Le front de mer stellien a la dent dure !

Par Maître David DEHARBE (Avocat associé gérant – Green Law Avocats) C’est l’histoire judiciaire d’une des dernières ouvertures de notre littoral dans une ville côtière du 62 qu’une majorité municipale, son maire et certains aménageurs avaient pour projet d’urbaniser comme une vulgaire dent creuse. On se souvient qu’à l’été 2018 le Tribunal administratif de Lille avait annulé à la demande de l’Association Cucq Trepied Stella 2020 (assistée du Cabinet Green Law Avocats) l’Orientation d’aménagement et de programmation (OAP) du front de mer de Stella Plage sur la commune de Cucq (TA Lille, 17 juillet 2018, n° 1608885 : cf. le jugement et son commentaire à l’époque sur ce blog)  . Le Tribunal administratif de Lille avait censuré la délibération du 23 mai 2016 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune de Cucq est annulée en tant que l’AOP le plan prévoit l’implantation du projet d’OAP de du front de mer dans la bande littorale des cent mètres : « Considérant qu’il est constant que le terrain d’assiette du projet de l’OAP du front de mer se situe à Stella plage, en bordure du littoral, en partie dans la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ; que la zone dans laquelle il est situé ne constitue pas, eu égard au nombre et à la faible densité de constructions qui la caractérise, un espace urbanisé au sens de l’article L. 121-16 précité ; qu’en tout état de cause, l’implantation du projet, qui prévoit la construction de 320 logements, correspondant à 30 000 mètres carrés de surface de plancher, dans des bâtiments d’une hauteur pouvant atteindre R+4+attiques, entraînerait une densification significative de cet espace ; que par suite, l’association requérante est fondée à soutenir que le plan local d’urbanisme méconnaît les dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme en tant qu’il prévoit l’implantation du projet de l’OAP du front de mer dans la bande littorale des cent mètres et à solliciter, dans cette mesure, son annulation, ainsi que celle de la décision de rejet de son recours gracieux ». En méconnaissant la loi littorale, les auteurs PLU exposaient leur délibération l’approuvant à une censure évidente au regard d’une jurisprudence constante : le zonage retenu dans la bande des 100 mètres doit permettre de préserver l’inconstructibilité de celle-ci (CE, 25 septembre 1996, n° 138197 ; CAA Douai, 30 novembre  2006, n° 06DA00629 ; CAA Nantes, 13 novembre 2001, n° 00NT01526 ; TA Nice, 5 juillet 1989, Synd. de défense du cap d’Antibes, n°82089 ; TA Caen, 9 juin 1998, Manche Nature, n° 971339 ; CAA Douai, 30 novembre 2006, n° 06DA00629). En appel et contre toute attente, la 1ère chambre de la Cour administrative d’appel de Douai (sous la Présidence de M. Boulanger) avait au contraire jugé : « Dans le plan local d’urbanisme, l’orientation d’aménagement et de programmation du front de mer prévoit la construction de bâtiments sur des terrains, classés en zone UAa, empiétant sur la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage. Il ressort cependant des pièces du dossier que ces terrains, bordés pour l’essentiel à l’est par une place certes non bâtie mais pavée, constituent, au sein d’un demi-cercle ceinturé par l’avenue de Paris, l’aboutissement de l’agglomération de Stella-Plage, qu’ils sont prolongés, au sud, par deux îlots urbains densément construits de bâtiments pouvant comporter jusqu’à quatre étages, qu’ils sont séparés de la plage, à l’ouest, par une avenue goudronnée comportant un terre-plein central et plusieurs rangées de places de stationnement et que, si la partie centrale de ces terrains demeure, à l’exception de trois bâtiments, à l’état de friche, leur limite nord est occupée par un vaste ensemble immobilier de type R + 7 étages. Eu égard à ce nombre et à cette densité significatifs de constructions, le projet décrit dans l’orientation d’aménagement et de programmation doit être regardé comme situé dans un espace déjà urbanisé, dont il a pour but d’achever et d’unifier le front bâti. En outre, si ce projet envisage la création de 320 nouveaux logements pour environ 30 000 mètres carrés de plancher, cette densité apparaît comparable à celle des habitations situées au sud ainsi qu’à celle de l’ensemble immobilier situé au nord des terrains devant accueillir le projet. Il ressort également des pièces du dossier que seule la partie ouest du projet empiètera sur la bande littorale, tandis que l’orientation d’aménagement et de programmation du front de mer précise, d’une part, que les constructions seront implantées de manière à créer des îlots urbains ouverts, ménageant des vues sur la mer depuis les voies publiques qui les desservent à l’est et permettant l’aménagement d’espaces verts entre les bâtiments, et, d’autre part, que la hauteur des constructions sera limitée à R + 2 + attique, sauf à l’abord de l’ensemble immobilier situé au nord, afin de soigner la transition avec cet ensemble de plus grande hauteur, cette dérogation devant d’ailleurs être compensée par une emprise au sol plus réduite ou une diminution de la hauteur d’autres bâtiments. Enfin les espaces publics, classés en zone naturelle, entourant les terrains destinés à être construits ont vocation, selon l’orientation d’aménagement et de programmation, à être aménagés en espaces paysagers permettant de doubler, dans la superficie concernée par l’orientation, la surface occupée par des espaces verts et perméables. Dans ces conditions, le projet de construction décrit dans l’orientation d’aménagement et de programmation n’est pas de nature, en l’espèce, à entraîner une densification significative des espaces dans lesquels il s’insère. Par suite, le plan local d’urbanisme, en tant qu’il prévoit, par la combinaison de son zonage avec l’orientation d’aménagement et de programmation du front de mer, le projet de construction décrit dans cette orientation, ne méconnaît pas, en tout état de cause, les dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme ». Pour ceux qui connaissaient le front de mer de Stella et sa large ouverture non construite cette décision était incompréhensible tant elle méconnaissait la réalité des faits. Finalement par arrêt de ce jour (CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 7 mars 2022,…

Le Tribunal administratif de Paris ne manque pas d’air

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Avocat Of Counsel, Green Law Avocats Dans le cadre de l’appel à projets « Réinventer Paris », la Mairie de Paris avait accordé deux permis de construire pour la réalisation de projets intitulés « Mille Arbres » et « Ville Multistrates » comprenant entres autres des logements, bureaux, commerces, un hôtel et des serres agricoles devant s’édifier à l’extrémité ouest de Paris, au niveau de la porte Maillot. La particularité de cet ensemble immobilier est qu’il devait prendre place sur une dalle devant elle-même être construite en surplomb du boulevard périphérique. Les permis de construire délivrés ont cependant été contestés devant le Tribunal administratif de Paris par une société propriétaire d’un terrain situé à proximité du projet et deux associations de défense de l’environnement. Le 2 juillet dernier, les premiers juges ont rendu deux décisions spectaculaires (instances n°1920927 / 1921120 et n°2004241) en prononçant l’annulation « sèche » des permis en litige sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qui prévoit que « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. ». Si cet article du code de l’urbanisme est fréquemment appliqué par les autorités compétentes en matière d’urbanisme pour refuser la délivrance d’autorisations ou par les juges saisis en cas de contentieux, les décisions des juges parisiens ont ceci de notable qu’elles retiennent (sans doute pour la première fois) l’existence d’un risque pesant sur la salubrité publiques compte-tenu de la pollution de l’air générée (et subie) par le projet immobilier. Tout d’abord, les décisions du Tribunal administratif de Paris constatent que les projets respectifs des deux permis de construire doivent prendre place dans un secteur déjà concerné par un niveau élevé de pollution de l’air. Cette pollution se caractérise par un taux élevé de particules fines et de dioxyde d’azote (NO2), au-dessus des valeurs limites fixées par le code l’environnement et des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ensuite, les premiers juges ont déduit de l’étude d’impact que le niveau de concentration du dioxyde d’azote demeurera toujours supérieur aux valeurs limites après la réalisation du projet dans son ensemble, et même en augmentation à plusieurs points de mesure situées aux alentours, du fait notamment de la construction de tunnels requise par l’ensemble immobilier. Et le tribunal de noter que des immeubles d’habitation, des bureaux et des établissements recevant du public (dont une résidence pour personnes âgées) sont situés à ces endroits. Il est également relevé que la crèche prévue par l’un des permis de construire sera située au-dessus de la future gare routière et exposée à des valeurs dépassant ou se rapprochant des valeurs seuils de référence. Les premiers juges estiment enfin que la mise en place de mesures permettant d’empêcher l’augmentation de la pollution (mur végétal notamment) sera efficace pour certains polluants mais générera une augmentation des concentrations de dioxyde d’azote à des endroits déjà très touchés. Pour les raisons précitées, le Tribunal administratif a considéré que les permis de construire querellés autorisent un ensemble immobilier portant atteinte à la salubrité publique, en méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Mais les décisions intéressent encore davantage en ce qu’elles refusent toute possibilité de régularisation du projet en vertu de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme qui, on le sait, est fréquemment appliqué par les juridictions. Pour rappel, cet article permet au juge saisi d’un recours contre une autorisation d’urbanisme et constatant l’existence d’un vice entachant d’illégalité cette autorisation, de surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation du vice. En l’espèce, la régularisation de chacun des deux permis de construire est rejetée par la juridiction qui considère que cette démarche serait tout simplement impossible sauf à « changer la nature même du projet ». Le Tribunal note ainsi concernant l’un des deux permis de construire qu’une régularisation impliquerait que les modifications qui y seraient apportées entraînent une « diminution globale, pérenne et suffisamment certaine des niveaux de concentration des polluants dans l’air ambiant sur le terrain d’assiette même du projet, qui a vocation à accueillir des habitations et des bureaux, et dans les rues adjacentes, dans lesquelles sont situés des immeubles d’habitation et des établissements recevant du public, dont un établissement scolaire et une résidence pour personnes âgées, afin que l’implantation de l’immeuble projeté ne conduise pas, en raison des déplacements de la pollution qu’il entraîne, à un dépassement des seuils de concentration de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air ambiant. » Au final, l’annulation « sèche » des permis est perçue par le Tribunal administratif de Paris comme la seule décision viable en réponse aux recours intentés par les opposants. Il s’agit là de jugements particulièrement notables en ce qu’ils procèdent à l’annulation pure et simple d’autorisations d’urbanisme en tenant compte d’un motif de risque pour la salubrité publique (la pollution atmosphérique) sans doute jamais consacré auparavant au titre de l’article R. 111-2 Difficile de ne pas percevoir également entre les lignes de ces décisions une nouvelle condamnation, de la part des juges parisiens, de l’insuffisance des politiques publiques en matière de lutte contre la pollution de l’air, dans la continuité des décisions rendues le 4 juillet 2019 et reconnaissant la carence fautive de l’Etat en la matière (TA Paris, 4 juillet 2019, n°1709933, n°1810251, n°1814405).

La loi littorale est opposable aux antennes relais

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le Conseil d’Etat confirme dans un avis en date du 11 juin 2021 (n°449840) que les stations relais de téléphonie mobile sont, à l’instar de toute autre construction, soumises aux exigences de la loi Littoral et ne peuvent donc être implantées, sur le territoire des communes littorales, qu’au sein ou en continuité des espaces urbanisés. Cette avis contentieux interdit désormais les implantations en espaces agricoles, naturels ou d’urbanisation diffuse des communes littorales. Par un jugement n° 1802531 du 17 février 2021, enregistré le 17 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 4 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Plomeur ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile pour l’installation d’une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieudit Poullelestr, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans les communes littorales, les infrastructures de téléphonie mobile sont-elles constitutives d’une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité posé par les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige ? Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : ” L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. ” Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-10 du même code : ” Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. ” L’article L. 121-11 du même code précise : ” Les dispositions de l’article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus. ” Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-12 du même code : ” Les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 121-8, lorsqu’ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées. “ Selon le Conseil d’Etat, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu ne permettre l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales qu’en continuité avec les agglomérations et villages existants et a limitativement énuméré les constructions, travaux, installations ou ouvrages pouvant néanmoins y être implantés sans respecter cette règle de continuité. L’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile comprenant une antenne-relais et ses systèmes d’accroche ainsi que, le cas échéant, les locaux ou installations techniques nécessaires à son fonctionnement n’est pas mentionnée au nombre de ces constructions. Par suite, elle doit être regardée comme constituant une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Il en va de même dans la rédaction qu’a donnée la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique au premier alinéa de cet article, qui dispose depuis lors que : ” L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. “ Voilà une précision qui méritait d’être apportée par le juge administratif … Espérons que les opérateurs de téléphonie n’obtiennent pas comme ils en ont l’habitude un passe droit du législateur !

Relativité de l’objectif de la consommation économe de l’espace

Par Maitre David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un jugement du 4 mars 2021, Le Tribunal administratif de Montpellier (téléchargeable ici) considère que l’objectif de consommation modérée de l’espace a bien été pris en compte à l’échelle du territoire couvert par un SCOT « Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault » au stade de la définition du document d’aménagement artisanal et commercial. Pourtant ce document d’urbanisme maintient en particulier le projet d’aménagement dénommé « Oxylane » destiné à accueillir un lotissement multi-activités à dominante commerciale sur un site de près de 24 hectares situé sur le territoire de la commune de Saint-Clément-de-Rivière… Une association avait saisi le tribunal d’une requête tendant à l’annulation de cette délibération en tant seulement qu’elle maintient le projet « Oxylane », estimant que cette opération méconnait l’objectif de consommation économe de l’espace fixé par le code de l’urbanisme et contrarie d’autres objectifs définis par le SCOT lui-même. Les juge montpelliérain rappelle qu’il résulte des dispositions des article L .141-16 et L. 141-17 du code de l’urbanisme « qu’en matière d’aménagement commercial, les auteurs du SCOT peuvent fixer des orientations et des objectifs d’implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d’aménagement du territoire et de consommation de l’espace, de protection de l’environnement ou de qualité de l’urbanisme ». « Le document d’orientation et d’objectif (DOO) précise les orientations relatives à l’équipement commercial et artisanal. Il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d’une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l’espace et de préservation de l’environnement, des paysages et de l’architecture ». (C. urb., art. L. 141-16) Mais pour le Tribunal si « l’association requérante soutient que le secteur d’implantation périphérique « Oxylane » est contraire à l’objectif de consommation économe de l’espace défini par l’article L. 141-16 du code de l’urbanisme dès lors qu’il représente une surface 23,5 hectares actuellement situés en zone agricole et naturelle […] Il ressort toutefois des pièces du dossier que le SCOT permet une réduction de la consommation de l’espace à l’échelle du périmètre arrêté en prévoyant une consommation de 300 hectares entre 2013 et 2030, soit une consommation de 17 hectares par an, alors qu’auparavant la consommation foncière annuelle était de 54 hectares. S’agissant plus particulièrement des besoins en matière de zones d’activités économiques, il ressort également des pièces du dossier que la consommation du foncier a également été réduite puisqu’elle était de 92 hectares pour la période 2001 à 2012 et qu’elle est désormais fixée à 60 hectares pour la période 2013-2030. Dans ces conditions, l’objectif de consommation modérée de l’espace a bien été pris en compte à l’échelle du territoire couvert par le SCOT au stade de la définition du document d’aménagement artisanal et commercial de sorte que le moyen ne peut qu’être écarté ». Par ailleurs, le tribunal estime que, compte tenu de la situation stratégique du projet « Oxylane » au regard des objectifs de développement économique du territoire intercommunal, de l’important gisement de terres agricoles du périmètre du SCOT qui comporte 12 000 hectares de terres agricoles dont 80 % sont classés en espaces à très fort et à fort enjeux, l’identification du projet « Oxylane » en zone agricole ordinaire assure le respect des options d’aménagement retenues dans le projet d’aménagement et de développement durables par les auteurs du SCOT. Ce contrôle du « respect des équilibres » par le document d’orientation  et d’objectifs est très souvent illustré et réduit par la jurisprudence à l’erreur manifeste d’appréciation (CAA Nancy, 11 févr. 2010, Cne de Berentzwiller et a., n° 09NC00452: Envir. 2010, no 55, obs. Gillig.) Un tel  contrôle juridictionnel de la localisation préférentielle des zones commerciales de grande ampleur à l’aune de l’objectif de « l’utilisation économe et équilibrée des espaces naturels urbains, périurbains et ruraux » (L. 101-2 C. urb.) repose sur une appréciation somme toute globale, réalisée volontairement par le juge à l’échelle du territoire total couvert par le SCOT. Cela ne saurait surprendre : le projet commercial de grande échelle n’est pas par nature condamné par les principes « d’équilibre » que le SCOT doit respecter : ils sont lus par le juge comme ménageant la liberté du commerce et de l’industrie et pas encore comme imposant au planificateur la décroissance commerciale ! D’ailleurs traditionnellement le juge administratif a pu rappeler que le DOO ne doit pas soumettre les aménagements commerciaux à des contraintes non prévues par la loi (CAA Bordeaux, 1re ch., 28 déc. 2017, n° 15BX02851 : la Cour estime qu’en prévoyant au document d’orientation et d’objectifs que le Syndicat doit donner un accord préalable pour toute ouverture d’une zone d’extension commerciale, les auteurs du SCOT ont institué une règle non prévue par les dispositions précitées et méconnu l’étendue de leur compétence).

Régularité de l’affichage de l’autorisation d’urbanisme

Par Clémence AUQUE, Juriste (Green Law Avocats) Par un arrêt en date du 16 octobre 2020 et mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat a jugé qu’un panneau d’affichage n’indiquant pas l’adresse de la mairie où peut être consulté le dossier de permis de construire n’est pas irrégulier. Ainsi, cette omission ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers (CE, 2/7 CR, 16 oct. 2020, req. n°429357). Pour rappel, les tiers disposent d’un délai de deux mois pour contester une autorisation d’urbanisme. En vertu de l’article R*600-2 du code de l’urbanisme, ce délai court à compter de l’affichage régulier de l’autorisation sur le terrain d’emprise du projet. L’article A.424-16 du même code précise les informations devant être indiquées sur le panneau d’affichage, à savoir « le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté ». En l’espèce, le tribunal administratif de Bastia, saisi d’un recours contre un permis de construire délivré par le maire d’Ajaccio, a considéré que : « le panneau ne mentionnait pas l’adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté et que, compte tenu de la taille de la commune d’Ajaccio et de la dispersion des services municipaux sur le territoire de la commune, une telle mention revêtait un caractère substantiel » ; L’affichage du permis de construire sur le terrain n’avait pu déclencher le délai de recours contentieux à l’égard des tiers. Annulant le jugement du tribunal administratif de Bastia, le Conseil d’Etat considère que le défaut de mention de l’adresse exacte de la mairie où peut être consulté le dossier ne revêt pas le caractère d’une irrégularité substantielle. Le juge considère qu’ « une telle omission n’entache pas d’irrégularité l’affichage du permis dès lors qu’en mentionnant la mairie, le panneau d’affichage renseignait les tiers sur l’administration à laquelle s’adresser. Par suite, cette omission ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux à l’égard des tiers ». Selon les conclusions du rapporteur public, une insuffisance des mentions du panneau d’affichage est substantielle et fait donc échec au déclenchement du délai de recours « lorsqu’elle ne permet pas au tiers de connaître la faculté qu’il a de prendre connaissance du dossier auprès de l’administration clairement identifiée ». Or, pour le rapporteur public, il est possible pour les tiers diligents de rechercher par eux-mêmes l’adresse exacte de la mairie désignée par le panneau d’affichage. Par cet arrêt, la Haute juridiction confirme ainsi une solution dégagée depuis près d’une décennie par les cours administratives d’appel (CAA Versailles, 30 déc. 2010, n°09VE04253 et récemment : CAA Nantes, 20 sept. 2019, n°18NT03263 et CAA Bordeaux, 19 déc. 2019, n°19BX00608). En outre, cette solution s’inscrit dans une jurisprudence opérant un tri des irrégularités d’affichage substantielles : Un an auparavant, la Haute juridiction avait déjà jugé que les erreurs ou incomplétudes du panneau d’affichage relatives aux caractéristiques du projet ne font pas obstacle au déclenchement des délais de recours à l’égard des tiers dès lors qu’en dépit de ces erreurs, le panneau permettait aux tiers « d’apprécier la portée et la consistance du projet » (récemment : CE, 16 oct. 2019, 10/9 CR, req. n°419756) ; De longue date, le juge administratif s’est attaché à neutraliser les irrégularités d’affichage touchant aux indications relatives à l’autorisation d’urbanisme en elle-même (bénéficiaire, date ou numéro d’autorisation) dès lors que les informations affichées permettaient tout de même aux tiers d’identifier l’autorisation d’urbanisme et d’en prendre connaissance en mairie (par exemple :  CE, 14 nov. 2003, n°254003 et 254065). Cette tendance jurisprudentielle rappelle aux riverains qu’ils doivent être très attentifs aux affichages réalisés sur les voies publiques bordant leur propriété … C’est en ce moment particulièrement le cas en matière d’antennes relais à l’heure du déploiement annoncé de la 5G !