Nuisance: la subtile appréciation de la Cour de cassation au sujet des bruits d’activités et des bruits de comportement !

Par Aurélien BOUDEWEEL – GREEN LAW AVOCATS Dans un arrêt en date du 8 mars 2016 (C.cass, Chambre criminelle 8 mars 2016, n°15-85503), la Cour de cassation souligne que les bruits générés par la clientèle d’un  établissement de restauration constituaient des bruits de comportements et non des bruits rattachables à l’activité professionnelle du restaurateur. Cela n’est pas sans incidence sur les possibilités de recours afin de faire cesser ce genre de nuisances. En l’espèce, un restaurateur était poursuivi par-devant la juridiction de proximité de FREJUS sur le fondement des articles R1334-1, R1334-32 et R1337-10 du Code de la santé publique consécutivement à la plainte de riverains. Ces plaintes avaient pour objet un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix. Par un jugement en date du 28 avril 2015, la juridiction de proximité avait débouté les riverains au motif que l’article R1334-1 du Code de santé publique n’était pas applicable aux établissements exerçant une activité professionnelle. Au demeurant, la juridiction justifie la relaxe du restaurateur compte-tenu de l’absence de mesure acoustique permettant de caractériser l’atteinte à la tranquillité du voisinage. Rappelons que l’article R.1337-7 du Code de la santé publique dispose : « Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait d’être à l’origine d’un bruit particulier, autre que ceux relevant de l’article R. 1337-6, de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme dans les conditions prévues à l’article R. 1334-31 ». Pour rappel, l’article R.1337-6 du Code de la santé publique prévoit : « Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe : 1° Le fait, lors d’une activité professionnelle ou d’une activité culturelle, sportive ou de loisir organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d’exercice relatives au bruit n’ont pas été fixées par les autorités compétentes, d’être à l’origine d’un bruit de voisinage dépassant les valeurs limites de l’émergence globale ou de l’émergence spectrale conformément à l’article R. 1334-32 ; 2° Le fait, lors d’une activité professionnelle ou d’une activité culturelle, sportive ou de loisir organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, dont les conditions d’exercice relatives au bruit ont été fixées par les autorités compétentes, de ne pas respecter ces conditions ; 3° Le fait, à l’occasion de travaux prévus à l’article R. 1334-36, de ne pas respecter les conditions de leur réalisation ou d’utilisation des matériels et équipements fixées par les autorités compétentes, de ne pas prendre les précautions appropriées pour limiter le bruit ou d’adopter un comportement anormalement bruyant ». S’agissant de la démonstration du trouble visé à l’article R.1337-6 du Code de la santé publique, l’article R1334-32 du Code de la santé publique dispose que : « Lorsque le bruit mentionné à l’article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d’exercice relatives au bruit n’ont pas été fixées par les autorités compétentes, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article (…) ». Dans l’espèce qui lui est soumise, la Cour de cassation casse le jugement rendu par la juridiction de proximité aux motifs suivants : «Vu les articles R.1337-7 et R.1334-31 du code de la santé publique ; Attendu qu’il résulte du premier de ces textes qu’est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe le fait d’être à l’origine d’un bruit particulier, autre que ceux résultant d’une activité professionnelle, de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme ; que, selon le second de ces textes, aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité ; Attendu que, pour relaxer la société X, le jugement attaqué retient que la prévenue, exploitante d’un restaurant à Saint-Tropez, est poursuivie sur le fondement des articles R. 1337-10, R. 1334-31 et 32 du code de la santé publique, que l’article R. 1334-31 n’est pas applicable aux établissements exerçant une activité professionnelle, que l’article R. 1334-32 du même code dispose que l’atteinte à la tranquillité du voisinage est caractérisée si le bruit est supérieur à certaines valeurs, et qu’aucune mesure acoustique n’a été effectuée ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la prévenue était poursuivie pour un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix constituant non pas des bruits d’activités, mais des bruits de comportement relevant de l’article R. 1337-7 du code de la santé publique visé à la prévention, et ne nécessitant pas la réalisation de mesure acoustique, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés ; D’où il suit que la cassation est encourue». L’arrêt rendu par la Cour de cassation est très intéressant en ce qu’il se démarque de la jurisprudence particulièrement foisonnante reconnaissant que les nuisances sonores ne sont répréhensibles que lorsque des mesures précises, effectuées avec un sonomètre, démontrent qu’elles ont dépassé en intensité et en durée les normes admises (CA Aix-en-Provence, 7e ch., 28 oct. 1991 : Juris-Data n° 1991-050150 ; CA Agen, ch. appels corr., 22 mars 1999 : Juris-Data n° 1999-042454). Par une appréciation novatrice mais de bon sens, la Cour de cassation censure le jugement de la juridiction de proximité estimant que les nuisances qui étaient reprochées en l’espèce soit « un important bruit de musique, des rires et des éclats de voix » ne relevaient pas de la catégorie de bruits d’activités mais des bruits de comportements. De fait, l’infraction n’avait pas selon la Haute…

ICPE/ Entrepôts: attention à la qualité d’exploitant en titre lorsque le locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles! (CAA Versailles, 31 oct.2013, n°11VE02431)

Par un arrêt lu le 31 octobre 2013 « Société I. » n° 11VE02431, la Cour administrative d’appel de Versailles précise que l’ « exploitant » d’une ICPE est celui qui a obtenu du Préfet le récépissé de déclaration, et ce indépendamment du fait que l’exploitation effective de l’installation soit laissée à d’autres sociétés commerciales. En conséquence de quoi, c’est à cet exploitant que doit être adressé un arrêté de mise en demeure de respecter les conditions d’exploitation de l’installation classée en question. Déjà nous pouvions nous interroger en ces termes : « la qualité d’exploitant s’apprécie-t-elle in abstracto (en fonction du titre) ou in concreto (en fonction de l’exploitation réelle) ? (D.DEHARBE, Les installations classées pour la protection de l’environnement, Litec, 2007, pt. 419). La décision de la CAA de Versailles fournit une réponse claire à cette question mais elle n’est pas sous soulever de nouvelles interrogations au sujet d’une situation devenant alors problématique, quasi-piégeuse pour l’exploitant en titre car quels que soient les aménagements conventionnels conclus relatifs à la délégation de l’exploitation de l’installation, c’est toujours au titulaire du titre d’exploitant que l’administration enjoindra de se conformer à la règlement ICPE. Les faits étaient simples : la société I. s’est vue délivrer un permis de construire en vue de la reconstruction d’un bâtiment à usage de stockage et d’industrie. Parallèlement, la société I. a établi une déclaration pour l’exploitation, sous la rubrique 1510-2 de la nomenclature ICPE (soit l’activité d’entrepôt) pour un bâtiment composé de cinq cellules. Cela a donné lieu à un récépissé de déclaration qui constitue son titre. Par la suite, la société I. a donné à bail à des sociétés commerciales une partie du bâtiment dont l’une des ces sociétés exploitait un dépôt de pétards et d’artifices – relevant de la rubrique 1311 de la nomenclature ICPE – sans déclaration préalable. Une visite de contrôle pointait, en substance, l’absence de conformité des conditions d’exploitation de l’entrepôt à la réglementation applicable et conduisait in fine à l’arrêté de mise en demeure pris par le Préfet de la Seine-Saint-Denis à l’encontre de la société I. Le Tribunal administratif de Montreuil a d’abord rejeté la demande la société requérante d’annulation de l’arrêté de mise en demeure de régulariser sa situation administrative  d’annuler en déposant un dossier modificatif de déclaration. La société I. a alors interjeté appel du jugement en développant plusieurs moyens : –        Le jugement serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation car les installations, qui ont fait l’objet de la mise en demeure querellée, sont exclusivement exploitées par la société A ; –        La société I. n’est que propriétaire des locaux exploités et à ce titre, ne pouvait légalement être mise en demeure au titre de la législation sur les ICPE ; –        Les preneurs des locaux –  la société A – se sont contractuellement engagés pour l’exercice de leur activité commerciale à obtenir les autorisations administratives nécessaires ; –        Dès lors, il appartenait aux seuls preneurs des locaux de déposer la déclaration prévue à l’article R. 512-68 du code de l’environnement (déclaration d’un nouvel exploitant). La Cour constate d’abord que l’article R. 512-68 du code de l’environnement oblige « le nouvel exploitant » à déclarer au préfet « dans le mois qui suit la prise en charge de l’exploitation », les informations inhérentes à la personne et à l’activité du nouvel exploitant. La Cour considère que cet article ne s’applique pas en l’espèce puisque la société I. s’est vue délivrer un récépissé de déclaration pour l’exploitation d’un entrepôt couvert. Pour rejeter le moyen selon lequel seuls les preneurs des locaux exploitaient l’exploitation, ce qui empêcherait la société I. d’être mise en demeure, la Cour relève : « Qu’il résulte de l’instruction qu’en l’absence de toute déclaration auprès des services préfectoraux compétents d’un changement d’exploitant dans les conditions prévues par les dispositions susvisées, la Société I. est demeurée exploitante en titre de l’ensemble immobilier objet du récépissé délivré par le Préfet de la Seine-Saint-Denis le 8 mars 1999 ; » Par suite, la CAA de Versailles neutralise le moyen selon lequel la société I. n’est qu’une société civile immobilière et qu’à ce titre elle donne en location à des sociétés exploitante l’entrepôt dont elle est propriétaire. En effet, bien qu’une jurisprudence constante veut qu’en sa seule qualité de propriétaire, ce dernier ne peut pas faire l’objet d’une mise en demeure (CE, 21 févr. 1997, SCI Les Peupliers, req. n° 160250 ; CAA Marseille, 13 avril 2006, SCI Joëlle, req. n° 02MA00689 ; CAA Douai, 18 oct. 2008, Société Intradis, req. n° 06DA01279), la société I. était en outre exploitante de l’installation classée en litige ce qui rend de jure la mise en demeure querellée opposable. A ce titre, le Conseil d’Etat juge que l’exploitant doit s’entendre comme le titulaire de l’autorisation mais plus, que l’existence d’un contrat confiant à un tiers l’exploitation de l’installation est, en l’absence d’une telle autorisation de changement d’exploitant, sans influence sur la qualification d’exploitant (CAA Douai, 22 mai 2008, Société Novergie, req. n° 06DA01271 ; solution confirmée par : CE, 29 mars 2010, Communauté des communes de Fécamp, req. n° 318886). Dernièrement, dans un arrêt « Société Arcelormittal France » (CE, 6 déc. 2012, req. n°333977), le Conseil d’Etat a réaffirmé qu’un arrêté préfectoral pouvait être adressé, y compris après mise à l’arrêt définitif de l’installation, à l’exploitant « lequel doit s’entendre comme le titulaire de l’autorisation délivrée sur le fondement de l’article L. 511-1 du code de l’environnement […]». Ainsi, l’arrêté adressé au dernier exploitant de fait a donc été annulé. La juridiction d’appel de Versailles, pour répondre au moyen selon lequel il appartenait aux sociétés commerciales – dont la société A – d’obtenir les autorisations administratives indispensables à l’exercice de leur activité en vertu des clauses d’un bail, énonce : « que la société I. […] ne peut utilement soutenir […] qu’il incombait aux seuls preneurs d’informer l’administration du changement d’exploitant en vertu des clauses du bail qui les liaient à la société I., alors que les stipulations contractuelles liant la requérante à ses preneurs ne sauraient être opposées à l’administration » Cette analyse s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante selon laquelle le titre d’exploitant d’une installation classée…

Police des installations classées : une circulaire du 19 juillet 2013 précise le nouveau régime

Par une circulaire en date du 19 juillet 2013, le ministre de l’écologie est venu préciser les règles de mise en œuvre des polices administratives et pénales en matière d’installations classées suite à l’entrée en vigueur de la réforme des polices en droit de l’environnement.   Pour rappel, l’ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 avait harmonisé les dispositions relatives à la police administrative et à la police judiciaire du code de l’environnement, et qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013. Or, elle a modifié les dispositions relatives aux sanctions applicables aux installations classées. Ainsi, désormais les dispositions relatives aux polices administratives et pénales en matière d’installations classées sont celles communes à toutes les installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régies par le code de l’environnement. On les retrouve aux articles L. 171-1 à L. 174-1 du code de l’environnement. Cependant, on notera dès à présent que les dispositions pénales du droit des installations classées concernant les infractions contraventionnelles se trouvent toujours aux articles R. 514-4 à R. 514-5 du code de l’environnement alors que celles relatives aux infractions délictuelles se situent désormais aux articles L. 173-1 à L. 173-12 du même code.  Cette remarque mise à part, cette réforme opère réellement une harmonisation des dispositions relatives aux polices administratives et pénales du code de l’environnement. D’ailleurs, comme le souligne la circulaire en préambule, l’une des innovations majeures de cette réforme est d’avoir unifié les quelques 27 polices spéciales du code de l’environnement.  Dans ces conditions, l’on comprend plus facilement l’utilité de cette circulaire qui se veut être selon ses propres termes « un guide de référence [en matière d’inspection des installations classées] et une aide à la mise en place de ces nouvelles dispositions et notamment celles qui dans cette matière, constituent des nouveautés au regard des dispositions voire des pratiques antérieures».   Dans cette optique, la circulaire détaille les nouvelles règles relatives au contrôle administratif (1), aux sanctions administratives (2), au contrôle pénal (3) et à la mise en œuvre des sanctions pénales (4).    1 – Les règles et pratiques relatives au contrôle administratif (art. L.171-1 à L. 171-5)  –          Disparition de l’obligation légale d’information préalable à tout contrôle Tout d’abord, la circulaire vient préciser qu’il n’existe plus d’obligation légale pour l’administration d’information préalable de l’exploitant 48 heures à l’avance lors de contrôle non-inopiné d’une installation classée. Pour autant, il est immédiatement précisé que dans la pratique, l’inspection devra informer l’exploitant de sa visite lorsqu’il s’agit d’un contrôle non-inopiné.   –          Règles relatives à l’accès aux locaux (art. L. 171-1 et L. 171-2) Ensuite, concernant l’accès aux locaux d’une installation classée il est désormais fait une différence entre les locaux de l’installation proprement dite et ceux situés sur le site de l’installation constituant des domiciles ou des locaux à usage d’habitation. Cela permet de restreindre l’accès à ces derniers, qui ne peut plus avoir lieu qu’avec l’accord et la présence de l’habitant des locaux et ce conformément à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Pour les locaux accueillant l’installation classée, l’accès à ceux-ci ne souffre d’aucune restriction. Leur visite peut donc être réalisée dès lors qu’une activité ICPE est en cours, impliquant par exemple pour un élevage que cette visite puisse se dérouler à toute heure. On notera que la circulaire prend le soin de préciser que la visite d’une usine est possible en permanence à l’exclusion de la partie « bureaux » sans invitation de l’exploitant. Pour le cas où l’exploitant s’oppose à la visite des inspecteurs, la circulaire indique les moyens dont ceux-ci disposent pour y remédier, à savoir notamment dresser un procès verbal d’entrave en application du nouvel article L. 173-4, comme c’était possible auparavant.   –          Règles relatives aux modalités du contrôle – présence de l’exploitant, consultation de documents- (art. L. 171-3)  Malgré l’absence d’obligation légale pour l’inspection d’être accompagnée de l’exploitant lors de la visite des installations, il est fortement recommandé par la circulaire qu’au minimum un représentant de la société soit présent lors de cette visite afin de renforcer la valeur juridique des constats. Concernant la consultation de documents de l’installation, celle-ci est rendue possible par l’article L. 171-3 du code de l’environnement. Néanmoins, la circulaire demande aux inspecteurs de préférer l’emport de copies plutôt que des originaux, lesquels devront donner lieu à l’établissement d’une liste contresignée par l’exploitant.   –          Détail des actions postérieures aux contrôles (art. L. 171-6) Dans le cas où la visite n’aboutit à aucune constatation de faits contraires aux prescriptions applicables, une simple lettre de suite peut être rédigée par l’inspecteur, laquelle vaudra rapport de l’inspection au sens de l’article L. 514-5 du code de l’environnement. En revanche, dans le cas où la visite donne lieu à la constatation de faits contraires aux prescriptions applicables (méconnaissance d’une prescription de l’arrêté préfectoral d’autorisation, ou d’un arrêté complémentaire), la circulaire détaille avec soin les obligations que doit remplir l’inspection, à savoir notamment rédiger un rapport et le transmettre au préfet mais aussi et surtout à l’exploitant (ce qui dans la pratique).    –          Règles relatives aux mises en demeure (art. L. 171-6 et suivants) L’énoncé de ces règles par la circulaire commence par deux rappels bienvenus. Tout d’abord, il est précisé que seul le préfet est compétent pour adresser une mise en demeure à l’exploitant. Ensuite, il est précisé que le préfet, bien qu’en situation de compétence liée, doit s’assurer que la procédure du contradictoire a été respecté pour la mise en demeure. Cette procédure prend la forme imposée par l’article L. 514-5 du code de l’environnement, à savoir la transmission du rapport de visite sur lequel se fonde la mise en demeure. On rappellera que cette procédure contradictoire est spécifique aux ICPE, ce qui n’est pas neutre sur le plan procédural.   La circulaire indique les règles applicables aux différentes mises en demeure pouvant être appliquées par le préfet à savoir – la mise en demeure de respecter les prescriptions applicables à l’installation au titre du code de l’environnement – ainsi que la mise en demeure de…

ICPE: Le risque d’un arbitraire du juge-administrateur

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat (CE, Conseil d’État, 26 juillet 2011, n°324728), un industriel exploitant  contestait une mise en demeure en considérant que son activité n’était pas classée sous les anciennes rubriques de la nomenclature ICPE applicables au moment de l’introduction de l’instance. Etait en cause une unité de mélange et de compostage de sciures et d’écorces avec des sels d’ammonium (chlorure d’ammonium) provenant de l’industrie, pour produire un amendement organique que le Préfet de la Somme avait voulu en septembre 2002 soumettre cette activité aux rubriques 167 c (traitement de déchets provenant d’installations classées), 2170 (fabrication d’engrais et de supports de culture à partir de matières organiques) et 2260 (broyage et criblage de matières végétales).  Devant le Conseil d’Etat  l’interprétation de la nomenclature de l’industriel triomphe et le Préfet de la Somme est censuré : l’arrêt admet que l’activité de fabrication d’un amendement organique ne relevait pas des rubriques précitées. Reste que le Conseil prenant en compte la nomenclature en vigueur au jour où il statue au fond et faisant application d’une nouvelle rubrique couvrant l’activité décide lui-même de mettre en demeure l’industriel de déposer une D.A.E. : « cette activité relève dorénavant de la rubrique n° 2780 de la nomenclature des installations classées, qui vise notamment le compostage de rebuts de fabrication de denrées alimentaires végétales et de boues d’industries agroalimentaires ; que la quantité de matières traitées est supérieure à vingt tonnes par jour ; qu’il suit de là que la société requérante doit régulariser sa situation administrative en déposant une demande d’autorisation au titre de la rubrique n° 2780 ; qu’il y a lieu de la mettre en demeure de déposer une telle demande dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ». Cet arrêt fera sans doute beaucoup d’encre, même si ce n’est pas la première fois que « le juge administratif inflige une sanction administrative à l’exploitant d’une installation classée qui fonctionne dans des conditions irrégulières » (cf. D. Gillig, CAA Nancy, 9 janv. 2006, n° 04NC00704, Duval : Juris-Data n° 2006-294661, Environnement n° 6, Juin 2006, comm. 70). On sait que le juge a encore admis pouvoir aggraver les prescriptions techniques qui lui étaient déférées (CAA Bordeaux, 14 nov. 2006, n° 03BX01988, Sté Toupnot).  On voudrait juste faire une remarque sur l’origine historique de ce qu’il convenu d’appeler les « pouvoirs du juge administrateur ». Initialement en admettant qu’il puisse substituer son appréciation à cette de l’administration le juge entendait surtout protéger les industries naissantes de l’arbitraire administratif et de refus d’autorisation abusifs. Ainsi très tôt le Conseil d’Etat a admis qu’il pouvait délivrer l’autorisation illégalement refusée (CE, 7 févr. 1873, Bourgeois : Rec. CE 1873, p. 124. – CE, 20 mai 1881, Bridot : Rec. CE 1881, p. 519.. – CE, 15 mai 1903, Clerget : Rec. CE 1903, p. 356. – CE, 20 janv. 1929 : Rec. CE 1929, p. 111. – CE, 13 mars 1937, Delanos : Rec. CE 1937, p. 313. – CE, 27 nov. 1957, Ville Meudon : Rec. CE 1957, p. 924.. – CE, 16 nov. 1962 : AJDA 1963, p. 170) et d’ailleurs cette tradition s’est perpétuée (par ex. : CE, sect., 15 déc. 1989, Min. env. c/ Sté Spechinor : Juris-Data n° 1989-646026 ; Rec. CE 1989, p. 254. – CAA Nancy, 19 avr. 2004, Min. Écologie et Développement durable : LPA 5 août 2004, p. 21, note D. Gillig. – CAA Nancy, 21 juin 2004, SARL Kaibacker : Environnement 2004, comm. 112, obs. D. Gillig – CAA Douai, 1re ch., 2 oct. 2008, no 08DA00161, Sté BPE Lecieux, in CPEN), le principe jurisprudentiel trouvant au demeurant un encrage textuel depuis 1992 (cf. l’article L. 514-6 du code de l’environnement ). Aujourd’hui ce même pouvoir voir un industriel soutenir pendant près de dix ans une thèse devant le juge qui n’est finalement invalidée que par un changement de la nomenclature la neuvième année du procès. Il est effectivement très élégant de ne pas avoir laissé à la charge du demandeur les frais irrépétibles. De la même façon l’annulation peut constituer une certaine garantie en cas de poursuite pénale pour exploitation sans titre.  Mais on ne doit pas craindre de poser alors cette question fondamentale : qui protège l’industriel des erreurs d’administration du Conseil d’Etat ? Or dans notre cas on se permettra d’en relever une, du moins que l’on peut soupçonner à la seule lecture de l’arrêt : si l’administration a mis en demeure l’exploitant de déposer une DAE c’est qu’il a mené l’activité controversé et comme le reconnaît l’arrêt lui-même à ce moment il menait une activité qui n’avait pas à être classée et qui donc bénéficie des droits acquis consacrés par l’article L 513-1 du code de l’environnement  bafoués par le juge lui-même … rappelons qu’aux termes de cette disposition « Les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d’un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l’exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l’année suivant la publication du décret ». Et au demeurant on doit encore remarquer que la mise en demeure s’avère la première étape obligée des sanctions administratives. Ainsi on ne peut manquer de considérer que la solution retenue revient à appliquer un classement plus sévère à une situation antérieurement constituée. Mais l’arrêt comporte ici une précision importante qui fait au moins tomber la thèse des droits acquis : « qu’il résulte de l’instruction que la fabrication d’amendements organiques par la SOCIETE LANVIN S.A. utilise désormais des matières premières issues de l’industrie agro-alimentaire ». Bref c’est un changement de process dans la production de l’amendement qui rend cette activité justiciable de la nouvelle rubrique n°  2170 car ce n’est qu’à exploitation à l’identique que la jurisprudence admet traditionnellement les droits acquis. …