Le PLU de CUCQ annulé pour méconnaissance de la loi littorale sur Stella plage

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) david.deharbe@green-law-avocat.fr Aux termes de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme : « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement ». Il résulte de ces dispositions que ne peuvent déroger à l’interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu’ils n’entraînent pas une densification significative de ces espaces, ce que rappelait encore récemment le Conseil d’Etat (CE, 21 juin 2018, n°416564). Rappelons en effet que l’exception au principe d’inconstructibilité de la bande des 100 mètres ne concerne que les espaces urbanisés, dont la jurisprudence a précisé qu’ils doivent : être caractérisés par une densité significative de construction (CAA Nantes, 1er juin 2015, n°14NT01268) ; être bâtis (Rép. min. n° 36448: JO Sénat 28 mars 2002, p. 935), étant précisé que la présence de constructions isolées ou d’équipements publics ne suffit pas (CE, 2 janvier  2005, n° 226269 ; CE, 28 novembre 1997, n° 161572 ; CAA Lyon, 12 novembre 1996, n° 96LY00421 ; TA Rennes, 17 février 1994, Nevo, n°891408). Ainsi ce sont en ces termes que  le Tribunal administratif de Lille vient d’annuler par un jugement (téléchargeable ici : TA Lille, 17 juillet 2018, n° 1608885) la délibération du 23 mai 2016 approuvant le plan local d’urbanisme de la commune de Cucq est annulée en tant que le plan prévoit l’implantation du projet de l’Orientation d’aménagement et de programmation (OAP) du front de mer dans la bande littorale des cent mètres : « Considérant qu’il est constant que le terrain d’assiette du projet de l’OAP du front de mer se situe à Stella plage, en bordure du littoral, en partie dans la bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ; que la zone dans laquelle il est situé ne constitue pas, eu égard au nombre et à la faible densité de constructions qui la caractérise, un espace urbanisé au sens de l’article L. 121-16 précité ; qu’en tout état de cause, l’implantation du projet, qui prévoit la construction de 320 logements, correspondant à 30 000 mètres carrés de surface de plancher, dans des bâtiments d’une hauteur pouvant atteindre R+4+attiques, entraînerait une densification significative de cet espace ; que par suite, l’association requérante est fondée à soutenir que le plan local d’urbanisme méconnaît les dispositions de l’article L. 121-16 du code de l’urbanisme en tant qu’il prévoit l’implantation du projet de l’OAP du front de mer dans la bande littorale des cent mètres et à solliciter, dans cette mesure, son annulation, ainsi que celle de la décision de rejet de son recours gracieux ». Ici en méconnaissant la loi littorale, les auteurs PLU exposaient leur délibération l’approuvant à une censure évidente au regard d’une jurisprudence constante : le zonage retenu dans la bande des 100 mètres doit permettre de préserver l’inconstructibilité de celle-ci (CE, 25 septembre 1996, n° 138197 ; CAA Douai, 30 novembre  2006, n° 06DA00629 ; CAA Nantes, 13 novembre 2001, n° 00NT01526 ; TA Nice, 5 juillet 1989, Synd. de défense du cap d’Antibes, n°82089 ; TA Caen, 9 juin 1998, Manche Nature, n° 971339 ; CAA Douai, 30 novembre 2006, n° 06DA00629).

SRCE Nord Pas-de-Calais : annulation sèche par le Tribunal administratif de Lille !

Le Tribunal administratif de Lille dans un jugement du 26 janvier 2017 n°1409305 et 1500282 (jurisprudence du cabinet), a conclu à l’annulation « sèche » de la délibération n°20141823 du 4 juillet 2014 du Conseil Régional du Nord Pas-de-Calais approuvant le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (S.R.C.E.-T.V.B.) du Nord-Pas-de-Calais et de l’arrêté n°2014197-0004 du 16 juillet 2014 du Préfet de Région Nord – Pas-de-Calais portant adoption du schéma Régional de cohérence écologique – Trame verte et bleue (S.R.C.E.-TVB) du Nord – Pas-de-Calais, publié au Recueil Spécial n°165 le 18/07/2014 (Le jugement est consultable ici). Cette annulation intervient au motif suivant : « 12. Considérant, d’une part, que les décisions attaquées ont été prises sur le fondement des dispositions du 14° du I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement, issues de l’article 1er du décret du 2 mai 2012, qui ont été annulées par le Conseil d’Etat au motif qu’elles confiaient au préfet de région à la fois la compétence pour élaborer et approuver le schéma de cohérence écologique et la compétence consultative en matière environnementale, en méconnaissance des exigences découlant du paragraphe 3 de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 ; que cette illégalité entache d’une irrégularité substantielle la procédure d’élaboration du schéma régional de cohérence écologique du Nord- Pas-de-Calais ». C’est donc au nom du défaut d’indépendance fonctionnelle de l’autorité environnementale dans cette affaire, exigée par le droit communautaire (cf. la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001) tel qu’interprétée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (cf. CJUE, 20 octobre 2011, C-474/10 et CJUE, 28 juillet 2016, C-379/15) et sanctionné récemment par le Conseil d’Etat (cf. CE, 26 juin 2015, n° 360212 et CE, 3 novembre 2016 n° 360212), que le Tribunal annule le SRCE attaqué. Par ailleurs, le refus de moduler dans le temps l’annulation intervient aux motifs suivants : « 13. Considérant, d’autre part, que la loi du 7 août 2015 susvisée portant nouvelle organisation territoriale de la République a modifié le code général des collectivités territoriales et a créé le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADET) qui a vocation à remplacer le schéma régional de cohérence écologique ; que l’article L. 371-3 du code de l’environnement a été modifié en conséquence par l’ordonnance n° 2016-1028 du 27 juillet 2016 et dispose désormais : « (…) / II.-Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires prévu par l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales définit les enjeux régionaux en matière de préservation et de remise en bon état des continuités écologiques, en association avec le comité prévu au I et en prenant en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques mentionnées à l’article L. 371-2. (…) » ; que ces dispositions ont été précisées par un décret n° 2016-1071 du 3 août 2016 relatif au schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ; que la seule circonstance, mise en avant par le préfet du Nord, qu’il faudra plusieurs années pour que le SRADET soit adopté puis pour que les schémas de cohérence territoriale et, à défaut, les plans locaux d’urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, ainsi que les plans de déplacements urbains, les plans climat-air-énergie territoriaux et les chartes des parcs naturels régionaux soient mis en compatibilité avec ce document, ne suffit pas à caractériser une considération impérieuse liée à la protection de l’environnement justifiant que les actes attaqués soient provisoirement maintenus en vigueur ; que si le préfet soutient qu’un retard de plusieurs années dans la mise en œuvre des continuités écologiques entraînerait des dommages potentiellement irréversibles pour la biodiversité régionale, en particulier pour la flore, il ne l’établit pas, alors qu’il a par ailleurs soutenu que la requête était irrecevable dès lors que le schéma régional de cohérence écologique n’avait pas d’effet contraignant ; qu’en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier et n’est d’ailleurs pas allégué que les schémas régionaux de cohérence territoriale constitueraient des mesures de transposition du droit de l’Union en matière d’environnement et que les conditions posées par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt C-41/11 du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne seraient remplies ». Il convient de noter à ce titre que le Tribunal a pu considérer que le vide juridique créé par l’annulation du SRCE ne constitue pas une raison impérieuse, au sens du droit communautaire, de renoncer à l’annulation immédiate du document. De surcroît le Tribunal juge qu’il n’est pas établi par le Préfet que le retard dans l’adoption et la mise en œuvre du SRCE et de son futur équivalent (le SRADET) entraînerait des dommages potentiellement irréversibles pour la biodiversité régionale, en particulier pour la flore. Par conséquent, le Tribunal administratif, a sur ces bases annulé avec effet immédiat le SRCE.

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