Ae et cas par cas : clarifications

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Green Law Avocats Nous l’annoncions le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas a été publié au Journal Officiel du 4 juillet dernier. Il convient d’en faire une analyse approfondie. I/ Contexte Ce texte était particulièrement attendu depuis qu’un vide juridique avait été crée à la suite de l’annulation partielle, par le Conseil d’Etat, de certaines dispositions du décret n°2016-519 du 28 avril 2016 et du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 qui avaient pour effet de désigner le préfet de région en tant qu’autorité environnementale chargée d’émettre un avis sur les évaluations environnementales des projets. Faisant application de la célèbre jurisprudence « Seaport » de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) rendue à propos de l’autonomie de l’autorité environnementale, le Conseil d’Etat avait annulé ces dispositions sur la base du raisonnement suivant : « 7. Considérant, que ce même 1° de l’article 1er du décret attaqué a cependant maintenu, au nouveau IV du même article R. 122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé, en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement, pour tous les projets autres que ceux pour lesquels une autre autorité est désignée par les I, II et III du même article ; que pour autant, ni le décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’a prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 5 ; que, ce faisant, les dispositions du 1° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ; qu’elles doivent donc être annulées en tant que l’article R. 122-6 du code de l’environnement qu’elles modifient conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets ; » (CE, 6 décembre 2017, n°400559) « 7. Considérant qu’en maintenant ou en prévoyant la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale pour certains projets ou groupes de projets sans qu’aucune disposition du décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est également compétent pour autoriser le projet concerné ou un ou plusieurs des projets faisant l’objet d’une procédure d’autorisation concomitante, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet ou d’un ou plusieurs de ces projets au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité disposant d’une autonomie réelle à son égard, les dispositions des 11° et 27° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 rappelées au point 4 ; » (CE, 28 décembre 2017, n°407601). L’article 31 de la loi n°2019-1147 et le décret commenté ont pour objectif de combler le vide juridique crée par ces décisions. La présente note n’a pas vocation à commenter l’ensemble des apports du décret mais tendra uniquement à se focaliser sur les modifications impactant la désignation de l’autorité environnementale et de l’autorité en charge du cas par cas, ainsi que sur le dispositif visant à prévenir les conflits d’intérêts. II/ L’éviction actée du préfet de région en tant qu’autorité environnementale Désormais, avec l’entrée en vigueur de ce nouveau décret, seules trois autorités, et non plus quatre, peuvent être désignées comme « autorité environnementale » ayant pour mission de donner un avis sur les projets soumis à évaluation environnementale. L’article R122-6 du code de l’environnement est ainsi modifié en conséquence et prévoit une désignation de l’autorité environnementale compétente en fonction des autorités chargées d’élaborer et d’autoriser le projet : 1) Le ministre chargé de l’environnement occupera la fonction d’autorité environnementale pour les projets, autres que ceux mentionnés au 2° de l’article R122-6, qui donnent lieu à un décret pris sur le rapport d’un autre ministre, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un autre ministre, ou qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité d’un autre ministre. Le ministre de l’environnement peut déléguer la fonction d’autorité environnementale à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD). 2) La formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD) sera l’autorité environnementale pour : Les projets qui donnent lieu à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du ministre chargé de l’environnement ou à un décret pris sur son rapport ; les projets qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité du ministre chargé de l’environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce ministre ; les projets qui sont élaborés sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du ministre chargé de l’environnement, ou agissant pour le compte de celui-ci ; l’ensemble des projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau et de sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports.  3) La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé effectuera…

Participation effective à l’évaluation environnementale

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Il est parfois des décisions qui ne retiennent pas immédiatement l’attention… C’est bien le cas de l’un arrêt en date du 7 novembre 2019 rendu sur un renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) qui voit la Cour préciser que la participation non-effective du public à l’évaluation environnementale fait échec à l’opposabilité du délai valant forclusion des recours engagés contre la décision autorisant le projet. En l’espèce, il était question d’un projet de création d’un complexe touristique sur une parcelle d’une surface d’environ 27 ha sur l’île d’Ilos (archipel des Cyclades, Grèce) qui s’étend elle-même sur une surface d’environ 100 km². Conformément à la législation grecque, un appel à participer à la procédure d’évaluation des incidences environnementales de ce projet a été publié dans le journal local de l’île de Syros  (archipel des Cyclades, Grèce) ainsi que dans les bureaux de l’administration de la région Égée méridionale de la même île. Un an après, une décision des ministres de l’Environnement et de l’Energie et du Tourisme est venue approuver les exigences environnementales portant sur le projet. Mécontents de l’implantation d’un projet d’une telle envergure, plusieurs propriétaires de biens immobiliers sur l’île d’Ilos ont formé un recours contre cette décision plus de 18 mois après son adoption en justifiant n’avoir pu prendre connaissance de cette dernière qu’au début des travaux d’aménagement du site. Ce contentieux a été l’occasion pour l’équivalent grec du Conseil d’Etat de renvoyer à la CJUE deux questions préjudicielles portant sur l’interprétation des articles 6 et 11 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dite directive EIE. L’article 6 de cette directive prévoit que les informations relatives au projet soumis à évaluation environnementale doivent être transmises au public à un stade précoce des procédures décisionnelles en la matière par des moyens de communication appropriés. Quant à l’article 11, il évoque notamment le fait que les Etats membres doivent déterminer à quel stade les décisions peuvent être contestées. En ce qui concerne le droit hellénique, les dispositions nationales prévoient que le processus préalable à l’approbation des conditions environnementales se déroule au niveau de la région et non pas de la municipalité  concernée, et que la publication sur Internet de l’approbation d’un projet fait courir le délai pour introduire un recours en annulation ou tout autre voie de droit. Ce délai est de 60 jours. Partant, la juridiction de renvoi a souhaité savoir si les dispositions de la directive EIE s’opposent à ces modalités de participation du public. En réponse à la première question, la Cour rappelle que l’article 6 de la directive EIE réserve expressément aux États membres le soin de déterminer les modalités précises, tant de l’information du public concerné, que de sa consultation du public. Cependant, la Cour émet plusieurs réserves s’agissant de la procédure en cause. D’abord, elle souligne que les autorités doivent s’assurer que les canaux d’information utilisés soient propres à atteindre les citoyens concernés afin de leur permettre de connaître les activités projetées, le processus décisionnel et leurs possibilités de participer en amont de la procédure. En l’espèce, les juges considèrent qu’un affichage dans les locaux du siège administratif régional, situé sur l’île de Syros, soit à une distance de 55 milles marins de l’île d’Ilos, bien qu’assorti d’une publication dans un journal local de cette première île, ne semble pas contribuer de façon adéquate à l’information du public concerné. Enfin, le dossier contenant les informations relatives au projet doit être mis à disposition du public de manière effective, c’est-à-dire dans des conditions aisées qui rendent possible l’exercice de leurs droits. Elle indique donc qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si de telles exigences ont été respectées en tenant compte notamment de l’effort que le public concerné doit fournir pour avoir accès au dossier ainsi que de l’existence d’une « charge administrative disproportionnée » pour l’autorité compétente. En l’espèce, la Cour relève que la liaison entre Ilos et Syros n’est pas quotidienne, dure plusieurs heures et n’est pas d’un coût négligeable. Au regard de ces éléments, les juges considèrent que l’article 6 de la directive EIE « s’oppose à ce qu’un État membre conduise les opérations de participation du public au processus décisionnel afférentes à un projet au niveau du siège de l’autorité administrative régionale compétente, et non au niveau de l’unité municipale dont dépend le lieu d’implantation de ce projet, lorsque les modalités concrètes mises en œuvre n’assurent pas un respect effectif de ses droits par le public concerné, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier ». La seconde question découle de la première et conduit la Cour à juger que quand le public n’est pas mis à même de participer de manière effective à l’évaluation environnementale d’un projet, il ne peut se voir opposer un délai de recours contre la décision l’autorisant. On imagine un peu ce que cette affirmation de principe peut impliquer pour les audits bancaires et pré-contentieux des projets exposés à un tel risque… la purge constatée du délai de recours devra être doublée une analyse très serrée des formalités d’information du public afférentes à l’évaluation environnementale. Dans un premier temps, elle rappelle qu’il appartient aux Etats membres de fixer les délais de forclusion des recours. A cet égard, elle admet que les délais de recours ne commencent à courir qu’à partir de la date à laquelle la personne concernée a pris connaissance de la décision. En revanche, ce délai ne saurait s’appliquer si le comportement des autorités nationales a eu pour conséquence de priver totalement la personne de la possibilité de faire valoir ses droits devant les juridictions nationales. Tel est le cas en l’espèce. En effet, en l’absence d’information suffisante sur le lancement de la procédure de participation du public il ne peut être reproché à ce dernier de ne pas s’être informé de la publication de la décision d’autorisation sur le site Internet de l’administration. Dès…

Coup d’arrêt aux travaux d’infrastructure des JO 2024

Par Lucas DERMENGHEM, Avocat Of Counsel, GREEN LAW AVOCATS Par une ordonnance en date du 5 mai 2020, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris a décidé de suspendre l’exécution de l’arrêté du Préfet de Région Ile-de-France en date du 22 novembre 2019 déclarant d’intérêt général les travaux d’aménagement de l’échangeur de Pleyel (A86) et de Porte de Paris (A1) à Saint-Denis. Pour solliciter la suspension de l’arrêté litigieux, le conseil départemental des parents d’élèves de Seine-Saint-Denis et l’association « Vivre à Pleyel » avaient soulevé toute une série de moyens tenant tant à la légalité externe qu’à la légalité interne de l’acte. En premier lieu, l’ordonnance retiendra l’attention s’agissant de la question de la compétence du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris. Les requérants s’étaient en effet adressés à cette juridiction en vertu des dispositions dérogatoires de droit commun instituées par le décret n°2018-1249 du 26 décembre 2018 (aujourd’hui codifiées au 5°de l’article R311-2 du code de justice administrative), qui confèrent à la Cour compétence pour connaître en premier ressort des litiges afférents aux « aux opérations d’urbanisme et d’aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu’aux voiries dès lors qu’ils sont, même pour partie seulement, nécessaires à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ». Le juge des référés a estimé qu’au regard de sa portée et de ses effets, l’arrêté litigieux devait être regardé comme portant effectivement sur les opérations susmentionnées. Après avoir aisément retenu la condition d’urgence requise par l’article L521-1 du code de justice administrative, le juge des référés s’est penché sur l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté préfectoral du 22 novembre 2019. Par un considérant rédigé en des termes relativement cinglants, le juge des référés énonce que plusieurs des moyens soulevés par les requérants sont de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision. Et de citer d’une part le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de concertation avec le public dans la mesure où celui-ci n’a pu avoir accès aux informations suffisantes et pertinentes au sens de l’article L122-1 du code de l’environnement et, d’autre part, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, en ce que le Préfet de région n’a pas suffisamment pris en considération l’impact sanitaire négatif du projet, ni son impact sur la dégradation de la qualité de l’air au niveau des sites à proximité des sites sensibles. C’est ce deuxième point qui retiendra davantage notre attention, dans la mesure où il symbolise l’importance prépondérante des enjeux liés à la qualité de l’air en région parisienne, et plus généralement à l’échelle nationale et européenne. Cette décision s’inscrit ainsi dans le cadre d’une jurisprudence de plus en plus fournie du juge administratif à propos de cette problématique. Rappelons sur ce point que la directive européenne 2008/50/CE du 21 mai 2008 dite « Air pur pour l’Europe » impose aux Etats membres une obligation de résultat tenant à ce que les niveaux de certains polluants dans l’air ambiant ne dépassent pas des valeurs limites. A défaut, les Etats  doivent mettre en place des plans relatifs à la qualité de l’air prévoyant des mesures appropriées pour que cette période de dépassement soit la plus courte possible. A cet égard, en octobre 2019, la Cour de Justice de l’Union européenne a reconnu que la France avait manqué à ses obligations au titre de cette directive (lire notre commentaire de cette décision ici). Et, très récemment, la Commission européenne a mis en demeure la France de transposer correctement en droit national les dispositions issues de la Directive 2016/2284 du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques. Sur le plan interne, la responsabilité de l’Etat français a été reconnue par certains tribunaux administratifs qui ont caractérisé la carence fautive de l’Etat en raison de l’insuffisance des mesures prises pour réduire la pollution de l’air, notamment en Ile-de-France et dans l’agglomération lilloise (voir par exemple : TA Montreuil, 25 juin 2019, n°1802202  / TA Paris, 4 juillet 2019, n°17093334 / TA Lille, 9 janvier 2020, n°1709919 ; lire nos analyses ici et ici). Egalement, les juges ont pu considérer que les plans régionaux adoptés pour améliorer la qualité de l’air ne sont pas satisfaisants pour remplir l’obligation de résultat imposée par l’UE. Dans son jugement du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a ainsi souligné que la persistance des dépassements observés dans la région traduit l’incapacité du plan de protection régional de l’atmosphère d’Ile-de-France à permettre une réduction rapide des valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air, en méconnaissance des objectifs européens. Et la problématique de la qualité de l’air est en passage de devenir une préoccupation d’autant plus majeure au regard du contexte épidémique actuel, alors que les liens entre pollution de l’air et mortalité liée au Covid-19 ont été mis en évidence par plusieurs études scientifiques. Parmi les plus récentes nous citerons une étude en date du mois d’avril 2020 publiée par des chercheurs de l’université d’Harvard aux Etats-Unis qui concluent, à partir de l’analyse des données d’environ trois mille comités américains, qu’ « une légère augmentation de l’exposition à long terme [dix ou quinze ans] aux particules fines PM2,5 entraîne une forte augmentation du taux de mortalité par Covid-19 ». Récemment, l’association Respire s’est appuyée sur cette étude pour demander au Conseil d’Etat d’enjoindre au gouvernement de prendre toutes les mesures pour limiter les sources de pollution dans ce contexte sanitaire incertain. Même si le Conseil d’Etat a rejeté la requête de l’association (CE, 20 avril 2020, n°440005) il a toutefois  encouragé l’administration à « faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire, en veillant à ce que soient prises, au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils (…) ». Dans ce contexte, la décision du juge des référés de la Cour administrative…

Distance d’épandage : pas de suspension

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Comme nous l’avions évoqué, le Conseil d’Etat a statué en référé sur la possibilité de déroger aux distances d’épandages dans certains départements ce 15 mai 2020 par deux ordonnances (CE, ord. 15 mai 2020, n° 440346, Collectif des maires antipesticides et CE, ord. 15 mai 2020, n°440211, Association générationsfutures et autres). En effet, l’arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques a instauré des distances de sécurité entre les zones traitées et les bâtiments habités, appelées ZNT pour Zone de Non Traitement. Ces zones sont de dix mètres pour les cultures dont la hauteur est supérieure à cinquante centimètres, de cinq mètres pour les cultures basses et vingt mètres pour les produits les plus dangereux. Ces distances peuvent être divisées par deux, à condition que l’agriculteur soit équipé de dispositifs anti-dérive et qu’une charte d’engagement entre agriculteurs et riverains soit signée par le préfet après consultation publique. Par ces temps difficiles de confinement, le Ministère de l’agriculture avait permis cette réduction des distances, sans la consultation publique. Par un premier recours, le collectif des maires antipesticides demandait au juge des référés de suspendre l’exécution du décret et de l’arrêté du 27 décembre 2019 précisant les distances minimales de sécurité pour l’épandage des pesticides près des habitations. Par un second recours, neuf associations demandaient la suspension d’une instruction technique du 3 février 2020 publiée par le ministre de l’Agriculture qui autorisait les agriculteurs, dans certaines conditions, à réduire les distances minimales fixées par l’arrêté et le décret du 27 décembre 2019, ainsi que la suspension d’un communiqué de presse et d’une lettre de mise en œuvre publiés le 30 mars 2020 sur le site du ministère de l’Agriculture qui permettaient, dans le contexte lié à l’épidémie de covid-19, de procéder à un épandage selon des distances minimales réduites avant même que le projet de charte soit approuvé par le préfet et même soumis à concertation publique. S’agissant du recours présenté par le collectif des maires antipesticides, le Conseil d’Etat, rappelle la première demande déjà jugée le 14 février 2020. De nouveaux éléments sont présentés ici, dont une étude néerlandaise. Le collectif a précisé en outre le contexte particulier créé par l’épidémie de covid-19 et l’existence d’un lien entre la pollution de l’air et le développement des maladies respiratoires en général et du covid-19 en particulier. Le Conseil d’Etat estime néanmoins : « 8. Toutefois, il résulte des éléments versés au dossier et des échanges lors de l’audience publique que l’étude néerlandaise, qui porte sur le cas particulier de la culture horticole dans laquelle l’usage des pesticides est particulièrement important, si elle souligne la grande capacité de dispersion des produits en cause, n’apporte aucun élément nouveau sur les effets d’une exposition à ces produits, qui plus est à des doses plus réduites compte tenu de leur diminution avec l’éloignement, sur la santé. Par ailleurs, si certaines études récentes, en particulier une étude italienne versée au dossier par le requérant, souligne la correlation entre les dépassements répétés du seuil de 50 µg / m³ pour les PM10 dans l’air survenus en Lombardie sur la période du 10 au 29 février 2020 et la virulence de l’épidémie de covid-19 dans cette région à compter du 3 mars de cette année, ces études ne portent pas sur la question spécifique des effets à court et moyen termes de l’épandage de pesticides à des fins agricoles sur la santé des habitants des zones situées à proximité. Elles n’apparaissent pas, en l’état de l’instruction, de nature à remettre en cause l’avis rendu sur ce sujet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail le 4 juin 2019 qui recommandait les distances minimales de sécurité que l’arrêté du 27 décembre 2019 a retenu ». Ainsi les éléments présentés sont toujours insuffisants pour les juges qui estiment donc que la condition d’urgence n’est pas remplie. S’agissant du recours des associations, la Haute juridiction, qui statuait le 15 mai soit après le déconfinement, a relevé dans un premier temps, s’agissant de l’instruction technique, que : « 10. Il résulte cependant de l’instruction que les distances minimales en cause sont conformes aux préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dans son avis du 4 juin 2019 au vu duquel a été pris l’arrêté, avis qui est fondé sur des calculs d’exposition des riverains aux produits en cause lorsqu’ils sont effectivement présents à leur domicile au moment de leur épandage, comme c’est particulièrement le cas dans la période actuelle. En outre, la mesure en cause, si elle permet aux agriculteurs, dans les départements dans lesquels un projet de charte d’engagements a été élaboré conformément aux exigences des articles D. 253-46-1-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l’arrêté du 4 mai 2017 modifié et de son annexe 4, et soumis effectivement à la concertation publique, notamment par la mise en oeuvre effective des mesures de publicité prévues par l’article D. 253-46-1-3 de ce code, d’appliquer le contenu du projet de charte sans attendre son approbation par le préfet, n’a ni pour objet ni pour effet de priver les populations concernées de l’information à laquelle elles ont droit sur l’existence et le contenu d’un projet de charte ni du bénéfice d’une concertation effective avant l’approbation du projet de charte par le préfet. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que cette mesure soit de nature à présenter un risque imminent pour la santé ni à compromettre la concertation prévue par les articles R. 253-46-1-1 et suivants du même code ». Le Conseil d’Etat précise ici que l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail prend en compte la situation lorsque les riverains sont chez eux. Il précise également que la mesure concerne les départements dans lesquels un projet de charte d’engagements a déjà été élaboré. Cette instruction, dont les effets prendront fin le 30 juin, ne présente donc pas un risque imminent pour la santé et…

Projets ENR : délais de recours de la période du COVID

Par Maître Sébastien Becue (Green law avocats) Pour la majorité des porteurs de projets, le déblocage des prêts bancaires est conditionné par l’obtention et la purge contentieuse des autorisations administratives nécessaires à la mise en œuvre du projet. Autrement dit tant que le délai de recours contre une autorisation n’est pas échu, il n’est pas possible de lancer les opérations de construction. Le secteur immobilier a obtenu la reprise des délais d’instruction et de recours en matière d’urbanisme par deux ordonnances dérogatoires qui créent notamment un article 12bis dans l’ordonnance « délais » du 25 mars 2020 (Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période). Par le jeu de ces ordonnances, les délais de recours contre les permis de construire nécessaires à la construction des projets reprennent dès le 24 mai 2020. Jusqu’au 13 mai rien d’équivalent n’avait été prévu en matière des titres d’exploitation ICPE, pourtant tout aussi nécessaires à la mise en œuvre des projets, ce qui pouvait exposer le titre environnement ENR à un contentieux prorogé jusqu’au 11 octobre 2020… Fort heureusement, le gouvernement est revenu par une ordonnance sur cette solution ubuesque (Ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire, JORF n°0118 du 14 mai 2020 texte n° 25). Ainsi la période de référence prise ne compte pour l’autorisation environnementale s’achève-t-elle désormais au 23 juin inclus avec une reprise des délais contentieux à cette date. Signalons par ailleurs que ce texte prévoit pour les enquêtes publiques une  reprise des délais au 30 mai inclus.