les haies aient pu être plantées ». Il en déduit alors que « le moyen tiré de ce que ces prescriptions seraient entachées d’illégalité…

Eolien en mer : projet de décret en préparation

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat). L’éolien en mer répond à des règles très différentes de l’éolien terrestre, notamment au regard des autorisations exigées. Alors que l’éolien terrestre est soumis notamment à des autorisations au titre de l’urbanisme et de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), l’éolien en mer nécessite d’obtenir des autorisations telles que des autorisations d’occupation du domaine public maritime et des autorisations au titre de la législation sur les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques et marins (IOTA). Pour compléter la réglementation applicable à l’éolien en mer, un projet de décret relatif aux ouvrages énergétiques en mer est actuellement en préparation. Ce projet de décret (consultable ici) a été soumis à consultation publique en application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement. Cet article « définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. » La consultation publique s’est déroulée du 8 juillet au 30 juillet 2015. A son terme, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie comptabilisait une dizaine de commentaires déposés sur son site (cf. présentation de la consultation publique disponible ici). Ainsi que l’indique le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « Ce projet de décret vise à consolider le cadre juridique applicable aux projets d’énergies renouvelables en mer lauréats d’appels d’offres, d’appels à projets nationaux ou européens et aux ouvrages des gestionnaires de réseaux en mer et simplifier les procédures et le traitement des recours sans diminuer le niveau de protection environnementale et de consultation du public. » (cf. présentation de la consultation publique disponible ici). Le projet de décret comporte sept articles dont six seulement présentent un véritable intérêt : – L’article 1er du projet de décret prévoit la désignation d’une cour administrative d’appel qui serait compétente en premier et dernier ressort pour les contentieux relatifs aux autorisations administratives nécessaires à la construction et l’exploitation des projets éoliens en mer ; – L’article 2 du projet de décret allonge la durée des concessions d’utilisation du domaine public maritime pour les ouvrages de production d’énergie renouvelable en mer, leurs ouvrages connexes et les ouvrages des gestionnaires des réseaux public de trente à quarante ans ; – L’article 3 du projet de décret précise, en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général de la convention d’occupation domaniale avant son terme, que le titulaire est en droit d’obtenir réparation de son préjudice direct et certain ; – L’article 4 du projet de décret précise les délais de recours contre les décisions prises au titre de la loi sur l’eau en matière d’éolien en mer. Un délai de deux mois pour les recours des tiers est notamment envisagé. Cet article précise également expressément que le préfet peut être saisi à compter de la mise en service de l’installation ou de l’ouvrage ou du début des travaux ou de l’activité, aux seules fins de contester l’insuffisance ou l’inadaptation des prescriptions définies dans la décision. La décision du Préfet pourra ensuite faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de deux mois ; – L’article 5 du projet de décret prévoit une notification obligatoire à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ou de la déclaration des recours administratifs et contentieux dirigés contre les autorisations administratives nécessaires à la construction et l’exploitation des projets éoliens en mer. Il prévoit également la possibilité d’adresser une requête au juge afin de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués, qui doit intervenir au plus tard sept mois à compter du dépôt du recours. L’article exige également que le recours soit jugé dans un délai de douze mois. A défaut, il sera transmis au Conseil d’Etat ; – L’article 6 du projet de décret permet d’allonger au-delà de dix ans la durée maximale des autorisations de production d’électricité octroyées aux lauréats des appels d’offres au titre du code de l’énergie. Ce projet de décret a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil supérieur de l’énergie en date du 22 juillet 2015 (consultable ici). Le projet de décret est donc déjà bien avancé. Nous n’avons, à ce jour, reçu aucune indication quant à son éventuelle date de publication. Néanmoins, il convient de rester vigilant sur ce sujet dans la mesure où la publication d’un tel décret devrait modifier grandement le cadre juridique applicable aux projets éoliens en mer.

Eolien: un élu participant à une délibération approuvant un périmètre ZDE n’est pas forcément coupable de prise illégale d’intérêt (TGI Laval, 18 juin 2015)

Par Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat)     Par un jugement du 18 juin 2015, le Tribunal correctionnel de LAVAL (Trib correct LAVAL , 18 juin 2015, n° parquet 12303000006: jugement correctionnel LAVAL) a relaxé un élu poursuivi pour prise illégal d’intérêt alors que ce dernier, propriétaire de parcelles dans le périmètre d’une ZDE avait participé à une délibération du Conseil municipal de sa commune, après que le Conseil général de . avait défini le périmètre de la ZDE. Il est à noter que l’élu était conseiller municipal en charge de l’urbanisme. Créées par la loi n°2000-108 du 10 février 2000, les zones de développement éolien (ZDE) permettaient aux opérateurs exploitant des éoliennes dans la zone de bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité produite prévue à l’article L314-1 du Code de l’énergie. C’est au Préfet de département qu’il incombait de définir ces zones. Notons que les ZDE qui ont fait l’objet d’un contentieux encore résiduel abondant ont été supprimées par la loi dites Brottes (Loi n°2013-312 du 15 avril 2013), pour être remplacées notamment par les Schémas Régionaux de l’Eolien (SRE). En l’espèce, un Conseil général avait coordonné en 2006 une mission de définition des zones de développements éoliens (ZDE) dans son département. Une ZDE était envisagée sur le territoire d’une commune avec l’implantation de 5 éoliennes. Le conseil municipal de ladite commune avait validé en 2008 par 22 voix contre 23, le principe de la création d’une ZDE et son périmètre préalablement défini par le conseil général. En l’occurrence, un conseiller municipal, également agriculteur et propriétaire de parcelles situées dans le périmètre retenu par le Conseil général, avait participé à la délibération du Conseil municipal validant le périmètre de la ZDE comprenant l’une de ses parcelles. Il lui était également reproché d’avoir participé à une délibération qui avait exprimé la position de la commune « en faveur » d’un opérateur éolien (bien que ce genre de délibération est purement facultative et est dépourvue de valeur légale). Rappelons que le délit de prise illégale d’intérêts, défini à l’article 432-12, alinéa 1er du Code pénal, consiste dans « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ». Le libellé de l’article 432-12 du Code pénal est très général. Il couvre non seulement les dépositaires d’une autorité publique, comme les détenteurs de l’exécutif des collectivités locales ou des établissements publics (présidents des conseils régionaux et généraux, maires, présidents d’établissements publics intercommunaux, ou les personnes auxquelles ceux-ci ont délégué une partie de leurs pouvoirs, adjoints, vice-présidents, simples élus locaux), mais aussi plus généralement toute personne investie d’un mandat électif dès lors qu’elle a une certaine mission à l’égard de l’entreprise ou de l’opération en cause, ne serait-ce que de surveillance (conseiller municipal notamment). Il est à noter que cette disposition pénale doit être mise en rapport avec l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales qui déclare « illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ». Rappelons que juridiquement deux éléments doivent être réunis pour justifier l’incrimination de délit de prise illégale d’intérêts : Premier élément: avoir eu au temps de l’acte, l’administration, la surveillance, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle l’intérêt a été pris. C’est donc davantage la fonction de l’élu que son comportement, sa motivation ou la nature de son implication dans l’affaire qui est déterminante. Il importe peu que l’acteur public n’ait pas lui-même pris de décision l’avantageant ou que ses fonctions n’impliquent pas de pouvoir décisionnel. Son intervention peut se réduire à une simple association au processus de décision, tels des pouvoirs de préparation ou de propositions de décisions prises par d’autres. Deuxième élément: avoir pris ou reçu un intérêt quelconque. La prise illégale d’intérêts suppose que l’élu ait pris, ou reçu, ou conservé quelque intérêt que ce soit dans l’opération ou l’entreprise. Là aussi, la portée exacte de la notion en cause, celle d’intérêt, n’est pas toujours facile à cerner, d’autant qu’elle doit être définie moins par référence à un certain type d’actes que par rapport à son résultat : le délit est constitué dès que le prévenu a eu un comportement inconciliable avec l’exercice de sa mission. Il y a bien sûr prise d’intérêt dès lors qu’il y a perception directe ou indirecte de bénéfices ou d’avantages matériels. En l’espèce, le Tribunal correctionnel de LAVAL refuse de reconnaître la prise illégale d’intérêt du conseiller municipal aux motifs : « Il ressort de la procédure et des débats d’audience que si Monsieur … était bien propriétaire de parcelles situées dans le périmètre de la ZDE, son intérêt personnel ne pouvait être caractérisé lors de la délibération du 3 juillet 2008, qui se limitait à entériner le périmètre de la ZDE proposée par le conseil général de … sans que l’implantation des éoliennes ne soit définie à ce stade du projet. II apparaît aussi qu’au moment de la délibération du 2 juillet 2009, rendant un avis consultatif optant pour l’opérateur E…, à laquelle Monsieur … a participé, les parcelles d’implantation des éoliennes n’étaient pas davantage définies et que ces 2 délibérations, auxquelles il lui est reproché d’avoir participé, avaient pour seul objet de valider une ZDE sur laquelle des terrains lui appartenant, parmi d’autres terrains, étaient susceptibles de recevoir des éoliennes, ce choix relevant de l’enquête publique et de l’autorité préfectorale, seule compétente pour délivrer les permis de construire. Au stade des deux premières délibérations visées par la prévention, l’intérêt personnel du prévenu, tel que défini par l’article 432-12 du Code pénal n’apparaît pas suffisamment établi pour que sa responsabilité pénale soit engagée (…) ». Le jugement du Tribunal correctionnel est intéressant puisqu’il permet de constater que l’appréciation du délit de prise illégale d’intérêt…

Elevages: le délai de recours réduit à 4 mois va t-il survivre aux discussions parlementaires relatives au projet de loi Macron?

Les délais de recours contre les autorisations ICPE ont régulièrement fait l’objet de tentatives d’allégement, parfois réussies, dans un double souci de préserver bien entendu le droit au recours tout en réduisant l’insécurité juridique de l’exploitant de l’installation. Les discussions parlementaires en cours au sujet de la Loi “CROISSANCE, ACTIVITÉ ET ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES” (dite Loi Macron) vont peut être modifier l’état du droit dans le sens d’un raccourcissement des délais. Rappelons que l’état actuel du droit témoigne déjà l’existence de délais “spéciaux”. La règle pour les tiers demeure aujourd’hui celle d’un délai de droit commun d’une année à compter de la publication ou de l’affichage de la décision (avec un tempérament si la mise en service de l’installation n’est pas intervenue six mois après la publication ou l’affichage de ces décisions, le délai de recours continuant alors à courir jusqu’à l’expiration d’une période de six mois après cette mise en service). Ce délai a très longtemps été de 4 ans, sans prorogation. Plusieurs exceptions ont existé et existent encore : pour les élevages : le délai de recours des tiers était raccourci déjà à une année, pour s’aligner aujourd’hui sur le délai de droit commun, avec une prorogation de 6 mois le cas échéant (article L515-27 du code de l’environnement); pour les éoliennes: le délai de recours des tiers est de six mois à compter de la publication ou de l’affichage des décisions, sans prorogation (article L 553-4 du code de l’environnement).   A l’occasion de la Loi Macron actuellement en débat au Parlement, un amendement n°SPE534 relatif à l’article 26bis du projet de loi a été adopté en Commission. Il vise à porter le délai de recours contre les décisions administratives relatives aux élevages d’une année à 4 mois (le Sénat l’ayant auparavant réduit à 2 mois). L’exposé de l’amendement indique: “La réduction du délai de recours contre les arrêtés d’autorisation d’exploitation d’installations d’élevage classées pour la protection de l’environnement, aujourd’hui fixé à un an, est nécessaire. La durée de deux mois semble toutefois trop courte et il est donc proposé de fixer une durée de quatre mois, conformément aux recommandations des groupes de travail sur la simplification du droit de l’environnement, auxquels ont participé les représentants du monde agricole. Cela laissera le temps aux recours de s’exprimer, sans pour autant exposer les exploitants à une trop forte insécurité juridique, puisque le délai de recours actuel est divisé par trois“. On remarquera également qu’à ce stade, le délai de recours raccourci de deux mois pour toutes les installations classées (en supprimant au passage le délai spécial pour les éoliennes) n’a pas passé le filtre de la Commission Mixte Paritaire. Il peut paraître regrettable que les délais soient sujets à de telles variables d’ajustement, moins guidées par des logiques juridiques que par des pressions politiques. Ces dernières peuvent se comprendre, surtout dans un contexte dans lequel les élevages ont besoin de visibilité, de davantage de latitude et d’allégement, si possible selon les circonstances locales, des prescriptions. Mais en ce cas, la cohérence voudrait un raccourcissement général des recours pour l’ensemble des installations classées, élevages et éoliennes comprises car l’ancienne justification des délais “longs” (laisser le temps au voisinage d’apprécier les inconvénients de l’installation) ne peut guère, à notre sens, apparaître comme fondée. Affaire à suivre…

Mise à distance des éoliennes pour les générations futures : suspense au Parlement

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Tous les jours, les médias répètent qu’il faut abandonner l’énergie nucléaire et les énergies fossiles, qu’il faut multiplier le recours aux énergies renouvelables, que le projet de loi sur la transition énergétique doit constituer une avancée fondamentale pour l’environnement, qu’il est nécessaire d’agir pour le climat et qu’à cette fin, la 21ème conférence sur le climat qui se déroulera fin 2015 à Paris doit être un succès… Dans un contexte où les préoccupations environnementales reviennent manifestement sur le devant de la scène, le Sénat semble pourtant en avoir décidé autrement en mettant un frein au développement de l’énergie éolienne terrestre. Pourtant, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte présenté au nom de M. Valls par Mme Royal affichait initialement des objectifs ambitieux. Ainsi, l’exposé de ses motifs précisait notamment que : « Le projet de loi fixe les objectifs, trace le cadre et met en place les outils nécessaires à la construction par toutes les forces vives de la nation – citoyens, entreprises, territoires, pouvoirs publics – d’un nouveau modèle énergétique français plus diversifié, plus équilibré, plus sûr et plus participatif. Il vise à engager le pays tout entier dans la voie d’une croissance verte créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès. Une croissance qui lutte contre le réchauffement climatique, combat le chômage et réduit la facture énergétique de la France, qui s’élève à près de 70 milliards d’euros au détriment de notre balance commerciale et de nos finances publiques. Une croissance non prédatrice qui protège la biosphère et nous permet de vivre en harmonie avec ses écosystèmes dont nous sommes partie intégrante. Une croissance qui valorise de nouvelles technologies et permet de conquérir de nouveaux marchés dans le domaine des énergies renouvelables et des transports propres. […] Ce texte exprime la conviction que la France dispose de puissants atouts pour réussir une mutation énergétique qui n’est pas une contrainte à subir mais une chance à saisir. » Son article 38 devait notamment procéder au toilettage et à la clarification de diverses dispositions du code de l’énergie. Ce projet de loi a été déposé par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale et, dans un premier temps, examiné par elle. Le texte adopté par l’Assemblée Nationale le 14 octobre 2014 a ajouté après cet article 38 un article 38 bis A concernant l’implantation des éoliennes au regard des documents d’urbanisme et un article 38 bis concernant le moment auquel doit s’apprécier la compatibilité d’une installation classée avec les documents de planification d’urbanisme. Il n’était toutefois nullement question de modifier la distance d’implantation entre les habitations et les éoliennes. Dans un second temps, le projet de loi dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale a été transmis au Sénat. Avant d’être examiné en séance plénière, le projet de loi a été transmis à une commission chargée de l’étudier, de proposer des modifications (amendements) et d’élaborer le « texte de la commission ». Un amendement a été déposé sur le texte de la Commission par plusieurs sénateurs dont M. Germain. Cet amendement visait à ajouter un nouvel article après l’article 38 bis A afin d’imposer une distance de 1000 mètres entre les habitations et les éoliennes industrielles, contre 500 mètres actuellement. Aux termes de cet amendement, la deuxième phrase du cinquième alinéa de l’article L.553-1 du code de l’environnement devait désormais être rédigée ainsi : « La délivrance de l’autorisation d’exploiter est subordonnée à l’éloignement des installations d’une distance de 1000 mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi. » L’exposé des motifs de cet amendement faisait état du fait que la distance de 500 mètres actuellement retenue était « largement sous-évaluée ». A cet égard, l’exposé des motifs se faisait l’écho des protestations « rapportées quasiment rapportées quotidiennement dans la presse régionale, de la part de populations rurales ou périurbaines qui manifestent leur désarroi. Les recours sont presque systématiques. » Pour justifier l’insuffisance de la distance actuelle, étaient aussi invoqués « une atteinte substantielle au droit de propriété et au droit de jouissance des riverains », l’impact sur la santé et la dévalorisation des biens immobiliers. Cet amendement avait donc pour objectif de concentrer les éoliennes industrielles dans les zones inhabitées et ce, afin de « préserver le point de départ des vocations écologistes : la beauté de la nature et de nos paysages qui participent de notre exception culturelle ». Cet amendement a été discuté en séance publique le 17 février dernier. M. Germain, qui défendait l’amendement, a alors justifié sa position par les considérations suivantes : « En définitive, c’est un sujet de biodiversité : nous souhaitons protéger le périurbain et le rural. Évidemment, l’urbain de passage qui voit au loin ces éoliennes les trouve belles et majestueuses. C’est vrai ! Mais, pour ceux qui vivent à côté, ces éoliennes géantes sont parfaitement intolérables, sans parler de la dévalorisation de leurs biens immobiliers. » M. Nègre, au nom de la Commission du développement durable, a déplacé le débat en soulignant un point très intéressant sur les distances entre les éoliennes et les habitations : Il a ainsi énoncé : « J’ai ainsi découvert que l’Académie nationale de médecine a recommandé en 2006 une distance de protection de 1 500 mètres et que la Royal Society of Medecine a mis en évidence un impact des éoliennes sur la santé perceptible jusqu’à 10 000 mètres de distance. J’ai également appris que le land de Bavière a décidé, après réflexion, que la distance par rapport à l’éolienne devait être égale à la hauteur de celle-ci multipliée par dix. […] Au Danemark, la distance doit être égale à trois fois la hauteur totale de l’éolienne.[…] En revanche, en Espagne, il n’existe pas de distance minimale, c’est étudié au cas par cas. Aux États-Unis, les comtés de Californie ont instauré des distances variant de une à quatre…