Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)
On sait que le Groupement de fait « les Soulèvements de la Terre » avait fait l’objet d’un décret de dissolution (décret du 21 juin 2023, JORF n°0143 du 22 juin 2023 Texte n° 15).
Ce décret avait été suspendu par le juge des référés du Conseil d’État (Conseil d’État, Référé collégial, 11 août 2023, n° 476385, téléchargeable sur Doctrine). Le Conseil d’État juge au fond (CE, 9 novembre 2023, 476384-476392-476392-476408-476946 : arrêt téléchargeable ci-dessous) que le Groupement « les Soulèvements de la Terre » s’est bien livré à des provocations à des agissements violents à l’encontre des biens, qui entrent dans le champ du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
Cependant, sur conclusions contraires de son rapporteur public, la Haute juridiction administrative estime que la dissolution des Soulèvements de la Terre ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public au vu des effets réels qu’ont pu avoir leurs provocations à la violence contre des biens, à la date à laquelle a été pris le décret attaqué.
Par ailleurs, le Conseil d’État estime qu’aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre.
Dès lors, les dispositions législatives du code de la sécurité intérieure n’ont pas été respectées, par exécutif lorsqu’il a décidé de prononcer la dissolution du groupement. Le décret de dissolution est donc annulé. La décision qui méritera un commentaire approfondi est téléchargeable ci-dessous en ce qu’elle éclaire la portée de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (JORF n°0197 du 25 août 2021). L’étendue du contrôle du juge sur les mesures de dissolution en sort approfondi.
Comme le relève le communiqué de presse de la Haute juridiction, Le Conseil d’État juge ainsi « qu’une dissolution n’est justifiée que lorsqu’une association ou un groupement incite des personnes à se livrer à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens (explicitement ou implicitement, par des propos ou des actes), légitime publiquement des agissements d’une gravité particulière ou s’abstient de modérer des incitations explicites à commettre des actes de violence publiées notamment sur ses réseaux sociaux« . Ces critères jurisprudentiels fondent un contrôle resserré des dissolutions.