ICPE et loi ASAP : No régression !

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Par sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont il avait été saisi par plus de soixante députés. La décision était attendue, plusieurs éminents praticiens environnementalistes ayant sinon purement et simplement annoncé la prochaine consécration du principe de non régression par le Conseil du moi invité les sages à s’engager sur cette voie. Il est vrai que le juge constitutionnel avait déjà effleuré la question  mais sous l’angle particulier de la légalisation du principe qu’il avait validée en ces termes (CC, 4 août 2016, n° 2016-737 DC) : « Les dispositions de [l’article L. 110-1 par un 9° du code de l’environnement]  contestées énoncent un principe d’amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, ces dispositions ne sont donc pas dépourvues de portée normative. Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. Il peut également à cette fin modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Dans l’un et l’autre cas, il ne saurait priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l’art. 2 de la Déclaration de 1789 et les art. 3, 39 et 44 de la Constitution doivent donc être écartés. Les dispositions contestées ont pour objet de favoriser l’amélioration constante de la protection de l’environnement et ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de l’art. 5 de la Charte de l’environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution. Dès lors le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de précaution est inopérant. Les dispositions du dernier alinéa de l’art. 2 de la loi déférée ne sont entachées d’aucune inintelligibilité » (cf. RJE 2017. 693, note Dellaux). Or l’affaire n° 2020-87DC donnait effectivement l’occasion au Conseil de se positionner sur la constitutionnalisation du principe de non régression alors que pour sa part en avait déjà précisé la portée contentieuse pour le sanctionner (CE 8 déc. 2017, Féd. Allier Nature, n° 404391: AJDA 2017. 2438, obs. Pastor ; Dr. envir. 2018. 48 ; concl. Dutheillet de Lamothe : RJE. 2018. 187) et en préciser la portée à l’endroit des actes des actes administratifs (sur la jurisprudence administrative cf. Brett, « Le traitement contentieux du principe de non- régression de la protection de l’environnement par le juge administratif: une application stricte et des incertitudes », RJE 2018. 634)  en exccluant en particulier son opposabilité directe aux décision individuelle (CE 17 juin 2019, Assoc. Les Amis de la Terre France, n° 421871 A: AJDA 2019. 1253, note de Montecle) .   Avec loi ASAP, le Conseil constitutionnel était en particulier saisi de trois disposition de la loi qui devaient permettre d’accélérer les procédures d’autorisation installations classées pour la Protection de l’Environnement et de desserrer certaines contraintes pesant sur elles. Et on peut en tirer trois enseignements : I/ Les nouveaux droits acquis reconnus aux installations en cours d’autorisation ou d’enregistrement sont constitutionnels. Le Conseil constitutionnel s’est notamment prononcé sur l’article 34 de la loi déférée aménageant les conditions de mise aux normes des installations soumises à autorisation ou enregistrement existantes et à celles dont les demandes étaient  complètes mais pas encore abouties. Aux termes du code de m’environnement, les articles L. 512-5, L. 512-7 et L. 512-10 prévoient que les arrêtés ministériels fixant les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises à autorisation et les prescriptions générales applicables aux installations soumises à enregistrement ou déclaration s’imposent de plein droit aux installations nouvelles et que ces arrêtés déterminent les délais et conditions dans lesquels ils s’appliquent aux installations existantes. L’article 34 de la loi déférée précise que, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne, d’une part, ces mêmes délais et conditions s’appliquent aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté et, d’autre part, les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation ou d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté. Il précise enfin qu’une demande d’autorisation ou d’enregistrement est présumée complète lorsqu’elle répond aux conditions de forme prévues par le code de l’environnement. Les députés requérants soutenaient que ces dispositions méconnaissent les articles 1er  (droit de vivre dans un environnement sain) et 3 de la Charte de l’environnement (principe de prévention) ainsi que le principe de non-régression du droit de l’environnement. Les députés requérants reprochaient d’abord à ces dispositions d’étendre aux projets en cours d’instruction, ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète, les facilités de longues dates accordées aux installations existantes pour se mettre en conformité avec de nouvelles prescriptions en matière environnementale. Cette facilité classique du droit des ICPE a pu être interprétée comme participant du principe de confiance légitime (TA Strasbourg, 8 déc. 1994, Entreprise de transports Freymuth, concl. J. Pommier, AJDA 1995.555, note M. Heers, RFD adm. 1995.963). Ainsi les installations existantes bénéficient dans cette mesure de droits acquis que la législateur a voulu étendre aux installations en cours d’autorisation ou d’enregistrement. Ils contestaient, par ailleurs l’absence d’application, à ces mêmes projets et aux installations existantes, de ces prescriptions lorsqu’elles concernent le gros œuvre. Ils critiquaient, enfin, le fait que la demande soit présumée complète dès lors qu’elle répond aux seules conditions de forme prévues par le code de l’environnement. Pour sa part, le…

Nouvelle exception à la loi littoral

Par Maître DAVID DEHARBE (Green Law Avocats) Dans sa décision n°432944 (mentionné aux tables du recueil Lebon) du 10 juillet 2020, Association France Nature Environnement, le Conseil d’Etat précise le régime de l’implantation d’aménagements légers pouvant être implantés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Pour rappel, l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme énonce que « Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. […] ». Toutefois, l’article L. 121-24 permet de déroger à cette règle lorsqu’il est question de l’implantation d’aménagements légers. Depuis la loi n° 2018-1021, du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, l’article L. 121-24 prévoit que la liste limitative de ces aménagements légers doit être définie par décret en Conseil d’Etat. Cette liste est inscrite à l’article R. 121-5 du code de l’urbanisme : « Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’Etat, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu’ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site. […] ». En l’espèce, le décret n° 2019-482 du 21 mai 2019, relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, a modifié la liste des aménagements légers ; en ajoutant la nouvelle catégorie relative aux canalisations nécessaires au services publics ou aux activités économiques. Par une requête, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 juillet et 22 août 2019 et 14 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France Nature Environnement demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-482 du 21 mai 2019 relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. La haute juridiction administrative  apporte deux éclaircissements : sur la légalité externe elle précise la portée de la consultation publique fondée sur articles L. 120-1 et L. 123-19-1 du code de l’environnement (I) ; sur la légalité interne elle explicite la portée du principe de non-régression issu de l’article L110-1 du code de l’environnement (II).  Concernant la portée de la consultation publique fondée sur articles L. 120-1 et L. 123-19-1 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat a indiqué que l’obligation de consultation publique préalable à l’édiction de certains types d’actes ayant une incidence directe et significative sur l’environnement « n’imposent de procéder à une nouvelle publication pour recueillir des observations du public sur les modifications qui sont ultérieurement apportées au projet de décision, au cours de son élaboration, que lorsque celles-ci ont pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public. ». Les projets soumis à consultation publique préalable peuvent ainsi être modifié sans qu’il y ait lieu de relancer une procédure de consultation. Le Conseil d’Etat pose toutefois un garde-fou : cette modification ne doit pas avoir pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public. Certes, cette solution n’est pas nouvelle (CE, 4 décembre 2013, n° 357839 358128 358234, Cons. 8 ; CE, 17 juin 2015, n°375853, Cons. 7 à 9 ; CE 22 octobre 2018, Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, n°408943) Mais cette solution relativise comme beaucoup d’autres de la juridiction administrative la consistances du principe de participation. En effet ce principe a été lu par exemple comme n’impliquant pas par lui-même l’obligation de procéder à une information du public préalablement à l’autorisation d’extension d’une installation nucléaire de base (CE, 16 mars 2001,  collectif national stop melox, n° 212930). Ce principe n’impose pas plus en lui-même l’organisation d’une enquête publique ou que le public soit associé à la décision publique. Mais surtout on sait que le Conseil d’Etat a une lecture stricte du « projet » ayant une incidence importante sur l’environnement (Ce qui exclut de son champ d’application le contentieux des ZDE : CE 26 juin 2013, Cne de Roquerfère, n°360466 ; plus étrangement encore l’arrêté fixant les règles de balisage des éoliennes afin de garantir la sécurité de la circulation aérienne : CE 13 mars 2020, n° 425161). Et cette solution s’inscrit encore dans une logique qui consiste désormais à accepter les régularisations des vices de formes et même de ceux qui semblent pourtant méconnaître le principe de participation (CE 22 mars 2018, n°415852)… si bien que l’on se demande parfois si le principe en est encore un et si le recours a encore un intérêt ! Bien évident la sécurité juridique explique largement ces entorses à la participation. On constate en fait qu’après le mépris de ses représentants, le peuple doit compter désormais avec le mépris des juges … On finit par se demander si, à ainsi torturer la loi plus qu’il ne l’interprète, le Conseil d’Etat ne prend pas le risque d’alimenter la thèse de ceux qui a l’instar de Dominique Rousseau proposent désormais sans détour la suppression de la Haute juridiction administrative (Dominique Rousseau : « Pour déconfiner la France politiquement, il faut reconnaître la compétence des citoyens »). Concernant la portée du principe de non-régression issu de l’article L110-1 du code de l’environnement, il est de bon ton de rappeler qu’il est le pendant de l’effet cliquet en droit de l’environnement. Le principe de non-régression est une création doctrinale du professeur Prieur qu’il considère être « la conséquence du caractère finaliste du droit de l’environnement, qui vise non seulement à protéger l’environnement dans ses différentes composantes, mais également à l’améliorer, ce qui désigne une action vers plus de protection » (Prieur M. et Sozzo G. (dir.), La non-régression en droit de l’environnement, Bruylant, 2012,…

PRINCIPE DE NON RÉGRESSION ET ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE : JE T’AIME MOI NON PLUS

Par David DEHARBE (Avocat  associé gérant de Green Law). Par un arrêt du 9 octobre 2019 (Conseil d’État, 6ème et 5ème chambres réunies, 9 octobre 2019, n°420804 : disponible ici), le Conseil d’État a jugé que le décret n° 2018-239 du 3 avril 2018 relatif à l’adaptation en Guyane des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (disponible ici), exemptant d’évaluation environnementale certains projets de déboisement, situés dans des zones agricoles, précédemment soumises à un examen au cas par cas, ne méconnaît pas le principe de non-régression prévu à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement. Or pour la Haute juridiction, cette méconnaissance n’existe pas dès lors que l’évaluation environnementale a déjà été effectuée, auparavant, lors du classement des zones agricoles dans un document d’urbanisme. Rappelons que l’article R. 122-2 du C.Env prévoit que « les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l’article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau » (disponible ici). Le décret n° 2018-239 modifie le tableau de l’article R. 122-2 du C.Env, pour prévoir que « le seuil à partir duquel un projet de déboisement en vue de la reconversion des sols est susceptible d’être soumis à une évaluation environnementale sur la base d’un examen au cas par cas est porté à 20 hectares dans les zones classées agricoles par un plan local d’urbanisme ayant lui-même fait l’objet d’une évaluation environnementale ou en l’absence d’un tel plan local d’urbanisme, dans le schéma d’aménagement régional et à 5 hectares dans les autres zones ». Le principe de non-régression correspond en vertu de l’article L. 110-1 du C.Env., à « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». En l’espèce, l’association France Nature Environnement et l’association Guyane Nature Environnement ont demandé l’annulation du décret n° 2018-239 du 3 avril 2018, en ce qu’il exclut, pour la Guyane, des projets de défrichements auparavant soumis à une évaluation environnementale et qu’il ne soumet pas à évaluation environnementale les défrichements de l’État en forêt domaniale. Le Conseil d’État accepte de connaître du moyen en vérifiant si le décret ne méconnaît pas le principe de non-régression. Les juges du Palais Royal rappellent d’une part la portée du principe de non-régression en ce qu’ « une réglementation soumettant certains types de projets à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas alors qu’ils étaient auparavant au nombre de ceux devant faire l’objet d’une évaluation environnementale de façon systématique ne méconnaît pas, par là même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement » (§ 4). D’autre part, il apparaît dans les deux cas soulevés devant la Haute juridiction que les projets susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale au sens du II de l’article L. 122-1 du C.Env (disponible ici). Par ailleurs, la Haute juridiction estime qu’ « une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine ». Au regard de ces éléments, le Conseil que le décret ne méconnaît pas le principe de non-régression pour les projets de déboisement sur une superficie de 20 hectares du fait qu’en l’état antérieur de la réglementation ces derniers faisaient déjà l’objet d’une évaluation environnementale. Toutefois, le Conseil relève que pour le projet de déboisement portant sur une superficie de moins de 5 hectares qui n’ont pas été classés en zones agricoles par un document d’urbanisme ayant lui-même fait d’une obligation environnementale ou dans le schéma d’aménagement régional porte atteinte au principe de non-régression, une telle exemption était jusqu’alors limitée aux projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 0,5 hectare. Pour le Palais Royal, cette exemption auparavant plus limitée est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Un lecteur candide verrait dans cet arrêt une difficulté supplémentaire de faire valoir le principe de non-régression devant la plus haute juridiction administrative. Mais le Conseil d’État relève qu’ « Il ressort des pièces du dossier qu’une telle modification est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, eu égard notamment à la biodiversité remarquable qu’abrite la forêt guyanaise, nonobstant l’étendue de la forêt en Guyane et la protection dont une grande partie fait par ailleurs l’objet ». Si le principe de non régression a pu décevoir les requérants, ce principe n’étant souvent pas retenu (TA Strasbourg, 19 novembre 2014, n° 1205002, CE, 14 juin 2018, n° 409227, CE, 17 juin 2019, n°421871, CE, 24 juillet 2019, n° 425973), au final cet arrêt rappelle que le requérant doit systématiquement prouver et justifier la baisse du niveau de protection (CE, 8 décembre 2017, n° 404391 ; TA Dijon, 25 juin 2018, n°1701051).

LE PRINCIPE DE NON REGRESSION N’EST PAS INVOCABLE CONTRE UNE DECISION INDIVIDUELLE

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le tribunal administratif de La Réunion avait annulé en décembre 2016 le refus opposé par le maire de l’Etang‐Salé à l’aménagement d’un parc zoologique dans la forêt départementale sur le territoire de la commune de l’Etang‐Salé. Le refus de la commune était motivé par l’aggravation du risque incendie pour la forêt, surtout en période de sécheresse, par les difficultés de stationnement, particulièrement les week‐ends, et, enfin, par le risque d’évasion des oiseaux rapaces du parc. Le tribunal a toutefois considéré, en vertu du principe d’indépendance des législations, que ce dernier motif ne concernant que l’activité même du parc et non les aménagements soumis à l’autorisation d’urbanisme. Le même tribunal administratif vient de rejeter par deux jugements du 14 décembre 2017 (TA La Réunion, 14 décembre 2017, Association citoyenne de Saint-Pierre (ACSP) et autres, n°1401324 et n° 1500484) les recours de trois associations et d’une société contre un arrêté préfectoral en date du 8 avril 2014 autorisant l’exploitation d’un parc animalier dans la forêt de l’Etang-Salé. Ces trois associations locales de protection de la nature ou de l’environnement et une société concurrente avaient en effet contesté la légalité de l’autorisation d’exploitation accordée par le préfet de La Réunion sur la base d’un DDAE déposé au titre de  la  rubrique  n°  2140 de la nomenclature ICPE,  pour un nouveau parc animalier de 4,5 hectares permettant la présentation au public sur un parcours pédestre de deux kilomètres de 680 animaux sauvages, dont 350 oiseaux, 60 mammifères et 270 reptiles, et prévoyant notamment la présentation de rapaces en vols. Le Tribunal a tout d’abord écarté les contestations portées sur la composition du dossier de demande, et notamment de l’étude d’impact, estimant au contraire que celle-ci était suffisante, notamment pour apprécier les effets du projet en termes de trafic routier, analyser les impacts cumulés avec les projets connus, apprécier les risques de pollution des points d’eau situés à proximité et l’impact de la consommation d’eau quotidienne de l’installation sur les capacités des réseaux de distribution d’eau, analyser la richesse de la faune et de la flore du site, ou encore apprécier le risque d’évasion des animaux et notamment des rapaces prédateurs. Puis la juridiction a jugé au fond que les conditions d’exploitation du parc, compte des mesures prises, étaient suffisantes pour assurer la protection des intérêts auxquels elle était susceptible de porter atteinte, notamment la protection de la faune et de la flore locales, le risque d’évasion des animaux et en particulier des rapaces, ou encore la conservation des ressources hydrauliques, mais aussi le risque incendie et celui lié l’augmentation du trafic routier et en particulier le stationnement des véhicules. A cette occasion, le Tribunal administratif de La Réunion a jugé que le principe de non-régression de la protection de l’environnement n’était pas directement invocable contre  la décision d’autorisation d’exploitation d’une installation classée au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement afférente au parc. Au visa de l’article 110-1 du code de l’environnement dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016, dans l’espèce n° n°1401324 on peut lire ce considérant : « que les dispositions précitées du 9° du II de l’article de l’article L. 110-1 du code de l’environnement énoncent un principe d’amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ; que si ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées directement à l’encontre d’une décision non-réglementaire d’autorisation d’exploitation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant ».     Ainsi la juridiction refuse une invocabilité directe du principe de non-régression. Cette solution trouve assurément un fondement solide tant dans le texte qui pose le principe que dans la lecture qu’en a fait le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’Etat. En effet l’article L 110 l’article L. 110-1 du code de l’environnement, depuis l’intervention de la loi 2016-1087 du 8 août 2016 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage », s’adresse bien au législateurs et au pouvoir réglementaire : « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Quant au Conseil constitutionnel il a, pour sa part, reconnu une portée normative en ce qu’il« s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (décision n°2016-737 DC du 4 août 2016). Enfin par un arrêt du 8 décembre 2017 (n°404391 : cf. son commentaire par Maître Bécue sur ce même blog) destiné à être mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat supprime, sur le fondement du principe de non-régression du droit de l’environnement et en ces termes, une partie du contenu de la rubrique n°44 « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » de la nomenclature déterminant les projets soumis à étude d’impact figurant en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement : « Considérant qu’une réglementation soumettant certains types de projets à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l’autorité environnementale alors qu’ils étaient auparavant au nombre de ceux devant faire l’objet d’une évaluation environnementale de façon systématique ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement énoncé au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement dès lors que, dans les deux cas, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent faire l’objet, en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, d’une évaluation environnementale ; qu’en revanche, une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce…

Chantiers de la simplification du droit de l’environnement : régresser ou ne pas régresser, telle est la question… ! (CE, 8 déc.2017- annulation partielle rubrique nomenclature étude d’impact)

Par Me Sébastien BECUE (GREEN LAW AVOCATS) Aux termes d’une décision du 8 décembre 2017 (n°404391) destinée à être mentionnée aux Tables, le Conseil d’Etat supprime, sur le fondement du principe de non-régression du droit de l’environnement, une partie du contenu de la rubrique n°44 « Equipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés » de la nomenclature déterminant les projets soumis à étude d’impact figurant en annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Analyse. Une apparente double régression Une association de protection de l’environnement introduit un recours en annulation à l’encontre des paragraphes (a) et (d) de cette rubrique, dans leur rédaction issue de la dernière révision d’ampleur du régime de l’évaluation environnementale par le décret n°2016-1110 du 11 août 2016.Ces dispositions prévoient la soumission à étude d’impact au cas par cas, c’est-à-dire après avis de l’autorité environnementale statuant sur l’opportunité de la réalisation d’une étude d’impact au regard des caractéristiques d’un projet donné : pour l’aménagement de pistes permanentes de courses et d’essais pour véhicules motorisés d’une emprise supérieure ou égale à 4 hectares (a), et  la construction d’équipements sportifs et de loisirs, ne figurant dans aucune autre rubrique du tableau, susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes (d). Auparavant : l’ancienne rubrique n°44 disposait qu’étaient soumis à évaluation environnementale systématique les aménagement de terrains pour la pratique de sports ou loisirs motorisés d’une emprise totale supérieure à 4 hectares ; et au cas par cas les aménagement de moins de 4 hectares, et l’ancienne rubrique n°38 prévoyait qu’étaient soumis au régime systématique les équipements culturels, sportifs ou de loisirs susceptibles d’accueillir plus de 5 000 personnes ; et au cas par cas ceux susceptibles d’accueillir plus de 1 000 personnes et moins de 5 000 personnes.  A première vue, et c’était là l’argumentation de l’association, il semble bien que ces « déclassements » puissent être qualifiés de « régression » de la protection de l’environnement, à tout le moins dans le sens courant du terme, à savoir une évolution en sens inverse d’un phénomène qui cesse de progresser. En effet, d’une part, certains projets soumis systématiquement à évaluation environnementale bénéficient désormais du régime plus favorable de l’examen au cas par cas, ce qui peut permettre à certains d’entre eux de ne pas faire l’objet d’une évaluation, en considération de leurs caractéristiques et de leurs impacts supposés sur l’environnement et la santé humaine. D’autre part, certains projets qui faisaient l’objet d’un examen au cas par cas ne sont plus, en aucun cas, soumis à évaluation, sans même d’examen au cas par cas.    L’invocation d’un principe aux contours et à la portée normative encore flous L’association requérante fonde son argumentation sur le principe législatif de non-régression, qui figure à l’article L. 110-1 du code de l’environnement depuis l’intervention de la loi 2016-1087 du 8 août 2016 dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysage ». Ce nouveau principe directeur du droit de l’environnement, « selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Lors de son contrôle de la conformité du principe à la Constitution, le Conseil constitutionnel lui a reconnu une portée normative en ce qu’il« s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (décision n°2016-737 DC du 4 août 2016). Restait donc à savoir comment le Conseil d’Etat allait contrôler concrètement le respect de cette injonction faite à l’exécutif, légitimement saluée par les associations de protection de l’environnement mais également source de crainte pour les porteurs de projets qui réclament de longue date une véritable simplification du droit de l’environnement. Une application pragmatique du principe de non-régression La décision du Conseil d’Etat ne propose pas directement de guide général de mise en œuvre du principe. Saisi d’une question relative à son application au régime juridique de l’évaluation environnementale, l’appréciation du Conseil d’Etat est bornée à ce domaine du droit de l’environnement. Confronté à deux types possibles de régression, le Conseil d’Etat différencie. Il n’y pas régression quand une règlementation « déclasse » un type de projet de la soumission systématique vers la soumission au cas par cas. En effet, les projets compris dans la catégorie déclassée resteront soumis à évaluation environnementale si l’autorité environnementale estime, après une analyse concrète des caractéristiques de l’espèce, que les risques pour l’environnement méritent d’être étudiés. C’est un témoignage important de confiance dans la capacité des administrations assurant le rôle d’autorité environnementale à déterminer quels sont les projets. Il est clair que cette confiance s’explique notamment par l’exigence dont a récemment fait preuve le Conseil d’Etat vis-à-vis de cette institution, dont il a été confirmé dans la douleur qu’elle doit être fonctionnellement indépendante de l’autorité qui délivre l’autorisation (voir notre article L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !). Il y a présomption de régression lorsqu’une catégorie de projets ne peut plus faire l’objet d’une évaluation environnementale alors que les projets y étaient soumis auparavant. La forme négative choisie pour la rédaction de la phrase est révélatrice : dans ce cas, il y a bien, dans ce cas, régression « en principe ». Cette présomption est néanmoins réfragable : il est possible de démontrer la légitimité d’une telle soustraction. Pour cela, le type de projet devenu insusceptible d’être évalué doit également être insusceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Le Conseil d’Etat liste les indices permettant de justifier ce choix : la nature, les dimensions, la localisation, du type de projet, et rappelle que cette appréciation se fait au regard des connaissances scientifiques, comme le prévoit l’article L. 110-1 précité. En l’espèce, il estime que le bilan est négatif : l’association requérante a démontré, sans être efficacement contredite par l’exécutif, que ces types de projets peuvent avoir des incidences notable sur l’environnement « lorsqu’ils sont localisés dans ou à proximité de lieux où les sols, la faune ou la flore sont particulièrement vulnérables ». Le Conseil d’Etat tranche ainsi in concreto, au regard du dossier qui lui est soumis, constitué en toute logique des argumentations respectives…