Compatibilité entre un POS et une déclaration d’utilité publique (DUP) : quelles sont les conditions à respecter ? (CE, 27 juill.2015)

Par Marie-Coline Giorno Green Law Avocat Il est fréquent qu’un projet faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique nécessite une mise en compatibilité du document d’urbanisme. Toutefois, comment déterminer si un projet est ou non compatible avec un document d’urbanisme ? C’est tout l’objet de la décision du Conseil d’Etat du 27 juillet 2015 (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 27 juillet 2015, n° 370454, Mentionné au Recueil Lebon). Les faits de l’espèce étaient les suivants. Le 9 juillet 2008, un sous-préfet a pris un arrêté portant déclaration d’utilité publique d’un projet de déviation de route départementale. Une association de riverains a demandé au Tribunal administratif de Nîmes d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté. Par un jugement n° 0802903 du 1er juin 2011, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. L’association a alors interjeté appel de ce jugement. Par un arrêt n° 11MA02911 du 23 mai 2013, la Cour administrative d’appel de Marseille, a annulé l’arrêté du sous-préfet du 9 juillet 2008 et réformé le jugement du Tribunal administratif de Nîmes en ce qu’il avait de contraire à son arrêt. Un pourvoi fut alors formé devant le Conseil d’Etat par le département du Gard. Les questions de droit que la Haute Juridiction devait trancher étaient de savoir si la Cour administrative d’appel de Marseille avait ou non commis une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique en estimant que le projet ne pouvait être regardé comme compatible avec le plan d’occupation des sols (POS) de la commune. Aux termes de son analyse, le Conseil d’Etat a rappelé les dispositions de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme dans leur version alors en vigueur. Cet article énonçait la procédure à suivre en présence d’une incompatibilité entre une déclaration d’utilité publique (DUP) et un plan local d’urbanisme (PLU). Certes, en l’espèce, le document d’urbanisme n’était pas un PLU mais un POS. L’application de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme dans sa version alors en vigueur pourrait donc surprendre. Néanmoins, il convient de rappeler que l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme s’imposait également lorsqu’un POS n’était pas compatible avec le projet faisant l’objet de la DUP en vertu des dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’urbanisme alors en vigueur. Après avoir rappelé les termes de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel « l’opération qui fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un plan d’occupation des sols qu’à la double condition qu’elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans ce plan et qu’elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue ». Deux conditions cumulatives sont donc requises pour qu’une opération faisant l’objet d’une DUP soit regardée comme compatible avec un POS : L’opération ne doit pas être de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans le POS ; L’opération ne doit pas méconnaître les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue. En l’espèce, la Cour administrative d’appel avait considéré que le tracé routier envisagé pour la déviation des routes passait par des parcelles classées en zone NC sur une commune alors que le règlement du plan d’occupation des sols de cette commune précisait que la zone NC est une « zone naturelle à protéger en raison de la valeur économique des sols et réservée à l’exploitation agricole ». La Cour avait également souligné que le projet de déviation était sans rapport avec les besoins de la desserte des constructions autorisées par le règlement en zone NC et qu’il ne s’inscrivait pas dans l’un des cas d’utilisation du sol autorisés le plan d’occupation des sols. Selon le Conseil d’Etat, « en déduisant de ces constatations que le projet en cause ne pouvait être regardé comme ” compatible ” avec le plan d’occupation des sols de la commune […] et que celui-ci aurait dû faire l’objet d’une mise en compatibilité, alors même que les parcelles classées en zone NC de la commune représentent près de 2 000 hectares et que le projet de déviation ne concernerait qu’une superficie d’environ 4 hectares située sur un versant de montagne boisé ne faisant l’objet d’aucune exploitation agricole, la cour administrative d’appel de Marseille n’a pas commis d’erreur de droit et a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; ». Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi. Cette décision est intéressante en ce qu’elle nous paraît clarifier le régime de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme en présence d’une DUP. Désormais, les critères afin d’apprécier si le document d’urbanisme est compatible avec le projet faisant l’objet d’une DUP sont fixés : il convient de déterminer, d’une part, si l’opération est de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune dans le document d’urbanisme de la commune et, d’autre part, si l’opération méconnaît les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue. Bien que les dispositions du code de l’urbanisme aient depuis été modifiées, la double condition posée par le Conseil d’Etat dans sa décision nous paraît transposable au régime actuellement en vigueur dans la mesure où les articles L. 123-14 et L. 123-14-2 ne précisent nullement ce qu’il faut entendre par « compatibilité » entre le document d’urbanisme et le projet faisant l’objet de la DUP. En outre, le principe posé par le Conseil d’Etat nous paraît pouvoir être valablement mis en œuvre tant en ce qui concerne les POS que les PLU en vertu des dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’urbanisme. En conséquence, sous couvert d’un considérant de principe fondé sur les anciennes dispositions du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat paraît donc faire une mise au point sur la notion de « compatibilité » parfaitement transposable à la législation actuellement en vigueur.

ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

Les éoliennes et la L.P.O. : le contentieux sans le discernement ?

Les éoliennes et la L.P.O. : le contentieux sans le discernement ?

Le 24 décembre 2008, le préfet de l’Aude a délivré à trois sociétés distinctes trois permis de construire pour trois parcs éoliens comportant chacun cinq éoliennes et un poste de transformation. L’association « Ligue de Protection des Oiseaux », délégation de l’Aude (LPO Aude), a saisi le tribunal administratif de Montpellier d’une demande d’annulation de ces permis de construire qui, par un jugement du 22 novembre 2012, n°0902691, a annulé lesdits permis. Les sociétés dont les permis de construire des parcs éoliens ont été annulés ont alors interjeté appel du jugement. La cour administrative d’appel de Marseille a rendu son arrêt le 28 novembre 2014 (CAA Marseille, 28 novembre 2014, n°13MA00344). Aux termes de cette décision, la Cour a, dans un premier temps, annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier pour méconnaissance du principe du contradictoire (I). Puis, dans un second temps, elle a fait usage de son pouvoir d’évocation mais a, tout de même, annulé les trois permis de construire litigieux. Deux motifs d’annulation des permis de construire ont été relevés par la Cour : en premier lieu, une insuffisance de l’étude d’impact  dans ses volets ornithologiques et chiroptérologique (II), et, d’autre part, une erreur manifeste d’appréciation commise par le Préfet au regard des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme quant à la perturbation d’un radar météorologique par les éoliennes. Mais ce dernier moyen n’est-il pas aux antipodes de l’objet associatif de la LPO ? (III) I. L’annulation du jugement pour méconnaissance du principe du contradictoire Par une lettre du 31 octobre 2012, le président de la première chambre du tribunal administratif de Montpellier a indiqué aux parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal était susceptible de relever d’office le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir de la Ligue de protection des oiseaux, délégation de l’Aude. En réponse à cette lettre, la LPO Aude, a produit, par un mémoire enregistré le 5 novembre 2012, l’agrément préfectoral dont elle bénéficie pour engager des instances devant les juridictions administratives pour tout litige se rapportant à la protection de la nature et de l’environnement. Ce mémoire n’a toutefois pas été transmis aux parties adverses qui ont, en appel, invoqué une méconnaissance du principe du contradictoire. En effet, aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative : « L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence. » Aux termes de l’article R. 611-1 du même code : « […] La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. » La Cour a commencé par préciser que « certes, le tribunal ne s’est pas prononcé expressément sur la recevabilité de la demande de première instance, puisqu’aucune fin de non-recevoir n’avait été soulevée par les parties ». Néanmoins, elle a considéré que « ce mémoire du 5 novembre 2012 a été susceptible d’avoir une incidence sur l’appréciation par le tribunal de l’intérêt à agir de la demanderesse en première instance ». Ainsi, « en s’abstenant de communiquer aux autres parties ce mémoire, le tribunal administratif de Montpellier a méconnu la règle du caractère contradictoire de la procédure ». La Cour a donc annulé le jugement. Cette position est particulièrement stricte en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure : – D’une part, la LPO Aude n’avait peut-être pas fourni son agrément préfectoral mais elle avait produit ses statuts dès l’introduction de sa demande. Il existait donc des éléments de nature à démontrer l’intérêt à agir de la requérante dès l’introduction de la requête. – D’autre part, le tribunal administratif avait uniquement envisagé de relever d’office le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir mais aucune des parties adverses n’avait soulevé une quelconque fin de non recevoir tiré du défaut d’intérêt pour agir et, ce, même après la lettre du 31 octobre 2012 du président de la première chambre du tribunal administratif de Montpellier. En conséquence, bien qu’il soit exact que la fourniture par la requérante de son agrément a influencé le juge en le conduisant à ne pas relever d’office un défaut d’intérêt à agir, il est sévère, au regard des circonstances de l’espèce, de considérer qu’il s’agissait d’un élément nouveau qui devait être soumis à un débat contradictoire. Après avoir annulé le jugement, la Cour a décidé d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la LPO Aude tendant à l’annulation des trois permis de construire. II. L’annulation des permis de construire en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact En premier motif d’annulation des permis de construire, la Cour a retenu l’insuffisance de l’étude d’impact. Tout d’abord, la Cour a rappelé le principe selon lequel « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ». Puis, la Cour a relevé que le site d’implantation des éoliennes présentait une sensibilité particulière notamment en raison de la présence d’un Parc Naturel Régional (PNR), d’une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF) et d’une Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux, ( ZICO) Elle a ensuite rappelé que « le guide sur l’étude d’impact sur l’environnement des parcs éoliens, réalisé par le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement précise que l’étude de la faune, et notamment de l’avifaune, doit couvrir un cycle biologique représentatif, c’est-à-dire intégrer les saisons optimales d’observation » et a énuméré les saisons optimales d’observation pour chaque type d’oiseaux. S’agissant des chiroptères, elle a…

Etude d’impact: attention à la suffisance de l’étude et aux compléments apportés post-enquête publique

Le tribunal administratif de Grenoble a rendu le 12 février 2013, un jugement (TA Grenoble, 12 février 2013, n°1101160 et n°1101168) qui intéressera tous les porteurs de projets nécessitant la réalisation d’une étude d’impact par les précisions qu’il apporte tant sur les modalités d’appréciation de la qualité d’une telle étude que sur la date d’appréciation de la complétude de cette étude. On notera d’emblée que la décision d’autorisation d’exécution de travaux et d’aménagement d’un domaine skiable dont était saisi le juge grenoblois dans cette affaire était antérieure aux réformes relatives à l’étude d’impact et à l’enquête publique. Cependant, la solution dégagée, par les termes employés nous parait être totalement applicable aux futures autorisations nécessitant la réalisation d’une étude d’impact. Sur la date d’appréciation de la complétude de l’étude d’impact Pour apprécier la complétude de l’étude d’impact produite pour la demande d’autorisation ayant donné lieu à la décision litigieuse, le juge administratif grenoblois décide de se placer à la date de l’enquête publique. Et cette position, compte tenu de la nécessaire information du public imposée par les textes pour certains projets (voir C. env., art. R. 123-1 et R. 122-2) semble amplement justifiée. En effet, l’article L. 123-1 du code de l’environnement prévoit depuis le 1er juin 2012 que « l’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement mentionnées à l’article L. 123-2 ». Ainsi, on comprend qu’un dossier de demande d’autorisation dès lors qu’il est soumis à une telle enquête, a non seulement vocation à informer l’autorité administrative décisionnelle mais aussi et surtout à informer le public. Bien qu’au départ réticent à cette idée (voir CAA Nancy, 04 mars 2004, n°99NC00567), le juge administratif a fini par la consacrer dans le considérant de principe suivant, lequel a d’ailleurs été récemment confirmé dans une décision que nous avions commentée ici : « les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (CE, 14 octobre 2011, n°323257 ; confirmé par CE, 15 mai 2013, n°353010). Concernant spécifiquement l’étude d’impact, notons que celle-ci doit être obligatoirement jointe au dossier d’enquête publique, et ce depuis de nombreuses années (C. env., art. R. 123-8, 1° ; anc. art. R. 123-6, 2°). Fort de ce contexte réglementaire et jurisprudentiel, c’est tout naturellement que le tribunal administratif de Grenoble décide que : « Considérant qu’eu égard à la finalité des dispositions imposant la réalisation d’une étude d’impact, dont la qualité conditionne la bonne information du public et de l’autorité administrative sur les conséquences du projet envisagé, l’insuffisance du contenu d’une étude d’impact imposée par le Code de l’environnement est susceptible d’entacher d’illégalité les autorisations fondées pour partie sur le résultat de cette étude ; que le contenu de l’étude d’impact réalisé doit être apprécié, à cet effet, à la date de l’enquête publique, la réalisation d’enquêtes complémentaires étant insusceptible de combler d’éventuelles insuffisances à ce stade ». Et une telle solution, si elle est novatrice par sa formulation, préexistait déjà dans de précédentes décisions. Par exemple, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà pu juger qu’un complément à l’étude d’impact produit postérieurement à l’enquête publique ne permet pas de palier l’insuffisance de l’étude d’impact initiale, laquelle vicie la procédure d’autorisation :  « Considérant que si l’étude d’impact mentionne qu’aucun monument protégé au titre de la législation sur les sites inscrits et les monuments historiques n’est recensé dans l’aire d’implantation des éoliennes, il ressort de cette même étude que comme l’a relevé le tribunal, plusieurs édifices protégés sont situés dans un rayon de trois à six kilomètres autour des lignes d’éoliennes projetées ; que l’étude d’impact manque de précisions sur les conséquences de la présence du parc éolien sur l’environnement visuel des monuments historiques protégés, ce qui n’a donc pas permis au public d’opérer cette appréciation ; que si une étude ayant donné lieu à un rapport complémentaire en date du 25 juillet 2007, permet par des photos-montages d’apprécier la visibilité du parc éolien depuis certains édifices protégés, ces nouveaux éléments sont postérieurs à la période de consultation du public et n’ont donc pu ainsi pallier le caractère lacunaire de l’étude d’impact initiale ; que, dès lors, la Société E. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a estimé, par ce seul moyen d’annulation, que le permis de construire attaqué était intervenu au terme d’une procédure irrégulière en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact ;» (CAA Bordeaux, 30 juillet 2010, n°09BX02233 ;   voir également CAA Douai, 13 novembre 2008, n°08DA00187 ; CAA Douai, 22 janvier 2009, n°08DA00372). Ainsi, le juge grenoblois, en refusant qu’une étude d’impact initialement insuffisante soit complétée  par des éléments produits postérieurement à l’enquête publique, s’inscrit dans une voie jurisprudentielle déjà très largement usitée. Pour autant, il ne faut pas manquer de remarquer la précision qu’il apporte concernant la réalisation d’enquêtes complémentaires. En effet, tout en affirmant la date à laquelle doit être appréciée la suffisance de l’étude d’impact, il prend soin de préciser que  la réalisation d’enquêtes complémentaires est insusceptible de combler d’éventuelles insuffisances de l’étude initiale jointe au dossier de la première enquête publique. On remarquera qu’au sens des nouveaux textes (articles L. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement) le commissaire enquêteur peut de demander au pétitionnaire de compléter le dossier d’enquête publique par des documents qu’il juge utiles à la bonne information du public. De plus, contrairement à ce que pourrait faire croire cette décision du juge grenoblois, la production de compléments à l’étude d’impact postérieurement à la réalisation de l’enquête publique n’entraine pas de facto l’irrégularité de la procédure d’autorisation. En effet, préalablement à la reconnaissance de l’irrégularité de la procédure, il faut nécessairement que le juge contrôle si les éléments produits venaient pallier une insuffisance de l’étude d’impact…

Droit de l’environnement: le Comité national de l’industrie propose des mesures de simplification

Dans un rapport en date du 14 juin 2013 adressé au ministre du redressement productif, le Comité National de l’Industrie (CNI) propose 31 mesures de simplification de la réglementation en vigueur en faveur de l’industrie (Rapport CNI – 16.06.13).   En effet, suite au Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi mis en place au 1er janvier 2013, le CNI a reçu pour mission le recensement filière par filière, des textes français qui sont plus contraignants que les normes européennes en vigueur. Et encore une fois, force est de constater que le droit de l’environnement est très largement visé dans ce rapport qui intervient, non par hasard, à quelques jours de l’ouverture des Etats Généraux du droit de l’environnement prévue le 25 juin 2013.   Est proposé ci-après un exposé des mesures du rapport concernant les règles juridiques relatives aux installations classées, aux  énergies renouvelables marines, à l’eau, aux déchets, à l’information environnementale et aux substances et équipements dangereux.     Concernant les règles juridiques relatives aux installations classées Le rapport préconise pour les installations classées soumises à autorisation : –          de permettre que l’étude d’impact requise se borne à se référer à des études d’impacts réalisées antérieurement par le pétitionnaire ou par des tiers, tout en présentant néanmoins les caractéristiques particulières du projet ; –          de permettre que l’étude d’impact des Zones d’Aménagement Concertées (ZAC) accueillant des ICPE soit intégrée dans l’étude d’impact de l’installation classée.     Le rapport suggère également de : –          procéder à l’allégement des procédures relatives à la gestion des sources radioactives de faible intensité ; –          mettre à jour l’arrêté intégré du 2 février 1998 pour mettre en cohérence la réglementation nationale avec les exigences de la directive IED et les conclusions des BREF, et accorder un délai aux industriels pour la mise en conformité de leurs installations avec les prescriptions de la directive précitée ; –          prévoir l’allocation d’une aide à la mise en œuvre de la nouvelle réglementation sur les garanties financières, et veiller à ce que le calcul du montant des garanties financières ne prenne pas en compte tout déchet ou produit susceptible d’être traité à coût nul ; –          modifier l’obligation de mener les campagnes de recherches de substances dangereuses afin que ces campagnes ne soient menées que dans les cas nécessaires ;     Concernant les règles juridiques relatives aux énergies marines renouvelables Il est proposé de : –          créer un régime spécifique d’autorisation dédié aux Energies Marines Renouvelables (EMR) applicable aussi bien lorsque le projet se situe sur le domaine public maritime que dans la zone économique exclusive ; –          créer une police spécifique aux EMR ; –          soumettre l’autorisation IOTA nécessaires aux éoliennes maritimes et aux hydroliennes au titre de la rubrique 4.1.2.0 prévue à l’article R. 214-1 du code de l’environnement aux mêmes délais de recours que ceux dont bénéficie l’autorisation ICPE d’un parc éolien terrestre, à savoir 6 mois à compter de l’affichage de l’autorisation pour les tiers et 2 mois pour les bénéficiaires ; –         faire intervenir la consultation du CODERST avant la réalisation de l’enquête publique lorsque le projet est soumis à l’autorisation loi sur l’eau et à une concession régie par les articles R. 2124-1 du CGPPP afin de pouvoir s’assurer avant l’enquête publique de la cohérence entre les prescriptions envisagées au titre de la loi sur l’eau et le projet de convention pour l’utilisation du domaine public ; –      procéder à une adaptation des dispositions relatives à l’archéologie préventive afin de tenir compte des conditions maritimes, des techniques disponibles et des capacités des acteurs institutionnels susceptibles d’intervenir sur le domaine public immergé ; –         permettre aux installations de production d’électricité situées en mer d’être exonérées du dispositif de surveillance et de contrôle des ondes électromagnétiques ; –         inclure la mise en place de canalisations privées de transport d’électricité permettant le raccordement des installations marines utilisant les énergies renouvelables dans les dérogations à la loi Littoral, au même titre que les canalisations du réseau public ; –         faire explicitement échapper les hydroliennes à la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique qui n’avait normalement pour objet que de s’appliquer aux barrages ; –     permettre aux titulaires d’une convention d’occupation du domaine public maritime naturel autorisant la construction et l’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable et de ses équipements, de bénéficier d’un droit réel sur les ouvrages réalisés.     Concernant les règles relatives à l’eau Il est préconisé par le rapport de revoir la procédure applicable à l’Attestation de Conformité Sanitaire (ACS) devant être obtenue pour tous les matériaux et objets entrant en contact avec l’eau destinée à la consommation humaine ainsi que les produits et procédés destinés au traitement de l’eau. Cette révision devra avoir pour but la simplification de la procédure en s’assurant que tous les outils seront mis en place et que les moyens humains seront suffisants pour permettre aux acteurs privés de travailler dans un environnement pérenne et prévisible.     Concernant les règles relatives aux déchets Le rapport suggère que l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement prévoyant que tout produit recyclable soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs fait l’objet d’une signalétique commune informant le consommateur que ce produit relève d’une consigne de tri, soit abrogé. A défaut d’abrogation, le rapport indique qu’il est souhaité par les industriels que le décret d’application de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement, n’entre pas en vigueur avant le 1er juillet 2014. Egalement, ceux-ci préconisent : –          de permettre aux industriels de ne pas avoir à apposer obligatoirement le marquage sur le produit même ; –          d’exonérer certains secteurs comme l’ameublement de cette obligation de marquage.     Concernant les règles relatives à l’information environnementale Le rapport préconise de : –          retarder l’application de l’obligation  pour les personnes morales de droit privé de plus de 500 personnes en métropole et de 250 personnes en outre-mer de publier un bilan des émissions de gaz à effets de serre (GES) avant le 31 décembre 2012 ; –          faire bénéficier d’une exonération de l’obligation précitée les filiales,…