Loi 3DS du 21 février 2022 : Panorama de la réforme

La Loi n°2022-217 de Différenciation, Déconcentration, Décentralisation et Simplification dite « 3DS » a été publiée le 22 février 2022. Fruit de plus de deux ans de travail sur l’efficacité de l’action publique, la Loi 3DS vient approfondir le transfert de compétences dans plusieurs domaines, et tente de créer une dynamique de travail en bonne intelligence entre les autorités déconcentrées et décentralisées de l’Etat. Plusieurs Décrets d’application sont encore à prévoir, mais on peut d’ores-et-déjà dresser un panorama des grands axes du texte et leurs implications potentielles (Document de présentation disponible ici: . Dense et riche en informations, elle traite de sujets divers tels que : Reste cependant à savoir si elle sera à la hauteur de ses ambitions.  

Les appels d’offres PPE2 publiés

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié le 5 août 2021 six cahiers des charges ci-dessous téléchargeables de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), respectivement pour : l’appel d’offres éolien, l’appel d’offres photovoltaïque au sol, l’appel d’offres photovoltaïque sur bâtiment, l’appel d’offres photovoltaïque innovant, appel d’offres “neutres“, appel d’offres autoconsommation, Il ne manque plus que l’appel d’offre afférent à l’hydroélectricité. Ces appels d’offres portent sur un total de 34 GW de capacités renouvelables (répartis entre le troisième trimestre 2021 et 2026), pour un budget prévisionnel de 30,5 milliards d’euros. Remarquons que la France a notifié à la Commission son intention d’introduire un nouveau régime de soutien à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, en faveur des opérateurs d’installations solaires, éoliennes terrestres et hydroélectriques. Et dans un communiqué publié le 27 juillet, la Commission a indiqué que ce régime était conforme au droit communautaire des aides d’État. La Commission a apprécié la mesure au regard des règles de l’UE en matière d’aides d’État, en particulier des lignes directrices de 2014 concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie. La Commission a estimé que l’aide était nécessaire pour poursuivre le développement de la production d’énergie renouvelable afin d’atteindre les objectifs environnementaux de la France. L’aide a également un effet incitatif, étant donné que les projets ne seraient pas réalisés en l’absence de soutien public. Par ailleurs, l’aide est proportionnée et limitée au minimum nécessaire, étant donné que son niveau sera fixé au moyen d’appels d’offres. De plus, la Commission a constaté que les effets positifs de la mesure, en particulier sur l’environnement, l’emportent sur ses effets négatifs éventuels en termes de distorsion de la concurrence. Enfin, la France s’est également engagée à réaliser une évaluation ex post des éléments constitutifs et de la mise en œuvre du régime relatif aux énergies renouvelables. Il est encore à relever que Règle dite “de Deggendorf” a été intégrée dans tous les cahiers des charges en ces termes : ” Le Candidat s’engage à ne pas être soumis à une injonction de récupération d’une aide d’État à la suite d’une décision antérieure de la Commission européenne déclarant une aide illégale et incompatible avec le marché commun”.

Éolien terrestre : nouvelles prescriptions

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Les exploitants d’installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent relevant du régime de l’autorisation doivent désormais intégrer les nouvelles prescriptions techniques édictées par un arrêté du 22 juin 2020 (portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement). Publié au JO du 30 juin 2020 (JORF n°0160 du 30 juin 2020texte n° 25), ce texte entre en vigueur au 1er juillet 2020, à l’exception des dispositions de ses articles 17 à 19 qui entrent en vigueur le 1er juillet 2021 (dispositions relatives à la survitesse, à la défense incendie et des moyens de détection et de lutte contre la formation de la glace). Comme la notice de l’arrêté, l’indique ce nouveau texte  : fusionne les arrêtés du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement et du 26 août 2011 modifié relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ; introduit l’obligation pour les exploitants de déclarer les aérogénérateurs, aux étapes clés du cycle de vie de l’installation ; ajoute des obligations renforçant l’encadrement des opérations de maintenance et de suivi des installations pour l’évaluation des impacts sur la biodiversité. ajoute les conditions spécifiques dans le cas du renouvellement des aérogénérateurs d’un parc éolien en fin de vie ; introduit l’obligation de démanteler la totalité des fondations sauf dans le cas où le bilan environnemental est défavorable sans que l’objectif de démantèlement puisse être inférieur à 1 mètre ; ajoute par ailleurs des objectifs de recyclage ou de réutilisation des aérogénérateurs et des rotors démantelés, progressifs à partir de 2022 ; fixe également des objectifs de recyclabilité ou de réutilisation pour les aérogénérateurs dont le dossier d’autorisation complet est déposé après le 1er janvier 2024 ainsi que pour les aérogénérateurs mis en service après le 1er janvier 2024 dans le cadre d’une modification notable d’une installation existante ; modifie la formule de calcul du montant des garanties financières à constituer initialement et au moment de la réactualisation à la suite d’une modification, en prenant en compte la puissance unitaire des aérogénérateurs. Ainsi ce prescriptions inscrivent l’éolien terrestre dans ce qu’il est convenu d’appeler désormais l’économie circulaire.

Avis critique de l’AE sur deux SRADDET (AURA et Hauts de France)

Par Me Sébastien BECUE – avocat of counsel Deux SRADDET ont donné lieu à des avis intéressants de l’autorité environnementale en région AURA et en Hauts de France. Avis de l’Autorité environnementale (AE) sur le SRADDET de la région Auvergne-Rhône-Alpes : point sur les ENR L’AE salue dans son avis « des objectifs relativement ambitieux de développement des énergies renouvelables » (+54% d’ici 2030) : En ce qui concerne l’éolien et l’hydrogène, il est intéressant de constater que l’Autorité environnementale critique le choix effectué de prévoir des mesures qui vont au-delà de ce que prévoit la règlementation nationale et tendent en réalité à restreindre les possibilités de développement : Pour l’éolien, le SRADDET prévoit que les dossiers de demande soient transmises au Préfet « avec l’avis favorable de toutes les collectivités impactées ». L’application d’un telle règle, outre qu’elle serait hypothétique car illégale (la fixation de telles règles de procédure n’entrant évidemment pas dans la compétence régionale), rendrait quasi-impossible le développement d’un projet éolien. S’agissant de l’hydrogène, le SRADDET prévoit que « afin  de  maintenir  un  équilibre économique pérenne autour d’une station de distribution et/ou de production d’énergie (ou d’une station multi énergies) permettant une mobilité décarbonée efficace sur le territoire d’Auvergne-Rhône-Alpes, les documents de planification et d’urbanisme devront prévoir un zonage permettant de respecter une zone de chalandise dans laquelle il ne sera pas possible d’installer une nouvelle station à énergie décarbonée. Cette zone de chalandise, propre à chaque station, dépendra de la densité de population et d’une distance minimum». Pour l’AE, s’il faut évidemment structurer le maillage des stations de recharge hydrogène, cette règle doit être modifiée a minima « pour n’interdire, dans les zones de chalandise imposées par cette règle, que la création de stations de recharge en hydrogène qui entreraient en concurrence avec celles déjà installées » L’AE critique le traitement commun de la biomasse comme source d’énergie et la méthanisation et critique le fait que la réalisation des objectifs spécifiques à la biomasse nécessiterait l’import de bois de pays étrangers, pratique au coût environnemental élevé… Enfin, en ce qui concerne le développement de l’hydroélectricité, l’AE s’étonne du fait que le rapport d’objectifs ne traite pas de l’enjeu majeur de cette source d’énergie, le respect des exigences de continuité écologique. Avis de l’Autorité environnementale (AE) sur le SRADDET de la région Hauts-de-France : point sur les ENR L’AE note dans son avis que le projet rappelle « que la  région  Hauts-de-France  est parmi  les  plus  énergivores  de  France (consommations d’énergie et émissions de gaz à effet de serre 30 % supérieures à la moyenne nationale), principalement du fait des usages industriels ». Le choix d’un « triple moratoire » concernant   l’éolien, le bois énergie et les biocarburants est très critiqué par l’AE, qui relève sa possible incompatibilité avec la loi de transition énergétique voire même avec le principe de non-régression environnementale. L’AE appuie particulièrement sur le choix fait de prévoir un objectif de stabilisation de l’énergie éolienne, en proposant à la place une adaptation des objectifs de production selon les territoires.

La production d’électricité éolienne : une raison impérative d’intérêt public majeur ?

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Lorsque la dérogation de destruction d’espèce naturelle protégée est sollicitée pour un projet entrant dans le cadre du champ d’application de l’autorisation environnementale, cette dernière tient lieu de la dérogation faune-flore. La demande est alors instruite et délivrée dans les conditions prévues pour l’autorisation environnementale et les dispositions procédurales relatives à la dérogation faune-flore ne sont alors pas applicables (Cf. les art. L. 181-1, L. 181-2, I, 5° et R. 411-6 du code de l’environnement). S’agissant des parcs éoliens, la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA de NANTES, 5ème chambre, 05/03/2019, 17NT02791- 17NT02794, Inédit au recueil Lebon) apporte d’importantes précisions sur le contrôle du juge administratif quant aux conditions auxquelles un parc éolien peut bénéficier d’une telle dérogation (ici sur la base d’un arrêté intervenu avant l’entrée en vigueur de l’autorisation environnementale). Par arrêté du 4 février 2015, le préfet du Morbihan a accordé à la SAS Les Moulins du Lohan, en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, l’autorisation de déroger aux interdictions mentionnées à l’article L. 411-1 du même code de capture, d’enlèvement, de transport, de perturbation intentionnelle, de destruction de spécimens d’espèces protégées et de destruction d’habitats d’espèces protégées, en vue de l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire de la commune des Forges. Saisi par la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de France (SPPEF) et plusieurs riverains du projet éolien, ainsi que par l’association ” Bretagne vivante – SEPNB “, le tribunal administratif de Rennes a, par jugement du 7 juillet 2017 annulé cet arrêté. En appel le Ministre et l’opérateur éolien obtiennent l’annulation du jugement et le rétablissement en vigueur de l’arrêté de dérogation. Des dérogations au régime de protection stricte de certaines espèces peuvent être apportées sous certaines conditions : il n’existe pas d’autre solution satisfaisante pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire ; précisons que la possibilité de recourir à une tierce expertise a été introduite par l’article 68 de loi Biodiversité (L. n° 2016-1087 du 8 août 2016) ; la dérogation ne doit pas nuire pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; Par ailleurs la dérogation doit poursuivre l’un des buts suivants énoncés aux paragraphes a) à e) de l’article L.411-2, 4° du code de l’environnement : dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ; dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; Or dans son arrêt du 3 mars dernier, la CAA de Nantes rappelle « qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ». Ce sont effectivement pour le Conseil d’Etat trois conditions « cumulatives » qui sont ainsi requises (Conseil d’État, 9 oct. 2013, n°366803,  Inédit au recueil Lebon ;  CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 24 juillet 2019, n°414353). Or s’agissant des aménagements projet travaux ou activités à finalité purement économique, leur demande de dérogation doit en pratique être justifiée par « une raison impérative d’intérêt public majeur » pour laquelle la jurisprudence est extrêmement exigeante quant à cette dernière (le projet de  centre commercial et de loisirs dit ” Val Tolosa ” en Haute-Garonne et la création de plus de 1 500 emplois potentiels viennent d’en faire les frais : CE, 6ème et 5ème chambres réunies, 24 juillet 2019, n°414353) Sachant que selon le juge administratif l’intérêt public qui s’attache à un projet « ne suffit pas » à remplir cette condition du droit communautaire (cf. G. Audrain-Demey, Aménagement et dérogation au statut des espèces protégées : la « raison impérative d’intérêt public majeur » au cœur du contentieux, Dr. env. n° 274, janv. 2019, p. 15) et que rares sont les espèces à retenir la qualification de la « raison impérative » (Pour une extension d’ISDN participant de la continuité du service public  CAA Marseille, 7ème ch., 12 juill. 2016, n° 16MA00072 : – Pour le projet d’aéroport de notre Dame des Landes : CAA Nantes, 14 nov. 2016, n° 15NT02386). Ainsi une retenue d’eau, une carrière, un contournement routier, un center parc ne peuvent en tant que tel prétendre à la qualification en l’état de la jurisprudence des juges du fonds. Au demeurant dans son arrêt du 24 juillet dernier (n°414353), le Conseil d’Etat a pris le soin de préciser que la nature des atteintes et leur compensation ne devait pas peser dans la qualification de la raison impérative d’intérêt public majeur : « En raison du caractère cumulatif des conditions posées à la légalité des dérogations permises par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, les motifs par lesquels la cour administrative d’appel a ainsi jugé que l’autorisation attaquée ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur justifient nécessairement, à eux seuls, le…