Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)
Le tribunal administratif de La Réunion avait annulé en décembre 2016 le refus opposé par le maire de l’Etang‐Salé à l’aménagement d’un parc zoologique dans la forêt départementale sur le territoire de la commune de l’Etang‐Salé.
Le refus de la commune était motivé par l’aggravation du risque incendie pour la forêt, surtout en période de sécheresse, par les difficultés de stationnement, particulièrement les week‐ends, et, enfin, par le risque d’évasion des oiseaux rapaces du parc. Le tribunal a toutefois considéré, en vertu du principe d’indépendance des législations, que ce dernier motif ne concernant que l’activité même du parc et non les aménagements soumis à l’autorisation d’urbanisme.
Le même tribunal administratif vient de rejeter par deux jugements du 14 décembre 2017 (TA La Réunion, 14 décembre 2017, Association citoyenne de Saint-Pierre (ACSP) et autres, n°1401324 et n° 1500484) les recours de trois associations et d’une société contre un arrêté préfectoral en date du 8 avril 2014 autorisant l’exploitation d’un parc animalier dans la forêt de l’Etang-Salé.
Ces trois associations locales de protection de la nature ou de l’environnement et une société concurrente avaient en effet contesté la légalité de l’autorisation d’exploitation accordée par le préfet de La Réunion sur la base d’un DDAE déposé au titre de la rubrique n° 2140 de la nomenclature ICPE, pour un nouveau parc animalier de 4,5 hectares permettant la présentation au public sur un parcours pédestre de deux kilomètres de 680 animaux sauvages, dont 350 oiseaux, 60 mammifères et 270 reptiles, et prévoyant notamment la présentation de rapaces en vols.
Le Tribunal a tout d’abord écarté les contestations portées sur la composition du dossier de demande, et notamment de l’étude d’impact, estimant au contraire que celle-ci était suffisante, notamment pour apprécier les effets du projet en termes de trafic routier, analyser les impacts cumulés avec les projets connus, apprécier les risques de pollution des points d’eau situés à proximité et l’impact de la consommation d’eau quotidienne de l’installation sur les capacités des réseaux de distribution d’eau, analyser la richesse de la faune et de la flore du site, ou encore apprécier le risque d’évasion des animaux et notamment des rapaces prédateurs.
Puis la juridiction a jugé au fond que les conditions d’exploitation du parc, compte des mesures prises, étaient suffisantes pour assurer la protection des intérêts auxquels elle était susceptible de porter atteinte, notamment la protection de la faune et de la flore locales, le risque d’évasion des animaux et en particulier des rapaces, ou encore la conservation des ressources hydrauliques, mais aussi le risque incendie et celui lié l’augmentation du trafic routier et en particulier le stationnement des véhicules.
A cette occasion, le Tribunal administratif de La Réunion a jugé que le principe de non-régression de la protection de l’environnement n’était pas directement invocable contre la décision d’autorisation d’exploitation d’une installation classée au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement afférente au parc.
Au visa de l’article 110-1 du code de l’environnement dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dans l’espèce n° n°1401324 on peut lire ce considérant :
« que les dispositions précitées du 9° du II de l’article de l’article L. 110-1 du code de l’environnement énoncent un principe d’amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ; que si ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées directement à l’encontre d’une décision non-réglementaire d’autorisation d’exploitation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant ».
Ainsi la juridiction refuse une invocabilité directe du principe de non-régression.
Cette solution trouve assurément un fondement solide tant dans le texte qui pose le principe que dans la lecture qu’en a fait le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’Etat.
En effet l’article L 110 l’article L. 110-1 du code de l’environnement, depuis l’intervention de la loi 2016-1087 du 8 août 2016 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage », s’adresse bien au législateurs et au pouvoir réglementaire : « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».
Quant au Conseil constitutionnel il a, pour sa part, reconnu une portée normative en ce qu’il« s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (décision n°2016-737 DC du 4 août 2016).
Enfin par un arrêt du 8 décembre 2017 (n°404391 : cf. son commentaire par Maître Bécue sur ce même blog) destiné à être mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat supprime, sur le fondement du principe de non-régression du droit de l’environnement et en ces termes, une partie du contenu de la rubrique n°44 « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » de la nomenclature déterminant les projets soumis à étude d’impact figurant en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement : « Considérant qu’une réglementation soumettant certains types de projets à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale alors qu’ils étaient auparavant au nombre de ceux devant faire l’objet d’une évaluation environnementale de façon systématique ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement énoncé au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement dès lors que, dans les deux cas, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent faire l’objet, en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, d’une évaluation environnementale ; qu’en revanche, une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine ».