Absence d’urgence à suspendre l’autorisation de capturer des alouettes des champs

Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)
Depuis le 1er janvier 2001 et l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, l’article L. 521-1 du Code de justice administrative dispose que :
« Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »
Le 15 octobre 2024, la Préfète des Landes a pris un arrêté par lequel elle a autorisé la Fédération départementale des chasseurs des Landes à capturer temporairement, à des fins scientifiques, des alouettes des champs, à l’aide de pantes, des doubles filets horizontaux utilisés pour prendre les oiseaux lorsqu’on les a fait se poser à l’aide d’appelants.
Le 20 octobre 2024, l’Association One Voice a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Pau de suspendre l’exécution de cet arrêté.
D’après l’Association requérante, l’urgence était caractérisée par les circonstances que l’alouette des champs est une espèce quasi menacée, que les oiseaux capturés seraient fortement perturbés et dérangés, que la période de capture s’achèverait le 20 novembre 2024, et que d’autres oiseaux étaient susceptibles d’être capturés.
La condition d’urgence était-elle remplie ?
Le juge des référés du Tribunal administratif de Pau a répondu à cette question par la négative (décision commentée : Tribunal administratif de Pau (ord.), 13 novembre 2024, n° 2402721).
Pour ce faire, il a notamment analysé la raison d’être de cet arrêté, à savoir le renouvellement d’une expérimentation déjà menée en 2023 :
« S’il ressort des pièces du dossier que l’alouette des champs, qui est un oiseau migrateur, est une espèce qui a été classée en 2016 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à l’échelon européen comme « préoccupation mineure », mais sur la liste rouge du comité français de l’UICN comme « quasi menacée », et si les associations requérantes soutiennent que la période de capture doit s’achever le 20 novembre 2024, que la décision attaquée autorise la capture de 15 000 spécimens qui seront fortement perturbés et dérangés, et que cette expérimentation est susceptible de provoquer la capture d’autres oiseaux, notamment protégés, l’arrêté attaqué prescrit que les oiseaux capturés, qu’ils soient ou non ciblés, doivent être immédiatement relâchés, que l’utilisation des pantes doit être assurée par des expérimentateurs ayant suivi une formation pour ce faire, que les mailles de ces filets ne peuvent être inférieures à 27 mm, que seule l’alouette des champs vivante peut être utilisée comme appelant, et que les pattes ne peuvent être tendues et déclenchées que de jour, en présence des expérimentateurs et après identification préalable de l’espèce ciblée. Le bilan de l’expérimentation sur la sélectivité de la capture de l’alouette des champs à l’aide de pantes réalisée par la fédération départementale des chasseurs des Landes du 21 octobre au 20 novembre 2023 fait état de ce que sur 108 coups de filet qui ont permis la capture de 323 alouettes des champs, aucune autre espèce d’oiseaux n’a été capturée et 33 spécimens ont été tués » (décision commentée : Tribunal administratif de Pau (ord.), 13 novembre 2024, n° 2402721, point 7).
La capture temporaire de l’alouette des champs, espèce protégée, est donc strictement encadrée, et le juge des référés en tire la conclusion logique, tout en respectant les droits de chacune des parties :
« Enfin, cette même fédération produit une attestation selon laquelle le bilan provisoire de l’expérimentation en cours d’exécution à la date du 7 novembre 2024 fait état de 583 alouettes des champs capturées au moyen de pantes et d’aucune autre espèce d’oiseaux capturée. Si l’association One Voice soutient que cette attestation lui est parvenue tardivement, cette circonstance ne l’a pas privée de produire avant la clôture de l’instruction un mémoire par lequel elle a pu faire valoir ses observations. Si elle indique également qu’il existe un doute sur l’exactitude des données fournies par cette attestation en l’absence d’une validation par les services de l’État et de l’existence d’un conflit d’intérêts tenant à ce que son auteur et le demandeur de l’expérimentation émanent de la même personne morale, ces seules circonstances ne permettent pas d’écarter des débats le document en cause dès lors que l’association requérante n’apporte aucun commencement de preuve sur le caractère irréaliste de ces données. Si elle rajoute que cette attestation ne précise pas les dates de capture et l’état de santé des oiseaux capturés, cette omission ne permet pas de présumer, en l’état des débats, que les pantes utilisées auraient eu un impact significatif sur ces spécimens » (décision commentée : Tribunal administratif de Pau (ord.), 13 novembre 2024, n° 2402721, point 7).
La condition d’urgence n’est donc pas remplie :
« Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la préfète des Landes, les conclusions des requêtes des associations One Voice et Ligue pour la protection des oiseaux présentées sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative doivent être rejetées » (Tribunal administratif de Pau (ord.), 13 novembre 2024, n° 2402721, point 8).
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