Déchets / Activité d’élimination : Inconstitutionnalité dans le temps de l’article L. 541-22 du code de l’environnement (Conseil Constitutionnel, 18 novembre 2016, QPC n°2016-595)

Par Jérémy TAUPIN- Green Law Avocats Par une décision QPC n°2016-595 du 18 novembre 2016 (Société APROCHIM & autres), disponible ici, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa de l’article L. 541-22 du code de l’environnement (relatif aux catégories de déchets et leur élimination), et ce uniquement pour la période courant du 3 mars 2005 au 13 juillet 2010. Ce faisant, le Conseil constitutionnel précise sa jurisprudence quant à l’application de l’article 7 de la Charte de l’environnement, tout en distinguant plusieurs « phases » possibles de constitutionnalité pour une disposition législative.   Les faits : L’article L. 541-22 du code de l’environnement en question énonçait avant le 14 juillet 2010 : « Pour certaines des catégories de déchets visées à l’article L. 541-7 et précisées par décret, l’administration fixe, sur tout ou partie du territoire national, les conditions d’exercice de l’activité d’élimination telle qu’elle est définie à l’article L. 541-2. Ces mêmes catégories de déchets ne peuvent être traitées que dans les installations pour lesquelles l’exploitant est titulaire d’un agrément de l’administration. Elles cessent de pouvoir être traitées en vue de leur élimination dans les installations existantes pour lesquelles cet agrément n’a pas été accordé à la date d’entrée en vigueur fixée par le décret prévu au précédent alinéa. »   En l’espèce, le 18 décembre 2013, plusieurs sociétés et plusieurs de leurs dirigeants et salariés ont été condamnés par le Tribunal correctionnel de Paris pour certaines infractions à la législation sur les déchets prévues par le Code de l’environnement. Il leur était notamment reprochés d’avoir, entre 2000 et 2006, éliminé de façon irrégulière des déchets, en procédant à la dilution d’huiles contenant des PCB. Ces sociétés ont fait appel de ce jugement devant la cour d’appel de Paris, et, à cette occasion, ont posé une QPC portant sur les articles L. 541-7 et L. 541-22 du code de l’environnement. Selon elles, en renvoyant au pouvoir réglementaire la fixation d’une nomenclature des déchets dangereux (article L. 541-7) ainsi que la définition des conditions d’exercice de l’activité d’élimination de ces déchets (article L. 541-22) sans prévoir une participation du public à l’élaboration de ces décisions, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et le principe de participation prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement. La décision du Conseil Constitutionnel : Après avoir rappelé les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement, le Conseil Constitutionnel considère que : « En premier lieu, en vertu des dispositions contestées, les conditions d’exercice de l’activité d’élimination de certains déchets par leur producteur ou leur détenteur sont fixées par voie réglementaire. Ces déchets, définis à l’article L. 541-7 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 septembre 2000, sont ceux susceptibles, soit en l’état, soit lors de leur élimination, de causer des nuisances à l’environnement. En application de l’article L. 541-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, l’activité d’élimination de ces déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement devant être effectuées dans des conditions propres à éviter de telles nuisances. Par conséquent, les décisions réglementaires prévues au premier alinéa de l’article L. 541-22 du même code, qui fixent les conditions d’exercice de cette activité, constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. En second lieu, d’une part, avant l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement le 3 mars 2005, les dispositions contestées ne méconnaissaient aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. D’autre part, à compter de l’entrée en vigueur de cette Charte et avant celle de la loi du 12 juillet 2010 mentionnée ci-dessus, aucune disposition législative n’assurait la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques prévues au premier alinéa de l’article L. 541-22 du code de l’environnement. Par conséquent, en s’abstenant d’édicter de telles dispositions, le législateur a, pendant cette période, méconnu les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Enfin, la loi du 12 juillet 2010 a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1, qui définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable aux décisions réglementaires de l’Etat et de ses établissements publics ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Ces dispositions prévoient, selon le cas, soit une publication du projet de décision par la voie électronique dans des conditions permettant au public de formuler des observations, soit une publication du projet de décision avant la saisine d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes intéressées. L’entrée en vigueur de ces dispositions, le 14 juillet 2010, a ainsi mis fin à l’inconstitutionnalité constatée au cours de la période précédente. A compter de cette date, les dispositions contestées ne méconnaissaient aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. » Analyse et portée de la décision du Conseil Constitutionnel : Le Conseil confirme et précise donc ici sa jurisprudence relative à l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ainsi, le Conseil a en l’espèce vérifié si le législateur avait bien défini « les conditions et les limites » de la participation du public à l’élaboration des décisions relatives aux conditions d’exercice de l’activité d’élimination de déchets telle qu’elle est définie à l’article L. 541-2. Le Conseil considère tout d’abord que cette obligation pesait en effet sur le législateur à compter du 2 mars 2005, soit au moment de l’entrée en vigueur de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Auparavant, la Charte n’étant pas en vigueur, le législateur n’était pas tenu de s’assurer du respect du principe de participation. Les dispositions contestées de l’article L. 541-22 ne méconnaissaient donc, avant l’entrée en vigueur de la Charte, aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Le Conseil constitutionnel a ensuite pris en compte les effets de l’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 précitée. Cette loi a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1, qui a défini les…

Eolien/Prise illégale d’intérêts : Personne ne peut contourner la prescription pas même le ministère public! (Cass12 nov.2015)

Par Aurélien Boudeweel Green law avocat Dans un arrêt en date du 12 novembre 2015 (C.cass, 12 novembre 2015, n°14-83.073), la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel ayant condamné des élus pour recel de prise illégale d’intérêts. En l’espèce, deux conseillers municipaux, poursuivis initialement du chef de prise illégale d’intérêts, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir recelé des sommes d’argent versées annuellement, correspondant au montant des locations de parcelles leur appartenant et supportant des fermes d’éoliennes dont l’installation avait reçu l’avis favorable du conseil municipal auquel ils ont participé. Les deux conseillers municipaux avaient été condamnés en première instance. En appel, la Cour confirmait le chef de recel aux motifs : « (…)les prévenus contestent que la poursuite pour recel soit possible puisqu’ils seraient déclarés coupables de l’infraction originaire et du recel ; que cependant, ils ne sont pas poursuivis pour prise illégale d’intérêt, ces faits étant atteints par la prescription alors que le recel de l’infraction est un délit continu ; qu’il n’y a donc pas de conflit de qualification ; que par ailleurs, l’ensemble des faits supportant la qualification de recel a été examiné dans le cadre de l’information puisque les prévenus ont été mis en examen pour avoir « étant investis d’un mandat électif public, pris, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont ils avaient au moment de l’acte en tout ou partie de la charge d’assurer la surveillance ou l’administration » ; qu’il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré MM. B… et A… coupables des faits reprochés ». La cour de cassation censure l’arrêt d’appel puisque le délit de recel ne pouvait pas être poursuivi dans la mesure où le délit principal était prescrit : « alors que la prescription qui couvre le délit originaire, s’étend au recel lorsque les deux infractions procèdent des mêmes faits ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté que les faits de prise illégale d’intérêts, visés dans la plainte à l’origine des poursuites, étaient atteints par la prescription ; qu’en déclarant MM. A… et B… coupables de recel des fruits de cette même infraction, elle a méconnu les textes et principes susvisés ».   Rappelons que l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales déclare « illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ». Le non-respect de cette disposition entraîne l’intervention du juge répressif au visa de l’article 432-12 du Code pénal réprimant la prise illégale d’intérêts. Dans les faits, le délit est constitué quand l’intéressé reçoit ou conserve, directement ou indirectement un intérêt quelconque dans l’entreprise ou l’opération concernée. De plus, il doit avoir au moment de l’acte en tout ou partie la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’entreprise ou de l’opération concernée. Il est de jurisprudence que le maire et les adjoints ne peuvent pas en règle générale se porter acquéreur des biens de la commune ou louer un bien communal (CE, 9 nov. 1984, Maguy Laborde Casteix : Dr. adm. 1984, comm. 503. – TA Lyon, 5 oct. 1993, Duperrat : JCP G 1994, IV, 165). Dans ce cas la délibération du conseil municipal autorisant la vente doit être annulée (CE, 25 mars 1987, Delerue : Gaz. Pal. 1988, 1, pan. dr. adm. p. 63). Il est important de relever qu’en application de l’article 8 du Code de procédure, le délit de prise illégale d’intérêts se prescrit par 3 ans. C’est exactement cette prescription que constate la Cour de cassation dans l’espèce qui lui est soumise. La haute juridiction censure le raisonnement de la Cour d’appel qui avait tenté de contourner la prescription de l’infraction de la prise illégale d’intérêts qui était acquise, en poursuivant les deux élus du chef de « recel » de prise illégale d’intérêts. En affirmant que le ou les auteurs d’une prise illégale d’intérêts ne peuvent pas être poursuivis pour recel de prise illégale d’intérêts, infraction visée par l’article 321-1 du Code pénal, la Cour de cassation met un coup d’arrêt aux comportements des juridictions du fonds qui n’hésitent pas à adapter les chefs de poursuite lorsqu’une prescription est encourue, pour obtenir la condamnation des personnes qu’ils poursuivent.

Eolien: un élu participant à une délibération approuvant un périmètre ZDE n’est pas forcément coupable de prise illégale d’intérêt (TGI Laval, 18 juin 2015)

Par Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat)     Par un jugement du 18 juin 2015, le Tribunal correctionnel de LAVAL (Trib correct LAVAL , 18 juin 2015, n° parquet 12303000006: jugement correctionnel LAVAL) a relaxé un élu poursuivi pour prise illégal d’intérêt alors que ce dernier, propriétaire de parcelles dans le périmètre d’une ZDE avait participé à une délibération du Conseil municipal de sa commune, après que le Conseil général de . avait défini le périmètre de la ZDE. Il est à noter que l’élu était conseiller municipal en charge de l’urbanisme. Créées par la loi n°2000-108 du 10 février 2000, les zones de développement éolien (ZDE) permettaient aux opérateurs exploitant des éoliennes dans la zone de bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité produite prévue à l’article L314-1 du Code de l’énergie. C’est au Préfet de département qu’il incombait de définir ces zones. Notons que les ZDE qui ont fait l’objet d’un contentieux encore résiduel abondant ont été supprimées par la loi dites Brottes (Loi n°2013-312 du 15 avril 2013), pour être remplacées notamment par les Schémas Régionaux de l’Eolien (SRE). En l’espèce, un Conseil général avait coordonné en 2006 une mission de définition des zones de développements éoliens (ZDE) dans son département. Une ZDE était envisagée sur le territoire d’une commune avec l’implantation de 5 éoliennes. Le conseil municipal de ladite commune avait validé en 2008 par 22 voix contre 23, le principe de la création d’une ZDE et son périmètre préalablement défini par le conseil général. En l’occurrence, un conseiller municipal, également agriculteur et propriétaire de parcelles situées dans le périmètre retenu par le Conseil général, avait participé à la délibération du Conseil municipal validant le périmètre de la ZDE comprenant l’une de ses parcelles. Il lui était également reproché d’avoir participé à une délibération qui avait exprimé la position de la commune « en faveur » d’un opérateur éolien (bien que ce genre de délibération est purement facultative et est dépourvue de valeur légale). Rappelons que le délit de prise illégale d’intérêts, défini à l’article 432-12, alinéa 1er du Code pénal, consiste dans « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ». Le libellé de l’article 432-12 du Code pénal est très général. Il couvre non seulement les dépositaires d’une autorité publique, comme les détenteurs de l’exécutif des collectivités locales ou des établissements publics (présidents des conseils régionaux et généraux, maires, présidents d’établissements publics intercommunaux, ou les personnes auxquelles ceux-ci ont délégué une partie de leurs pouvoirs, adjoints, vice-présidents, simples élus locaux), mais aussi plus généralement toute personne investie d’un mandat électif dès lors qu’elle a une certaine mission à l’égard de l’entreprise ou de l’opération en cause, ne serait-ce que de surveillance (conseiller municipal notamment). Il est à noter que cette disposition pénale doit être mise en rapport avec l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales qui déclare « illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ». Rappelons que juridiquement deux éléments doivent être réunis pour justifier l’incrimination de délit de prise illégale d’intérêts : Premier élément: avoir eu au temps de l’acte, l’administration, la surveillance, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle l’intérêt a été pris. C’est donc davantage la fonction de l’élu que son comportement, sa motivation ou la nature de son implication dans l’affaire qui est déterminante. Il importe peu que l’acteur public n’ait pas lui-même pris de décision l’avantageant ou que ses fonctions n’impliquent pas de pouvoir décisionnel. Son intervention peut se réduire à une simple association au processus de décision, tels des pouvoirs de préparation ou de propositions de décisions prises par d’autres. Deuxième élément: avoir pris ou reçu un intérêt quelconque. La prise illégale d’intérêts suppose que l’élu ait pris, ou reçu, ou conservé quelque intérêt que ce soit dans l’opération ou l’entreprise. Là aussi, la portée exacte de la notion en cause, celle d’intérêt, n’est pas toujours facile à cerner, d’autant qu’elle doit être définie moins par référence à un certain type d’actes que par rapport à son résultat : le délit est constitué dès que le prévenu a eu un comportement inconciliable avec l’exercice de sa mission. Il y a bien sûr prise d’intérêt dès lors qu’il y a perception directe ou indirecte de bénéfices ou d’avantages matériels. En l’espèce, le Tribunal correctionnel de LAVAL refuse de reconnaître la prise illégale d’intérêt du conseiller municipal aux motifs : « Il ressort de la procédure et des débats d’audience que si Monsieur … était bien propriétaire de parcelles situées dans le périmètre de la ZDE, son intérêt personnel ne pouvait être caractérisé lors de la délibération du 3 juillet 2008, qui se limitait à entériner le périmètre de la ZDE proposée par le conseil général de … sans que l’implantation des éoliennes ne soit définie à ce stade du projet. II apparaît aussi qu’au moment de la délibération du 2 juillet 2009, rendant un avis consultatif optant pour l’opérateur E…, à laquelle Monsieur … a participé, les parcelles d’implantation des éoliennes n’étaient pas davantage définies et que ces 2 délibérations, auxquelles il lui est reproché d’avoir participé, avaient pour seul objet de valider une ZDE sur laquelle des terrains lui appartenant, parmi d’autres terrains, étaient susceptibles de recevoir des éoliennes, ce choix relevant de l’enquête publique et de l’autorité préfectorale, seule compétente pour délivrer les permis de construire. Au stade des deux premières délibérations visées par la prévention, l’intérêt personnel du prévenu, tel que défini par l’article 432-12 du Code pénal n’apparaît pas suffisamment établi pour que sa responsabilité pénale soit engagée (…) ». Le jugement du Tribunal correctionnel est intéressant puisqu’il permet de constater que l’appréciation du délit de prise illégale d’intérêt…

Urbanisme/ opposition au droit de visite de l’administration: les dispositions pénales sont conformes à la Constitution (CC, 9 avr.2015)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) L’administration souhaite parfois s’assurer de la conformité des travaux avec les règles d’urbanisme applicables. Pour ce faire, l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme institue un droit de visite permettant à certaines personnes dûment autorisées de visiter les constructions en cours, de procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles et de se faire communiquer tous documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments. Ce droit de visite peut être exercé pendant la construction mais aussi dans un délai de trois ans à compter de son achèvement. Il concerne tout type de constructions. Faire obstacle à ce droit de visite constitue un délit réprimé par les dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme.  Aux termes de cet article : « Sans préjudice de l’application, le cas échéant, des peines plus fortes prévues aux articles 433-7 et 433-8 du code pénal, quiconque aura mis obstacle à l’exercice du droit de visite prévu à l’article L. 461-1 sera puni d’une amende de 3 750 euros. En outre un emprisonnement de un mois pourra être prononcé. » Rappelons que les articles 433-7 et 433-8 concernent l’infraction de rébellion, qui consiste à « opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant, dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice. » En application de ces dispositions, un individu a été condamné à 3000€  d’amende par une cour d’appel. Il a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Son pourvoi était assorti de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :  « L’article L. 480-12 du code de l’urbanisme, en tant qu’il réprime le fait de mettre obstacle à l’exercice du droit de visite prévu à l’article L. 461-1 et interdit du même coup de s’opposer à telle visite dans un domicile privé, porte-t-il atteinte au droit au respect de l’inviolabilité du domicile garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et méconnaît-il l’article 66 de la Constitution selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ? » Après avoir estimé que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme était applicable à la procédure et n’avait pas été déjà déclaré à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a considéré que :  «  la question posée [présentait] un caractère sérieux au regard des principes de respect de l’inviolabilité du domicile et de la liberté individuelle, en ce que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme sanctionne quiconque aura mis obstacle au droit de visite prévu par l’article L.461-1 dudit code, alors que ce dernier texte n’assortit pas le contrôle qu’il prévoit de garanties particulières, notamment lorsque la visite s’effectue dans un domicile ». Elle a donc renvoyé la question au Conseil constitutionnel (Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 février 2015, n°14-84.940). Aux termes d’une décision du 9 avril 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme conformes à la Constitution en : « 3. Considérant, d’une part, que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile ;  Considérant que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme réprime le fait de faire obstacle au droit de visite prévu par l’article L. 461-1 du même code ; qu’eu égard au caractère spécifique et limité du droit de visite, cette incrimination n’est pas de nature à porter atteinte à l’inviolabilité du domicile ; que le grief tiré d’une atteinte à l’inviolabilité du domicile doit être écarté ; Considérant, d’autre part, que le grief tiré de l’atteinte à la liberté individuelle est inopérant ; Considérant que les dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution» (Conseil constitutionnel, 9 avril 2015, n° 2015-464 QPC)   Il ressort de cette analyse que le Conseil constitutionnel raisonne par rapport au caractère « spécifique et limité » du droit de visite prévu à l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme afin de réfuter une atteinte à l’inviolabilité du domicile. Cette position peut surprendre dans la mesure où le Conseil constitutionnel raisonne « à l’envers » par rapport à la question du requérant. Le requérant envisageait l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme par rapport au fait qu’il était contraint d’accepter une visite domiciliaire sous peine d’être sanctionné pénalement. Or, le Conseil constitutionnel estime à l’inverse que c’est parce que le droit de visite est limité que sa méconnaissance peut être sanctionnée pénalement. Il ne raisonne pas du tout par rapport à la « contrainte » invoquée par le requérant mais plutôt au regard de la finalité de l’infraction : lutter contre la méconnaissance des règles d’urbanisme lors de la construction des bâtiments. Notons toutefois que la décision du Conseil constitutionnel est parfaitement compréhensible et qu’il ne pouvait, à notre sens, juger autrement. En effet, il est constant le droit de visite est encadré par l’article 432-8 du code pénal qui punit « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi […]». Ainsi, sans accord préalable de l’occupant, les agents commissionnés ne peuvent exercer leur droit de visite et effectuer des constatations à l’intérieur d’une propriété (Rép. min. n° 74381: JOAN, 31 janvier 2006, p. 1094 et Rép. Min. n° 56467 : JOAN, 10 août 2010, p. 8768). La position du Conseil constitutionnel nous parait donc, d’un point de vue strictement juridique, parfaitement justifiée. Relevons également qu’outre les conséquences de cette décision en droit de l’urbanisme, cette décision aura également des incidences en droit de l’environnement. En…

Pénal de l’urbanisme: la liquidation de l’astreinte relève bien du juge répressif ayant prononcé la condamnation (Cass, 24 mars 2015)

Par Aurélien Boudeweel Green Law Avocat Par un arrêt en date du 24 mars 2015 (C.cass, 24 mars 2015, n° 14-84300), la Cour de cassation confirme la compétence du juge répressif pour connaître de la liquidation d’une astreinte prononcée à l’occasion d’une condamnation pénale en urbanisme. En l’espèce, des particuliers et une société civile immobilière avaient été condamnés pour avoir édifié des immeubles en violation des règles d’urbanisme au paiement d’une amende en sus de l’obligation de démolition des constructions irrégulières. Une astreinte avait par ailleurs été prononcée au bénéfice de la commune. L’astreinte est une peine complémentaire permettant d’inciter financièrement l’exécution dans un certain délai de la condamnation à la démolition ou à la remise en état des lieux. La commune avait alors saisi la Cour d’appel d’Amiens dans sa formation correctionnelle afin d’en obtenir la liquidation. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel s’est cependant déclarée incompétente au profit du juge de l’exécution. La Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 2015 casse l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle que : « tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence et du second que la juridiction qui impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation, peut assortir son injonction d’une astreinte ; Attendu que, pour décliner la compétence de la juridiction répressive pour liquider une astreinte prononcée par elle au titre de l’action civile, l’arrêt attaqué relève que l’article 710 du code de procédure pénale figure dans le titre premier du livre cinquième dudit code, intitulé  » De l’exécution des peines », (…) Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la créance d’une commune en liquidation du produit d’une astreinte assortissant l’arrêt de la chambre correctionnelle d’une cour d’appel condamnant un prévenu à une amende pour infraction aux règles de l’urbanisme et lui ordonnant la démolition des ouvrages édifiés irrégulièrement, trouve son fondement dans la condamnation, pénale et civile, prononcée par la juridiction répressive, le contentieux du recouvrement de l’astreinte prononcée ressortissant ainsi aux juridictions répressives, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ». Autrement dit : puisque c’est la Cour d’appel dans sa chambre correctionnelle qui a prononcé la condamnation pénale de démolition des ouvrages sous astreinte, c’est à cette même Cour que revient le soin de juger de la liquidation de l’astreinte. La commune avait donc eu raison de saisir cette formation, et non de saisir le juge de l’exécution. Cet arrêt de la Cour de cassation, publié au Bulletin a le mérite de rappeler la compétence du juge répressif pour connaître de la liquidation de l’astreinte, ce qui présente un intérêt certain pour l’efficacité des décisions de condamnations pénales en urbanisme. Rappelons que la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale obéit à un régime juridique particulier. En effet, l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme dispose le Tribunal peut condamner le prévenu ayant réalisé des travaux non conformes ou sans autorisation à la démolition ou à la remise en état et qu’une astreinte journalière peut assortir la peine : « Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté. »   Par ailleurs, le texte prévoit aujourd’hui que : « Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus. Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». Concrètement, si la personne condamnée ne démolit pas ou ne remet pas en état par rapport à l’état initial dans le délai octroyé par la juridiction pénale, l’astreinte éventuellement prévue va courir. Juridiquement, c’est la procédure de contestation à état exécutoire qui permet de contester le titre administratif procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux. Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (D. n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer. Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur. Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception. S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir : L’existence de la créance ; L’exigibilité de la créance ou ; Le montant de la créance. Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (D. n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; C. urb., art. R. 480-5). Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public…