Feuille de route 2021 de l’Inspection

Par Maître David DEHARBE (GREEN LAW AVOCATS) Comme chaque année, le ministère de la transition écologique a présenté dans le cadre de l’instruction ministérielle du 15 décembre 2020, les actions prioritaires de l’inspection des installations classées pour l’année 2021.  Sans doute, la prise en compte de l’accidentologie, en particulier l’incendie de l’usine de Lubrizol et l’explosion du port de Beyrouth, a-t-elle influencé les choix du ministère. Le texte identifie des actions thématiques prioritaires qui constituent des axes d’efforts à mener au niveau national auxquelles s’ajoutent des « actions au choix » limitativement énumérées, que le Préfet met en œuvre en fonction des spécificités et besoins de chaque région.  Ainsi, pour l’année 2021 seront considérées comme actions prioritaires : De la même manière, les actions régionales pourront concerner : Pour les besoins de la mise en œuvre de ces actions, outre la présence renforcée d’agents de terrain et l’augmentation des effectifs, Barbara Pompili évoque la mise en place d’un dispositif de vigilance renforcée s’agissant des sites faisant ou ayant fait  l’objet « d’incidents, d’accidents réguliers ou de non-conformités », précisant qu’« un plan d’actions spécifique sera demandé aux exploitants et fera l’objet de contrôles supplémentaires de la part de l’inspection des installations classées afin d’en vérifier la bonne mise en œuvre ».  Pour ces raisons, il conviendra pour les exploitants, d’anticiper le renforcement des contrôles éventuellement inopinés de la part des services de l’inspection des installation classées en s’assurant dans les meilleurs délais de la conformité de leur installation au regard des prescriptions de l’arrêté préfectoral permettant leur exploitation.

La loi ASAP et la remise en état des ICPE

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La loi dite ASAP, LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, a d’une manière générale pour objet d’alléger les procédures administratives et de sécuriser la réglementation applicable aux porteurs de projets en matière environnementale pour permettre le développement de l’activité industrielle. Et, cette même loi est venue modifier le régime de la remise en état en matière d’ICPE par adoption de ses articles 57 et 58. Le régime de la remise en état des sites applicable aux ICPE à l’occasion de l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement est d’ores et déjà encadré  par le code de l’environnement. En effet, le code de l’environnement prévoit que l’exploitant doit notifier au préfet la date de l’arrêt définitif au moins 3 mois avant cet arrêt, conformément à l’article R.512-46-25 du code de l’environnement pour les installations soumises à enregistrement. Ce délai est également de 3 mois en ce qui concerne les ICPE soumises à autorisation et peut être porté à 6 mois pour les autorisations à durée limitée conformément à l’article R.512-39-1 du code de l’environnement. Concernant les ICPE soumises à déclaration, l’exploitant notifie au préfet la date de l’arrêt définitif au moins 1 mois avant cet arrêt (article R.512-66-1 du code de l’environnement). La notification ainsi prévu doit indiquer les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l’arrêt de l’exploitation, la mise en sécurité du site et ces mesures comportent, notamment : 1° L’évacuation ou l’élimination des produits dangereux et la gestion des déchets présents sur le site ; 2° Des interdictions ou limitations d’accès au site ; 3° La suppression des risques d’incendie et d’explosion ; 4° La surveillance des effets de l’installation sur son environnement. Mais les obligations liées à la cessation d’activité ne sont pas limitées à la mise en sécurité du site. L’exploitant d’une installation doit encore réhabiliter le site pour rendre compatible les sols avec un usage futur conformément au code de l’environnement ou permettre un usage comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation mise à l’arrêt. Quel que soit le régime applicable à l’installation, l’exploitant doit placer le site de l’installation dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement et en fonction du type d’installations : qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 conformément à l’article R. 512-39-1 du code de l’environnement concernant le régime de l’autorisation. qu’il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-46-26 et R. 512-46-27 conformément aux dispositions de l’article R512-46-25 du code de l’environnement concernant le régime de l’enregistrement. qu’il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation  pour ce qui concerne les installations soumises à déclaration conformément aux dispositions de l’article R512-66-1 du code de l’environnement. Les réhabilitations de sites ICPE, notamment sous le régime de l’autorisation et de l’enregistrement, peuvent impliquer la validation du projet et de l’usage futur par le préfet. Et l’article R512-66-2 du code de l’environnement dispose qu’à tout moment et même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l’exploitant, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1. En cas de modification ultérieure de l’usage du site, l’exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s’il est lui-même à l’initiative de ce changement d’usage. La procédure de réhabilitation peut donc s’avérer longue et complexe et nécessiter de nombreux échanges avec la DREAL et le préfet, plus particulièrement lorsque le site a été l’objet de pollutions historiques. C’est pourquoi le nouvel exploitant ou l’aménageur du SSP peut souhaiter se substituer à l’exploitant en prenant à sa charge cette réhabilitation. Le code de l’environnement prévoit  en effet la possibilité pour l’exploitant qui cesse l’exploitation d’avoir recours à un «tiers demandeur» qui souhaiterait changer l’usage actuel du site, de se substituer à l’exploitant, pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l’usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné. Cette possibilité est prévue et encadrée par l’article L. 512-21 du code de l’environnement depuis la loi ALUR. Cette substitution n’est possible que si la demande en est faite auprès des services de l’Etat du département. Le tiers demandeur adresse au représentant de l’Etat dans le département un mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d’assurer la compatibilité entre l’usage futur envisagé et l’état des sols. Le représentant de l’Etat se prononce alors sur l’usage proposé et peut prescrire au tiers demandeur les mesures de réhabilitation nécessaires pour l’usage envisagé. La loi ASAP est venue modifier le régime de la remise en état applicable aux ICPE en consacrant à l’article 57 le recours à des entreprises certifiées pour attester d’une remise en état effective du site pollué (I.), et en élargissant la possibilité de transférer l’obligation de remise en état à un tiers (II.). La loi ASAP a également modifié l’article L. 512-6-1 du code de l’environnement en imposant aux installations mises à l’arrêt et soumises à autorisation de ne pas porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 du même code, et elle a ajouté à l’article L. 514-8 du code de l’environnement, les dépenses que l’Etat a engagées ou fait engager dans le cadre de la gestion ou du suivi des impacts et conséquences d’une situation accidentelle (III.). Pour finir la loi d’accélération et de simplification de l’action publique édicte à son article 58 la possibilité pour le préfet de fixer un délai contraignant pour les opérations de réhabilitation et de remise en état des sites ayant accueilli des ICPE (IV.). La consécration du recours à une entreprise certifiée pour attester de la remise en état du site  L’article 57 de la loi ASAP a inséré aux articles L. 512-6-1 et L. 512-7-6 qui concernent les installations soumises à enregistrement et autorisation…

Le juge, le climat et l’exécutif…

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Avocat Of Counsel, GREEN LAW AVOCATS et Maître David DEHARBE, Avocat associé gérant, GREEN LAW AVOCATS Le 19 novembre 2020, le Conseil d’Etat a rendu une décision inédite à propos du respect, par l’Etat français, de ses engagements en matière de lutte contre le dérèglement climatique (CE 19 nov. 2020, n° 427301, COMMUNE DE GRANDE-SYNTHE et a). Les conclusions du rapporteur public sont publiées avec la présente note au Bulletin Juridique des Collectivités Locales cf. : Saisie par la commune de Grande-Synthe (Nord) et par son maire agissant à titre personnel, la Haute Assemblée s’est prononcée sur la légalité des décisions implicites de refus opposées par le Président de la République, le Premier ministre et le Ministre de la Transition Ecologique à la demande tendant notamment à ce que soient prises « toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national de manière à respecter a minima les engagements consentis par la France au niveau international et national ». Pour statuer sur la légalité de ces refus implicites, le Conseil d’Etat était tout d’abord tenu d’examiner les différents engagements souscrits par la France en matière climatique sur le plan international, européen et national. Il s’agissait, ensuite, de vérifier si ces engagements étaient respectés par l’Etat, justifiant que celui-ci puisse se permettre de refuser l’édiction de mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre. L’arrêt commenté présente tout d’abord l’intérêt de recenser d’une manière didactique les différentes normes auxquelles la France est liée en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Le Conseil d’Etat dresse ainsi la liste des règles juridiques applicables en la matière, en débutant par le droit international pour terminer par les textes de droit national. Sur le plan international, le Conseil d’Etat rappelle les termes des articles 2 et 3 de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) du 9 mai 1992, à laquelle la France est partie, avant de mentionner le fameux article 2 de l’accord de Paris du 12 décembre 2015 conclu dans le cadre de la CCNUCC, lequel contient l’objectif – âprement débattu – consistant à contenir l’élévation de la température moyenne « nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels » et à « poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels ». Au niveau communautaire, le Conseil d’Etat mentionne : – la décision 94/69/CE du 15 décembre 1993 par laquelle le Conseil a approuvé la CCNUCC au nom de la Communauté européenne, devenue l’Union européenne ; – le premier « Paquet Energie Climat 2020 », composé en particulier de la décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020, ayant notamment pour objectif une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Aux termes de l’annexe II de cette décision, la France s’est vue définir un objectif de réduction de 14% de ses émissions de CO2 par rapport aux niveaux d’émissions de 2005. – le second « Paquet Energie Climat » reposant notamment sur le règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018, édicté afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris. Aux termes de l’annexe I de ce règlement, la France est tenue de réduire ses émissions de CO2 de – 37% en 2030 par rapport à leur niveau de 2005. Enfin, à l’échelle nationale, il est rappelé que le législateur français a institué l’article L. 100-4 du code de l’énergie fixant un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030 et l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050. L’objectif de – 40% en 2030 que s’est fixé la France est ainsi plus ambitieux que ce qui lui a été attribué au niveau communautaire. Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vue d’atteindre cet objectif, l’article L. 222-1 A du code de l’énergie prévoit un dispositif de « budget carbone » fixé par décret, pour la période 2015-2018 puis pour chaque période consécutive de cinq ans. Le budget carbone correspond ainsi à un total d’émission de gaz à effet de serre pour une période déterminée, qui ne doit pas être dépassé. Le Conseil d’Etat indique qu’en vertu de l’article 2 du décret du 18 novembre 2015 : « Les budgets carbone des périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028 sont fixés respectivement à 442, 399 et 358 Mt de CO2eq par an, à comparer à des émissions annuelles en 1990, 2005 et 2013 de, respectivement, 551, 556 et 492 Mt de CO2eq. ». Après avoir listé les engagements que s’est fixés la France en matière de lutte contre le dérèglement climatique, la Haute Assemblée rappelle que les stipulations de la CCNUCC et de l’accord de Paris sont dépourvues d’effet direct mais doivent néanmoins être prises en considération pour l’interprétation des dispositions de droit national, qui ont pour objet de les mettre en œuvre. Ensuite, pour apprécier la légalité des décisions de refus des autorités sollicitées d’édicter des mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre, le Conseil d’Etat constate tout d’abord que la France a « substantiellement dépassé » le premier budget carbone qu’elle s’était allouée pour la période 2015-2018, d’environ 62 Mt de CO2eq par an. Cependant, pour le Conseil d’Etat, cette circonstance n’est à elle seule pas de nature à caractériser une insuffisance des efforts pour atteindre les objectifs de réduction fixés. En effet, pour effectuer cette analyse, la Haute Assemblée a entendu prendre en considération les différentes périodes pour lesquelles un budget carbone a été fixé, soit 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033. En d’autres termes, pour le…

ICPE et loi ASAP : No régression !

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont il avait été saisi par plus de soixante députés. La décision était attendue, plusieurs éminents praticiens environnementalistes ayant sinon purement et simplement annoncé la prochaine consécration du principe de non régression par le Conseil du moi invité les sages à s’engager sur cette voie. Il est vrai que le juge constitutionnel avait déjà effleuré la question  mais sous l’angle particulier de la légalisation du principe qu’il avait validée en ces termes (CC, 4 août 2016, n° 2016-737 DC) : « Les dispositions de [l’article L. 110-1 par un 9° du code de l’environnement]  contestées énoncent un principe d’amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, ces dispositions ne sont donc pas dépourvues de portée normative. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. Il peut également à cette fin modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Dans l’un et l’autre cas, il ne saurait priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l’art. 2 de la Déclaration de 1789 et les art. 3, 39 et 44 de la Constitution doivent donc être écartés. Les dispositions contestées ont pour objet de favoriser l’amélioration constante de la protection de l’environnement et ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de l’art. 5 de la Charte de l’environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution. Dès lors le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de précaution est inopérant. Les dispositions du dernier alinéa de l’art. 2 de la loi déférée ne sont entachées d’aucune inintelligibilité » (cf. RJE 2017. 693, note Dellaux). Or l’affaire n° 2020-87DC donnait effectivement l’occasion au Conseil de se positionner sur la constitutionnalisation du principe de non régression alors que pour sa part en avait déjà précisé la portée contentieuse pour le sanctionner (CE 8 déc. 2017, Féd. Allier Nature, n° 404391: AJDA 2017. 2438, obs. Pastor ; Dr. envir. 2018. 48 ; concl. Dutheillet de Lamothe : RJE. 2018. 187) et en préciser la portée à l’endroit des actes des actes administratifs (sur la jurisprudence administrative cf. Brett, « Le traitement contentieux du principe de non- régression de la protection de l’environnement par le juge administratif: une application stricte et des incertitudes », RJE 2018. 634)  en exccluant en particulier son opposabilité directe aux décision individuelle (CE 17 juin 2019, Assoc. Les Amis de la Terre France, n° 421871 A: AJDA 2019. 1253, note de Montecle) .   Avec loi ASAP, le Conseil constitutionnel était en particulier saisi de trois disposition de la loi qui devaient permettre d’accélérer les procédures d’autorisation installations classées pour la Protection de l’Environnement et de desserrer certaines contraintes pesant sur elles. Et on peut en tirer trois enseignements : I/ Les nouveaux droits acquis reconnus aux installations en cours d’autorisation ou d’enregistrement sont constitutionnels. Le Conseil constitutionnel s’est notamment prononcé sur l’article 34 de la loi déférée aménageant les conditions de mise aux normes des installations soumises à autorisation ou enregistrement existantes et à celles dont les demandes étaient  complètes mais pas encore abouties. Aux termes du code de m’environnement, les articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 prévoient que les arrêtés ministériels fixant les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises à autorisation et les prescriptions générales applicables aux installations soumises à enregistrement ou déclaration s’imposent de plein droit aux installations nouvelles et que ces arrêtés déterminent les délais et conditions dans lesquels ils s’appliquent aux installations existantes. L’article 34 de la loi déférée précise que, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne, d’une part, ces mêmes délais et conditions s’appliquent aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté et, d’autre part, les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté. Il précise enfin qu’une demande d’autorisation ou d’enregistrement est présumée complète lorsqu’elle répond aux conditions de forme prévues par le code de l’environnement. Les députés requérants soutenaient que ces dispositions méconnaissent les articles 1er  (droit de vivre dans un environnement sain) et 3 de la Charte de l’environnement (principe de prévention) ainsi que le principe de non-régression du droit de l’environnement. Les députés requérants reprochaient d’abord à ces dispositions d’étendre aux projets en cours d’instruction, ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète, les facilités de longues dates accordées aux installations existantes pour se mettre en conformité avec de nouvelles prescriptions en matière environnementale. Cette facilité classique du droit des ICPE a pu être interprétée comme participant du principe de confiance légitime (TA Strasbourg, 8 déc. 1994, Entreprise de transports Freymuth, concl. J. Pommier, AJDA 1995.555, note M. Heers, RFD adm. 1995.963). Ainsi les installations existantes bénéficient dans cette mesure de droits acquis que la législateur a voulu étendre aux installations en cours d’autorisation ou d’enregistrement. Ils contestaient, par ailleurs l’absence d’application, à ces mêmes projets et aux installations existantes, de ces prescriptions lorsqu’elles concernent le gros œuvre. Ils critiquaient, enfin, le fait que la demande soit présumée complète dès lors qu’elle répond aux seules conditions de forme prévues par le code de l’environnement. Pour sa part, le…

Vers une politique pénale environnementale

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 22 novembre 2020, le garde des Sceaux, Eric Dupont Moretti et la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, ont annoncé la création de deux délits : le délit général de pollution et le délit de mise en danger de l’environnement. Ainsi les ministres de la Transition écologique et de la Justice préfèrent-ils à un crime d’écocide – comme l’avait prôné la convention citoyenne pour le climat – deux délits en la matière. Le délit d’écocide (selon l’expression désormais consacrée) permettra de sanctionner les atteintes effectives et graves à l’environnement. Les peines encourues, modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur, iront de trois à dix ans d’emprisonnement selon qu’il s’agit d’une infraction d’imprudence ou d’une infraction intentionnelle. Les amendes, quant à elles, seront pour le moins dissuasives afin que le contrevenant soit assuré de ne pas pouvoir tirer bénéficier de son délit : de 375 000 € à 4,5 millions d’euros. Parallèlement, un autre délit devrait être créé : le délit de mise en danger de l’environnement. Ceci afin de sanctionner les pollutions qui, bien que non réalisées, seraient rendues possibles du fait de la violation délibérée d’une obligation. La peine encourue serait alors d’un an de prison et de 100 000 euros d’amende. Enfin, pour assurer la poursuite de ces nouveaux délits, seront mis en place, dans le ressort de chaque cour d’appel, des juridictions spécialisées de l’environnement. On le voit les bases d’une politique pénale sont ainsi posées avec des incriminations générales et des juges pour les sanctionner… Mais attention à la démagogie ambiante du tout répressif et à la création de monstres juridiques dont on ne perçoit pas bien les effets… le maquis des polices environnementales recèle une réglementation foisonnante de plus en plus complexe et incohérente, là où la sanction pénale exige un comportement délictueux sinon évident du moins facile à prouver. Pour avoir expérimenté pendant une vingtaine d’années l’arbitraire des sanctions administratives en matière d’installations classées (dont le modèle a servi finalement de matrice à tout le code de l’environnement) et bataillé contre elle sans relâche devant le juge administratif, nous sommes il est vrai quelque peu effrayés par la pénalisation qui se prépare… Se pose inévitablement la question des moyens. Il ne suffira de doter la magistrature de juges verts, il leur faudra encore et surtout maîtriser le droit public de l’environnement et accepter de penser leur office pour l’articuler avec les sanctions administratives, qui constituent aujourd’hui la vraie pierre angulaire du droit environnemental répressif. Et surtout, il faudra qu’une expertise judiciaire environnementale digne de ce nom vienne épauler nos juges si on ne veut pas que la machine pénale sombre dans l’arbitraire scientifique. Ne manque plus que la volonté de poursuivre. Mais là encore il faudra raison gardée…. A trop poursuivre ceux qui font et entreprennent mais prennent le risque de polluer, on s’expose aux sirènes d’un retour à la nature vierge … Il suffit d’avoir été auditionné par la très jeune police de l’OFB pour comprendre combien par exemple cette Inspection de l’environnement instruit pour imposer de nouvelles pratiques, quitte à nier l’activité économique. Nous sommes à l’aube de la grande simplification du droit de l’environnement qui exige que l’homme soit symboliquement puni. La nouvelle politique pénale devra trouver sur sa route des avocats qui ne peuvent pas se contenter de l’applaudir des deux mains en prenant le risque de se déconnecter de toute réalité sociale. Il nous appartiendra aussi de raisonner le verdissement des poursuites, pour rappeler les liens ontologiques existants entre l’homme et la nature. L’environnement est une notion complexe, objet de luttes de définition … la politique pénale veut y contribuer ; certes, mais accordons une vraie défense pénale à ceux qui vont bientôt être sommés d’expier leurs emprunte écologique.