Le manquement du notaire à son obligation de conseil : l’indemnisation de la victime n’est pas un mythe !

Par un arrêt en date du 2 juillet 2014 (C.cass, civ.1ère, 2 juillet 2014, n° de pourvoi 12-28615) la Cour de cassation rappelle l’obligation d’indemnisation du notaire lors de la constatation d’un manquement à son devoir de conseil. En l’espèce, des particuliers avaient acheté au moyen d’un prêt un appartement en l’état de futur achèvement (VEFA) dans un immeuble en copropriété. L’immeuble n’ayant pas été livré dans les délais prévus semble t-il à cause d’un recours contre l’autorisation d’urbanisme, les particuliers avaient assigné la société et la banque en résolution du contrat de vente ainsi que du contrat de prêt et avaient recherché la responsabilité du notaire lui reprochant de na pas les avoir informés de l’existence de recours contre le permis de construire. La Cour d’appel avait condamné le notaire à indemniser l’ensemble des préjudices liés à la résolution de la vente. Estimant que la juridiction d’appel avait commis une erreur de droit aux termes de l’article 1382 du code civil, un pourvoi avait été formé à l’appui duquel il était soutenu que le lien de causalité n’était pas établi. Il était plus précisément soutenu que rien ne permettrait de s’assurer que mieux informés, les acheteurs auraient renoncé à conclure la vente. Saisie du litige la Haute juridiction balaye cet argument en relevant : “Attendu, ensuite, qu’ayant relevé que le notaire, tenu d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes rédigés par ses soins, avait omis d’informer les acquéreurs des recours exercés contre le permis de construire et de l’engagement d’une procédure de référé, alors qu’il en avait connaissance, et d’indiquer dans l’acte que la société ne détenait que des droits indivis sur la parcelle n° B 2794, destinée à assurer la desserte des immeubles à construire, autant de circonstances ayant conduit, en l’état d’une ordonnance de référé du 1er mars 2007 ordonnant la suspension des travaux et d’une action engagée par un coindivisaire dénonçant les conditions d’usage de la parcelle n° B 2794, au non-respect des délais de livraison, la cour d’appel a pu retenir que les fautes relevées à l’encontre du notaire avaient exposé les acquéreurs au risque, qui s’est réalisé, de subir les conséquences de l’annulation de la vente, caractérisant ainsi l’existence d’un lien de causalité entre ces manquements et les préjudices invoqués». La Cour tire ensuite les conséquences de cette appréciation pour justifier le raisonnement suivi par la cour d’appel quant à l’indemnisation solidaire du notaire : « Attendu que M. X…et la SCP notariale font grief à l’arrêt de les condamner, in solidum avec la société, à payer aux acquéreurs une somme au titre de la clause pénale contenue dans l’acte de vente et à réparer un préjudice locatif, alors, selon le moyen, que seul le préjudice causé par la faute invoquée peut faire l’objet d’une indemnisation ; qu’en condamnant le notaire à verser aux époux Z… le montant de la clause pénale prévue à l’acte résolu, et les loyers qu’ils auraient perçus s’ils avaient loué l’immeuble, bien que s’il devait être admis que sans la faute imputée à l’officier ministériel, les demandeurs à l’action n’auraient pas réalisé cette opération, ils n’auraient pas bénéficié ni de cette clause, ni des loyers, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ; Mais attendu qu’ayant relevé que les manquements retenus à l’encontre du notaire avaient directement contribué à l’absence d’efficacité de son acte et au prononcé de la résolution de la vente, la cour d’appel a pu le condamner à dédommager les acquéreurs de la perte des loyers et à leur payer l’indemnité forfaitaire convenue ; que le moyen n’est pas fondé » Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle l’étendue de l’obligation de conseil que doit le notaire envers ses clients: cette obligation s’étend à l’hypothèse où il a connaissance (preuve qui peut s’établir par tout moyen) d’un recours contre l’autorisation d’urbanisme nécessaire à un immeuble en VEFA. Il est utile de rappeler que ce devoir de conseil revêt un caractère impératif: le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Plus encore, l’obligation de conseil du notaire porte donc tant sur la validité de l’acte que sur les risques juridiques et économiques encourus. Ainsi, il est acquis par la jurisprudence que le notaire a l’obligation d’informer l’acquéreur des risques qu’il prend à la signature de l’acte authentique (C.cass, 1ère civ., 9 décembre 2010, n°09-70816). Dans le même sens, il lui appartient de se renseigner sur la possibilité de construire sur le terrain au regard du POS en vigueur et mettre en garde les acheteurs contre les conséquences d’un refus d’autorisation de construire (C.cass 1ère civ., 21 février 1995). En l’espèce, c’est exactement dans cette lignée jurisprudentielle que la Cour de cassation se positionne. La Cour de cassation marque néanmoins une certaine audace s’agissant de la question de l’indemnisation due par le notaire : non seulement le dédommagement du au titre de la clause pénale doit être couvert mais plus encore, les loyers escomptés de la location du bien. La Cour écarte délibérément la notion de perte de chance pour retenir l’exposition du client à un risque résultant de la mauvaise information fournie par le notaire afin d’indemniser pleinement le préjudice subi par les particuliers Cet arrêt rappelle donc aux particuliers la possibilité de se retourner contre leur notaire en cas de violation de ses obligations de conseil et d’obtenir indemnisation parallèlement au recours qui pourrait être intenté contre les constructeurs. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

La promesse de vente sous condition suspensive : l’application de la clause pénale n’est pas automatique!

Par un arrêt en date du 6 mai 2014 (C.cass, viv. 3ème, 6 mai 2014 n° 13-12619), la Cour de cassation précise que les vendeurs qui ont remis en vente un immeuble ayant fait l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive ne peuvent demander le bénéfice de la clause pénale en cas de refus de l’acquéreur de réitérer la vente. En l’espèce, des particuliers avaient conclu une promesse de vente concernant un terrain avec la condition suspensive que l’acquéreur obtienne un permis de construire. Le permis de construire fut obtenu et les vendeurs sollicitaient la régularisation de la vente. Tel ne fut pas le cas puisque l’acquéreur resta silencieux. Les acquéreurs ont alors sollicité l’application de la clause pénale à leur profit étant précisé qu’ils avaient entre-temps publié une annonce de remise en vente de l’immeuble. Saisie du litige, la Haute juridiction analyse dans un premier temps la condition suspensive dont était assortie la promesse de vente en jugeant : « Qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la promesse de vente du 24 janvier 2008 était notamment consentie à l’acquéreur sous condition suspensive du dépôt d’une demande de permis de construire dans les 10 jours de la signature de la promesse et que si l’acquéreur ne recevait pas de réponse de l’administration avant le 15 avril 2008, la condition serait réputée défaillante, la régularisation de la vente étant prévue au plus tard au 30 avril 2008 ; que la cour d’appel a également constaté que l’acquéreur n’avait déposé sa demande de permis de construire que le 18 février 2008 et que, sur demande de l’administration, il avait complété son dossier le 29 avril 2008, démontrant sa volonté de poursuivre la vente, de sorte qu’à la date du 29 avril 2008, le délai de réalisation de la condition suspensive avait été tacitement prorogé par les deux parties (…) » Puis la Cour de cassation censure partiellement la Cour d’appel quant aux conséquences découlant de la publication par les acquéreurs d’une annonce de vente : « Qu’il résulte en l’espèce des constatations de la cour d’appel, qu’à aucun moment les consorts X… n’ont signifié à Monsieur Y… qu’ils publiaient le 7 juin 2008 une annonce pour proposer le bien à la vente, ou encore, au moment de passer cette annonce, qu’ils ne souhaitaient plus le lui proposer, pas plus qu’ils ne lui ont adressé la moindre mise en demeure visant le dépassement des délais, les consorts X… faisant en effet à cet égard valoir dans leurs conclusions d’appel (p. 7) qu’ils entendaient exclusivement, au moyen, de cette annonce, s’octroyer une sorte de garantie en recherchant un éventuel nouvel acquéreur, pour le cas où il s’avèrerait finalement impossible de conclure une quelconque transaction avec Monsieur Y…, de sorte qu’au regard des constatations de la cour d’appel selon lesquelles les parties étaient convenues, au 29 avril 2008, de proroger les délais de réalisation de la condition d’obtention du permis de construire, en l’absence de toute manifestation inverse de la volonté des consorts X…, Monsieur Y… était fondé, une fois le permis de construire obtenu, à demander la réitération de la vente, que l’annonce ait, ou non, été passée, et que de ce fait, en pratique, dans les relations entre les consorts X… et Monsieur Y…, le bien objet de la vente était toujours « immobilisé » ; que dès lors en affirmant qu’en mettant le bien en vente, sans en aviser antérieurement Monsieur Y…, ni l’avoir mis en demeure d’une quelconque façon, les consorts X… lui avaient signifié sans équivoque que leur bien n’était plus immobilisé et qu’ils s’estimaient déliés de leur engagement, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales, et a derechef violé l’article 1134 du code civil. PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi » Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle qu’en principe la promesse de vente sous condition suspensive produit ses effets selon la volonté des parties lorsque les conditions suspensives se réalisent et que les termes arrivent à échéance; a contrario, si la volonté affichée des parties n’est pas de mener la vente à son terme, l’application de la clause pénale peut être neutralisée par le juge. Concrètement, en cas de violation de la promesse, les sanctions sont celles du droit commun. La victime de l’inexécution peut : Demander la résolution et/ou des dommages et intérêts (Cass. civ., 26 mars 1884 : DP 1884, 1, p. 403 ; S. 1886, 1, p. 341 : vendeur demandant la résolution. – Cass. 3e civ., 28 avr. 1981, n° 80-10.002, préc. n° 88 : idem. – P.-H. Antonmattei et J. Raynard, op. cit., n° 67. – J. Huet, op. cit., n° 11520. – Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, op. cit., n° 137). Demander le paiement de l’indemnité prévue par la clause pénale (CA Poitiers, 1re ch., 26 nov. 2008 : JurisData n° 2008-379706. – CA Bourges, ch. civ., 16 nov. 2004, n° 03/01740 : JurisData n° 2004-261859). En l’espèce il s’agissait de cette seconde hypothèse dans le litige soumis à la Cour de cassation. Toutefois, la Cour de cassation de manière assez logique en l’espèce refuse de faire droit à l’application automatique de la clause pénale au regard du comportement des vendeurs lesquels ont publié une annonce de vente de l’immeuble démontrant qu’ils considéraient ne plus être liés par la promesse de vente litigieuse. C’est donc une recherche de la volonté des parties au sens de l’article 1134 du code civil qui est menée par la juridiction d’appel reprise par la Cour de cassation. Ce refus de la Cour de cassation d’appliquer automatiquement le jeu de la clause pénale prévue dans une promesse de vente doit conduire les bénéficiaires de promesse à demeurer vigilants et à émettre expressément leur volonté de réitérer la vente… car s’ils sont trop prudents (notamment en remettant le bien en vente… ce qui somme toute n’apparaît pas déraisonnable au vu du silence de l’acquéreur), leur comportement risque d’être interprété contre eux. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Eoliennes: le permis de construire n’a pas à être précédé d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles (CE, 4 juin 2014)

Le Conseil d’Etat vient de trancher récemment (Conseil d’Etat, 4 juin 2014, n°357176) la question de savoir si la délivrance du permis de construire pour un parc éolien est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public pour le passage des câbles électriques nécessaires au raccordement au réseau des éoliennes. Cette question était d’importance car les règles auparavant applicables prévoyaient que le demandeur au permis devait disposer d’un “titre l’habilitant à construire”, ce qui pouvait être de nature à rendre nécessaire une AOT ou une COT lorsque le domaine public était concerné par la construction. Toute la question demeurait de savoir si le réseau de câbles était inclus dans la construction, ce d’autant qu’en l’espèce, ce n’était même pas le réseau privé (éoliennes-poste de livraison) mais le réseau géré par le gestionnaire (poste de livraison/poste source) qui était en cause. La réponse pourrait apparaître comme frappée du bon sens (la construction ne porte que sur le parc éolien) mais pourtant, cette question restait en suspend, tant que deux jurisprudences s’opposaient: l’arrêt rendu en appel dans l’affaire finalement tranchée par le Conseil d’Etat (CAA Douai, 23 déc. 2011, n°10DA00973) et un jugement du Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032). En l’espèce, une association cherchait à obtenir l’annulation d’un permis de construire accordé à un opérateur pour la construction d’un parc éolien. Au soutien de sa demande, l’association soutenait que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison du parc éolien au poste source du réseau de distribution d’électricité nécessitait une occupation des ouvrages du réseau public de distribution implantés sur le domaine public. Elle estimait que le pétitionnaire devait joindre à sa demande de permis de construire la preuve de la délivrance d’une autorisation d’occupation du domaine public. Lors de l’audience, les conclusions du Rapporteur public avaient été accueillies avec une grande surprise et la formation de jugement de la Cour administrative d’appel de Douai avait estimé que le parc éolien et les câbles formaient un tout : « L’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions [le pétitionnaire] ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ». L’année suivante, le Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 4 oct. 2012, n° 0907032) avait rendu un jugement contradictoire. Le Conseil d’Etat clarifie donc cette question en considérant : « qu’il résulte toutefois des articles 14 et 18, alors applicables, de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité que le raccordement des ouvrages de production d’électricité au réseau public de transport d’électricité ainsi qu’aux réseaux publics de distribution d’électricité incombe aux gestionnaires de ces réseaux ; qu’ainsi, le raccordement, à partir de son poste de livraison, d’une installation de production d’électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l’autorisant ; que la délivrance de ce permis n’est donc pas subordonnée, hors l’hypothèse où l’installation serait elle-même implantée, en tout ou en partie, sur le domaine public, à l’obtention préalable d’une autorisation d’occupation du domaine public ». La construction de l’installation éolienne et son raccordement au réseau électrique sont deux opérations distinctes. La délivrance du permis de construire n’est donc pas subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du domaine public. Rappelons que cet arrêt est rendu sous le régime antérieur relatif au titre habilitant à construire. Aujourd’hui, l’article R431-13 du code de l’urbanisme règle cette question, puisqu’il prévoit « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ». Il ne sera donc désormais nécessaire de joindre au dossier de permis de construire éolien une pièce attestant de l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public que pour autant que le parc lui même est lui même implanté sur une telle parcelle (dans cette hypothèse, ce n’est pas l’autorisation d’occupation du domaine public qui est requise, mais uniquement l’accord du gestionnaire pour engager la procédure d’autorisation). Si le parc n’est pas implanté sur du domaine public, la construction ne sera pas assujettie à la production de l’accord du gestionnaire, même si le parc nécessite bien évidemment un raccordement au RPD. Camille Colas Green Law Avocat  

Antenne relais sur un bâtiment existant : la soumission à déclaration préalable ou permis de construire ne dépend pas de la hauteur de l’antenne (CE, 30 avril 2014)

Par une décision en date du 30 avril 2014 (CE, 30 avril 2014, n°366712, mentionné dans les Tables du recueil Lebon) le Conseil d’Etat a jugé que l’implantation d’une antenne de radiotéléphonie mobile sur la terrasse d’un immeuble existant constitue une « opération de travaux exécutés sur une construction existante », de sorte que la hauteur de l’antenne relais est sans incidence sur la détermination du régime juridique applicable.  En l’espèce, un opérateur de téléphonie mobile avait déposé une déclaration préalable en vue de l’installation de 3 antennes de moins de douze mètres de hauteur et d’une armoire technique sur la terrasse d’un immeuble existant. Une association de riverains avait saisi le juge administratif contre la décision de non-opposition du maire au projet. Le Tribunal administratif de Rennes avait tout d’abord annulé la décision jugeant que la hauteur totale du projet qui dépassait le seuil de 12 mètres prévus par la réglementation sur les constructions nouvelles rendait nécessaire l’obtention du permis de construire au sens de l’article R421-1 et R 421-9 a) du Code de l’urbanisme. Saisi du litige par l’opérateur, le Conseil d’Etat censure le Tribunal administratif de Rennes pour erreur de droit. Rappelons en effet qu’aux termes de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme alors applicable, il était prévu que « sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires : a) Les travaux ayant pour effet la création d’une surface hors oeuvre brute supérieure à vingt mètres carrés ; b) […] c) […] d) […] Pour l’application du b du présent article, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal». Ainsi, dès lors que l’implantation d’une antenne sur la toiture d’un immeuble est qualifiée de « travaux sur une construction existante », seuls les critères posés par l’article R 421-14 doivent être pris en compte pour déterminer si une déclaration préalable ou un permis de construire est nécessaire. Or, la hauteur des travaux sur l’immeuble existant est indifférente selon l’article R 421-14. La Haute juridiction rappelle ainsi peu importe la hauteur de l’antenne dans l’hypothèse où elle est implantée sur un immeuble existant : « Considérant que l’implantation d’une antenne de radiotéléphonie mobile sur la terrasse d’un immeuble constitue une opération de travaux exécutés sur une construction existante ; que si ce type d’ouvrage, pour être soumis à simple déclaration préalable, doit respecter les critères fixés par les articles R. 421-14 et R. 421-17 précités et, notamment, avoir pour effet, pour l’ensemble constitué par la ou les antennes-relais et par l’armoire technique, la création d’une surface hors œuvre brute comprise entre deux et vingt mètres carrés, en revanche, sa hauteur est sans incidence sur la détermination du régime applicable ; que, par suite, en jugeant que l’implantation d’une antenne de radiotéléphonie sur le toit d’un immeuble devait respecter les règles relatives aux constructions nouvelles et faire l’objet d’un permis de construire en vertu des dispositions combinées des articles R. 421-1 et R. 421-9 du code de l’urbanisme lorsque la hauteur de l’ouvrage au-dessus du sol est supérieure à 12 mètres et la surface hors œuvre brute créée supérieure à 2 mètres carrés, le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, le jugement attaqué doit être annulé ; » On notera que la version de l’article R. 421-14 alors applicable prévoyait une « surface hors œuvre brute » (SHOB) supérieure à vingt mètres carrés, tandis qu’il s’agit aujourd’hui d’évaluer l’emprise au sol ou la surface de plancher, qui ne doivent pas excéder vingt mètres carrés. Néanmoins, ce changement de terminologie ne change en l’espèce rien au raisonnement ici adopté par le Conseil d’Etat : il faut tenir compte de la surface cumulée de tous les éléments (pylône, dalle de béton, local technique…), dans la mesure où ceux-ci entretiennent un lien fonctionnel impliquant de les considérer comme une seule construction, et ce peu importe la hauteur de l’antenne. En définitive, cette décision du Conseil d’Etat, qui a les mérites d’une publication aux Tables, confirme la simplicité de la formalité d’urbanisme pour les opérateurs, pour lesquels l’implantation en toiture des immeubles sera privilégiée. Néanmoins, ce type d’implantation soulève des questions de sécurité bien différentes d’une implantation au sol, ainsi que des questions propres au droit de la copropriété qu’i convient de ne pas négliger pour les propriétaires concernés. Aurélien Boudeweel Green Law Avocat

Solaire: les installations photovoltaïques intégrées en toiture sont bien couvertes par la garantie décennale (CA Dijon, 14 janv. 2014, n°1201765)

Par un arrêt en date du 14 janvier 2014 (CA DIJON, Chambre civ. 1ère, 14 janvier 2014, n°12/01765), la Cour d’appel de DIJON rappelle qu’une installation photovoltaïque intégrée en toiture répond à la définition « d’ouvrage » au sens de l’article 1792 du Code civil, de sorte que la garantie décennale trouve à s’appliquer. Rappelons en effet que la responsabilité décennale concerne uniquement les vices ou dommages de construction qui peuvent affecter la solidité d’un ouvrage et de ses équipements indissociables, ou qui le rendent impropre à l’usage auquel il est destiné, l’article 1792 du code civil prévoyant : « Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ». La jurisprudence est ainsi venu préciser que relèvent de la garantie décennale en tant qu’éléments indissociables : un dallage (CA ROUEN, 1ère civ., 31 mai 1998), un climatiseur (C.cass, 3ème civ., 10 décembre 2003), , une verrière (CA LYON, 1ère civ., 29 juin 1989). En l’espèce, des particuliers avaient fait installer une centrale intégrée en toiture par une société X mais plusieurs autres sociétés étaient intervenues sur l’installation mise en service en janvier 2009. Après un orage, les panneaux avaient été endommagés et l’expertise contradictoire puis judiciaire avaient révélé des vices de construction et de non conformités. Devant le juge judiciaire, l’assurance soulevait l’impossibilité de faire valoir la garantie décennale. Saisie du litige, la Cour d’appel de DIJON censure la thèse de la compagnie d’assurance et rappelle : « Sur la responsabilité décennale des constructeurs : Attendu que conformément à l’ article 1792 du Code Civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ; Attendu qu’il ressort de l’expertise judiciaire que les panneaux photovoltaïques sont posés ‘en intégration’, l’expert précisant que l’ensemble du système constitué par les panneaux et les divers éléments techniques destinés à assurer la fixation et l’étanchéité viennent en lieu et place de la couverture préexistante ; que d’ailleurs ce type d’intégration en bâti est confirmé par les mentions figurant sur la demande de contrat d’achat d’énergie électrique produite en pièce n°5 par le GAEC et décrivant l’installation concernée ; Que dès lors, la M.   oppose en vain que l’installation photovoltaïque d’espèce ne répond pas à la définition d’un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil ; Qu’il s’ensuit que la responsabilité des constructeurs, tant la SARL …qui a été chargée de l’ingénierie et de la pose et de la SARL … intervenue comme sous-traitant de la SARL…pour les opérations de montage, que de la SAS… à la supposer fabricant au sens de l’ article 1792-4 du Code Civil, est susceptible d’être recherchée par le GAEC …, maître de l’ouvrage, et l’assureur de ce dernier subrogé dans les droits de l’assuré, mais à la condition de démontrer l’existence de dommages de nature décennale».   L’enjeu de la qualification d’ouvrage opérée par la Cour était important puisqu’en pratique elle conditionne la soumission dudit ouvrage à la garantie décennale, couverte par les compagnies d’assurance. L’arrêt de la Cour d’appel de Dijon est intéressant puisqu’il permet de rappeler qu’une prise en charge des défauts portant atteinte à la solidité de l’ouvrage et/ou le rendant impropre à sa destination seront pris en charge par les assureurs au titre de la garantie décennale. Au demeurant et eu égard aux grands nombres de placements en liquidation judiciaire des sociétés qui s’étaient lancées dans le marché du photovoltaïque avant le moratoire du Gouvernement, rien n’est donc entièrement perdu pour les victimes d’installations défectueuses… . Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat