Priorités de l’inspection des ICPE pour 2022 : un programme chargé mais rien de très nouveau

Par Maître Marie-Coline, avocate collaboratrice (Green Law Avocats)

Par une instruction du 22 décembre 2021, mise en ligne le 4 janvier 2022, le ministre de la transition écologique a défini les actions prioritaires de l’inspection des installations classées pour l’année 2022.

La pédagogie et l’efficacité de la mesure de police justifient encore juridiquement ses excès…

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Par deux ordonnances du 6 septembre 2020 (n° 443750 et 443751), le juge des référés du Conseil d’Etat s’était prononcé sur la possibilité d’imposer le port du masque sur le territoire de communes où le virus du covid-19 circule activement. Or il avait jugé que si cette obligation doit être proportionnée au risque réel, elle doit aussi être facilement compréhensible et applicable par tous ce qui permet son extension générale à toute une commune densément peuplée, à l’exclusion des activités sportives. Cette position semblait faire une entorse à l’exigence de proportionnalité des mesures de police, acquise de longue date en jurisprudence (CE, 19 mai 1933, Benjamin) et a été abondement commentée et critiquée (cf. Commentaires sur ces affaires recensés sur doctrine). Saisi de la décision du Premier ministre donnant instruction aux préfets de mettre en œuvre l’obligation de port du masque en extérieur, le Conseil se fait encore l’écho dans une ordonnance du 11 janvier 2022 (n°46002) de la pédagogie de la mesure de police pour justifier ce que certains peuvent tenir pour des restrictions excessives à la liberté individuelle. La haute juridiction assez classiquement que la contamination en extérieur est moins probable mais possible et que, « dans ce contexte, une obligation de porter le masque à l’extérieur, lorsque la situation épidémiologique localement constatée le justifie, en cas de regroupement ou dans les lieux et aux heures de forte circulation de population ne permettant pas le respect de la distanciation physique, n’apparaît pas, à la date de la présente ordonnance, manifestement dénuée de nécessité ». Mais surtout, au visa du IV de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, le juge des référés du Conseil d’Etat fait valoir que « des dispositions rendant obligatoire le port du masque en extérieur doivent être justifiées par la situation épidémiologique constatée sur le territoire concerné. Elles ne peuvent être proportionnées que si elles sont limitées aux lieux et aux heures de forte circulation de population ne permettant pas d’assurer la distanciation physique et aux lieux où les personnes peuvent se regrouper, tels que les marchés, les rassemblements sur la voie publique ou les centres-villes commerçants, les périodes horaires devant être appropriées aux risques identifiés. Le préfet, lorsqu’il détermine, pour ces motifs, les lieux et les horaires de port obligatoire du masque en plein air, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour que la règle soit compréhensible et son application cohérente ».

La promotion de la bagnole juridiquement révolue

Par Maître Vanessa SICOLI (Green Law Avocats) Si le slogan « Pour votre santé, évitez de manger trop gars, trop sucré, trop salé » est bien connu du grand public dès lors qu’il fut imposé depuis 2007 dans les publicités relatives à l’alimentation, celles relatives aux véhicules terrestres à moteur vont bientôt subir le même sort. En application de la loi Climat et Résilience promulguée et publiée au Journal officiel le 24 août 2021 et de la loi d’orientation des mobilités (LOM) publiée au Journal officiel le 26 décembre 2019, quatre nouveaux textes (deux décrets et deux arrêtés) venant réglementer les publicités en faveur des véhicules terrestres à moteur ont été publiés au Journal officiel du 29 décembre 2021. Ces nouvelles obligations entreront en vigueur le 1er mars 2022. Tout d’abord, le décret n° 2021-1840 du 28 décembre 2021 relatif aux publicités en faveur des véhicules à moteur modifie aussi bien le Code de l’environnement que le Code de la route. Il est accompagné d’un arrêté du 28 décembre 2021 pris pour l’application de l’article R. 229-105 du code de l’environnement fixant les modalités exactes de cette obligation. Ce décret apporte comme modification l’obligation d’afficher la classe d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) pour « toute publicité en faveur d’une voiture particulière, au sens du 1.4. de l’article R. 311-1 du code de la route, soumise à l’obligation de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone ». Par voiture particulière il faut comprendre, selon les indications du Code de la route, un véhicule de catégorie M1 (jusqu’à huit places assises), entre 600 kilogrammes et 3,5 tonnes. Le terme « publicité » doit être entendu de manière large dès lors que ce décret prévoit que cette obligation « est applicable aux publicités diffusées au cinéma, aux publicités émises par les services de télévision, par voie de services de communication au public en ligne, et tout imprimé mentionné à l’article 5 du décret n° 2002-1508 du 23 décembre 2002 relatif à l’information sur la consommation de carburant et les émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières neuves. ». Cette information sera effectuée par la biais d’un visuel reprenant un gradient de sept classes d’émissions de dioxyde de carbone (de A à G) : Pour conclure, tout véhicule de catégorie M1 (jusqu’à huit places assises), entre 600 kilogrammes et 3,5 tonnes, soumis à l’obligation de mesure de la consommation de carburant et des émissions de dioxyde de carbone, devra, sous la forme du visuel présenté ci-dessus, mentionner son taux d’émission CO2 (en grammes par kilomètre) sur un gradient de sept « classes » (de A à G). Ensuite, le second décret n° 2021-1841 du 28 décembre 2021 est relatif à la promotion des mobilités actives, ou partagées, ou des transports en commun dans les messages publicitaires en faveur de véhicules terrestres à moteur. Il est accompagné d’un arrêté du 28 décembre 2021 pris pour l’application de l’article D. 328-3 du code de la route venant préciser cette obligation. Concernant toutes publicités « dans et hors les lieux de vente » en faveur de la vente ou de la location de longue durée de véhicules de tourisme (à l’exception des véhicules à usage spécial accessibles en fauteuil roulant) et de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur appartenant à la catégorie L, elles devront être accompagnées d’un message promotionnel encourageant l’usage des mobilités actives, partagées ou des transports en commun. Ce décret définit qu’elles sont les mobilités promues : la location ou l’usage en libre-service de cycles, cycles à pédalage assisté et engins de déplacement personnels ; l’activité d’auto-partage au sens de l’article L. 1231-14 du code des transports ; l’activité de covoiturage au sens de l’article L. 3132-1 du code des transports ; le transport public collectif ainsi que le transport ferroviaire ou guidé. Ces publicités devront être accompagnées d’un des messages suivants : « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo » ; « Pensez à covoiturer », et « Au quotidien, prenez les transports en commun ». Aussi, les publicités relatives aux véhicules terrestres à moteur se dotent d’un nouveau hashtag : « #SeDéplacerMoinsPolluer » qui accompagnera chacun des messages susmentionnés. Enfin, des sanctions sont prévues par le décret n° 2021-1840 du 28 décembre 2021 en cas de non-respect de ces nouvelles obligations, applicables à partir du 1er juin 2022. La personne habilitée à sanctionner le cas échéant est le Ministre chargé des transports. Il pourra dans un premier temps mettre en demeure l’annonceur dans un délai qu’il détermine. En cas de non-respect de cette mise en demeure, une sanction pécuniaire pourra être prononcée de manière proportionnée à l’importance, la fréquence et la durée du manquement, au type de support publicitaire et à la situation de l’annonceur, sans pouvoir excéder 50 000 euros par diffusion. En cas de récidive, le montant de l’amende peut être porté à 100 000€. Reste à voir quel sera le véritable impact de ces nouvelles dispositions sur les émissions de CO2.

Contentieux indemnitaire du PV urbanistique : compétence judiciaire

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats) Aux termes d’une décision du 11 octobre 2021, le Tribunal des Conflits a décidé qu’un litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de l’établissement ou de la transmission d’un procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme à l’autorité judiciaire relevait de la juridiction judiciaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute de service ou dans une faute personnelle détachable (TC, 11 octobre 2021, n° C4220, mentionnée aux tables du recueil Lebon, consultable ici).  Cette décision vient fort logiquement compléter la jurisprudence relative à la répartition des compétences sur les préjudices nés d’actes de police judiciaire. Rappel des faits Dans cette affaire, un agent de la direction départementale des territoires (DDT) avait établi un procès-verbal d’infraction constatant, sur une parcelle de terrain, la construction d’un chalet en bois destiné à l’habitat d’une surface totale d’environ 40 m², ayant fait l’objet d’un refus de permis de construire le 31 mars 2008. A la suite de la transmission de ce procès-verbal à l’autorité judiciaire, le propriétaire du terrain a été poursuivi pour avoir exécuté des travaux non autorisés par un permis de construire mais a été relaxé par le tribunal correctionnel. Le 10 janvier 2019, le propriétaire du terrain a assigné l’agent de la DDT devant le tribunal de grande instance sur le fondement de l’article 1241 du code civil en lui reprochant d’avoir établi et transmis un procès-verbal mensonger. Par une ordonnance du 13 juin 2019, le juge de la mise en état de ce tribunal, saisi d’une exception d’incompétence, a dit que le litige relevait de la juridiction judiciaire. Par un arrêt du 27 février 2020, la cour d’appel a infirmé l’ordonnance au motif que la faute reprochée à l’agent de la DDT dans l’exercice de ses fonctions d’agent public n’était pas détachable du service et a décliné la compétence de la juridiction judiciaire. Le propriétaire du terrain a alors saisi le tribunal administratif d’une demande indemnitaire dirigée contre l’Etat qui a, par une ordonnance du 11 septembre 2020, rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Par un arrêt du 27 avril 2021, la cour administrative d’appel a considéré que le litige relevait de la compétence des juridictions judiciaires et a renvoyé, en conséquence, la question de compétence au Tribunal des Conflits, en application de l’article 32 du décret du 27 février 2015. Question de droit Le Tribunal des Conflits devait donc déterminer si un litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de l’établissement ou de la transmission d’un procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme à l’autorité judiciaire relevait de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif. Réponse du Tribunal des Conflits Le Tribunal des Conflits a jugé que l’action indemnitaire à la suite de la transmission au procureur de la République du procès-verbal constatant une infraction aux règles d’urbanisme relevait de la compétence de la juridiction judiciaire après avoir posé le principe suivant : « 5. Le procès-verbal d’infraction dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme ayant le caractère d’un acte de police judiciaire, le litige relatif à l’indemnisation du préjudice né de son établissement ou de sa transmission à l’autorité judiciaire relève de la juridiction judiciaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si le dommage trouve son origine dans une faute de service ou dans une faute personnelle détachable. »  Analyse Cette attribution du litige à la juridiction judiciaire s’inscrit de façon très cohérente avec la jurisprudence existante. Certes, il existe un principe de répartition des compétences concernant les fautes causées par un agent public selon lequel : « la réparation de dommages causés par un agent public peut être demandée au juge judiciaire lorsqu’ils trouvent leur origine dans une faute personnelle de cet agent, au juge administratif lorsqu’ils trouvent leur origine dans une faute non détachable du service ou encore à l’un et l’autre des deux ordres de juridiction lorsqu’ils trouvent leur origine dans une faute qui, bien que personnelle, n’est pas dépourvue de tout lien avec le service ; qu’il en va ainsi indépendamment de la personne contre laquelle l’action est engagée ; » (TC, 15 juin 2015, n° C4007, Publié au recueil Lebon). Néanmoins, ce principe doit s’articuler avec celui selon lequel :  « les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l’autorité judiciaire » (TC, 2 juillet 1979, n° 02134 ; voir également en ce sens, à propos spécifiquement d’un procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, CE, 6 février 2004, n°256719, publié au recueil Lebon). De la combinaison de ces principes, le Tribunal des Conflits a déjà pu déduire que :  « sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l’Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; qu’en revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d’éventuelles conséquences dommageables de l’acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en application des dispositions précitées de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République, dès lors que l’appréciation de cet avis n’est pas dissociable de celle que peut porter l’autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur » (TC, 8 décembre 2014, n° C3974, Publié au recueil Lebon) Il paraissait dès lors logique qu’une action en réparation fondée sur un manquement qu’aurait commis un agent public en dressant un procès-verbal en matière d’infraction d’urbanisme relève de la juridiction judiciaire, cette action se rattachant directement à une procédure judiciaire. Une solution similaire avait d’ailleurs déjà été adoptée concernant qu’une action en réparation fondée sur un manquement qu’aurait commis un agent public de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) en dressant des…