Assainissement collectif et taxe d’aménagement

Par Maître David DEHARBE, avocat gérant et Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
Le 24 juin 2016, le maire d’Antibes a, par arrêté, accordé à la société civile de construction vente AIC Terra Bianca un permis de construire valant permis de démolir, pour la réalisation d’un immeuble collectif de 66 logements dont 24 logements sociaux, d’une surface de plancher de 3 790 m².
Cet arrêté indiquait la soumission du projet à la perception de la taxe d’aménagement, et rappelait l’institution sur la commune, par une délibération du 12 juillet 2012, de la participation pour le financement de l’assainissement collectif.
Le 30 octobre 2017, un titre de perception a été émis pour le paiement par la société de la somme de 229 301 euros correspondant à la taxe d’aménagement due au titre de la surface de plancher développée par son projet. Par ailleurs, au titre de la participation au financement de l’assainissement collectif, la société devait payer la somme de 96 720, 80 euros.
Le 25 juin 2019, la commune d’Antibes a donc émis un titre de recettes à l’encontre de cette société afin de recouvrer cette somme. Le maire d’Antibes a exigé le paiement par la société de la somme de 96 720, 80 euros, correspondant à la participation pour le financement de l’assainissement collectif.
Le 23 juillet 2019, la société a formé une première réclamation contre ce titre.
Le 26 septembre 2019, elle a formé une seconde réclamation.
Le 14 octobre 2019, le conseiller municipal délégué aux réseaux d’assainissement a rejeté ces deux réclamations.
La société a donc saisi le Tribunal administratif de Nice afin d’être déchargée de l’obligation de payer cette somme de 96 720, 80 euros, et d’obtenir l’annulation de ce titre exécutoire.
Le 1er juin 2023, le Tribunal a rejeté cette demande.
La société a interjeté appel contre ce jugement.
D’après la société requérante, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, la taxe d’aménagement majorée à 20 % et la participation pour le financement de l’assainissement collectif, qui ont toutes deux pour objet de financer l’extension ou le renforcement du réseau d’assainissement, ne pouvaient lui être appliquées cumulativement, la délibération instituant cette taxe majorée ne distinguant pas entre les réseaux publics qu’elle finançait.
Le 20 mars 2025, conformément aux dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, la Cour administrative d’appel de Marseille a transmis le dossier de cette demande au Conseil d’État.
La question posée par la Cour administrative au Conseil d’État a été ainsi formulée :
« Dans un secteur où la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent a voté le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement à un taux supérieur à 5 % pour financer la réalisation de travaux substantiels de réseaux publics d’assainissement, peut-il être exigé des propriétaires de constructions, dont l’édification a été assujettie à cette taxe au taux majoré à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme et qui doivent être raccordées à ces réseaux, le paiement de la participation pour le financement de l’assainissement collectif. »
En d’autres termes, la participation au financement de l’assainissement collectif et la taxe d’aménagement peuvent-elles se cumuler ?
Le Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative, dans la mesure où rien ne s’y opposait (avis commenté : CE, 18 juillet 2025, n° 502801 ).
L’article L. 1331-7 du Code de la santé publique dispose que :
« Les propriétaires des immeubles soumis à l’obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées en application de l’article L. 1331-1 peuvent être astreints par la commune, la métropole de Lyon, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent en matière d’assainissement collectif, pour tenir compte de l’économie par eux réalisée en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d’une telle installation, à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif.
Toutefois, lorsque dans une zone d’aménagement concerté créée en application de l’article L. 311-1 du code de l’urbanisme, l’aménageur supporte tout ou partie du coût de construction du réseau public de collecte des eaux usées compris dans le programme des équipements publics de la zone, la participation pour le financement de l’assainissement collectif est diminuée à proportion du coût ainsi pris en charge.
Cette participation s’élève au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose de l’installation mentionnée au premier alinéa du présent article, diminué, le cas échéant, du montant du remboursement dû par le même propriétaire en application de l’article L. 1331-2.
La participation prévue au présent article est exigible à compter de la date du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées de l’immeuble, de l’extension de l’immeuble ou de la partie réaménagée de l’immeuble, dès lors que ce raccordement génère des eaux usées supplémentaires.
Une délibération du conseil municipal, du conseil de la métropole de Lyon ou de l’organe délibérant de l’établissement public détermine les modalités de calcul de cette participation.
En cas de création d’une commune nouvelle, les délibérations concernant les modalités de calcul de cette participation qui étaient en vigueur sur le territoire de chaque ancienne commune sont maintenues au titre de l’année de création de la commune nouvelle. »
Afin d’expliciter cette possibilité de cumul, d’abord, le Conseil d’État a interprété la législation en vigueur :
« Il résulte de ces dispositions que la participation au financement de l’assainissement collectif, qui est due lors du raccordement au réseau public de collecte des eaux usées, vise à tenir compte de l’économie réalisée par les propriétaires d’immeubles en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d’une telle installation, son montant étant limité à 80 % du coût d’une telle installation individuelle, tandis que la taxe d’aménagement, qui est perçue à l’occasion de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme, a pour objet le financement de la réalisation des objectifs d’urbanisme de la commune, sa part communale pouvant être établie à un taux supérieur à 5 % dans les secteurs de la commune où l’importance des constructions nouvelles rend nécessaire la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics, dans la seule limite du coût des travaux ou équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans ces secteurs » (avis commenté : CE, 18 juillet 2025, n° 502801, point 3 ).
Ensuite, la Haute Juridiction s’est basée sur l’absence de législation contraire :
« À la différence de l’ancienne participation pour raccordement à l’égout, supprimée par la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 et à laquelle elle se substitue, la participation pour le financement de l’assainissement collectif, redevance qui ne constitue pas une participation d’urbanisme régie par le code de l’urbanisme, ne figure pas au nombre des contributions mentionnées à l’article L. 332-6-1 du code de l’urbanisme qui, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 331-15 du code de l’urbanisme, ne sont pas applicables dans les secteurs dans lesquels le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement est supérieur à 5 %. Plus généralement, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe n’interdit la perception de la participation au financement de l’assainissement collectif lorsque la construction raccordée au réseau d’assainissement collectif a été soumise à la taxe d’aménagement à un taux supérieur à 5 %, laquelle a un objet plus large que cette participation au financement de l’assainissement collectif » (avis commenté : CE, 18 juillet 2025, n° 502801, point 4 ).
Enfin, le juge administratif a tiré les conséquences de son raisonnement :
« Par suite, le propriétaire d’un immeuble qui a été assujetti, lors de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme, à la taxe d’aménagement au taux de la part communale ou intercommunale supérieur à 5 %, peut être astreint à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif au titre du raccordement obligatoire de son immeuble au réseau public de collecte des eaux usées, alors même que cette taxe d’aménagement a permis le financement de travaux substantiels de réseaux publics d’assainissement » (avis commenté : CE, 18 juillet 2025, n° 502801, point 5 ).
Force est donc de constater, pour paraphraser une formule célèbre, que si les bénéfices se divisent, la taxe et la participation s’additionnent.
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