Les causes d’exonération d’un dommage de travaux publics : Attention, terrain glissant ! (CAA Bordeaux, 17 nov.2014)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux (formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795) vient de rendre une intéressante décision en matière d’indemnisation du fait d’un dommage de travaux publics. Le 19 avril 2000, à la suite d’une période de précipitations intenses, un glissement de terrain sur les pentes du Mont Cabassou, dans la commune de Rémire-Montjoly (Guyane), a provoqué une importante coulée de boue. Cette coulée de boue a, en partie, enseveli l’usine de fabrication de yaourts, glaces et jus de fruits appartenant à la société Cilama, située en contrebas de la RN 3, à la base du Mont Cabassou. Les assureurs de la Cilama lui ont versé plus de douze millions d’euros en réparation des dommages aux biens subis lors du glissement de terrain et des pertes d’exploitation. Ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Cayenne pour demander la condamnation de l’État à réparer leur préjudice. Par un jugement du 9 juin 2008, le tribunal administratif de Cayenne a déclaré l’Etat entièrement responsable des dommages et l’a condamné à rembourser intégralement les assureurs. L’État a alors interjeté appel. La cour administrative d’appel de Bordeaux a alors déclaré l’Etat responsable d’un tiers des dommages subis par la société Cilama, a rejeté les conclusions de l’Etat tendant à ce que la commune de Rémire-Montjoly le garantisse des condamnations prononcées contre lui et a prescrit une expertise en vue d’évaluer le montant exact du préjudice (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 19 janvier 2010, n°08BX02263). A la suite d’un pourvoi de la société Cilama, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt pour insuffisance de motivation et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Bordeaux (Conseil d’État, 29 juin 2012, n°337820). L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux rendu après renvoi du Conseil d’Etat est la décision présentement commentée (Cour administrative d’appel de Bordeaux, formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795). Cette décision mérite qu’on s’y intéresse en ce qu’elle rappelle dans quelles conditions la responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de carence du maire ou en présence de dommages causés à des tiers par des travaux publics. Tout d’abord, la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne en ce qu’il avait retenu la responsabilité pour faute de l’Etat (I.) puis, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, admet la responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages de travaux publics causés à des tiers (II.).  Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Cayenne Après avoir rappelé les dispositions du 5° de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales et le 1° de l’article L.2215-1 du même code, la Cour considère « qu’il résulte de ces dispositions que la responsabilité de l’Etat en matière de prévention des accidents naturels ne peut être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire pour prendre les mesures propres à prévenir de tels accidents, ait commis une faute lourde ». Il est vrai qu’en principe, la prévention des accidents naturels relève de la compétence du maire. Néanmoins, en cas de carence du maire, le Préfet peut se substituer au maire de la Commune après une mise en demeure restée sans résultat. Si toutefois le Préfet reste lui aussi inactif, la responsabilité de l’Etat ne peut alors être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire, ait commis une faute lourde (Conseil d’Etat, 1ère et 2ème sous-sections réunies, 7 avril 1967, n°65187 65224, mentionné aux tables du recueil Lebon, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°283000, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°293882). En l’espèce, le tribunal administratif s’est borné à retenir que l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement était constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Dès lors qu’il n’a pas caractérisé l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement de « faute lourde », le tribunal administratif a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son jugement. C’est donc à bon droit que la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne. Sur l’effet dévolutif de l’appel  Dans un premier temps, la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat du fait des dommages causés par des travaux publics à des tiers (2.1.). Puis, dans un second temps, elle écarte chacune des causes d’exonération susceptibles d’être invoquées (2.2.). – Sur la responsabilité sans faute de l’Etat pour des dommages causés à des tiers par des travaux publics  La cour administrative de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages causés aux tiers par des travaux publics.  Tout d’abord, elle explique « que le mouvement de terrain survenu le 19 avril 2000 a été provoqué par le soulèvement des couches géologiques supérieures du Mont Cabassou […] et que ce soulèvement résulte des fortes pressions provenant du gonflement, à la suite de pluies intenses, d’une nappe d’eau profonde et captive située dans le substratum granitique, fissuré dans sa partie supérieure ». Puis, elle précise «  qu’à la suite de deux précédents glissements de terrain importants, survenus le 14 février 1989 et le 23 mai 1990, les services de l’équipement, chargés de l’entretien de la RN 3, ont notamment décidé, afin de prévenir la survenance de nouveaux mouvements de terrain ou tout au moins d’en limiter l’ampleur, de faire procéder à des prélèvements de matériaux dans la partie supérieure des zones touchées par ces deux glissements ». Elle en déduit alors « qu’en réduisant l’épaisseur des couches géologiques supérieures dans la partie du Mont Cabassou exposée aux surpressions en provenance de la nappe captive et en diminuant ainsi le poids de ces couches dont la pression contrebalançait ces surpressions, ces travaux publics, à l’égard desquels les sociétés Cilama et Antilles Glaces ont la qualité de tiers, ont joué un rôle déterminant dans…

Vente d’immeuble en zone humide : vigilance quant aux restrictions à la constructibilité ! (CA Riom, 13 janv.2014)

Par un arrêt en date du 13 janvier 2014(CA, 13 janvier 2014, n°12/02917: arrêt CA RIOM 13 janvier 2014),  la Cour d’appel de RIOM rend une décision intéressant tous les propriétaires de biens situés en “zone humide”. En effet, la Cour d’appel censure le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ayant débouté des particuliers de leur demande d’annulation de la vente d’un terrain acquis en vue de la construction d’une maison d’habitation au titre de l’erreur sur la substance de la chose vendue.  En l’espèce, des particuliers avaient acheté un terrain en vue de faire construire une maison d’habitation. Sur le plan de l’urbanisme, le terrain était classé en zone constructible. Néanmoins la classification du tréfonds du terrain en “zone humide” le rendait difficilement constructible puisque la législation découlant de la Loi sur l’eau soumet à autorisation préfectorale tous travaux ayant notamment pour effet de supprimer, assécher ou imperméabiliser une zone humide. Ainsi, le coût de la réalisation d’une éventuelle construction se révélait deux fois supérieur au devis initial en raison de la nécessité de drainage et d’enrochement du ruisseau. Les particuliers estimant que la condition déterminante de l’acquisition de ce terrain était l’édification de leur future maison d’habitation ont assigné le vendeur au visa de l’article 1110 du code civil au titre de l’erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue. Rappelons que l’article 1110 du Code civil énonce : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ». Notons qu’en première instance, les juges avaient débouté l’action des demandeurs au motif que ces derniers étaient parfaitement informés de la qualification de la zone en zone humide et que des précautions devaient être prises pour une construction immobilière. Saisie du litige en appel, la Cour d’appel de RIOM censure le raisonnement suivi par la juridiction de première instance en estimant:  « […] qu’il résulte de l’article 1110 du code civil que l’erreur est cause de nullité d’une convention que lorsqu’elle affecte la substance même de la chose qui en est l’objet ; Attendu, en l’espèce, qu’il n’est pas contesté que la constructibilité du terrain vendu était bien une condition substantielle du consentement donné par les acquéreurs qui avaient effectivement reçu, avant la signature de l’acte authentique, une information quant au caractère humide du terrain et que des précautions devaient être prises, mais la seule mention était qu’une étude de sol préalable à la mise en œuvre d une construction soit faite (…) ; Attendu en conséquence, qu’au jour de la vente authentique, M. M. et Mme M. n’étaient informés que de la présence du ruisseau très humide , ce qui est d ailleurs un pléonasme et de la nécessité de faire un étude de sol, ce qui ne laissait pas présager de grosses difficultés quant à la constructibilité réelle du terrain compte tenu de spécifications également limitées à cette seule étude de sol indiquées au permis de construire; Mais attendu que c’est ensuite, lors de l’étude géotechnique, effectuée le 12 novembre 2010 par A…BTP, que les réels problèmes sont apparus après vérification, tant au niveau technique qu’au niveau réglementaire, que les solutions de fondation pouvaient être envisagées; Qu’en effet, il est démontré qu’une étude hydrologique était nécessaire pour vérifier la possibilité de réaliser une construction ; que l’étude concluait que ce n’était qu’ après avoir envisagé les solutions de fondation et de dallage qu’il pouvait être déterminé si le site était réellement constructible ou non ; que A…BTP mentionne de nombreuses venues d’eau à certaines profondeurs, et qu’en raison de la nature des sols superficiels, une possibilité de présence épisodique de nappes superficielles d’imbibition était envisagée au vu de la présence du ruisseau ; que l’étude hydrologique a été régulièrement versée aux débats et que la discussion qui s’ensuivit entre les parties est parfaitement contradictoire ; Attendu en conséquence que si la présence de ce ruisseau était évident lors de la passation de l’acte authentique de vente, les conclusions géotechniques et hydrogéologiques faisaient pour la première fois apparaître des dispositions très particulières de conception et d’exécution des fondations, et ce après drainage ; que c’est d’ailleurs pour cette raison que la société A….BTP concluait qu’elle ne pouvait fournir aucune solution avant l’étude hydrologique ; ( …) Attendu en conséquence que c’est à bon droit que M. M. et Mme M., évoquant l’erreur qu’ils avaient commise sur la qualité substantielle du terrain, ont sollicité que soit prononcée la nullité de la vente de la parcelle ZA numéro …….lieu dit «…………….» passée par devant Maître J………., notaire à C…………..le 22 ………..2009, ainsi que la restitution de la somme de 44.267,15 € correspondant au prix de vente et frais notariés d’enregistrement; Attendu que l’arrêt étant déclaratif de droit il convient de considérer que, conformément à l’article 1153 – 1 du code civil, les intérêts au taux légal courront compter de son prononcé ». Cet arrêt est utile car en l’espèce la parcelle de terrain qui a été achetée par les particuliers n’était pas inconstructible. Toutefois le caractère humide de la zone rendait le coût de la construction plus important que celui prévu initialement par les acheteurs. Surtout, les études de sol qui ont été diligentées révélaient la difficulté de mener un projet de construction à des conditions économiquement acceptables. Ce n’est donc pas une faute que les vendeurs auraient commises qui ont conduit à l’annulation de la vente, mais bien une erreur sur les qualités intrinsèques de la chose vendue.  Rappelons qu’une jurisprudence abondante admet que l’erreur puisse porter sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine.  En matière de vente d’immeubles, la jurisprudence reconnaît l’erreur lorsque : Le terrain est déclaré, à la suite d’une vente, inconstructible (Cass. 1re civ., 2 mars 1964 : Bull. civ. 1964, I, CA Bourges, 16 avr. 1985 ; CA Toulouse,…

ICPE/ servitudes: l’indemnisation dans le temps des servitudes édictées (Cour de cass, 12 septembre 2012, n°11-10687)

Dans une décision Cour de Cassation, 3ème chambre civile, 12/09/2012, n°11-10687, la Cour de cassation a jugé que les servitudes d’utilité publique instituées avant le 28 février 2002 sur des terrains pollués par l’exploitation d’une installation ne peuvent ouvrir droit à leur indemnisation par l’exploitant. Ce faisant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en précisant que la loi n°2002-276 du 27 février 2002 instituant l’indemnisation des servitudes prévues à l’article L515-11 du code l’environnement dispose uniquement pour l’avenir.   Les faits: Dans cette affaire, il s’agit d’une société foncière A. ayant acquis en 1995 un terrain sur lequel a été institué au mois de février 2000, des servitudes d’utilité publique telles que prévues au Code de l’environnement aux articles L515-8 à L515-12, en raison de la présence d’une pollution résiduelle à l’amiante. En effet, sur ce terrain, a été exploitée jusqu’en 1986 par la société B., une installation classée pour la protection de l’environnement ayant engendrée des pollutions. La société foncière A., se prévalant d’un préjudice direct, matériel et certain résultant de l’institution de ces servitudes, saisi le juge de l’expropriation, pour que celui-ci fixe l’indemnité que devra lui payer le dernier exploitant du site, c’est-à-dire la société B., en réparation de ce préjudice. Le juge de l’expropriation, au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, prend la décision de chiffrer le préjudice à la somme de 1 143 368 euros. La société B. arguant notamment que la société A. aurait acquis le terrain litigieux dans le but d’obtenir une indemnité conteste le droit à indemnisation de cette société en interjetant appel de la décision du juge de l’expropriation devant la Cour d’appel de Bordeaux. La Cour d’appel de Bordeaux, par un arrêt en date du 24 novembre 2010 va infirmer la décision du juge de l’expropriation en réformant son évaluation du préjudice à 1 189 102,32 euros tout en décidant, cependant, que les conditions d’indemnisation prévues à l’article L.515-11 du Code de l’environnement étaient bien remplies par la société A.   La société B., insatisfaite de cette décision, se pourvoit en cassation. Elle soutient dans un moyen principal que la Cour d’appel a violé les articles 2 du Code civil, et L515-11 et L515-12 du Code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la loi n°2002-276 du 27 février 2002. Les juges de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation vont lui donner raison en affirmant que la loi du 27 février 2002, « a ajouté à l’article L. 515-12 du code de l’environnement, l’indemnisation, dans les conditions prévues à l’article L. 515-11, des servitudes prévues aux articles L. 515-8 à L. 515-11 pouvant être instituées sur des terrains pollués par l’exploitation d’une installation, (…) » et qu’ « En l’absence d’une disposition contraire expressément affirmé par le législateur, la loi n°2002-276 du 27 février 2002 (…) ne dispose que pour l’avenir »… autrement dit, que les servitudes instituées avant l’entrée en vigueur de la Loi ne pouvaient donner lieu à une indemnisation.   La servitude dont il est question dans le litige ayant été instituée le 14 février 2000, la Cour de cassation conclue en la violation par la Cour d’Appel de Bordeaux des articles précités. Elle décide, par suite, en réponse à un moyen annexe que l’institution avant le 28 février 2002 de servitudes d’utilité publique sur des terrains pollués par l’exploitation d’une installation ne peut ouvrir droit à leur indemnisation par l’exploitant.     Une solution critiquable au vu des travaux parlementaires   Si cette solution peut sembler de prime abord dans la droite ligne de la jurisprudence en matière de non-rétroactivité de la loi, elle apparait, dans une lecture plus approfondie, être inappropriée en l’espèce. En effet, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation avait déjà jugé par un arrêt du 1er octobre 2008 (3ème civ., 01/10/2008, n°07-15717), que, concernant l’article L.515-8 du Code de l’environnement, la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 n’était pas rétroactive. Cette loi avait eu pour effet d’étendre le champ d’application des servitudes prévues à cet article aux risques supplémentaires créées par une installation nouvelle sur un site existant et par conséquence avait ouvert droit à leur indemnisation. Ainsi, en  application du principe de non rétroactivité, le juge judiciaire est venu affirmer que seules des installations nouvelles postérieure à la loi du 30 juillet 2003 et créant des risques supplémentaires pouvaient ouvrir droit à indemnisation.  Par conséquent, la position de la Cour de cassation dans son arrêt du 12 septembre 2012 est, concernant le principe de non-rétroactivité, en accord avec ses décisions antérieures.   Cependant, l’affirmation par la Cour de cassation de l’inexistence avant 2002 d’une possibilité d’indemnisation de la part de l’exploitant des servitudes d’utilité publique prévues à l’article L.515-12 du Code de l’environnement est plus critiquable. En effet, en prenant cette décision, elle valide le premier moyen de cassation présenté par l’avocat de la société B et selon lequel : « l’institution des servitudes d’utilité publique prévues par l’article 7.5 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 197 6, devenu article L. 515-12 du code de l’environnement, ne pouvait, jusqu’en 2002, donner lieu à indemnisation de la part de l’exploitant ; que ce n’est que depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, non rétroactive, qu’est ouverte la possibilité d’indemnisation des servitudes de l’article L. 515-12 du code de l’environnement, dans les conditions prévues à l’article L. 515-11 du même code ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le juge de l’expropriation était saisi, en application de l’article L. 515-11 du code de l’environnement, d’une demande indemnitaire formée par la société A. à l’encontre de la sociétéB., ancien exploitant de l’installation polluante, et ayant pour fondement l’institution de servitudes résultant de l’arrêté préfectoral édicté le 14 février 2000, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi précitée de 2002 ; que dans ces conditions, le prétendu préjudice lié à l’institution de la servitude n’était pas indemnisable par l’exploitant ».   En validant ce moyen,…

Permis de construire: attention aux irrégularités d’affichage!

Le Conseil d’État vient de rendre une décision illustrant la vigilance dont doivent impérativement faire preuve les bénéficiaires de permis de construire quant à l’affichage de leur permis sur le site (CE, 6ème ss, 6 juillet 2012, N°339883). Publiée aux Tables du Recueil Lebon, cette décision mérite attention.    En l’espèce, le panneau d’affichage du permis de construire comportait une erreur sur la hauteur de la construction autorisée. Les premiers juges, saisis d’une demande d’annulation du permis de construire, avaient estimé la requête tardive. Le requérant soutenait pour sa part que le délai de recours n’avait pu commencer à courir car l’affichage était irrégulier. Le Conseil d’Etat lui donne raison et considère le délai de recours comme n’ayant pas commencé à courir.   En principe, le délai de recours de deux mois contre une décision de permis de construire court à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage régulier sur le site (article R600-2 du Code de l’urbanisme). Cet affichage est régi par les articles A424-16 et suivants du Code de l’urbanisme sur les mentions qu’il doit comporter, ainsi que par l’article R424-15 s’agissant de la mention de l’obligation de notifier le recours à son bénéficiaire et à l’auteur de l’acte. Une jurisprudence abondante existe sur la régularité de l’affichage, tant les enjeux sont importants. La plupart du temps, les requérants tentent d’invoquer la non visibilité à partir de la voie publique, les dimensions du panneau, la non continuité de l’affichage durant deux mois… Était ici en cause la question de savoir si une erreur sur l’une des mentions devant figurer sur le panneau pouvait rendre l’affichage irrégulier, et donc empêcher le délai de recours de courir.   Par sa décision du 6 juillet 2012, la Haute juridiction censure les juges d’appel en considérant que: – l’article A424-16 du Code de l’urbanisme prévoit l’affichage de certaines mentions (notamment la hauteur de la construction); – que cet article a pour “objet de permettre aux tiers, à la seule lecture du panneau, d’apprécier l’importance et la consistance du projet”. Il rejette ici l’argument retenu par la CAA consistant à dire que le tiers pouvait prendre connaissance des détails de la construction en consultant le dossier en Mairie, comme cela était indiqué sur le panneau d’affichage. – et que par suite, si une telle mention fait défaut ou si elle est affectée d’une erreur substantielle, elle peut rendre l’affichage irrégulier.   Dès lors, l’affichage étant irrégulier, le délai de recours contre le permis n’a pu courir. Le requérant est donc toujours recevable à en demander l’annulation. Cette décision doit renforcer l’attention des bénéficiaires de permis quant à l’affichage qu’ils réalisent sur le terrain, dans un souci de sécurité juridique.   —————————— Conseil d’État N° 339883    Mentionné dans les tables du recueil Lebon 6ème sous-section jugeant seule   Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 25 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Dany A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’arrêt n° 09BX00342 du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0800671 du 27 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de S. a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 mai 2007 par lequel le maire de la commune de S. a délivré à la S.A.R.L Groupe B. un permis de construire six villas correspondant à huit logements sur une parcelle cadastrée XXXXX sise 185, allée des T. et, d’autre part, à l’annulation de cet arrêté ; 2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de la S.A.R.L Groupe B. et de la commune de S. le versement de la somme de 3 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; […] Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant que, pour confirmer la tardiveté opposée par le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion à la demande de M. A tendant à l’annulation du permis litigieux, la cour administrative d’appel de Bordeaux a notamment relevé qu’une erreur dans les mentions du panneau d’affichage concernant la hauteur de la construction projetée était sans conséquence sur la régularité de l’affichage, dès lors qu’il comportait les mentions permettant aux tiers d’identifier le permis de construire et d’en consulter le dossier en mairie ; Considérant qu’aux termes de l’article R. 490-7 du code de l’urbanisme, en vigueur à la date de l’arrêté litigieux : ” Le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire court à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : / a) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l’article R. 421-39 ; / b) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l’article R. 421-39 ” ; que l’article R. 421-39 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : ” Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d’octroi et pendant toute la durée du chantier (… ). ” ; qu’aux termes de l’article A. 421-7, alors en vigueur, pris pour l’application de l’article R. 421-39 et dont les dispositions ont été reprises aux articles A. 424-15 et suivants: ” L’affichage du permis de construire sur le terrain est assuré par les soins du bénéficiaire du permis de construire sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. / Ce panneau indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale dudit bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des…

Vente et dépollution du terrain: gare à la rédaction des clauses contractuelles! (Cass. 3ème civ., 29 février 2012 : Juris-Data n°2012-003056)

Information de l’acquéreur, garantie des vices cachés…mais aussi délivrance conforme Qui dit vente et pollution dit nécessairement dispositions spécifiques en droit de l’environnement, notamment le très commenté article L. 514-20 du Code de l’environnement relatif à l’information environnementale due par le vendeur. Tout juriste pense également à la garantie des vices cachés mentionnée aux articles 1641 et suivants du Code civil qui trouve, dans l’hypothèse d’une vente d’immeuble pollué, un terrain de prédilection largement illustré ces dernières années par la jurisprudence. Plus épisodique mais tout aussi efficace, l’obligation de délivrance conforme en matière de vente ne doit cependant pas être oubliée. C’est ce que nous permet de rappeler un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 février dernier (Cass. 3ème civ., 29 février 2012 : Juris-Data n°2012-003056).   La stipulation d’une clause relative à la dépollution du terrain Deux époux avaient vendu à une société civile immobilière des terrains et des entrepôts commerciaux, ayant précédemment supportés des installations classées pour la protection de l’environnement, destinés à être démolis pour édifier des immeubles à usage d’habitation. L’acte de vente contenait une clause relative à la dépollution du terrain effectuée et précisait les différents documents remis préalablement à l’acquéreur (attestation de l’entreprise chargée de la dépollution, dossier de cessation d’activité avec remise en état du site par le dernier locataire). Or, à l’occasion des travaux de construction, l’acquéreur a découvert une pollution résiduelle consistant dans une poche de contamination aux hydrocarbures et nécessitant une dépollution complémentaire. Il a donc assigné le vendeur en vue d’obtenir l’indemnisation des travaux supplémentaires de dépollution. Si en première instance la SCI a obtenu la condamnation du vendeur, la Cour d’appel de Colmar a réformé cette décision estimant que le vendeur n’avait commis aucun manquement à son obligation de délivrance. En effet, les juges d’appel ont considéré que l’acquéreur avait été suffisamment informé des mesures de dépollution effectuées et donc des limites inhérentes à celle-ci et que le vendeur n’avait pris aucun engagement personnel de dépollution du terrain. Précisons que les éléments remis à l’acquéreur mentionnaient que les sources de pollution avaient été retirées et qu’il ne subsistait qu’une pollution résiduelle qui devait être progressivement et naturellement éliminée. Cependant, la Cour de cassation censure cet arrêt et renvoie les parties devant la Cour d’appel de Metz pour qu’il soit à nouveau statué sur cette affaire.     L’obligation de délivrance conforme fondée sur un engagement contractuel… La Haute juridiction relève que « l’acte de vente mentionnait que l’immeuble avait fait l’objet d’une dépollution, ce dont il résultait que le bien vendu était présenté comme dépollué et que les vendeurs étaient tenus de livrer un bien conforme à cette caractéristique ». Cette décision doit juridiquement être approuvée. En effet, l’obligation de délivrance conforme visée aux articles 1603 et suivants du Code civil permet d’engager la responsabilité du vendeur en cas de non-conformité, c’est à dire de non-respect des spécifications convenues (à ne pas confondre avec la garantie des vices cachés qui sanctionne une impropriété de la chose à son usage). Or, la clause insérée à l’acte de vente, qui fonde en l’espèce l’obligation mise à la charge des vendeurs, ne fixait aucune limite claire quant à la dépollution et à la réhabilitation du terrain.   …qui se doit d’être clair et précis La solution de la Cour de cassation aurait sans doute été toute autre si les vendeurs avaient précisé expressément que leur engagement se cantonnait aux opérations de dépollution d’ores et déjà réalisées et qu’ils ne prendraient pas en charge les coûts générés par toute nouvelle découverte de pollution. Rappelons que l’article 1602 du Code civil édicte que « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ». On n’insistera donc jamais assez sur l’importance de la rédaction des clauses contractuelles relatives à la dépollution du terrain insérées dans les actes de vente et le caractère particulièrement précis et clair qu’elles doivent revêtir. Et ce d’autant plus lorsque l’on connaît le coût que peuvent atteindre parfois certaines opérations de dépollution qui sont alors susceptibles de remettre en cause l’intérêt économique même de la vente !   Marie LETOURMY Green Law Avocat  

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