Oil pollutionDans la lignée de ses décisions dites « Wattelez I » (Conseil d’Etat, 6 / 2 SSR, du 21 février 1997, 160787, inédit au recueil Lebon) et « Wattelez II » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26/07/2011, 328651), le Conseil d’Etat vient une fois encore d’affirmer que le propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés des déchets n’a qu’une responsabilité subsidiaire par rapport au producteur (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 354188).

Le Conseil d’Etat rappelle que le responsable des déchets ne peut être que le seul producteur ou détenteur des déchets et qu’ainsi le propriétaire du terrain ne peut être subsidiairement mis en demeure d’évacuer les déchets qu’à deux conditions :

– L’absence de producteur ou de détenteur connu ;

– La commission de la part du propriétaire d’une négligence particulière dans la gestion des déchets sur son terrain. 

« 3. Considérant que le responsable des déchets au sens de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, tel qu’interprété à la lumière des dispositions précitées de la directive du 5 avril 2006, s’entend des seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; que si, en l’absence de tout producteur ou tout autre détenteur connu de déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés ces déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l’obligation d’éliminer ces déchets, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt qu’un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s’il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 354188).

 

Le Conseil d’Etat censure ainsi le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait jugé légale une mise en demeure d’évacuation des déchets édictée par un maire à l’encontre de propriétaires de terrain, sans tenir compte du fait que la société chargée de l’exploitation du site, productrice de ces déchets, était connue :

« 5. Considérant que, pour juger que le maire avait pu légalement mettre ces sociétés en demeure de prendre les mesures nécessaires à l’évacuation des déchets situés sur ce terrain, la cour s’est fondée sur la circonstance qu’elles devaient être regardées, en leur seule qualité de propriétaires du terrain sur lequel avaient été stockés les déchets produits par la société chargée de l’exploitation du site, comme détentrices de ces déchets au sens des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, après avoir écarté comme inopérante la circonstance que la société chargée de l’exploitation du site, productrice de ces déchets, était connue ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 354188). 

Du point de vue du contentieux judiciaire des déchets -d’ordinaire relatif à la détermination des personnes supportant le coût de l’évacuation-, la Cour de Cassation adopte une position similaire à celle du Conseil d’Etat puisqu’elle fait peser sur le propriétaire du terrain une présomption simple de responsabilité susceptible d’être renversée par la démonstration de l’absence de comportement fautif de celui-ci (arrêt que nous avions commenté ici : https://www.green-law-avocat.fr/dechet-notion-de-proprietaire-detenteur-la-cour-de-cassation-rejoint-linterpretation-du-conseil-detat/).

Cette solution a une portée qu’il convient encore de mettre en perspective par rapport à l’exclusion de la directive mère sur les déchets des terres polluées non excavées. Car désormais une police des sites et sols pollués est instituée par le code de l’environnement (article L556-1 t. : Ordonnance n°2011-253 du 10 mars 2011 – art. 1 ), en dehors de toute référence aux déchets : »En cas de pollution des sols ou de risque de pollution des sols, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable ». Dans cet autre cadre reste à savoir si le raisonnement du Conseil d’Etat relatif au propriétaire détenteur négligeant et finalement « responsable » au nom du principe pollueur payeur trouvera à s’appliquer. La rédaction retenue pour l’institution de la nouvelle police incite à le penser mais s’agissant de désigner le débiteur de l’obligation de remise en état le Conseil, qui peut le plus, nous a habitué à faire pour ainsi dire le moins …

Me Anaïs  DE BOUTEILLER (Green Law Avocat)