Affaire Metaleurop : Inertie fautive de l’Etat et le retour du saturnisme infantile !

Affaire Metaleurop : Inertie fautive de l’Etat et le retour du saturnisme infantile !

Par Maître David DEHARBE, Avocat gérant (Green Law Avocats)

Dans le cadre de l’affaire Metaleurop, le Cabinet Green Law Avocats a publié un communiqué de presse de l’association P.I.G.E. et de parents d’enfants atteints aujourd’hui de saturnisme sur les communes d’EVIN-MALMAISON et DE COURCELLES-LES-LENS

Construction : précisions sur la notion d’ouvrage immobilier avec une fonction industrielle (Cass, 4 avril 2019)

Commentaire de Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 avril 2019, 18-11.021, Publié au bulletin – Par Me Valentine SQUILLACI, avocat of counsel – Green Law Avocats La notion juridique « d’ouvrage immobilier » conditionne l’application des règles relatives à la responsabilité sans faute des constructeurs et fait l’objet d’une jurisprudence abondante dès lors qu’elle n’est pas définie par le Code Civil. L’article 1792 du code civil dispose que le constructeur est responsable envers celui qui commande la réalisation de la construction (le maître d’ouvrage), pendant 10 ans à compter de la réception, des dommages affectant l’ouvrage, un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement indissociable. En l’absence de définition de ces notions, il est revenu au juge d’en esquisser les contours. Extension du champ de la garantie décennale La Cour de cassation, par un arrêt du 4 avril 2019 (Cass, 3e Civ., 4 avr.2019, n°18-11.021, n°290), poursuit un mouvement d’extension du champ de la garantie décennale par l’adoption d’une conception souple de l’ouvrage immobilier. En effet, elle y réaffirme la notion d’ouvrage immobilier participant à une fonction industrielle. En l’espèce, différentes sociétés assurées au titre de la garantie décennale se sont vues confier la réalisation d’une installation de manutention de bobines d’aciers. Cette installation, composée d’une structure fixe et d’une structure mobile (pont roulant), permettait le déplacement des bobines d’un point à un autre de l’usine. Des désordres étant apparus, le maître d’ouvrage a diligenté une expertise qui a révélé des défauts de conception rendant l’ouvrage impropre à sa destination. Il a donc engagé la responsabilité des différents intervenants afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices. La cour d’appel qualifie l’installation d’ouvrage immobilier, ce qui induit l’engagement de la responsabilité des maîtres d’œuvres au titre de la garantie décennale ainsi que la garantie de leurs assureurs responsabilité décennale respectifs. Ces derniers, pourvus en cassation, s’attachent à démontrer que l’installation litigieuse est un élément d’équipement « dont la fonction est purement industrielle ». En effet, avant la réforme de l’assurance-construction opérée par l’ordonnance du 9 juin 2005 et l’introduction de l’article 1792-7, excluant du champ de la responsabilité décennale « les équipements dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage », la jurisprudence avait, de son propre chef, exclu les process industriels du champ d’application de la garantie décennale (Cass, 3e Civ., 4 nov. 1999, 98-12.510, Bull). Les tribunaux considéraient en effet que la défaillance de l’outil de travail compromet l’activité de l’entreprise, mais sans avoir d’incidence sur l’usine qui l’abrite et qui continue à remplir sa fonction d’”ouvrage”. Ainsi, les juges excluaient du régime de la responsabilité décennale et de l’assurance obligatoire les dommages atteignant les éléments d’équipement exclusivement professionnels, au motif que ces éléments ne sont pas destinés à répondre aux contraintes d’exploitation et d’usage de l’ouvrage. C’est pourquoi les auteurs du pourvoi avaient intérêt à soutenir que l’installation défectueuse constituait un élément d’équipement industriel ne pouvant pas être assimilé à un ouvrage. Ces derniers ont ainsi fait valoir devant la Cour que  : L’installation avait pour finalité la manutention des colis, sa fonction exclusive est donc de permettre l’exercice d’une activité professionnelle ; De surcroît, l’installation fixe pouvait être ôtée ou déplacée sans détériorer le bâtiment ou compromettre son usage. La cour de cassation rejette les arguments des maîtres d’œuvre « ayant relevé que les travaux confiés à la société Couturier concernait des travaux de charpente métallique, couverture, bardage, création de poutres et poteaux métalliques, […] la cour d’appel, qui, motivant sa décision et répondant aux conclusions prétendument délaissées, a pu en déduire, […], que cette installation constituait un ouvrage et que son ancrage au sol et sa fonction sur la stabilité de l’ensemble permettaient de dire qu’il s’agissait d’un ouvrage de nature immobilière, a légalement justifié sa décision de ce chef ; »   Un ouvrage immobilier à fonction industrielle Pour qualifier le bien d’ouvrage immobilier en dépit d’une fonction industrielle affirmée, la cour a recours à la réunion de trois critères : ancrage au sol, importance des travaux et participation de l’installation à l’intégrité de la structure. Un ouvrage immobilier se définit classiquement par l’existence d’un ancrage au sol ou au sous-sol ayant nécessité des travaux de fondation ou d’implantation. C’est en l’espèce ce que retient la cour qui rappelle que « l’ensemble charpente-chemin de roulement était constitué d’une structure fixe ancrée au sol, dont l’ossature reposait sur des poteaux fixes érigés sur des fondations en béton […] ». L’ampleur des travaux semble également avoir été retenue par la Cour afin de qualifier l’ouvrage immobilier : « Mais attendu qu’ayant relevé que les travaux confiés à la société C…concernaient des travaux de charpente métallique, couverture, bardage, création de poutres et poteaux métalliques […] ». L’énumération de ces différents travaux nécessaires à la construction met l’accent sur leur importance. Cette solution est à rapprocher d’un cas à l’occasion duquel la cour avait qualifié d’ouvrage immobilier une canalisation de six kilomètres en dépit de l’absence d’ancrage au sol (Cass. 3e civ., 19 janv. 2017, n° 15-25.283, Bull.). La cour retient enfin la participation de l’installation à l’intégrité de la structure afin de lui reconnaitre la nature d’ouvrage immobilier. En l’espèce, l’installation litigieuse, en sus d’être ancrée au sol, remplissait une fonction au regard de la stabilité de la charpente du bâtiment, ce qui permet à la cour d’écarter la qualification d’élément d’équipement à vocation industrielle. Ici, la Cour de cassation applique une acception stricte de cette notion, acception qui correspond d’ailleurs au texte de l’article 1792-1 issu de la réforme de 2005, donc postérieur aux faits de l’espèce. En effet, l’article 1792-7 dispose que « ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage […] les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. » Or en l’espèce, il ressort de la motivation de la cour de cassation que l’installation ne remplissait pas une fonction exclusivement industrielle. La réunion de ces trois critères permet ainsi d’exclure la qualification d’élément d’équipement à vocation industrielle.   Cette solution ou cette méthode d’appréciation de la nature…

Les causes d’exonération d’un dommage de travaux publics : Attention, terrain glissant ! (CAA Bordeaux, 17 nov.2014)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux (formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795) vient de rendre une intéressante décision en matière d’indemnisation du fait d’un dommage de travaux publics. Le 19 avril 2000, à la suite d’une période de précipitations intenses, un glissement de terrain sur les pentes du Mont Cabassou, dans la commune de Rémire-Montjoly (Guyane), a provoqué une importante coulée de boue. Cette coulée de boue a, en partie, enseveli l’usine de fabrication de yaourts, glaces et jus de fruits appartenant à la société Cilama, située en contrebas de la RN 3, à la base du Mont Cabassou. Les assureurs de la Cilama lui ont versé plus de douze millions d’euros en réparation des dommages aux biens subis lors du glissement de terrain et des pertes d’exploitation. Ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Cayenne pour demander la condamnation de l’État à réparer leur préjudice. Par un jugement du 9 juin 2008, le tribunal administratif de Cayenne a déclaré l’Etat entièrement responsable des dommages et l’a condamné à rembourser intégralement les assureurs. L’État a alors interjeté appel. La cour administrative d’appel de Bordeaux a alors déclaré l’Etat responsable d’un tiers des dommages subis par la société Cilama, a rejeté les conclusions de l’Etat tendant à ce que la commune de Rémire-Montjoly le garantisse des condamnations prononcées contre lui et a prescrit une expertise en vue d’évaluer le montant exact du préjudice (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 19 janvier 2010, n°08BX02263). A la suite d’un pourvoi de la société Cilama, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt pour insuffisance de motivation et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Bordeaux (Conseil d’État, 29 juin 2012, n°337820). L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux rendu après renvoi du Conseil d’Etat est la décision présentement commentée (Cour administrative d’appel de Bordeaux, formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795). Cette décision mérite qu’on s’y intéresse en ce qu’elle rappelle dans quelles conditions la responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de carence du maire ou en présence de dommages causés à des tiers par des travaux publics. Tout d’abord, la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne en ce qu’il avait retenu la responsabilité pour faute de l’Etat (I.) puis, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, admet la responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages de travaux publics causés à des tiers (II.).  Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Cayenne Après avoir rappelé les dispositions du 5° de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales et le 1° de l’article L.2215-1 du même code, la Cour considère « qu’il résulte de ces dispositions que la responsabilité de l’Etat en matière de prévention des accidents naturels ne peut être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire pour prendre les mesures propres à prévenir de tels accidents, ait commis une faute lourde ». Il est vrai qu’en principe, la prévention des accidents naturels relève de la compétence du maire. Néanmoins, en cas de carence du maire, le Préfet peut se substituer au maire de la Commune après une mise en demeure restée sans résultat. Si toutefois le Préfet reste lui aussi inactif, la responsabilité de l’Etat ne peut alors être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire, ait commis une faute lourde (Conseil d’Etat, 1ère et 2ème sous-sections réunies, 7 avril 1967, n°65187 65224, mentionné aux tables du recueil Lebon, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°283000, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°293882). En l’espèce, le tribunal administratif s’est borné à retenir que l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement était constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Dès lors qu’il n’a pas caractérisé l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement de « faute lourde », le tribunal administratif a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son jugement. C’est donc à bon droit que la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne. Sur l’effet dévolutif de l’appel  Dans un premier temps, la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat du fait des dommages causés par des travaux publics à des tiers (2.1.). Puis, dans un second temps, elle écarte chacune des causes d’exonération susceptibles d’être invoquées (2.2.). – Sur la responsabilité sans faute de l’Etat pour des dommages causés à des tiers par des travaux publics  La cour administrative de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages causés aux tiers par des travaux publics.  Tout d’abord, elle explique « que le mouvement de terrain survenu le 19 avril 2000 a été provoqué par le soulèvement des couches géologiques supérieures du Mont Cabassou […] et que ce soulèvement résulte des fortes pressions provenant du gonflement, à la suite de pluies intenses, d’une nappe d’eau profonde et captive située dans le substratum granitique, fissuré dans sa partie supérieure ». Puis, elle précise «  qu’à la suite de deux précédents glissements de terrain importants, survenus le 14 février 1989 et le 23 mai 1990, les services de l’équipement, chargés de l’entretien de la RN 3, ont notamment décidé, afin de prévenir la survenance de nouveaux mouvements de terrain ou tout au moins d’en limiter l’ampleur, de faire procéder à des prélèvements de matériaux dans la partie supérieure des zones touchées par ces deux glissements ». Elle en déduit alors « qu’en réduisant l’épaisseur des couches géologiques supérieures dans la partie du Mont Cabassou exposée aux surpressions en provenance de la nappe captive et en diminuant ainsi le poids de ces couches dont la pression contrebalançait ces surpressions, ces travaux publics, à l’égard desquels les sociétés Cilama et Antilles Glaces ont la qualité de tiers, ont joué un rôle déterminant dans…