La proposition de Loi Brottes concernant la tarification progressive de l’énergie et les mesures relatives à l’éolien a été définitivement adoptée par le Parlement.Vous la trouverez dans sa version définitivement adoptée ici: Loi Brottes adoptée.
Le texte comprend notamment plusieurs mesures de simplification saluées par la filière éolienne :
- suppression des ZDE (Zones de Développement de l’Eolien) qui se superposaient avec les Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE),
- suppression de la règle des cinq mâts minimum,
- dérogation à la Loi Littoral pour les territoires ultramarins facilitant l’implantation de parcs éoliens en bord de mer,
- Enfin, le texte va permettre le raccordement à terre des énergies marines renouvelables qui, jusqu’alors, s’avérait complexe, voire impossible à réaliser.
Le Site GREEN UNIVERS a eu l’amabilité d’interroger David DEHARBE sur les conséquences de cette adoption, dont vous trouverez ci-après les premiers éléments d’analyse.
Il faut rappeler que la loi Brottes n’entrera en vigueur qu’au lendemain de sa publication au Journal Officiel de la République Française (JORF), après promulgation par le Président de la République. Il n’y a pas de motif pour que les dispositions relatives à l’éolien voient leur application retardée car la rédaction de la loi est assez précise et qu’aucune disposition ne renvoie expressément à un décret d’application. Normalement, le Président a 15 jours, à compter de l’adoption de la loi, pour la ratifier. Il faut noter cependant que la saisine du Conseil Constitutionnel (ici par l’opposition : par 60 députés ou 60 sénateurs au minimum) dans les 10 jours entraîne la suspension de ce délai.
Plusieurs avancées concrètes doivent être saluées.
- Ainsi, la suppression des ZDE est une très bonne nouvelle à plusieurs titres.
Tout d’abord pour les opérateurs éoliens, la superposition des ZDE et des Schémas Régionaux Eoliens (SRE) constituait une double contrainte mais aussi, et surtout, un risque juridique. La situation était la suivante : même quand un projet de parc était situé au sein d’une zone répertoriée comme favorable par le SRE, il était absolument nécessaire qu’une ZDE soit créé sur ce même territoire afin que le projet puisse bénéficier de l’obligation d’achat, condition nécessaire à la faisabilité économique du projet. Or de nombreuses ZDE ont fait l’objet de recours devant le juge administratif et leur annulation contentieuse revenait à une perte pure et simple du tarif. Désormais pour bénéficier de l’obligation d’achat, un parc éolien ne devra « seulement » être situé dans une zone favorable du SRE applicable ; encore que cette exigence n’est qu’indirecte le parc devant sans doute se trouver en zone favorable pour être autorisé au titre des ICPE. Cela lève l’incertitude sur l’obtention du tarif d’achat réglementé pour les opérateurs. Et puis, la suppression d’une procédure parmi toutes celles auxquelles est déjà soumis un parc éolien ne peut pas nuire dans un contexte où le développement de cette énergie est une nécessité.
- Les dérogations à la loi littoral mettent fin à des éléments de blocage sur le déploiement de l’éolien offshore et outre-mer.
Tout d’abord, la loi Littoral est assortie d’une dérogation qui permettra de raccorder les futurs parcs éoliens offshore au réseau électrique terrestre, à condition de ne pas porter atteinte à l’environnement et/ou aux sites et paysages remarquables. Cette dérogation était nécessaire dans la mesure où le gouvernement a lancé deux appels offres portant au total sur la création de 6 parcs offshore au large des côtes françaises.
Concernant la dérogation pour l’Outre-mer, celle-ci met fin à une situation saugrenue provoquée par l’empilement de deux lois contradictoires.
En effet, la loi Littoral, qui instaure le principe d’urbanisation en continuité avec l’existant, entrait en contradiction avec la loi Grenelle II, qui dispose que les éoliennes doivent être implantées à 500 mètres minimum des habitations existantes. Les éoliennes se sont donc retrouvées de fait, interdites dans les DOM alors les zones littorales disposent traditionnellement d’un fort potentiel éolien. Cette dérogation facilitera la construction de parcs éoliens dans les DOM (arrêté du préfet après avis des commissions compétentes en matière de nature, de paysages et de sites). Néanmoins, on ne peut que regretter que la dérogation ne concerne que l’outre-mer car des situations comparables existent dans les communes littorales de France métropolitaine.
- La suppression de la règle des cinq mats redonne d’abord une chance de développement aux petits parcs qui bien souvent sont la condition dans certaines zones d’une réelle intégration paysagère (en Bretagne ou en Basse-Normandie en particulier, mais aussi dans l’Avesnois ou les Flandres pour le Nord-Pas-de-Calais) et qui privés du bénéfice de l’obligation d’achat voyaient la France amputer son potentiel éolien terrestre de plusieurs centaines de MW.
Par ailleurs, l’abrogation de l’exigence des cinq mâts permettra encore le développement de l’éolien à proximité de zones industrielles ou zones d’activité, où il n’y a pas forcément beaucoup de place (d’autant que les volets éoliens des SRCAE identifient les zones d’activité)
Enfin, la suppression des cinq mats facilite la densification de parcs existants par quelques machines. On ne pourra plus, en tout état de cause, être tenté de leur opposer l’ancienne règle de 5 ma^ts.
Pour autant, sur le terrain des ICPE, la qualification de “modification substantielle” du parc existant (auquel on ajoutera une ou plusieurs éoliennes sans forcément qu’elles soient au minimum de 5), demeure entière (avec le recours non pas à un simple arrêté complémentaire sans enquête publique mais le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation d’exploiter), et ce au-delà bien évidemment de l’exigence d’un PC.
En revanche, la réforme de l’autorisation d’exploiter ICPE n’est pas rassurante: le projet de loi adopté dispose le préfet devra désormais « tenir compte » des parties favorables à l’éolien dans les Schémas Régionaux Eolien (SRE) existants. On peut dès à présent prédire que cette disposition posera de sérieux problèmes aux opérateurs pour au moins trois raisons:
– L’Etat donne ici une portée réglementaire à la planification par rapport à l’autorisation de police que constitue le titre ICPE … qui doit déjà compter avec le PLU lorsqu’il existe.
– Au demeurant, la notion de “prise en compte” n’est définie nulle part et sera donc soumise à l’appréciation du juge.
– Pour finir, la situation dans laquelle un SRE est en cours d’approbation n’est pas prévue, ce qui pose la question de sa prise en compte ou non par le préfet dans sa décision d’autorisation. Seul l’avenir et les futures décisions du juge administratif sur le sujet nous permettront de répondre à cette question, ce qui n’est guère rassurant.
En cas d’éventuelle déclaration de non-conformité par le Conseil constitutionnel des dispositions législatives non relatives aux éoliennes (notamment bonus malus sur le prix de l’énergie), il s’agirait d’une hypothèse où la loi ne serait pas déclarée dans sa totalité contraire à la constitution. Les dispositions valides ici relatives aux éoliennes seraient séparables des autres. Dans ce cas, le Président de la République peut encore promulguer le texte
– soit après amputation des dispositions non conformes;
– soit après substitution de nouvelles dispositions législatives conformes.
L’adoption de cette loi pose la question des obstacles restants pour favoriser la reprise de l’éolien en France, alors qu’il n’a été raccordé que 757 MW en 2012, soit une baisse de plus de 35% par rapport à 2010.
Pour commencer, il serait bon d’étendre la dérogation sur la loi littoral accordée à l’Outre-mer aux communes de France métropolitaine.
Mais plus important encore, il faut impérativement que l’arrêté concernant le tarif d’achat soit consolidé (il fait l’objet d’une question préjudicielle devant la CJUE risquant d’entrainer son annulation), sans quoi la suppression des ZDE ne donnera que trop peu d’air aux opérateurs éoliens. En effet, à quoi bon être plus facilement éligible à un tarif d’achat garanti dès lors que le dispositif même de ce tarif risque de se trouver annulé ?
D’autre part, le classement ICPE des éoliennes est, à ntore sens, une aberration qui a stoppé le développement de la filière éolienne terrestre. Lamgré son discours pro-ENR, la nouvelle majorité n’est pas capable que la précédent d’imposer à nos élites pro-nucléaires de la DGPR de renoncer au classement ICPE des éoliennes. Nous sommes attristés du rejet par la Ministre de l’Ecologie Delphine Batho, de l’amendement sollicitant le déclassement au titre qu’il s’agirait d’une procédure efficace et pertinente”.
David Deharbe
Avocat Associé
Green Law Avocat