Illégalité de la modification du périmètre d’un PPR après enquête publique

Par Maître David DEHARBE (Green Law avocats) Un jugement récemment rendu en matière de risques naturels par le du tribunal administratif de Lyon doit retenir l’attention (TA Lyon, 4 juillet 2019, n°1800153). Par un arrêté du 8 novembre 2017, les Préfets de la Loire et du Rhône ont approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d’inondation (PPRi). Cet arrêté a été contesté par une association des riverains du Giers qui a obtenu l’annulation de l’arrêté par le Tribunal. En vertu de l’article L. 562-1 du code de l’environnement « l’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels de prévisibles tels que les inondations… » A ce titre, l’État peut engager sa responsabilité en n’élaborant pas et en ne mettant pas en œuvre dans une zone exposée aux risques naturels, un plan de prévention des risques naturels. (CE, 21 mars 2003, n° 248911). Pour ce faire, en application de l’article R. 562-2 du même code, « l’arrêté prescrivant l’établissement d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l’étude et la nature des risques pris en compte » En l’espèce, l’association requérante considérait comme illégale l’exclusion de 11 communes du plan de prévention initialement prévues par le projet alors que ces dernières n’étaient pas couvertes par un autre plan de prévention des risques d’inondation. La préfecture se défendait sur ce point en affirmant que ces communes ont été exclues du plan objet du recours, en application du principe de subsidiarité dans la mesure où ces dernières étaient elles-mêmes protégées par un autre plan de prévention de gestion des eaux pluviales de la communauté d’agglomération Saint-Etienne métropole en cours d’adoption. Le tribunal annule l’arrêté d’approbation du PPRi en retenant une erreur de droit, au motif que l’arrêté initial datant de 2009 prescrivant l’élaboration du plan de prévention comprenait certaines communes qui n’apparaissaient pas dans le plan de prévention soumis à enquête publique. L’exclusion des communes du plan de prévention est illégale, quand bien même un plan de gestion des eaux pluviales d’un communauté urbaine compétente en application du principe de subsidiarité était en cours d’élaboration à la date de la décision attaquée. Certes le principe de subsidiarité implique que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. » (alinéa 2 de l’article 72 de la Constitution). Mais l’invocation de ce principe constitutionnel n’apparaît pas suffisante pour justifier en l’espèce l’exclusion des communes du périmètre du plan de prévention et ceci pour au moins deux raisons. D’une part, le PPRi est adopté par le préfet et le principe de subsidiarité ne joue ici que très indirectement dans les rapports entre l’EPCI et les communes. D’autre part, manifestement le plan de gestion des eaux pluviales n’a pas vu son articulation juridique organisée avec le PPRi et au demeurant il n’était pas adopté en l’espèce. Le tribunal, après avoir conclu à l’illégalité du plan de prévention uniquement au regard de l’exclusion des communes, procède à une illégalité dite « en tant que ne pas » : « et sans préjudice de l’appréciation que l’administration, pour l’exécution du présent jugement, portera sur l’ampleur des risques auxquels pourraient être exposées ces communes et la nécessité, le cas échant, de les maintenir dans le périmètre de ce plan, il y a lieu d’annuler l’arrêté du 8 novembre 2017  dans la mesure, seulement, où ces communes ne figurent pas de le périmètre du plan » (point 18). On comprend donc que le PPRI en 2017 qui avait fait l’objet d’une modification de périmètre devra faire l’objet d’une nouvelle enquête publique et les Préfets devront s’assurer que toutes les communes de leur ressort sont effectivement protégées pour le risque d’inondation par l’éventuel plan de gestion des eaux pluviales. Cette position se justifie parfaitement au vu de l’importances des objectifs d’un tel plan de prévention. Parmi eux, se trouve la délimitation des zones directement exposées aux risques. D’ailleurs, la jurisprudence considère que le plan de prévention des risques doit répondre à une logique de précaution et de prévention (TA Nice, 27 juin 2000, n° 99762). La même décision rejette encore toute une série de moyens bien plus classiques. En particulier, la juridiction rappelle qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, les PPRI sont des documents d’urbanisme (CE 30 déc. 2011, Cne de Neuilly-sur-Seine, req. n° 324310, Lebon  ; AJDA 2012. 6) dont on ne peut exciper l’illégalité après l’expiration d’un délai de six mois à compter de leur prise d’effet ; « l’association requérante n’est ainsi pas recevable à exciper, par la voie de l’exception, de l’illégalité des modalités de concertation prévues par l’arrêté du 9 septembre 2009 prescrivant l’élaboration du plan de prévention en litige, ni de ses conditions de publication ».

Biogaz: aperçu de jurisprudences intéressantes (recevabilité opposants, étude d’impact, avis de l’AE)

L’année 2018 et le début d’année 2019 ont donné lieu à plusieurs jurisprudences relatives aux unités de méthanisation. Une sélection des décisions obtenues par le cabinet ces derniers mois permet de constater l’importance de la qualité des dossiers initiaux, des réponses techniques apportées par le demandeur et illustrent un pragmatisme de la juridiction administrative. La connaissance des moyens de régularisation d’éventuelles vices participe à favoriser les chances de succès pour les projets de plus en plus souvent contestés. Le Tribunal administratif de Rennes a ainsi porté plusieurs appréciations intéressantes: Selon ses caractéristiques, une installation de méthanisation peut constituer une « installation agricole » et un « équipement collectif compatible avec l’exercice d’une activité agricole » (TA Rennes, 8 juin 2018, n°1602011, 1700566 – jurisprudence cabinet) La seule référence aux critères du code rural (intrants majoritairement d’origine agricole et détention majoritaire de la structure par un exploitant agricole) ne peut suffire à fonder le caractère agricole d’une installation de méthanisation (CE, 14 fév. 2007, n°282398 ; CAA Douai, 30 nov. 2017, n°15DA01317), mais constitue certes un sérieux indice, quoique non déterminant. Une analyse au cas par cas des caractéristiques de l’installation s’impose, dans le respect de l’indépendance des législations. Pour en savoir plus, le cabinet en détaille la portée ici. Comme les éoliennes ou les centrales solaires (CE, 13 juillet 2012, n°343306), les installations de méthanisation, dès lors que l’électricité ou le gaz qu’elles produisent est renouvelable et destiné à alimenter le réseau public de distribution, sont susceptibles d’être qualifiées d’équipements collectifs. Là encore, selon la rédaction des documents d’urbanisme, il reste à procéder à une analyse au cas par cas des caractéristiques de l’installation pour justifier de la compatibilité de l’installation avec l’exercice de l’activité agricole. ****************************** D’autres décisions rendues par les juges du fond et le Conseil en matière de méthanisation, se sont prononcées sur : l’indépendance de l’autorité environnementale, après une analyse pragmatique du juge administratif. l’appréciation du risque hydraulique, en particulier des eaux pluviales chargées. la recevabilité de tiers riverains à 400 mètres, qui a été refusée au regard de la configuration des lieux et des dispositions prises en process; la recevabilité d’une entreprise exerçant une activité sur la parcelle voisine et alléguant de risques. Sa recevabilité a été rejetée par le Tribunal, les risques allégués n’étant pas constitués au regard de la nature des activités exercées et la configuration des lieux; L’absence de nécessité automatique de mener une analyse de la pollution atmosphérique sur les particules de taille 2.5PM pour les installations de cogénération. Le Conseil d’Etat a ainsi  rappelé la règle importante de proportionnalité de l’étude d’impact.

Risques naturels: Force majeure et exclusion de la responsabilité du fait de l’ouvrage public en raison d’une conjonction exceptionnelle d’évènements (CE, 15 nov.2017)

Par Me Fanny Angevin- Green Law Avocats Par une décision en date du 15 novembre 2017 n°403367, le Conseil d’Etat a adopté une interprétation extensive du cas de la force majeure. Cette décision revient sur les fortes pluies ayant eu lieu du 30 novembre au 3 décembre 2003 dans la vallée du Rhône et qui ont entraîné des crues du Rhône de grande ampleur, tout particulièrement dans le secteur de la Commune d’Arles. La théorie de la force majeure découle du code civil et notamment des articles 1231-1 et 1351 du code civil (anciens articles 1147 et 1148 du code civil). Cette théorie est exonératoire de responsabilité, tant dans le système de responsabilité civile qu’administrative. Elle a pour effet de rompre le lien de causalité entre une faute commise et un préjudice subi. Trois éléments doivent être réunis afin qu’un cas de force majeure soit retenu : l’extériorité, l’irrésistibilité et l’imprévisibilité du ou des évènements. Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’Etat, le remblai de la voie ferrée historique Paris-Lyon-Marseille avait un rôle de protection contre les inondations. En 1980, la SNCF a modifié l’ouvrage en y creusant trois trémies afin de permettre le passage de la circulation automobile sous des ponts-rails. Les trois trémies percées par la SNCF ont cédé le 3 décembre 2003 à la suite des fortes précipitations ayant affecté les eaux du Rhône. La crue a ainsi inondé des quartiers des communes de Tarascon et d’Arles pendant plusieurs semaines. A la suite de ces inondations, des requérants ont souhaité engager la responsabilité de l’Etat, de la SNCF Réseau et SNCF Mobilités au titre de vices de conception et du défaut d’entretien des ouvrages ferroviaires. Ces demandes avaient été rejetées par le Tribunal administratif de Marseille par un jugement du 23 juin 2014, puis par la Cour administrative d’appel de Marseille dans une décision en date du 7 juillet 2016 (n°14MA03622). Les requérants se sont ensuite pourvus en cassation et demandaient au Conseil d’Etat d’effectuer un contrôle de la qualification juridique retenue, à savoir si les faits de l’espèce présentaient bien un cas de force majeure, exonérant les défendeurs de responsabilité. Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative et rejette par conséquent le pourvoi des requérants : « […] eu égard à l’ensemble des éléments qu’elle a ainsi relevés, la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique en jugeant qu’une conjonction exceptionnelle de phénomènes de grande intensité s’était produite qui présentait un caractère imprévisible et irrésistible et qui caractérisait un cas de force majeure ; » (CE, 15 novembre 2017, n°403367). Néanmoins, à l’analyse, la qualification d’un cas de force majeure ne paraît pas si évidente, comme l’avait pertinemment souligné le Rapporteur public dans cette affaire (Conclusions de Monsieur le Rapporteur Public Olivier Henrard, CE, 15 novembre 2017, n°403367). Il convient, tout d’abord, de revenir sur la condition d’imprévisibilité de l’évènement. Ce critère du cas de force majeure en matière d’inondations n’est retenu que lorsqu’un retour de l’évènement ou son occurrence première n’est pas prévisible. Ainsi, une crue sur un cours d’eau atteignant un niveau déjà connu n’est pas imprévisible (CE, 4 avril 1962, Min. des Travaux publics c/ Sté des d’Armagnac, n°49258). Il en est de même pour une inondation, quelle qu’ait été la violence de la crue qui l’a provoquée, dès lors que plusieurs crues avaient entrainé l’inondation de terrains dans un même secteur (CAA Lyon, 13 mai 1997, n°94LY00923, 94LY01204, voir également en ce sens CE, 12 mars 2014, n°350065 et CE, 13 novembre 2009, n°306992). Cependant, la survenance de plusieurs facteurs qui n’étaient pas imprévisibles isolément, mais dont la conjonction a provoqué le dommage, peut être assimilée à un cas de force majeure (CE, 27 mars 1987, n°590939). Ainsi, ont pu être considérés comme constituant un cas de force majeure, des pluies diluviennes et d’une crue de deux torrents, évènements isolements non imprévisibles, mais dont la conjonction, en raison de l’intensité, peut être assimilée à un cas de force majeure (CE, 6 juillet 2015, n°373267). Dans le cas présent, en l’espace d’un siècle et demi, trois crues comparables avaient eu lieu sur la même zone et durant la décennie précédant la crue de 2003, six crues avaient dépassé le niveau de la crue décennale théorique. La SNCF ne contestait d’ailleurs pas avoir pour projet de conforter ses merlons afin de les rendre plus résistants aux crues. Par conséquent, le caractère imprévisible de la crue était très discutable. Mais c’est en réalité sur le caractère exceptionnel de la conjonction de plusieurs évènements que le Conseil d’Etat a fondé sa décision. En effet, la Haute juridiction relève qu’il convient de caractériser la réunion d’évènements de cas de force majeure en raison de la conjonction de précipitations d’une ampleur exceptionnelle, d’une tempête marine qui a freiné le déversement des eaux du Rhône et enfin d’un débit (bien qu’il soit inférieur à une crue de 1840) ainsi que d’un niveau d’eau provoqués par la crue particulièrement importants. Le Rapporteur public dans ses conclusions sur cette affaire, différait quant à cette interprétation de la Cour administrative d’appel que le Conseil d’Etat a confirmé. En effet, le Rapporteur public soulignait qu’ « il n’est pas contesté que les merlons ont cédé dès le début de la soirée du 3 décembre et que les eaux du Rhône se sont engouffrées dans les brèches du remblai ferroviaire à l’aube du 4 décembre » (Conclusions de Monsieur le Rapporteur public Olivier Henrard, CE, 15 novembre 2017, n°403367). Le Rapporteur public indiquait tout particulièrement que « La tempête, en revanche, ne s’est levée qu’au cours de la nuit pour atteindre son paroxysme à 7 heures du matin, alors que les quartiers Nord de la ville d’Arles étaient déjà inondés. Le rapport rendu par le collège d’experts ne retenait aucune contribution du phénomène marin à l’ampleur des inondations. » (Conclusions de Monsieur le Rapporteur public Olivier Henrard, CE, 15 novembre 2017, n°403367). Ainsi, le Rapporteur public rappelait que la qualification de force majeure est en principe d’interprétation restrictive et que dès lors qu’il…

Risque inondation : de la légalité d’une décision de fermeture définitive d’un camping (tempête Xynthia – CAA Bordeaux, 28 sept.2015)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat Les inondations récentes dans les Alpes-Maritimes ne sont pas sans rappeler la tempête Xynthia. Bien que cinq ans se soient écoulés depuis cette tempête, il convient de constater que les mesures de police prises pour garantir la sécurité face au risque d’inondations dans cette zone font encore l’objet de contentieux. En témoigne notamment une décision récente de la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 28 septembre 2015, n°14BX01002). Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia a inondé un camping situé sur l’Île-de-Ré (Charente-Maritime). Par arrêté du 28 avril 2010, le maire a interdit provisoirement l’exploitation de ce camping. Par courrier du 2 juillet 2010, le préfet de la Charente-Maritime a invité le maire précité à engager une procédure de fermeture définitive du camping en raison du danger d’inondation pour ses occupants. Toutefois, le maire a, par arrêté du 29 juillet suivant, autorisé la réouverture de celui-ci. Après une mise en demeure restée sans suite, l’autorité préfectorale a prononcé, par arrêté du 21 juillet 2011, sur le fondement des dispositions de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, la fermeture définitive du camping. Le propriétaire du camping a demandé au tribunal administratif de Poitiers d’annuler cette décision. Par un jugement n° 1102087 du 5 février 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.  Le propriétaire du camping a alors interjeté appel de cette décision.  Par un arrêt du 28 septembre 2015, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la requête d’appel. Il s’agit de la décision présentement commentée. En premier lieu, un point de procédure intéressant a été tranché. Le défendeur invoquait une fin de non recevoir tirée d’une méconnaissance de l’article R. 612-5 du code de justice administrative. Aux termes de cet article, « Devant (…) les cours administratives d’appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n’a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l’envoi (…), il est réputé s’être désisté. » En l’espèce, le propriétaire du camping avait intitulé sa requête d’appel « requête sommaire » et y a expressément annoncé la production d’un mémoire ampliatif, qui n’avait pas été produit à la date de la première clôture de l’instruction. Aucune mise en demeure de produire un mémoire complémentaire ne lui a été adressée par la cour administrative d’appel sur le fondement de l’article R. 612-5 du code de justice administrative. En procédant à une application stricte de l’article R. 612-5 du code de justice administrative, le moyen tiré d’un désistement ne pouvait qu’être écarté. Néanmoins, une ordonnance de clôture était intervenue. La question était donc de déterminer si cette ordonnance de clôture valait ou non mise en demeure de produire le mémoire ampliatif. La Cour a répondu qu’ « Une ordonnance de clôture ne valant pas mise en demeure, la circonstance que le mémoire ampliatif a été déposé par le requérant après la première clôture est sans incidence en l’espèce, les textes applicables devant les cours administratives d’appel n’imposant aucun délai pour produire un mémoire ampliatif annoncé dans une requête sommaire et alors au demeurant que l’instruction a été rouverte en raison de la production du premier mémoire en défense du ministre de l’intérieur le 20 octobre 2014, puis la clôture reportée à deux reprises. » La Cour ajoute, en se livrant à une appréciation circonstanciée des faits de l’espèce qu’ « En tout état de cause, le fait que le [propriétaire du camping] ait intitulé sa requête ” requête sommaire ” est sans incidence, dès lors qu’elle est suffisamment motivée, contient l’exposé des faits et moyens ainsi que l’énoncé des conclusions et satisfait ainsi aux exigences de l’article R.411-1 du code de justice administrative. » Cet ajout est surprenant dans la mesure où l’argumentation précédente était très étayée. Elle permet néanmoins de sécuriser la position de la Cour administrative d’appel. En second lieu, le requérant invoquait une méconnaissance des articles L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités locales (violation de la procédure contradictoire et caractère disproportionné de la fermeture). Aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (…) les inondations, (…) ». Aux termes de l’article L. 2215-1 du même code : « La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques. / Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat ; (…) ». Le requérant soutenait, d’une part, que le caractère contradictoire de la procédure avait été méconnu. Néanmoins, ces moyens de légalité externe ayant été soulevés « au-delà de l’expiration du délai d’appel », ils étaient irrecevables car ils reposaient sur « une cause juridique distincte des moyens de légalité interne ». Il s’agit là d’une déclinaison classique du principe posé dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 juillet 1954, Société des acieries et forges de Saint-François, n°4190, publié au recueil Lebon aux termes duquel : « Considérant que la Société des aciéries et forges de Saint-François, dans sa requête, s’est bornée à invoquer la prétendue illégalité des décrets susmentionnés; que si, dans un mémoire complémentaire, elle a contesté la régularité desdits décrets par le motif qu’ils n’ont pas été précédés de l’avis du Conseil supérieur du gaz et de l’électricité (…), cette prétention; fondée sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle; que le mémoire dont s’agit a été enregistré au secrétariat du contentieux…

Xynthia : les « zones de solidarité » non susceptibles de recours

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) A la suite de la tempête Xynthia, une circulaire du 7 avril 2010 du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (consultable ici) a défini plusieurs mesures afin de faire face au risque de submersion marine dans les zones qui ont été sinistrées. En particulier, cette circulaire a établi des critères pour identifier les zones « d’extrême danger » où une délocalisation des constructions devait être envisagée dès lors qu’elle présentant « un risque d’extrême danger pour la vie humaine sans possibilité de réduire la vulnérabilité des bâtiments ». Cette circulaire prévoyait ainsi les critères provisoires suivants afin d’identifier les bâtiments concernés : « – plus d’un mètre de submersion lors de la tempête Xynthia ; – habitation construite à moins de 100 m derrière une digue ; – lorsque la cinétique de submersion lors de la tempête Xynthia a présenté un danger pour les Personnes ». Il était ajouté que, « Pour chacune de ces zones, il sera précisé le nombre approximatif d’habitations concernées ». En application de cette circulaire, le préfet de la Charente-Maritime a donc déterminé les zones d’extrême danger, renommées ensuite « zones de solidarité ». Le communiqué de presse et le document cartographique relatif à la délimitation de ces zones sur le territoire de la commune d’Aytré furent l’objet d’un recours en excès de pouvoir. Par un jugement n° 1001031-1002711 du 7 juillet 2011, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête en excès de pouvoir. Un appel fut alors formé devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, qui, par un arrêt n°11BX02620 du 17 janvier 2013 a rejeté comme irrecevable le recours en excès de pouvoir (consultable ici). La Cour a jugé que les documents visés par le recours en excès de pouvoir ne constituaient pas des déclarations d’utilité publique au sens de l’article L. 561-1 du code de l’environnement et n’emportaient par eux-mêmes aucune atteinte au droit de propriété. Bien que les « zones de solidarité » aient été prises en compte pour limiter le champ des subventions exceptionnelles attribuées au titre de la réhabilitation des résidences principales sinistrées durant la tempête, les documents de zonage ont été reconnus par la Cour dépourvus d’effets juridiques. La requête a donc été considérée irrecevable. Un pourvoi en cassation fut alors formé devant le Conseil d’Etat. La Haute Juridiction s’est prononcée par une décision du 1er juin 2015 (consultable ici). Le Conseil d’Etat estime que « par les documents de zonage en litige, le préfet de la Charente-Maritime s’est borné à mettre en œuvre les critères énoncés par le ministre de l’intérieur et le ministre de l’écologie pour délimiter les zones au sein desquelles la localisation de biens sinistrés pourrait ouvrir droit au bénéfice d’un dispositif exceptionnel de solidarité nationale mis en place à la suite de la tempête Xynthia, sans pour autant faire obstacle à ce que des personnes situées hors de ces délimitations puissent demander à en bénéficier ». Selon son analyse, cette mise en œuvre des critères posés par la circulaire au sein de documents de zonage ne constitue qu’un dispositif d’information afin que les personnes situées dans ces zones soient informées qu’elles étaient susceptibles de voir leur habitation acquise amiablement par l’Etat : « ce dispositif a consisté à informer les personnes incluses dans ces zones qu’elles étaient susceptibles de bénéficier d’une acquisition amiable de leurs propriétés par l’Etat prévu par l’article L. 561-3 du code de l’environnement, à un prix se référant à la valeur de leur patrimoine avant la tempête ». Ce dispositif d’information ne doit donc, selon le Conseil d’Etat, en aucun cas être assimilé à une étape du processus d’expropriation dès lors que « ce n’est qu’en cas de refus, par les propriétaires intéressés, de bénéficier d’une telle acquisition amiable et après une expertise complémentaire de chaque habitation et terrain que devait être mise en œuvre, le cas échéant, une procédure d’expropriation sur le fondement des dispositions de l’article L. 561-1 du code de l’environnement ». Il en déduit alors « qu’au stade de l’élaboration des politiques publiques auquel ils interviennent et en raison de leur contenu, les documents de zonage en litige n’emportent par eux-mêmes aucun effet juridique ». Il confirme ainsi l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux. D’un point de vue strictement juridique, il est exact que ces documents s’inscrivent en dehors de la procédure d’expropriation et qu’ils n’entraînent aucune interdiction de vivre dans les habitations. Il est exact aussi qu’il s’agit de documents qui n’empêchent nullement les personnes situées en dehors de ces délimitations de bénéficier également du dispositif d’acquisition amiable de leur habitation. Quant aux personnes situées dans le périmètre susvisé, il leur sera loisible de faire valoir leurs droits dans le cadre de la procédure d’expropriation. Les différentes juridictions administratives ne pouvaient donc statuer autrement. D’un point de vue psychologique, ces documents produisent des effets pour les propriétaires des bâtiments concernés. Ne soyons pas dupes, ils serviront très certainement de documents de base pour justifier ou refuser une acquisition amiable selon que la personne est située dans la zone de solidarité ou au-delà de ladite zone. De même, ils pourront aussi être utilisés comme document préparatoire dans le cadre de l’éventuelle procédure d’expropriation qui sera mise en œuvre. Leur dénuer tout effet hormis un simple effet d’information peut donc, pour les personnes concernées, paraître peu compréhensible par celui qui sera exproprié et informé … La légalité commandait donc de statuer ainsi, quand bien même l’opportunité aurait pu en décider autrement. Notons enfin que la tempête Xynthia va sans doute continuer de faire parler d’elle. Au-delà de la procédure d’expropriation qui pourrait être mise en œuvre, notons également que le 7 juillet dernier, un rapport émanant de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat a tiré un bilan des enseignements de Xynthia en formulant dix recommandations (rapport consultable ici). Ainsi que le relève le communiqué de presse du Sénat, le constat est en « demi-teinte » car bien…

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