Le préjudice écologique reconnu suite à la pollution de l’estuaire de la Loire par la raffinerie de Donges (CA RENNES, 9 déc.2016)

Par Graziella Dode – Green Law Avocats Par un arrêt du 9 décembre 2016, la Cour d’appel de Rennes a reconnu l’existence d’un préjudice écologique suite à la fuite d’hydrocarbures causée le 16 mars 2008 par une rupture de tuyauterie à la raffinerie Total de Donges (Loire-Atlantique). La société a été condamnée à verser 80 005 euros à la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO). Cette évaluation a été effectuée par un expert sur la base d’un volume de fuite évalué à 1 500 m3 d’hydrocarbures. La Cour, statuant sur renvoi par la Cour de cassation, a estimé qu’il y a eu « une atteinte non négligeable à la faune avicole pendant deux années » au cœur de l’estuaire de la Loire qui comporte « 20 000 hectares de zones humides, lesquelles accueillent chaque année plusieurs dizaines de milliers d’oiseaux ». L’action en justice, engagée par la LPO, avait donné lieu à un premier jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Nazaire le 17 janvier 2012. Les juges avaient condamné la société Total raffinage marketing à une amende de 300 000 euros et à verser près de 500 000 euros d’indemnités aux parties civiles pour les infractions de « rejet en mer ou eau salée de substances nuisibles pour le maintien ou la consommation de la faune ou de la flore et de déversement de substances entraînant des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la faune ou à la flore », sans toutefois reconnaître le préjudice écologique au profit de l’association. Celle-ci avait alors fait appel mais la Cour d’appel de Rennes, le 27 septembre 2013, n’avait pas fait droit à sa demande d’indemnisation du préjudice écologique. Le 22 mars 2016, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes, qui, tout en reconnaissant l’existence d’un préjudice écologique, a refusé de l’indemniser au motif de l’insuffisance ou de l’inadaptation du mode d’évaluation de ce préjudice effectué par l’association. La Haute juridiction estime qu’il revenait aux juges du fond de « chiffrer, en recourant, si nécessaire, à une expertise, le préjudice écologique ». Elle a également rappelé que le préjudice consiste en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ; et que la remise en état prévue par l’article L. 162-9 du code de l’environnement n’exclut pas une indemnisation de droit commun que peuvent solliciter, notamment, les associations habilitées, visées par l’article L. 142-2 du même code. Selon elle, « il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe et d’en rechercher l’étendue ». Ces arrêts ont été rendus notamment sur le fondement de l’article 1382 (ancien) du Code civil, tel qu’appliqué dans l’affaire Erika. Cependant, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est venue préciser le régime juridique de réparation du préjudice écologique. Un nouvel article 1386-19 du code civil précisera désormais que « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer ». Les articles suivants fixent les conditions de l’action en réparation, la prescription de 10 ans, ou encore la définition de ce préjudice : « Est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Cette notion d’atteinte non négligeable démontre que tous les préjudices à l’environnement ne seront pas réparables.

L’inscription imminente du préjudice écologique dans le Code civil et l’action en réparation qui en découle

Par Graziella DODE – Elève-avocat, stagiaire Green Law Avocats- Master 2 Droit de l’environnement, sécurité, qualité des entreprises- Master 2 Droit des affaires Mardi 21 juin 2016, l’Assemblée nationale a voté les dispositions relatives au préjudice écologique qui devraient être inscrites prochainement dans le Code civil. Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages dont l’article 2 bis relatif au préjudice écologique est consultable ici. Après la navette parlementaire et l’échec de la Commission mixte paritaire, ce texte constitue vraisemblablement la version définitive de cette loi. Le contenu des dispositions du projet de loi relatives au préjudice écologique Il est intégré un Titre IV TER, intitulé « De la réparation du préjudice écologique » (art. 1386-19 et suivants du Code civil), après le Titre IV bis du livre III du Code civil.   Le principe retenu est que toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer. Le préjudice écologique s’entend de l’atteinte « non négligeable » aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement. L’action en réparation de ce préjudice est ouverte à plusieurs personnes ayant qualité et intérêt à agir : L’Etat, L’Agence française pour la biodiversité, Les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, Les établissements publics, Les associations agréées ou créées depuis au moins 5 ans à la date d’introduction de l’instance et qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement.   La réparation du préjudice écologique devra s’effectuer par priorité en nature. Si celle-ci est impossible, le juge pourra condamner le responsable à verser des dommages-intérêts au demandeur (ou à l’Etat si le demandeur ne parvient pas à prendre les mesures utiles) qui devront être affectés à la réparation de l’environnement. Les dépenses effectuées en prévention d’un dommage ou pour éviter qu’il ne s’aggrave seront des préjudices réparables. En tout état de cause, le juge saisi d’une demande en ce sens pourra prescrire les mesures propres à prévenir ou faire cesser le dommage. Les mesures de réparation pourront être inspirées de celles qui sont déjà mises en œuvre dans le cadre du titre VI (livre Ier) du code de l’environnement relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement. Champ d’application dans le temps de l’action relative au préjudice écologique Le texte précise que les dispositions seront applicables à la réparation des préjudices dont le fait générateur sera antérieur à la publication de la loi ; elles ne seront pas applicables aux préjudices ayant donné lieu à une action en justice introduite avant cette publication. Une prescription de 10 ans a été retenue. Il sera ainsi inséré un article 2226-1 dans le Code civil précisant que l’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice écologique se prescrit par 10 ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation de ce préjudice. Le texte prévoit également une nouvelle numérotation des articles pour prendre en compte l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations – que nous avions commenté ici – au 1er octobre 2016 (art. 1246 et suivants du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).   Le difficile avènement du préjudice écologique Le préjudice écologique souffre d’une absence de caractère personnel (en raison de la nature collective des biens inappropriables qu’il touche) alors que le régime de responsabilité civile classique exige un dommage certain, direct, et personnel. Pour autant, les juridictions judiciaires n’ont pas attendu l’inscription du préjudice écologique dans le Code civil pour statuer sur sa réparation. Avant l’affaire Erika, il y a eu des exemples de réparation des préjudices nés de dommages écologiques. Ainsi, l’affaire des boues rouges déversées au large de la Corse a été un des premiers exemples de réparation du préjudice causé à la nature par le juge judiciaire (TGI Bastia, 8 décembre 1976, « affaire Montedison »), indemnisant la perte de biomasse comme constituant une perte de stock pour les pêcheurs (préjudice économique). Outre des affaires de pollution (T. corr. Brest, 4 novembre 1988), le juge judiciaire a aussi indemnisé le préjudice moral des associations de défense de l’environnement du à la destruction d’animaux appartenant à des espèces protégées (Civ. 1ère, 16 novembre 1982, « affaire du balbuzard-pêcheur » ; CA Pau, 17 mars 2005 ; CA Aix-en-Provence, 13 mars 2006 ; T. corr. Dax, 11 mai 2006). Ces cas étaient cependant isolés et ne portaient pas sur le préjudice écologique « pur ». L’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 25 septembre 2012 (Crim. 25 sept. 2012, n° 10-82938) – qui porte sur le naufrage du pétrolier Erika au large des côtes bretonnes en 1999 et dont les cuves de fioul se sont répandues dans la mer et sur le littoral – a permis la consécration juridique du préjudice écologique indépendamment de la seule réparation du préjudice moral ou matériel né des atteintes à l’environnement. Dans son arrêt du 30 mars 2010 (CA Paris, 30 mars 2010, n° 08/02278, aff. Erika), la Cour d’appel de Paris fait d’ailleurs pour la première fois directement référence au terme de « préjudice écologique ». Récemment, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fait application de la jurisprudence Erika en reconnaissant l’existence d’un préjudice écologique du fait de la pollution de l’estuaire de la Loire causée par la raffinerie Total de Donges en Loire-Atlantique (Crim. 22 mars 2016, n° 13-87.650). L’ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, avait parlé d’un « grand jour pour le droit de l’environnement » après l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 2012. Elle a ensuite déclaré à l’Assemblée nationale la volonté du Gouvernement d’en « tirer tous les enseignements » et «d’inscrire cette jurisprudence dans le Code civil par la reconnaissance du préjudice écologique ». A cet effet, un groupe de travail…

Distribution d’eau: condamnation d’un distributeur pour limitation du débit d’eau

  Par Aurélien Boudeweel – Green Law Avocats  Par une ordonnance de référé en date du 15 janvier 2016, le tribunal d’instance de PUTEAUX condamne une société de distribution d’eau pour réduction illicite du débit d’eau potable. Nous nous étions déjà fait l’écho de condamnations de compagnies d’eau pour coupure illégale (cf notre article en date du 31 octobre 2014, ici) En l’espèce, le distributeur d’eau avait, dans le litige soumis au Tribunal d’instance, non pas coupé l’eau mais réduit le débit d’eau d’une famille qui avait un impayé de facture de 400 euros. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de PUTEAUX fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: «Aux termes de l’article L115-3 du Code de l’cation sociale et des familles « dans les conditions fixées par la loin ° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. (…) Du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles(…). Il résulte de l’application de ces textes qu’en tout état de cause, l’interruption de la fourniture d’eau est interdite pour une résidence principale en cas d’impayés et ce, toute l’année. Or, les sociétés X et Y ne peuvent se prévaloir de l’application d’une disposition d’un règlement de service qui prévoit l’interruption de l’alimentation en cas d’impayés pour contrevenir à leurs obligations légales (…). Force est de constater que la mise en place d’un débit réduit par le biais de la pose de cette lentille aboutit aux mêmes conséquences qu’une coupure d’alimentation d’eau de sorte que cette pratique doit être assimilée à une interruption de la fourniture d’eau (…). Dès lors, il convient de relever que la mise ne place de cette lentille constitue un trouble manifestement illicite constitué par le non-respect des termes de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, qu’il convient de faire cesser (…) ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. Le jugement rendu par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière la disposition de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. Aux termes de cet article, rappelons: Ø  Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. Ø  A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. Ø  En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier. L’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Notons que le jugement rendu est très intéressant puisque la juridiction civile condamne la société de distribution d’eau non pas pour avoir coupé l’eau mais pour en avoir réduit le débit. Consciente que cette société a voulu contourner les termes de la réglementation, le Tribunal d’instance de PUTEAUX assimile la réduction du débit à une coupure afin de sanctionner le comportement empreint de malice de la société de distribution d’eau.

Pénal de l’urbanisme: la liquidation de l’astreinte relève bien du juge répressif ayant prononcé la condamnation (Cass, 24 mars 2015)

Par Aurélien Boudeweel Green Law Avocat Par un arrêt en date du 24 mars 2015 (C.cass, 24 mars 2015, n° 14-84300), la Cour de cassation confirme la compétence du juge répressif pour connaître de la liquidation d’une astreinte prononcée à l’occasion d’une condamnation pénale en urbanisme. En l’espèce, des particuliers et une société civile immobilière avaient été condamnés pour avoir édifié des immeubles en violation des règles d’urbanisme au paiement d’une amende en sus de l’obligation de démolition des constructions irrégulières. Une astreinte avait par ailleurs été prononcée au bénéfice de la commune. L’astreinte est une peine complémentaire permettant d’inciter financièrement l’exécution dans un certain délai de la condamnation à la démolition ou à la remise en état des lieux. La commune avait alors saisi la Cour d’appel d’Amiens dans sa formation correctionnelle afin d’en obtenir la liquidation. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel s’est cependant déclarée incompétente au profit du juge de l’exécution. La Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 2015 casse l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle que : « tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence et du second que la juridiction qui impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation, peut assortir son injonction d’une astreinte ; Attendu que, pour décliner la compétence de la juridiction répressive pour liquider une astreinte prononcée par elle au titre de l’action civile, l’arrêt attaqué relève que l’article 710 du code de procédure pénale figure dans le titre premier du livre cinquième dudit code, intitulé ” De l’exécution des peines”, (…) Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la créance d’une commune en liquidation du produit d’une astreinte assortissant l’arrêt de la chambre correctionnelle d’une cour d’appel condamnant un prévenu à une amende pour infraction aux règles de l’urbanisme et lui ordonnant la démolition des ouvrages édifiés irrégulièrement, trouve son fondement dans la condamnation, pénale et civile, prononcée par la juridiction répressive, le contentieux du recouvrement de l’astreinte prononcée ressortissant ainsi aux juridictions répressives, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ». Autrement dit : puisque c’est la Cour d’appel dans sa chambre correctionnelle qui a prononcé la condamnation pénale de démolition des ouvrages sous astreinte, c’est à cette même Cour que revient le soin de juger de la liquidation de l’astreinte. La commune avait donc eu raison de saisir cette formation, et non de saisir le juge de l’exécution. Cet arrêt de la Cour de cassation, publié au Bulletin a le mérite de rappeler la compétence du juge répressif pour connaître de la liquidation de l’astreinte, ce qui présente un intérêt certain pour l’efficacité des décisions de condamnations pénales en urbanisme. Rappelons que la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale obéit à un régime juridique particulier. En effet, l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme dispose le Tribunal peut condamner le prévenu ayant réalisé des travaux non conformes ou sans autorisation à la démolition ou à la remise en état et qu’une astreinte journalière peut assortir la peine : « Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté. »   Par ailleurs, le texte prévoit aujourd’hui que : « Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus. Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». Concrètement, si la personne condamnée ne démolit pas ou ne remet pas en état par rapport à l’état initial dans le délai octroyé par la juridiction pénale, l’astreinte éventuellement prévue va courir. Juridiquement, c’est la procédure de contestation à état exécutoire qui permet de contester le titre administratif procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux. Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (D. n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer. Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur. Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception. S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir : L’existence de la créance ; L’exigibilité de la créance ou ; Le montant de la créance. Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (D. n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; C. urb., art. R. 480-5). Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public…

Eau: condamnation d’un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale (TI Soissons, 25 sept.2014)

Par une ordonnance de référé en date du 25 septembre 2014, le tribunal d’instance de SOISSONS a condamné un distributeur d’eau pour coupure d’eau illégale à une famille dans l’incapacité de payer ses factures (ici disponible: jugement TI SOISSONS 25.09.14). En l’espèce, le distributeur d’eau avait coupé entre le 28 juillet et le 15 septembre l’alimentation en eau d’une famille en grande difficulté financière qui était dans l’incapacité de payer ses factures. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de SOISSONS fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: « Selon l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la Loi n°2013-312 du 15 avril 2013 «  En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide  auprès de la collectivité par cette personne ». Il découle de ce texte qu’un client d’un distributeur d’eau, qui est de bonne foi, mais qui, compte-tenu de l’existence d’une situation financière très obérée, est en retard dans le règlement de ses factures, a, en vertu de son droit fondamental à l’eau, le droit d’obtenir une aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau dans sa résidence principale, ou, à défaut, le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès de son fournisseur, qui ne peut pas interrompre la fourniture d’eau si cet usager respecte les modalités de paiement de celle-ci qui ont été convenues entre les parties. (…) En l’espèce, la bonne foi de Madame Fabienne M… épouse D….est présumée. La L…. n’allègue ni ne prouve aucun élément qui serait susceptible d’établir sa mauvaise foi, concernant sa réelle volonté de s’acquitter du règlement de ses factures d’eau, alors qu’il résulte des termes d’un courrier en date du 18 septembre 2014, émanant de la Société S…, adressé à Madame Fabienne M….épouse D…., que cette dernière a versé 2 acomptes d’un montant de 30,00 €, le 20 août 2014, et de 50,00 € le 08 septembre 2014, conformément à l’échéancier convenu entre les parties ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. L’ordonnance rendue par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière l’application des dispositions de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. On retiendra de cette disposition: Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier qui est présumée mais peut être combattue par le distributeur. Notons que l’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Compte-tenu des difficultés financières de nombreuses familles, il est fort à parier que les tribunaux seront de plus en plus sollicités au visa de cette disposition comme le démontrera également le futur jugement rendu par le tribunal d’instance de BOURGES dans un litige identique au présent litige concernant un autre distributeur et dont le délibéré est attendu le 12 novembre prochain…. Affaire à suivre. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

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