Régularisation : le TA de Nantes expérimente une procédure ad hoc de particpation post enquête publique !

Par Maître Sébastien BECUE (Green Law Avocats) Nous en parlions ici, le tribunal administratif d’Amiens a aux termes d’un jugement du 29 mai 2018 (n°1601137) tiré les conséquences de l’avis du 22 mars 2018 (n°415852) en ordonnant au Préfet, après avoir annulé l’autorisation ICPE pour insuffisante présentation des capacités financières et délivré une autorisation temporaire, de se prononcer à nouveau sur la demande d’autorisation, « après avoir rendu publics les documents permettant d’attester » les capacités financières. La régularisation du vice de l’information du public devenait donc possible. La particularité de cette décision résidait dans le fait que le tribunal administratif avait statué en application des pouvoirs classiques de plein contentieux alors qu’il aurait pu se fonder sur les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement. Par un jugement du 25 mai 2018 (n°1601155), le tribunal administratif de Nantes retient, également pour le vice de l’information du public résultant de l’insuffisante présentation des capacités financières. une solution de régularisation plus complète et sécurisante, qui a le mérite d’assurer aussi le respect du principe de participation du public. Au lieu de se borner à ordonner la publicité des nouveaux documents avant la décision complémentaire du Préfet, le tribunal propose l’organisation d’une procédure ad hoc cohérente avec des contours bien précis, cette fois fondée sur les dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement. Première étape, le pétitionnaire soumet un dossier complémentaire qui doit comporter : des éléments rappelant la nature du projet, un rappel de l’objet de la nouvelle phase d’information du public une copie du jugement, et surtout des indications relatives au montant de l’investissement nécessaire ainsi que les éléments appuyés par de justificatifs quant au montant des fonds propres dont dispose le pétitionnaire. On précise – il est étrange que le juge ne le fasse pas – que les justificatifs quand aux montant des fonds émanant de tiers vont également devoir être versés. Deuxième étape, un avis annonçant l’organisation de la mise à la disposition du public du dossier est publié au moins 15 jours avant le début et pendant la durée de la mise à disposition. La publicité de cet avis est très complète puisqu’elle est faite : par voie d’affiches dans la commune et sur son site internet, ainsi que dans l’ensemble des communes concernées, dans deux journaux locaux départementaux 15 jours avant, et dans les 8 premiers jours de la consultation, sur le site du projet. Troisième étape le dossier est mis à disposition du public pendant une durée de 15 jours consécutifs dans les locaux de la mairie et en ligne, sur le site internet de cette dernière. Le public peut alors présenter des observations sur la question des capacités financières. Ces observations seront soit portées sur un registre présent en mairie soit par courrier adressé au commissaire-enquêteur. Le jugement prévoit effectivement qu’un commissaire-enquêteur sera désigné par le Tribunal et qu’il sera chargé, dans un délai de 15 jours suivant la clôture du registre de remettre au Préfet et au président un rapport qui devra relater le déroulement de cette phase d’information et synthétiser les observations recueillies. Le Tribunal doit être saisi par le Préfet à fin de désignation du commissaire-enquêteur dans les 8 jours de la notification du jugement. Quatrième étape, le tribunal enjoint au Préfet de lui notifier l’autorisation d’exploiter modificative dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement. S’il estime que le vice est régularisé, le tribunal rejettera le recours. ***   Dans ce dispositif décidément très intelligent, deux points sont encore à noter. Le Préfet ne semble pas avoir d’autre choix que de s’exécuter dans les délais prévus : 8 jours pour la saisine du tribunal à fin de désignation du commissaire-enquêteur, 1 mois pour justifier de l’accomplissement de ces mesures d’organisation et de publicité auprès du tribunal et 6 mois en tout pour délivrer l’autorisation modificative. Le tribunal n’a pas suspendu l’exécution de l’autorisation. Cela signifie que si les financeurs estiment que le risque d’une annulation au terme de la procédure de régularisation est faible – c’est le cas – alors le projet pourra être lancé pendant la régularisation. Les juges feraient bien de s’inspirer de cette décision qui trouve un équilibre intéressant entre l’information et la participation du public et les objectifs de sécurité juridique et d’accélération des délais d’instruction.  

Collectivités territoriales : attention à l’effet utile des modalités de la concertation !

Par Maître Jérémy TAUPIN (Green Law Avocats) Par un jugement en date du 2 février dernier, le Tribunal administratif de Melun est venu préciser la portée des dispositions de l’ancien article L. 300-2 du code de l’urbanisme (dispositions désormais codifiées aux articles L. 130-2 du code même code). Pour rappel, cet article énonçait que « I – Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d’urbanisme ; b) Toute création, à son initiative, d’une zone d’aménagement concerté ; c) Toute opération d’aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique de la commune et qu’elle n’est pas située dans un secteur qui a déjà fait l’objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus. Un décret en Conseil d’Etat détermine les caractéristiques des opérations d’aménagement soumises aux obligations du présent alinéa. Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d’occuper ou d’utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. […] ». Il n’aura pas échappé au praticien du droit de l’urbanisme que l’interprétation de ces dispositions a donné lieu à une jurisprudence importante : le Conseil d’Etat a notamment été amené à se prononcer sur la question des objectifs poursuivis et des modalités de la concertation. Pendant longtemps, il a été admis que l’insuffisante définition des objectifs dans la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU entachait celui-ci d’illégalité (cf. en ce sens CE, 10 février 2010, Commune de Saint-Lunaire, req. n°327149). Néanmoins, dans une récente décision, le Conseil d’Etat a précisé cette jurisprudence. Il a ainsi d’abord rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme précité, l’adoption ou la révision du PLU devait être précédée d’une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées et que le conseil municipal devait, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d’une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser ce document d’urbanisme, et, d’autre part, sur les modalités de la concertation. Puis, il a considéré que si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le PLU, tout en rappelant qu’ainsi que le prévoit l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé (CE, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, req. n°388902). C’est sur ce dernier point que le Tribunal administratif de Melun apporte une précision importante, en considérant « qu’il résulte de ces dispositions que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme ; que de telles modalités ne sauraient être regardées comme ayant été respectées si, bien que formellement exécutées, elles l’ont été dans des conditions les privant de tout effet utile et n’ont, ainsi, pas permis d’associer réellement le public à l’élaboration du projet de plan local d’urbanisme » (TA de Melun, 2 février 2018, req. n°1309483). Les faits d’espèce sont particulièrement éclairants sinon sur le projet de la collectivité du moins sur sa volonté d’escamoter la concertation. Par une délibération du 13 mai 2013, le conseil municipal d’Ozoir-la-Ferrière a approuvé le plan local d’urbanisme de cette commune. Une association a alors demandé au tribunal administratif l’annulation de cette délibération, en soulevant le moyen tiré de ce que les modalités de concertation définies par le conseil municipal dans sa délibération du 6 avril 2011 prescrivant l’élaboration du PLU n’avaient pas été respectées par la commune. Le Tribunal, après avoir rappelé que ladite délibération du 6 avril 2011 prévoit que les modalités de la concertation seront « – une exposition en mairie ; – une information dans le bulletin municipal ; la mise à disposition d’un cahier destiné à recueillir les observations du public » note, d’une part, que s’il est constant que le bulletin municipal de novembre/décembre 2011 comprend une information sur le projet de plan local d’urbanisme présentant les objectifs assignés à l’élaboration du plan, cette publication ne mentionne ni l’organisation d’une procédure de concertation, ni la mise en place d’une exposition et d’un registre permettant de recueillir les observations du public ; que, d’autre part, si une exposition a été organisée, cette exposition, qui n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité, ne l’a été qu’à compter de la fin du mois d’avril 2012 ; qu’en outre, faute d’informer les habitants de la commune de ce qu’un registre de concertation était mis à leur disposition, seule une observation a été recueillie sur ce registre ; que, s’il ressort des pièces du dossier qu’une réunion publique ayant réuni une quarantaine de personnes, a été organisée le 19 juin 2012, la commune d’Ozoir-la-Ferrière ne produit aucun élément sur les conditions dans lesquelles le public a été informé de cette réunion et de son objet ; que la très faible information du public…

L’exception d’illégalité d’un vice de forme ou de procédure n’est plus perpétuelle (CE, 18 mai 2018, n°414583)

Par Maître Sébastien BECUE (GREEN LAW AVOCATS) Le principe de sécurité juridique (des actes administratifs) prend de plus en plus de place au sein du contentieux administratif. Rappelons-le, le Conseil d’Etat a récemment jugé, par un arrêt Czabazj (13 juil. 2016, n°387763) que le principe de sécurité juridique « fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance », alors même que l’article R. 421-5 du CJA « semblait » indiquer précisément le contraire… C’est encore en considération de la sécurité juridique – même si plus implicitement – que les possibilités de régularisation dans le cadre de l’instance se multiplient dans les différents pans du contentieux administratif (voir pour un excellent article de portée générale sur ce point : « La régularisation d’un acte administratif après annulation conditionnelle : une technique en gestation », H. Bouillon, AJDA 2018, 142 ou encore, en matière d’installations classées, le récent avis du Conseil d’Etat dans l’affaire dite des « Mille vaches » : 22 mars 2018, n°415852 et notre commentaire). Aux termes d’une récente décision (CE, 18 mai 2018, n°414583), le Conseil d’Etat a rejeté le recours introduit par la CFDT à l’encontre d’un refus d’abroger un décret du 29 mars 2017 fixant la liste des emplois et types d’emplois des établissements publics administratifs de l’Etat prévue au 2° de l’article 3 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat en tant qu’il détermine la liste des emplois pour lesquels l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Deux moyens de légalité externe étaient invoqués par le syndicat contre le décret : l’un tenant à une possible irrégularité de la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat, et l’autre tenant à ce que le décret finalement adopté différerait de celui soumis le gouvernement au Conseil d’Etat et de celui adopté par le Conseil d’Etat. Ces deux moyens sont purement et simplement écartés par le Conseil d’Etat après formulation d’un nouveau principe selon lequel les vices de forme et de procédure ne peuvent être invoqués contre un acte règlementaire après l’expiration du délai de recours contentieux ; implicitement mais nécessairement au nom là encore de la sécurité juridique. En conséquence, ces types de vice ne peuvent plus être invoqués : dans le cadre d’une action par voie d’exception dans le cadre d’un recours contre une décision administrative ultérieure prise pour l’application de l’acte règlementaire (« l’exception d’illégalité »), ni dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte règlementaire (comme c’était le cas dans l’espèce). Restent cependant invocables les moyens de légalité interne, c’est-à-dire ceux relatifs à « la légalité des règles fixées par l’acte règlementaire », ainsi que les moyens relatifs à la compétence de l’auteur ou à l’existence d’un détournement de pouvoir. Notons que cette décision présente également un intérêt pour le mode d’emploi très clair qu’elle propose des modalités de recours à l’encontre d’un acte règlementaire. Pour le praticien du contentieux de l’urbanisme, le nouveau principe fait immédiatement écho aux dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme selon lesquelles l’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un document d’urbanisme ne peut être invoquée par voie d’exception après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause. Comme dans le cas de la jurisprudence Czabazj, le nouveau principe apparaît encore contra legem au contentieux de l’urbanisme, une lecture a contrario de cet article L. 600-1 semblant explicitement permettre la contestation d’un document d’urbanisme, acte qui présente à n’en pas douter un caractère réglementaire, pendant un délai de six mois… On verra quelles seront les conséquences de ce revirement de jurisprudence sur la substance du droit au recours : certaines obligations de forme et de procédure sont d’une telle importance qu’elles impactent le fond de la règle fixée par l’acte règlementaire (ainsi par exemple de certaines consultations obligatoires dans les matières techniques…)…raison pour laquelle aux termes de sa décision Danthony, le Conseil d’Etat avait à l’époque (peut-être plus subtilement que dans cette nouvelle décision) fait la différence entre ceux des vices qui doivent être considérés comme substantiels de ceux qui ne le sont pas, en considération de l’effet réel du vice sur le sens de la règle finalement adoptée.  

Soutien aux EnR : la Cour des Comptes invite à plus de cohérence, de clarté et d’efficacité

Par maître Jérémy TAUPIN (Green Law Avocats) A la suite d’un premier rapport public thématique sur la politique de développement des énergies renouvelables remis en 2013 (Cour des comptes, rapport public thématique, la politique de développement des énergies renouvelables, juillet 2013), la Cour des comptes a rendu public, le 18 avril 2018, un nouveau rapport (consultable ici) relativement critique sur les politiques publiques de soutien au développement des énergies renouvelables, pour lesquelles elle invite l’Etat à plus de cohérence, de clarté et surtout d’efficacité au vu du coût élevé des engagement financiers consentis. La Cour des Comptes établit un bilan de ces politiques publiques en revenant sur cinq enjeux majeurs, auxquels sont associées deux orientations et six recommandations. Retour sur les objectifs de développement fixés pour les EnR : La Cour des Comptes rappelle qu’à partir de 2001, des Directives successives ont fixé le cadre européen des objectifs à atteindre en matière d’énergies renouvelables. En France, la Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de politique énergétique (dite « POPE ») fût la première à chiffrer des objectifs de promotion des énergies renouvelables Celle-ci prévoyait notamment une division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050, ce qui nécessitait une division par quarte ou cinq des émissions pour les pays développés ; la réduction en moyenne de 2 % par an d’ici à 2015 de l’intensité énergétique finale (rapport entre la consommation d’énergie et la croissance économique) et de 2,5 % d’ici à 2030 ; la production de 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d’énergie renouvelables à l’horizon 2010 ; la mise en œuvre de plans mobilisateurs pour les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, etc. Puis, dans la continuité du Grenelle, la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement de programmation a fixé à l’horizon 2020 un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie. Cet objectif a alors été décliné au plan réglementaire par une programmation pluriannuelle des investissements pour la chaleur et l’électricité (PPI) en 2009, assortie d’un plan d’action national (PNA) en faveur des EnR (2009-2020). Enfin en 2015, la France va aller plus loin que l’objectif européen (fixé à 27%) en prévoyant dans sa Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte un objectif ambitieux de 32 % d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie d’ici à 2030. Pour atteindre progressivement cet objectif, la programmation pluriannuelle de l’énergie (Décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie), actuellement en discussion pour les périodes 2018-2023 et 2024-2028, prévoit des étapes. Cependant, dans son rapport la Cour des comptes met en garde le gouvernement car, pour atteindre cet objectif de 32 % d’EnR, il faudra réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici 2025. Or, cet objectif est incompatible avec la trajectoire d’augmentation des capacités d’énergies renouvelables électriques décrite dans la PPE de 2016, ce qu’a d’ailleurs confirmé Nicolas Hulot en novembre 2017 (Communication du ministre de la transition écologique et solidaire au Conseil des ministres du 7 novembre 2017). Ainsi, la Cour de comptes appelle à « la définition [dans la nouvelle PPE] d’une stratégie énergétique plus cohérente entre les objectifs de production d’EnR électriques et l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix ». Par ailleurs, la Cour souligne que l’objectif de 32% ne pourra être atteint que si les procédures de recours contre certains projets d’EnR, « qui font l’objet d’une acceptabilité sociale limitée qui retarde voire empêche les réalisations (…) et accroit les risques financiers pesant sur eux », sont revues afin notamment de raccourcir les délais de mise en service des installations. Orientation associée par la Cour des Comptes : A l’occasion de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2018, la Cour préconise de définir une stratégie énergétique cohérente entre les objectifs de production d’énergies renouvelables électriques et l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix.   Rappel des résultats atteints par rapport à la trajectoire visée : La Cour des comptes remarque que, malgré les efforts entrepris au cours de la dernière décennie pour faire progresser le volume des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 9,2% en 2005 à 15,7% en 2016, la France affiche toujours un décalage au regard des objectifs affichés. En effet, la stratégie énergétique française formulée dans la Loi du 17 août 2015 repose sur un double objectif, climatique et énergétique. A ce propos, la Cour souligne qu’il y a « une ambivalence dans la stratégie française [qui] conduit donc à activer simultanément deux leviers – la croissance des énergies renouvelables électriques et celle des énergies thermiques – qui ne répondent pas aux mêmes objectifs. » En effet, la France peut apparaître comme un leader sur le plan climatique européen car son électricité est décarbonée à 98 % du fait de la prépondérance de l’énergie nucléaire dans son mix, ce qui limite ses émissions de gaz à effet de serre comparativement aux aux autres pays de l’UE (et notamment le Royaume Uni, l’Allemagne ou l’Espagne qui ont encore pour priorité de décarboner leurs mix énergétique) (cf. : graphique n° 2 du rapport, page 21). La France semble répondre ainsi à l’objectif climatique, mais une contradiction apparait puisque, comme nous l’avons rappelé précédemment, la France s’est justement engagée à réduire à 50% la part du nucléaire d’ici 2025, objectif qui ne sera pas tenable compte tenu du retard pris dans le développement des énergies renouvelables. En réalité, il ressort de l’analyse de la Cour que le choix fait par la France de remplacer progressivement l’énergie de source nucléaire en soutenant particulièrement le développement des EnR électriques répond davantage à un objectif de politique énergétique qu’à un objectif climatique. La Cour ainsi souligne que « si la France avait voulu faire de sa politique en faveur…

Les modalités de régularisation du vice de l’information du public bientôt précisées ?

Par Maître Sébastien BECUE (Green Law Avocats) Nous l’exposions dans un récent article du présent blog, le Conseil d’Etat a décidé, aux termes d’un avis du 22 mars dernier, que le vice de l’information du public est susceptible d’être régularisé devant le juge de plein contentieux de l’autorisation environnementale ; et ce, sans même qu’il soit forcément nécessaire, selon les cas, d’organiser une nouvelle enquête publique. Plus précisément, le Conseil d’Etat exposait que lorsque « le caractère incomplet du dossier d’enquête publique a affecté la légalité de la décision », il est « nécessaire de compléter l’information du public ». Le juge (sous-entendu) du fond « peut alors fixer des modalités de régularisation adaptées permettant l’information du public, qui n’imposent pas nécessairement de reprendre l’ensemble de l’enquête publique ». Pour les spécialistes du contentieux, cet avis, malgré sa richesse impressionnante, a néanmoins semblé ouvrir autant, sinon plus de questions qu’il n’en a résolu… Le Tribunal administratif d’Orléans par un jugement avant dire droit (TA Orléans, 24 avril 2018 n° 1602358 ; téléchargeable ici) s’est chargé de solliciter des éclaircissements au Conseil d’Etat . Après avoir jugé que le moyen tiré du vice de l’information du public résultant de ce que l’avis sur l’étude d’impact du projet aurait été rendu par une autorité environnementale ne disposant pas d’une autonomie réelle au sens de la jurisprudence communautaire (voir notre article sur ce thème) est le seul à être susceptible d’entraîner l’annulation de l’autorisation, le Tribunal se saisit de la demande des défendeurs visant à ce qu’il fasse usage du pouvoir de sursis à statuer dans l’attente d’une régularisation, dont il dispose désormais en vertu du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement. Le Tribunal rappelle que dans ce cas, le juge doit, dans un jugement avant dire droit : –          préciser les modalités de cette régularisation, –          et indiquer quelle phase doit être regardée comme viciée afin de simplifier la reprise de la procédure administrative. On aurait alors pu imaginer que le Tribunal prescrive directement des modalités de régularisation ou reprenne celles proposées par le défendeur, une solution courageuse mais qui aurait comporté un risque important pour le porteur de projet, potentiellement victime de cette expérimentation procédurale. Mais, sans expliquer plus avant ses doutes, le Tribunal sursoit alors à statuer et pose trois questions au Conseil d’Etat. La première question est relative au caractère régularisable ou non du vice tiré de l’absence d’autonomie réelle de l’autorité environnementale ayant rendu l’avis sur l’étude d’impact. Son raisonnement semble être le suivant. Le droit applicable au moment de la délivrance de l’autorisation imposait que l’avis sur l’étude d’impact soit rendu par une autorité environnementale, la DREAL, qui ne disposait pas d’une autonomie réelle vis-à-vis de l’autorité compétente pour délivrer, le Préfet de région. Or, le Conseil d’Etat a exposé dans son avis que l’autorité compétente doit pour la régularisation faire application des dispositions en vigueur à la date à laquelle l’autorisation a été délivrée. Ainsi, s’il fallait appliquer ces dispositions, la DREAL serait encore saisie de la demande d’avis sur l’étude d’impact et le Préfet de région serait compétent. En cas d’interprétation extensive de l’avis du Conseil d’Etat, la régularisation serait donc impossible En revanche, si l’on tient compte des dispositions applicables au moment de la régularisation pour la définition des mesures de régularisation, la DREAL resterait autorité environnementale mais le Préfet aujourd’hui compétent serait le Préfet de département, du fait de la péremption de l’arrêté d’évocation du Préfet de région ; et il y aurait donc autonomie effective. On constate néanmoins que cette question ne règle du coup pas le cas dans lequel le Préfet de département nouvellement compétent se trouverait également être le Préfet de région, auquel cas il n’y aurait toujours pas autonomie effective entre les deux autorités. Et on a envie d’ajouter : le juge ne pourrait-il pas ordonner une mesure ad hoc, comme par exemple enjoindre à l’administration de saisir la MRAE, autorité environnementale dont l’autonomie est réelle mais qui ne dispose pas encore d’une compétence expresse en matière de projet ? Dans une perspective de sécurité juridique, il apparaît de la responsabilité du gouvernement de créer au plus vite une autorité environnementale indépendante expressément compétente pour donner son avis sur les études d’impact pour les projets, afin justement de permettre cette régularisation. La deuxième question est relative aux modalités de régularisation du vice de l’information du public envisageables par le juge du fond. Autrement dit, quelles sont ces modalités de publicité qui peuvent se substituer à une nouvelle enquête publique ? Enquête publique complémentaire, simple affichage sur le site internet de la Préfecture, mise en ligne sur le site officiel du demandeur… Doivent-elles d’ailleurs avoir une base légale ou peut-il s’agir de modalités ad hoc ? Surtout, doivent-elles permettre simplement l’information du public, ou également sa participation ? Comment doit raisonner le juge du fond ? Sur ce point, on pourrait imaginer que le Conseil d’Etat fournisse quelques pistes au juge du fond en listant les indices qui doivent le guider… La troisième question est relative au degré de précision avec lequel le juge peut formuler l’invitation à régularisation qu’il adresse à l’administration dans son jugement. Cette question est également très intéressante. Indéniablement, avec ce pouvoir, le juge jusque-là principalement cantonné un rôle de censeur malgré les pouvoirs de plein contentieux dont il dispose, se retrouve également prescripteur…