ZDE/ potentiel éolien: le Conseil d’Etat précise les contours de la détermination du potentiel éolien de la zone

Alors que les Zones de Développement de l’Eolien vont peut être disparaitre (voir notre article qui y est consacré) le Conseil d’Etat vient apporter des précisions sur la caractérisation du potentiel éolien de telles zones par 2 décisions en date du 30 janvier 2013 (Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-section réunies, 30 janvier 2013, n°355370 et n°355870).  En effet, au sens de l’article 10-1 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 aujourd’hui partiellement codifié à l’article L.314-9 du code de l’énergie, le préfet de département définit les ZDE en fonction notamment de leur potentiel éolien. Or, aucun texte juridiquement contraignant n’est venu préciser la manière dont le potentiel éolien devait être caractérisé pour justifier de la création d’une ZDE. Par conséquent, c’est au juge administratif qu’est revenue la lourde tâche de définir quels éléments sont suffisants pour permettre une bonne appréciation du potentiel éolien par le préfet, et le résultat obtenu était alors inquiétant.   Seules des campagnes de mesure de vent sur le futur site de la ZDE semblait pouvoir trouver grâce à ses yeux (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, n°10BX02747), bien qu’il ne fut jamais capable de le dire explicitement, préférant relever que « si le législateur n’impose pas au pétitionnaire de réaliser des mesures de vent, le projet doit néanmoins se fonder sur des évaluations et des informations météorologiques permettant une estimation réaliste du potentiel éolien au regard des caractéristiques propres de la zone étudiée » (CAA Marseille, 04 juillet 2011, n°09MA00457).  Dans la lignée de cette jurisprudence, la Cour administrative de Bordeaux avait annulé une ZDE dont le potentiel éolien avait « seulement » été évalué à partir des données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien et dont la fiabilité des résultats avait pourtant été vérifiée sur pas moins de 14 stations météorologiques de la région (CAA Bordeaux, 02 novembre 2011, n° 10BX02176). Il arrivait même au juge d’être encore plus sévère et de décider que malgré une campagne de vent réalisée sur le site du projet de ZDE et l’indication dans le dossier de demande de la vitesse moyenne mesurée de vent à 50 mètres de hauteur, l’absence de preuve que les résultats intégrales et la méthodologie de cette campagne aient été portés à la connaissance du préfet faisait encourir l’annulation de la ZDE, le préfet n’ayant pu selon le juge évaluer correctement le potentiel éolien… (CAA Bordeaux, 02 novembre 2011, n°10BX02175).  Ce sont précisément ces deux derniers arrêts de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui viennent d’être annulés par le Conseil d’Etat, mettant ainsi fin à cette jurisprudence dont la sévérité ne semblait plus connaître de limite.   Le juge de cassation relève tout d’abord que : « ni le législateur ni le pouvoir réglementaire n’ont précisé les éléments au vu desquels doit être apprécié le potentiel éolien d’une zone ». Pour faire face à ce vide juridique, il pose alors le principe selon lequel « pour pouvoir se livrer à une telle appréciation, l’autorité préfectorale doit disposer de données recueillies selon une méthode scientifique de nature à établir le potentiel éolien de la zone à une échelle géographique et avec une précision suffisante ». De plus, il ajoute « qu’aux termes de l’article L. 553-4 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté contesté, les régions peuvent mettre en place un schéma régional éolien qui ” indique les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à l’implantation d’installations produisant de l’électricité en utilisant l’énergie mécanique du vent ” ».   De ce principe, pour la requête n°355370, il en tire la conclusion qu’: « en jugeant que les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien limousin, après avoir constaté, par une appréciation souveraine, qu’elles étaient fondées sur les résultats d’une modélisation réalisée par Météo France permettant de déterminer le vent moyen sur un an à une hauteur de 80 mètres, et dont la fiabilité avait été vérifiée sur quatorze stations météorologiques de la région Limousin, n’étaient par elles-mêmes pas suffisantes pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone en application de l’article 10-1 de la loi de 2000 et devaient être complétées par d’autres données spécifiques à la zone en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ». Autrement dit, les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du SRE, fondées sur les résultats d’une modélisation Météo France permettant de déterminer le vent moyen sur une année à une hauteur de 80 mètres est un élément suffisant pour déterminer le “potentiel éolien”. Pour la requête n°355870, la solution est à peu de mots près la même que celle précédemment exposée, le juge décidant « qu’en jugeant que les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien aquitain, après avoir constaté, par une appréciation souveraine, qu’elles étaient fondées sur les résultats d’une modélisation réalisée par Météo France et un partenaire permettant de déterminer le vent moyen sur un an à une hauteur de 50 mètres et dont la fiabilité avait été vérifiée en fonction des mesures réalisées sur plusieurs stations de la région, n’étaient par elles-mêmes pas suffisantes pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone en application de l’article 10-1 de la loi de 2000 et devaient être complétées par d’autres données spécifiques à la zone en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ».   Ainsi, par ces deux arrêts, le Conseil d’Etat indique que sont considérées comme suffisantes pour apprécier le potentiel éolien d’une zone les données fournies par un schéma régional éolien établies par des modélisations Météo France et dont la fiabilité des résultats a été vérifié sur plusieurs stations météorologiques.   Ces deux décisions doivent être assurément saluées. Même si les ZDE sont supprimées par le législateur – ce qui demeure encore incertain à ce stade- reste que la portée de ces deux jurisprudences leur survivra. En effet, rappelons que le schéma régional éolien (“SRE”) est…

Eolien: annulation du refus de PC fondé sur un risque non avéré de perturbation du faisceau hertzien du réseau “Rubis”

Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Douai a confirmé l’annulation prononcée en première instance d’un refus de permis de construire fondé sur un risque de perturbation du faisceau hertzien du réseau « rubis » (réseau radio de la gendarmerie) par les éoliennes (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon).   Confirmant le jugement rendu par le Tribunal administratif de Rouen en première instance, la Cour a considéré que le risque de perturbation du réseau invoqué par le Préfet n’était pas avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et de leur implantation, et des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date du refus :    « 3. Considérant que, pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité par la société E., le préfet de l’Eure s’est fondé sur la circonstance que la présence des éoliennes E6 et E7 ” dans le faisceau hertzien du réseau ” Rubis ” (Réseau unifié basé sur l’intégration des services) de la gendarmerie nationale porte atteinte à l’exercice de prérogatives de sécurité publique ” ; qu’en appel, le ministre soutient qu’il ressort d’un rapport de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 que les éoliennes sont, compte tenu de leur implantation et de leurs caractéristiques propres, de nature à perturber sensiblement la réception des ondes radioélectriques ; que, selon lui, ces facteurs de perturbation sur le dispositif opérationnel de la gendarmerie à travers le réseau Rubis, ont été reconnus en l’espèce par le ministère de la défense qui a émis un avis défavorable sur le projet le 25 janvier 2008 ; qu’il en a déduit que l’altération du système de télécommunication par l’implantation d’éoliennes constitue un risque réel pour la sécurité publique compte tenu de la finalité du réseau Rubis ; qu’il ressort toutefois de ce rapport, produit par les sociétés pétitionnaires, que si le risque d’interférences ainsi invoqué existe, il n’a été établi que de manière générale et à partir de mesures essentiellement théoriques ; qu’en outre, à la suite des investigations menées par l’Agence nationale des fréquences sur deux parcs éoliens, il apparaît que les perturbations de la réception radioélectrique étaient essentiellement télévisuelles ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le risque retenu par l’administration serait en l’espèce avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et à leur implantation et compte tenu des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer le permis de construire attaqué, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; »   En définitive, et on peut s’en féliciter, la Cour conditionne la légalité d’un refus de permis au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme à la caractérisation en l’espèce d’un risque pour la sécurité publique.  Ici, le seul rapport général de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 ainsi que l’avis favorable du Ministre de la Défense sur le projet sont insuffisants pour justifier d’un risque avéré de perturbation par les éoliennes.   L’arrêté se trouve ainsi dans la lignée de la jurisprudence actuelle qui censure l’invocation d’un seul risque présumé ou minime au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 27/09/2012, 11DA00546, Inédit au recueil Lebon ; COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 1ère chambre – formation à 3, 30/08/2011, 09LY01220, Inédit au recueil Lebon ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3 (bis), 21/01/2010, 09DA00038 ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 16/10/2008, 07DA00318, Inédit au recueil Lebon).     L’arrêt est également intéressant d’un autre point de vue. La Cour a censuré le second motif de refus de permis tiré de la protection des paysages et des sites (article R. 111-21 du code de l’urbanisme).  La Cour s’est d’abord attachée à procéder à la caractérisation du site comme l’exige le Conseil d’Etat en la matière (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, 345970). En cela, la Cour a estimé que l’environnement du projet ne constituait pas un paysage naturel remarquable. Ensuite, elle a considéré que la co-visibilité avec un monument historique situé dans un village à 4 kilomètres du projet n’aurait qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural dès lors qu’aucune rupture d’échelle visuelle ne serait créée et que celle-ci sera en tout état de cause atténuée par la présence de boisements : « 5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les projets de parcs éoliens en litige se situent sur le plateau à dominante agricole du Vexin, lequel, selon les termes de l’avis de la direction régionale de l’environnement, ne constitue pas un paysage naturel remarquable ; que, par ailleurs, si les éoliennes projetées seront en situation de co-visibilité avec le village d’Ecouis distant d’environ quatre kilomètres, qui comprend une collégiale classée monument historique, cette co-visibilité n’existera que par un angle de vue horizontal ne créant aucune rupture d’échelle visuelle et sera, en outre, limitée par la présence de boisements ; qu’elle n’aura, dès lors, qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural et culturel que représente cette collégiale ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas davantage fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer les permis de construire attaqués, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; » Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon   Les exigences dont fait preuve la Cour dans l’appréciation de la…

Eolienne et permis modificatif : quelle hauteur significative ? (CAA Nantes, 16 novembre 2012, n°11NT00133)

Le permis modificatif constitue une institution jurisprudentielle qui permet, sans engager une nouvelle procédure complète (et le cas échéant une étude d’impact et une enquête publique si on y est soumis), d’obtenir l’autorisation de modifier la construction objet d’un PC initial et non encore érigée. Et très souvent les opérateurs éoliens sont tentés d’y avoir recours afin d’augmenter la taille de leur machine par rapport à celle prévue par un permis initial.   Un arrêt récent de la CAA de Nantes valide le recours au permis modificatif pour une augmentation non négligeable de la hauteur des éoliennes (jurisprudence cabinet: CAA Nantes, 16 novembre 2012, n° 11NT00133).      Le problème essentiel est de distinguer les hypothèses dans lesquelles il est possible de se contenter d’un permis modificatif de celles dans lesquelles un permis nouveau est nécessaire. La jurisprudence établit que le permis modificatif peut être sollicité lorsque les modifications qui le justifient ne portent pas atteinte à l’économie générale du projet initial. Dans le cas contraire, le pétitionnaire doit demander et obtenir un nouveau permis.    La frontière entre permis nouveau et permis modificatif n’est cependant pas évidente car la notion essentielle “d’atteinte à l’économie générale du projet initial” n’est elle-même pas définie avec précision. Une circulaire du ministère de l’Équipement n° 73-58 du 16 mars 1973 fournit bien quelques éléments pour opérer cette distinction s’agissant des bâtiments. Ainsi, d’après le ministère, les changements de façades, un léger transfert du bâtiment, la suppression ou l’addition d’un étage justifient un permis modificatif ; en revanche, la suppression de bâtiments et leur remplacement par d’autres bâtiments en nombre différent, un changement profond de l’implantation ou du volume des bâtiments exigent le dépôt d’une nouvelle demande de permis.   Mais quels critères retenir pour la construction singulière que constitue l’éolienne ? Car comme le rappelait en août dernier la Cour administrative d’appel de Douai à un opérateur éolien  un” permis de construire modificatif peut être requalifié, du fait de son objet et de sa portée, en nouveau permis de construire” (CAA Douai, 13 aout 2012, n°11DA01678). Certes il n’y a pas de difficulté majeure lorsque la modification diminue les impacts du projet (par ex. CAA Nantes, 1er juillet 2011, n°10NT02571).   L’espèce commentée (CAA Nantes, 16 oct. 2012, Sté InnoVent, n°11NT00133) nous donne un nouvel éclairage dans une matière casuistique où les espèces jurisprudentielles sont autant de repères précieux ; surtout lorsqu’il en va seulement d’un impact paysager.  La Cour juge par un arrêt attendu : “Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au projet initial par les demandes de permis modificatif se traduisent uniquement par une élévation du mât des engins de 56 à 66 mètres, correspondant à 15 % de la hauteur initiale, alors que les autres caractéristiques des éoliennes, notamment le diamètre de leur rotor et leur puissance, demeurent inchangées ; que les photomontages joints au dossier indiquent, par ailleurs, que la taille visuelle d’un mât de 56 m, à une distance de 10 km, pour un observateur tenant une règle à bout de bras, n’est que 4,48 mm, et de 5,2 mm pour un mât de 66 m ; qu’ainsi la surélévation du projet ne sera perceptible qu’à une très faible distance du parc éolien et n’aura pas pour effet de modifier l’impact paysager des machines, ni, par suite, de modifier substantiellement ses caractéristiques initiales ; que dès lors c’est à tort que le préfet de l’Orne a rejeté les demandes de permis de construire modificatif présentées par la société Innovent au motif qu’elles nécessitaient la délivrance de nouveaux permis de construire “.   Les premiers juges avaient eu une toute autre approche des pièces du dossier en jugeant : “Si les vues lointaines sur le projet, s’agissant des endroits à partir desquels le parc tel qu’autorisé par les permis de construire initiaux sera déjà visible, ne seront que peu affectés par les modifications projetées, l’augmentation de hauteur aura en revanche pour effet, non seulement d’aggraver la perception rapprochée des éoliennes, mais aussi d’étendre les zones à l’intérieur desquelles elles seront visibles ; que dans ces conditions, et alors même que les modifications envisagées n’auraient aucune incidence sur les autres impacts du projet, le préfet de l’Orne a pu, sans erreur d’appréciation, estimer que l’augmentation de la hauteur des mâts de 56 à 66 mètres nécessitait  la délivrance de nouveaux permis de construire” (TA de Caen, 12 novembre 2010, n° 0902155). On pouvait comprendre la prise en compte du critère “des zones de visibilité” qui renvoie en fait à la définition de l’aire d’étude des impacts paysagers … mais si les vues éloignées sont peu impactées on ne voit pas comment l’aire d’étude pourrait elle-même être utilement étendue. Le raisonnement avait même un effet pervers car le calcul de l’aire d’étude est conditionné par la hauteur des machines. Ainsi apprécier l’impact significatif à l’aune de la perception des machines parait plus en phase avec le principal enjeu d’une modification susceptible de n’avoir que des effets paysagers.   On remarquera plus globalement que la jurisprudence commence ici à se fixer s’agissant des modifications requérant seulement un PC modificatif. S’agissant du domaine des éoliennes, la Cour administrative d’appel de Douai a considéré que l’implantation d’un modèle distinct d’éoliennes, se traduisant par une élévation du moyeu des installations de cinq mètres ainsi qu’une augmentation de la surface hors œuvre brute de chaque site, correspondant à l’emprise au sol des fondations des éoliennes, de 148 m2 à 190 m2 maximum (soit une augmentation de 28,37%), ne portaient pas atteinte à l’économie générale du projet et autorisait l’utilisation de permis modificatifs (CAA Douai, 9 avril 2009, n° 08DA00989). De même toujours selon la CAA de Douai : “Considérant qu’un permis de construire modificatif peut être requalifié, du fait de son objet et de sa portée, en nouveau permis de construire ; qu’il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées par les arrêtés du 18 mai 2006 aux projets initiaux, lesquels avaient fait l’objet des permis de construire délivrés le 15 mars 2005, consistaient en l’implantation d’un…

Eoliennes/ suffisance de l’étude d’impact au regard des risques de dysfonctionnement

  Dans une décision récente (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, n° 351411, “Société E.”) le Conseil d’Etat se prononce sur deux éléments relatifs à la complétude des dossiers de demande de permis de construire éolien : – la suffisance de l’étude d’impact en ce qui concerne les risques de chute et de projection à proximité d’une route. – et la production d’un titre habilitant à construire, pour les dossiers déposés avant le 1er octobre 2007.       Tout d’abord, s’agissant de la suffisance de l’étude d’impact, le Conseil d’Etat maintient d’une part l’exigence de proportionnalité de l’étude d’impact avec les risques générés par la construction, respectant ainsi l’esprit de l’article R. 122-5 du code de l’environnement qui prescrit que « le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement », et d’autre part, l’exigence du caractère substantiel de l’éventuelle insuffisance censurée, caractérisée comme étant de nature à nuire à l’information de la population.  Le Conseil d’Etat censure pour erreur de droit un arrêt de Cour administrative d’appel de Marseille ayant annulé un arrêté délivrant un permis de construire éolien au motif de l’insuffisance de l’étude d’impact sur les risques de dysfonctionnement des éoliennes, dès lors que la Cour n’a pas précisé en quoi l’insuffisance de l’étude était en l’espèce de nature à nuire à l’information du public, et alors qu’elle avait relevé la faible occurrence de ces risques :  « 6. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt de la cour que celle-ci a estimé que l’étude d’impact, en se bornant à réaliser une présentation générale des risques de dysfonctionnement générés par les éoliennes et en ne procédant pas à une étude de ces risques au regard de la présence d’une route départementale à proximité de certaines éoliennes, était entachée d’illégalité justifiant l’annulation partielle du permis de construire ; qu’en jugeant ainsi, sans préciser en quoi une telle insuffisance était en l’espèce, et alors que la cour a relevé elle-même la faible occurrence de ces risques et la fréquentation limitée de la route départementale, de nature à avoir nui à l’information complète de la population ou à avoir exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens fondés sur l’insuffisance de l’étude d’impact, la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que la cour a estimé que ce motif était de nature à entraîner l’annulation partielle du permis contesté ; » (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, n° 351411, “Société E.”)   Sur ces deux aspects, le Conseil d’Etat fait application d’une jurisprudence constante (proportionnalité de l’étude d’impact : Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 11 décembre 1996, 173212, publié au recueil Lebon ; caractère substantiel de l’insuffisance invoquée : Conseil d’État, 14 octobre 2011, N° 323257, “Société O”).   Dans cette lignée jurisprudentielle, la Cour administrative d’appel de Douai avait pu juger que présente un caractère suffisant, une étude d’impact d’un permis éolien qui ne développe pas d’éléments propres à la prévention du risque de la chute d’éolienne et de projection de pale à proximité du site dès lors que de tels risques sont négligeables eu égard aux données scientifiques connues et que le projet se situe dans un endroit peu fréquenté et à 750 mètres des habitations (Cour administrative d’appel de Douai 22 janvier 2009, N° 08DA00372).   Précisons enfin qu’au vu d’un arrêt récent, sur le fond, le risque d’effondrement et de projection de pâles engendré par les éoliennes pour les usagers d’une voie publique située à proximité est qualifié de minime, et en tant que tel, il ne peut justifier un refus de permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme:  « Considérant, d’une part, que l’arrêté de refus de permis de construire attaqué est justifié par le risque engendré pour les usagers des voies publiques par la proximité des éoliennes de deux routes départementales situées à moins de 200 mètres, en particulier, en cas de rupture de mât et de détachement de pâle ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d’un rapport établi par le conseil général des mines en juillet 2004 sur la sécurité des éoliennes, que la probabilité d’un tel accident, ” tel que la ruine d’une machine ou l’éjection d’une partie d’une machine entraîne un accident de personne ou des dommages aux biens d’un tiers “, est extrêmement faible ; qu’en vertu de l’article R. 111-2 cité ci-dessus, un risque minime, qui n’est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, ne peut fonder ni un refus de permis de construire, ni l’observation de prescriptions spéciales accompagnant la délivrance du permis ; que, dès lors, le préfet de l’Oise, qui n’apporte aucun élément suffisant de nature à remettre en cause l’étude du conseil général des mines précitée, ne pouvait, sans commettre d’illégalité, prendre l’arrêté attaqué en se fondant sur la violation de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, à ce titre ; » (CAA Douai, 27 septembre 2012, n°11DA00546).   Par conséquent, en pratique, le contenu de l’étude des risques de dysfonctionnement des éoliennes (projection de pâles, effondrement) devra être d’autant plus approfondie que les risques peuvent se réaliser, du fait notamment de la fréquentation de la zone, de sa proximité et de son usage.     Par ailleurs, le Conseil d’Etat se prononce sur un autre aspect de la complétude des dossiers de permis relatif, cette fois, à la qualité du pétitionnaire.   Attention, il s’agit là de l’application d’une règle aux seuls permis de construire pour lesquels la demande a été effectuée…

Eoliennes de plus de 50m: il s’agira toujours d’un refus tacite de permis de construire

Les différents réformes intervenues dans la réglementation des éoliennes ont pu conduire certains opérateurs à s’interroger sur la persistance de la règle du refus tacite de permis de construire.   En effet, lorsque le permis de construire d’un parc éolien était soumis à enquête publique, le défaut de réponse de l’autorité d’urbanisme valait refus implicite, en exception à la règle classique qui veut en urbanisme que le silence vaille permis tacite. L’article R*424-2 (Modifié par Décret n°2011-1903 du 19 décembre 2011 – art. 2) prévoit en effet que : “Par exception au b de l’article R. 424-1, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : a) Lorsque les travaux sont soumis à l’autorisation du ministre de la défense ou à une autorisation au titre des sites classés ou des réserves naturelles ; b) Lorsque le projet fait l’objet d’une évocation par le ministre chargé des sites ; c) Lorsque le projet porte sur un immeuble inscrit ou un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques ; d) Lorsque le projet est soumis à enquête publique en application des articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l’environnement ; e) Lorsqu’il y a lieu de consulter l’Assemblée de Corse en application de l’article R. 423-56 ; f) Lorsque le projet est situé dans un espace ayant vocation à être classé dans le cœur d’un futur parc national dont la création a été prise en considération en application de l’article R. 331-4 du code de l’environnement ou dans le coeur d’un parc national délimité en application de l’article L. 331-2 du même code ; g) Lorsque la délivrance du permis est subordonnée, en application des articles L. 752-1 à L. 752-3 du code de commerce, à une autorisation d’exploitation commerciale ou, en application de l’article 30-2 du code de l’industrie cinématographique, à une autorisation de création, d’extension ou de réouverture au public d’établissements de spectacles cinématographiques et que la demande a fait l’objet d’un refus de la commission départementale compétente ; h) Lorsque le projet a été soumis pour avis à la commission départementale d’aménagement commercial en application de l’article L. 752-4 du code de commerce, en cas d’avis défavorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial“.   Certes depuis que l’enquête publique a été  abrogée pour les PC éoliens (et demeure requise au seul titre des ICPE), se pose légitimement la question de l’existence d’un permis de construire tacite. Or, les opérateurs éoliennes demeureront soumis à l’article R*425-9 du Code de l’urbanisme en vigueur qui prévoit toujours que « Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d’aménager tient lieu de l’autorisation prévue par l’article R. 244-1 du code de l’aviation civile dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord du ministre chargé de l’aviation civile et du ministre de la défense ». Le maintien de cette disposition dans le Code de l’urbanisme entraine l’obligation pour les éoliennes de plus de 50m d’avoir l’autorisation de l’Armée et de l’aviation civile. La circulaire sur le classement ICPE des éoliennes est à cet égard très claire : “Pour les éoliennes d’une hauteur supérieure à 50 mètres, la vérification que le projet ne constitue pas une gêne à la navigation aérienne devra néanmoins toujours être réalisée en application de l’article R. 425-9 du code de l’urbanisme qui prévoit que le permis de construire constitue l’autorisation prévue au titre de l’article R. 244-1  du code de l’aviation civile. À ce titre, les dispositions applicables sur ce point dans la circulaire de mars 2008 restent applicables en l’état.” Dès lors, l’une des exceptions au permis tacite prévue à l’article R 424-2 du Code, en l’occurrence “l’autorisation du ministre de la défense” continuera à faire obstacle, pour les éoliennes de plus de 50m, à la naissance d’un permis tacite une fois le délai d’instruction expiré.   En résumé, le permis de construire d’un parc éolien ne pourra naître tacitement que si: – les éoliennes sont d’une hauteur totale inférieure à 50m – et si aucune autre exception à la règle du permis tacite (évocation du Ministre des Sites, implantation dans un PNR etc… voir l’article R424-2 CU). S’agissant de la grande majorité des parcs, il ne faut pas s’y tromper: les éoliennes de plus de 50m étant soumises à autorisation du Ministre de la Défense, elles ne pourront pas donner lieu à permis tacite, mais à un refus tacite, et ce, quand bien même l’enquête publique a été abrogée pour le permis de construire.    

  • 1
  • 2