Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)
Par une ordonnance du 5 mars 2020 (CE ord. 5 mars 2020, Associations PRIARTEM et autre, n° 438761), le juge du référé-suspension du Conseil d’Etat a rejeté pour défaut d’urgence la demande de suspension du dispositif de déploiement de la 5G en France.
Les associations PRIARTEM et Agir pour l’environnement ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre le décret fixant les prix de réserve et les redevances pour l’utilisation des bandes de fréquences nécessaires au déploiement de la 5G, et l’arrêté organisant la procédure d’appel d’offre, d’enchère puis de déploiement après octroi des fréquences aux opérateurs. Elles critiquent notamment l’absence d’évaluation environnementale préalable au déploiement de la 5G, et ses conséquences environnementales et sanitaires.
Après avoir constaté que les premières autorisations d’utilisation de fréquences délivrées aux opérateurs mobiles ne pourraient donner lieu à des communications effectives utilisant le nouveau standard que sur des points limités et seulement à partir de l’été, et prenant en compte l’intervention d’une décision au fond avant l’été 2020, le juge des référés a en conséquence estimé que l’urgence qui justifie son intervention n’était pas constituée.
Le passage à la 5G en France suit un processus en plusieurs étapes, lequel a débuté par le lancement d’une « feuille de route » par le Gouvernement et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en juillet 2018. Dans ce contexte, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a proposé, le 21 novembre 2019, au ministre chargé des communications électroniques, les modalités et conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,4 – 3,8 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre ouvert au public. Les modalités financières de ces attributions ont été fixées, d’une part, par l’arrêté du 30 décembre 2019 s’agissant de la fixation des prix de réserve et, d’autre part, par le décret du 31 décembre 2019 s’agissant de la fixation des redevances éligibles et des modalités de versements. Une consultation publique a été conduite du 28 novembre au 12 décembre 2019 visant à recueillir les contributions des acteurs intéressés par la procédure attribution de fréquences 5G.
Aussi pour le juge des référés, « le décret dont la suspension est demandée n’a pour objet que de fixer des montants de redevance et des prix de réserve. La mise en œuvre de ces dispositions, qui ne peut intervenir qu’au terme de la procédure d’octroi des fréquences régies par l’arrêté également contesté, est par elle-même dépourvue de toute conséquence en matière environnementale ou de santé, seules invoquées par les associations requérantes pour établir l’urgence de la suspension demandée ».
Le juge de l’urgence relève encore : « à supposer que l’arrêté critiqué ait pour effet les conséquences alléguées en matière d’environnement, de santé et de consommation énergétique, ces conséquences ne pourront se manifester qu’après que l’attribution des fréquences qu’il régit aura commencé de recevoir exécution, c’est-à-dire, selon les informations recueillies lors de l’audience publique, au cours de l’été 2020, et dans la seule limite du déploiement initial des systèmes de 5ème génération, borné vraisemblablement à une aire urbaine. Cette situation est d’autant moins constitutive d’une urgence que la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat est en mesure d’inscrire au rôle d’une formation de jugement les requêtes au fond introduites à l’encontre du décret et de l’arrêté, de manière à ce qu’elles fassent l’objet d’une décision avant l’été 2020 ».
On l’aura compris, pour le juge des référés du Conseil d’Etat la condition d’urgence n’est pas satisfaite.
Reste que pour sa part l’Anses (Exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication «5G» et effets sanitaires associés – Saisine n°2019-SA-0006) reconnaît que trois questions pour le moins essentielles demeurent en suspens :
- « Compte tenu du manque de données dans la bande autour de3,5GHz, peut-on extrapoler à cette bande les résultats des expertises précédentes sur les effets sanitaires des radiofréquences (8,3kHz-2,45GHz)?
- À partir des données de la littérature disponibles dans les fréquences entre 20 et 60GHz, peut-on identifier des effets sanitaires potentiels?
Compte tenu des spécificités des signaux de la 5G, peut-on anticiper l’exposition des populations et son impacts sanitaire? »