Par Maître Lucas Dermenghem (Green Law Avocats)
Le projet de loi énergie climat dite « petite loi énergie » comporte diverses mesures destinées à renforcer la lutte contre les fraudes en matière de certificats d’économie d’énergie (CEE). Le gouvernement poursuit ici une tendance initiée il y a plusieurs mois.
L’exposé des motifs de ce projet fait le constat de la valeur vénale croissante des CEE et des manœuvres frauduleuses pouvant en découler. Ce phénomène avait notamment été mis en lumière par un rapport de l’organisme TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) publié en décembre 2017 relatif aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, lequel avait dénoncé une augmentation des déclarations fictives de chantiers d’économie d’énergie ou de travaux réalisés au mépris des règles de l’art. Certains professionnels du secteur victimes de cette concurrence particulièrement déloyale avaient en outre exprimé leur inquiétude et émis le souhait d’un durcissement de la réglementation en matière de contrôle.
C’est sur la base de ce constat que le projet de loi prévoit en son article 4 différents outils de lutte contre la fraude aux certificats, notamment par la mise en place de contrôles effectués par des organismes tiers et par la facilitation de l’échange d’informations entre les services de l’Etat.
Les mesures prévues par ce projet de loi se déclinent autour des axes suivants :
- Un élargissement du champ d’application du dispositif actuel de sanctions
Tout d’abord, le projet de loi doit modifier l’actuel article L. 222-2 du code de l’énergie, lequel porte sur la faculté pour le ministre de mettre en demeure un obligé ou un délégataire en cas de non-respect de ses obligations et, en cas de non-respect de la mise en demeure, de lui appliquer diverses sanctions.
Ces sanctions sont : le prononcé d’une sanction pécuniaire, la privation d’obtention de CEE, l’annulation de CEE d’un volume égal à celui concerné par le manquement, ainsi que la suspension ou le rejet des demandes de CEE faites par l’intéressé.
Le projet de loi vient prévoir la possibilité d’appliquer ces sanctions aux cas de figure du manquement de l’intéressé à des obligations déclaratives ou lorsque des CEE lui ont été indûment délivrés.
- La mise en place d’un dispositif de surveillance renforcée pour les personnes déjà sanctionnées
En outre, le projet de loi énergie climat prévoit d’ajouter au code de l’énergie un nouvel article L. 222-2-1 dont l’objet est en quelque sorte l’institution d’une « surveillance renforcée » pour les obligés ou délégataires ayant déjà fait l’objet des sanctions prévues à l’article L. 222-2 susmentionné.
Ainsi, pour ces personnes déjà sanctionnées, et lorsque d’autres actions d’économies d’énergies sont susceptibles d’être concernées par des manquements de même nature, le Gouvernement envisage :
D’une part, lorsque les CEE ont déjà été délivrés ou demandés, la réalisation d’un contrôle par un organisme tiers. Si ce contrôle met en évidence des manquements, son coût est à la charge du demandeur des CEE. Dans le cas où ce contrôle ne serait pas réalisé par la personne visée dans le délai fixé par l’administration, le ministre peut alors prononcer (à nouveau, donc) les sanctions prévues à l’article L. 222-2 du code de l’énergie.
D’autre part, s’agissant des demandes de CEE ultérieures, le projet de loi prévoit la possibilité de réaliser, au cours d’une période d’un an et aux frais du demandeur, un contrôle par un organisme tiers.
Par ce dispositif, le Gouvernement se fonde donc sur le postulat que ceux qui ont fauté sont vraisemblablement susceptibles de le faire à nouveau.
- La facilitation des échanges d’informations entre les différents services de l’Etat
Enfin, le Gouvernement entend également renforcer la lutte contre les fraudes en améliorant les échanges d’informations entre différents services de l’Etat.
C’est ainsi qu’est prévu l’ajout d’un article L. 222-10 du code de l’énergie, instituant une possibilité de communication spontanée ou sur demande de tous documents et renseignements détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives entre les agents du PNCEE et ceux de la direction générale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et droits indirects ou de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Un décret d’application sera bien évidemment nécessaire pour préciser certaines de ces dispositions.
Ce mouvement de renforcement de la lutte contre la fraude dans le domaine des CEE s’inscrit dans la continuité des mesures déjà entreprises par le Gouvernement, qui avait déjà modifié le système d’agrément des délégataires et ainsi réduit drastiquement leur nombre, lequel est passé de 87 fin 2017 à 24 au cours de l’année 2018.
Cette évolution risque cependant de contrarier davantage certains professionnels du secteur qui dénoncent l’état de contrôle perpétuel institué à leur encontre par la réglementation et par le PNCEE, les plaçant dans un état de profonde instabilité économique. En effet, nombreux sont ceux, en particulier parmi les délégataires, qui attendent depuis de longs mois le déblocage des fonds dus en contrepartie des CEE déposés, procédure mise en suspens en raison des contrôles exercés par le Pôle.