Pas de mandat, pas de JA ! / La qualification de contrats de SEM et concession d’aménagement

Par Maître Thomas RICHET Avocat – Green Law Avocats La distinction contrat administratif/ contrat privé peut parfois s’avérer périlleuse… Et manifestement une piqure de rappel en la matière est toujours nécessaire… La décision commentée (Arrêt n° 404481 du 25 octobre 2017 Conseil d’Etat : téléchargeable ici) a le mérite de rappeler la méthodologie à adopter face aux contrats conclus par une  Société d’Economie Mixte (SEM) titulaire d’un contrat de concession d’aménagement. En effet, dans cette affaire, la communauté urbaine de Brest Métropole Océane avait conclu avec la société d’économie mixte locale d’aménagement Brest Métropole Aménagement (BMA)  un contrat de concession d’aménagement ayant pour objet la réalisation d’une zone d’aménagement commercial (ZAC) dite du « Plateau des Capucins », située à Brest. Pour réaliser cette ZAC la BMA avait, à son tour, conclu avec la société « Les Compagnons Paveurs » un marché de travaux tendant à l’aménagement des espaces publics et la viabilisation du Plateau des Capucins. Ce marché a fait l’objet d’une décision de résiliation pour un motif d’intérêt général le 29 novembre 2013. Afin d’obtenir une indemnité du fait de cette résiliation, la société évincée a décidé de porter l’affaire au contentieux. Par un jugement du du 16 juin 2016 , le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d’indemnisation de la société « Les Compagnons Paveurs ». La solution a été confirmée par une ordonnance du 17 août 2016 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d’appel de Nantes. La société « Les Compagnons Paveurs » a donc décidé de se pourvoir en cassation. La question contentieuse centrale dans cette affaire était relative à la nature juridique du contrat conclu entre la BMA et la société « Les Compagnons Paveurs ». S’agissait-il d’un contrat de droit privé ou d’un contrat de droit administratif ? Par un arrêt du  25 octobre 2017 n°404481, le Conseil d’Etat va considérer, par une application des critères jurisprudentiels classiques en la matière, que le contrat conclu entre la BMA et la société « Les Compagnons Paveurs » était de droit privé. Pour rappel, un contrat est qualifié « d’administratif » en présence de deux critères cumulatifs : Un critère organique: la présence d’une personne publique au contrat ou l’existence d’un donné par la personne publique à une personne privée (Cf. Conseil d’Etat, 1936, Prade ; Conseil d’Etat, 1975, Société d’équipement de la région Montpelliéraine) ; Un critère matériel : la présence de clauses exorbitantes du droit commun au sein du contrat, lorsque l’objet du contrat porte sur un service public ou encore lorsque le régime du contrat est exorbitant du droit commun. Qu’en était-il en l’espèce ? Tout d’abord relevons que le contrat avait été conclu entre deux personnes privées : la SEM BMA et la société « Les Compagnons Paveurs ». Ainsi, en principe, la qualification de contrat administratif devait être exclue car le critère organique n’était pas rempli. Cependant, la question se posait de savoir si la SEM BMA n’agissait pas, au titre du contrat de concession, en tant que mandataire de la communauté urbaine de Brest Métropole Océane. Le contrat aurait alors été administratif. Sur ce point, le  Conseil d’Etat relève, après avoir énoncé les missions du concessionnaire, que : « cette concession d’aménagement, qui prévoit la construction d’immeubles à usage privé destinés à la vente ou à la location au profit de la société BMA, concessionnaire, n’a pas comme seul objet de faire réaliser des ouvrages destinés à être remis à la communauté urbaine Brest Métropole Océane dès leur achèvement ou leur réception ; que, dès lors, la société BMA ne peut être regardée comme un mandataire agissant pour le compte de la communauté urbaine, y compris lorsqu’elle conclut des marchés de travaux ayant pour objet la réalisation d’équipements destinés à être remis à la personne publique dès leur achèvement ; que, par suite, le contentieux relatif à l’exécution et à la résiliation du marché de travaux conclu entre la société BMA et la société ” Les Compagnons Paveurs “, qui sont deux personnes morales de droit privé, ne relève pas de la compétence du juge administratif ». Ainsi le juge administratif considère en l’espèce que la présence d’un contrat de concession d’aménagement entre la SEM et la communauté urbaine de Brest Métropole Océane n’est pas suffisante pour considérer que cette société agissait en tant que mandataire de la personne publique. Pour emporter la compétence du juge administratif ce contrat aurait dû avoir pour objet exclusif la réalisation d’ouvrages destinés à être remis à la communauté urbaine de Brest Métropole Océane dès leur achèvement ou leur réception (Voir sur ce point Conseil d’Etat, 11 mars 2011, n° 330722). Faute de critère organique, le contrat ne peut être que de droit privé, et ce, même si le contrat remplissait le critère matériel. En effet, le juge indique qu’: « est sans incidence sur l’incompétence de la juridiction administrative la circonstance que la société BMA soit investie de prérogatives de puissance publique, qu’elle soit un pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, que le marché se réfère au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, qu’il comporte des clauses exorbitantes ou qu’il ait pour objet l’exécution de travaux publics ». Le contrat conclu entre la SEM BMA et la société « Les Compagnons Paveurs » est donc un contrat de droit privé qui relève de la compétence du juge judiciaire.

Conflit perpétuel entre taxis et VTC : la voie réservée entre l’aéroport d’Orly et Paris

Par maître Jérémy TAUPIN – Green Law Avocats L’un des enjeux majeurs pour le développement durable demeure le coût (écologique) des déplacements. Le cabinet qui a réalisé le volet environnemental de l’ouvrage Règlementation de l’automobile a encore eu l’occasion de collaborer au numéro spécial de novembre 2017  que « Jurisprudence automobile » (éd. L’argus de l’assurance) a consacré au « véhicule propre »(bientôt consultable sous ce lien. Et en la matière les évolutions du cadre juridique des mesures incitatives pour réguler la circulation doivent aussi être suivies par les environnementalistes, tout comme les conflits d’usage que suscitent par exemple les voies réservées surtout lorsqu’ils constituent un enjeu commercial. Ici on s’intéressera tout particulièrement à un jugement du 17 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que l’interdiction faite aux VTC (voiture de transport avec chauffeur) d’emprunter la voie réservée aux taxis (ainsi qu’aux transport en commun et véhicules PAM) sur l’A1 entre Roissy et Paris en semaine de 6h30 à 10h, ne créait pas d’inégalité entre taxis et VTC : ni le principe d’égalité, ni la liberté du commerce et de l’industrie et la liberté d’entreprendre ne sont méconnus. Cette voie réservée est au cœur d’une bataille entre VTC et taxis depuis plusieurs années maintenant. Cette voie initialement ouverte le 29 avril 2015, avait été suspendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil le 8 juin 2015, sur requête des VTC. Elle a ensuite été rétablie sur demande du préfet et des taxis, les VTC ayant le droit de l’emprunter. Suite au tarif forfaitaire des taxis sur les trajets aller-retour entre Paris et les aéroports (Roissy-Charles de Gaulle et Orly) instauré par l’arrêté du 2 novembre 2015, le préfet de la Seine Saint-Denis a repris un arrêté en date du 29 février 2016, dans le même sens que l’arrêté initial. Si les sociétés VTC ont de nouveau demandé sa suspension devant le juge des référés, celui-ci a jugé cette fois que la condition d’urgence n’était pas satisfaite. Ainsi dans ce jugement du 17 octobre 2017, les juges ont eu à connaître cette fois du fond de l’affaire. S’agissant tout d’abord du principe d’égalité, le Tribunal a souligné les différences qui existent entre VTC et taxis. Les taxis sont soumis à diverses obligations, dont la possession d’une licence, ils sont les seuls relevant légalement du régime de la maraude consistant à stationner et à circuler sur la voie publique en quête de clients en vue de leur transport. A l’inverse les VTC ne peuvent que prendre leurs clients sur réservation préalable. De plus depuis l’arrêté du 2 novembre 2015, il existe un tarif forfaitaire uniquement pour les taxis sur les trajets aller-retour entre Paris et les aéroports (Roissy-Charles de Gaulle et Orly). Ainsi on ne peut comparer VTC et taxis qui se trouvent dans une situation différente : le principe   S’agissant de la liberté du commerce et de l’industrie et de la liberté d’entreprendre, le Tribunal relève les caractéristiques de cette voie réservée : elle ne s’étend que sur 4,5 km d’un trajet de 21 km ; elle ne fonctionne que du lundi au vendredi, de 6h30 à 10h ; elle fonctionne dans le sens Roissy-Paris ; la vitesse y est limitée à 70 km/h. De plus pour justifier de l’instauration de cette voie réservée, le préfet se prévaut d’impératifs d’ordre public et de motifs d’intérêts généraux afin « d’une part, d’améliorer la fluidité du trafic routier dans le sens province-Paris et d’autre part, d’augmenter la présence de taxis à Paris aux heures de pointe ». En effet le Tribunal administratif note « qu’eu égard aux conditions de circulation aux heures de pointe le matin en direction de Paris, les professionnels préfèrent attendre une course à l’aéroport malgré un temps d’attente pouvant attendre deux heures plutôt que de rentrer à vide sur la capitale ». Ceci est renforcé par le fait que 93 % des courses effectuées au départ de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle en direction de Paris relèvent du marché de la maraude ouverts aux seuls taxis. Cette voie a donc pour objectif « de favoriser le retour vers Paris des taxis inutilisés en vue de répondre aux besoins d’une clientèle intramuros ». Le Tribunal administratif de Montreuil a ainsi estimé que ce gain de temps de 10 minutes généré par la voie réservée au profit des taxis répondait à des motifs d’intérêts généraux tendant à assurer la fluidité du trafic routier et l’augmentation de l’offre de taxis dans Paris intramuros. Compte tenu de la différence de régime entre VTC et taxis, cette voie réservée ne va pas à l’encontre du principe d’égalité, de la liberté du commerce et de l’industrie et de la liberté d’entreprendre.

Amiante : la Cour de cassation précise l’étendue du repérage (Cass, 14 sept.2017)

Par Maître Fanny ANGEVIN (Green Law Avocats) La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt en date du 14 septembre 2017 n°16-21.942, sur l’étendue de l’obligation du diagnostic amiante. Pour rappel, le diagnostic amiante correspond à la phase de repérage d’amiante au sein d’un bâtiment. Le vendeur d’un immeuble dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997 a l’obligation d’effectuer ce diagnostic (article R. 1334-14 du code de la santé publique ; article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation). Dans l’arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi à l’encontre d’une décision de la Cour d’appel d’Amiens rejetant les prétentions de requérants, acheteurs d’une maison, dans laquelle ils avaient découvert la présence d’amiante sur les cloisons et doublages des murs non relevée dans le diagnostic. La Cour d’appel d’Amiens avait considéré que l’ensemble des parois des murs et cloisonsétait recouvert de papier peint et que les plaques de revêtements muraux n’étaient ni visibles, ni accessibles et qu’ainsi, le bureau d’études ayant effectué le diagnostic avait réalisé sa mission. La Cour d’appel indiquait ensuite dans sa décision que la méthode dite « par sondages sonores » n’est pas prévue par la norme NFX 46-020, relative au repérage de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante dans les immeubles bâtis.   La Cour d’appel motivait aussi son arrêt en faisant valoir que les grattages ponctuels au niveau des extrémités de papiers peints ne constituent pas une méthode d’investigation prévue par les dispositions réglementaires applicables ni celles du contrat liant les parties. La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel en soutenant que l’opérateur ayant effectué le repérage ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission : « Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (Cass. Civ. 3e, 14 septembre 2017, n°16-21.942). La question de l’étendue du repérage amiante a déjà été posée devant la Cour de cassation. En effet, il a déjà été considéré que « le professionnel chargé d’un repérage d’amiante doit rechercher la présence de celle-ci dans toutes les parties visitées et effectuer toutes vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs ; que le contrôle qui lui incombe n’est pas exclusivement visuel ; » (Cass. Civ. 3e, 19 mai 2016, n°15-16586). Cette décision vient donc confirmer et préciser la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation au sujet de l’étendue des obligations de repérage amiante et doit retenir l’attention des acteurs concernés par une obligation de repérage amiante, qui devront redoubler de vigilance dans la mise en œuvre de ce repérage. Enfin, cette décision intervient également corrélativement à un renforcement des modalités de repérage amiante au sein de l’actualisation de la norme NF X 46-020 (qui a été publié par l’AFNOR en août 2017 et qui vise à remplacer la version datant de 2008), modalités qui sont applicables depuis le 1er octobre 2017. La nouvelle version de la norme NF X46-020 présente quatre principales évolutions : une définition adaptée des responsabilités incombant au donneur d’ordre et à l’opérateur de repérage ; l’apparition, en annexe A, de la notion de zones présentant des similitudes d’ouvrage (« ZPSO ») permettant d’optimiser le déroulement de la mission de repérage, voire de réduire le nombre de prélèvements à effectuer ; des possibilités, pour l’opérateur de repérage, de conclure à la présence ou à l’absence d’amiante, selon les différentes situations rencontrées ; un descriptif plus exhaustif  des sondages et prélèvements à effectuer pour les différents ouvrages ; une présentation des techniques à utiliser pour les sondages, et notamment les outils susceptibles d’être utilisés. fanny.angevin@green-law-avocat.fr

Droit fondé en titre : rappel intéressant des règles relatives à l’existence et la consistance légale d’une centrale hydroélectrique (CAA Nantes 29 septembre 2017)

Par Fanny Angevin- GREEN LAW AVOCATS Par une décision intéressante du 29 septembre 2017, n°16NT00251, la Cour administrative de Nantes a eu à statuer sur l’existence d’un droit fondé en titre d’une centrale hydroélectrique et sur sa consistance légale. Dans cette affaire, la préfecture de la Manche avait refusé de constater l’existence d’un droit fondé en titre pour une centrale hydroélectrique ainsi que la consistance légale de cet ouvrage. La société exploitant l’ouvrage a donc saisi le Tribunal administratif de Caen de ce refus, qui par un jugement en date du 25 novembre 2015 n°1402525, a rejeté sa demande de reconnaissance d’un droit fondé en titre ainsi que la consistance légale attachée à l’ouvrage. La société exploitante a donc fait appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a annulé le jugement du Tribunal administratif de Caen ainsi que la décision de la préfecture de la Manche. Dans sa décision, la Cour examine successivement, l’existence d’un droit fondé en titre, l’extinction de ce droit et la consistance légale du droit fondé en titre. Sur l’existence du droit fondé en titre La Cour rappelle tout d’abord les règles applicables en matière de reconnaissance d’un droit fondé en titre, en précisant que : « sont notamment regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d’eau sur des cours d’eaux non domaniaux qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux ; qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date ; ». L’existence du droit fondé en titre doit donc pouvoir être démontrée avant 1789. En l’espèce, la société requérante a produit un extrait de l’atlas dit « de Trudaine » réalisé entre le 1er janvier 1745 et le 31 décembre 1780 sous la direction de Daniel-Charles Trudaine, administrateur des Ponts et Chaussées. Cet atlas identifiait notamment au même emplacement le moulin ainsi que les canaux d’amenée et de dérivation. Par conséquent, la Cour en conclut que le moulin est bien fondé en titre. Il est ici intéressant de noter le mode de preuve retenu par la Cour, la difficulté étant pour les exploitants de moulins de trouver des éléments de preuve suffisants datant d’avant 1789. Sont généralement retenus des indices tels que la présence du moulin sur la carte de Cassini ou encore des mentions dans les rapports de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées. Sur l’extinction du droit fondé en titre La Cour revient tout d’abord sur le principe soulevé dans la décision du Conseil d’Etat du 5 juillet 2004 n°246929 SA Laprade, selon lequel la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété. Ainsi la Cour rappelle qu’il en résulte que :  « un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau ; qu’en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ; ». Dans leur décision, les juges nantais estiment que le droit fondé en titre attaché au moulin n’est pas éteint. En effet, la Cour indique que même si des modifications ont été apportées à des ouvrages essentiels du moulin, notamment en ce qui concerne un exhaussement de la hauteur de chute, ces travaux n’ont pas été : entrepris après que ces ouvrages eurent été en état de ruine ; ils n’ont pas eu pour effet d’entraîner un changement d’affectation des ouvrages. La position de la Cour est ici intéressante également en ce que de nombreuses décisions ont déjà constaté l’état de ruine d’un ouvrage anciennement fondé en titre et la perte de ce droit (voir par exemple, CAA, Marseille, 15 décembre 2015, n°14MA01977). L’analyse se fait in concreto. En pratique, nous constatons en effet que les exploitants d’ouvrage doivent veiller à apporter tout élément de preuve nécessaire sur l’absence de ruine de l’ouvrage, avec l’appui si besoin de bureaux d’études spécialisés dans le domaine. Sur la consistance du droit fondé en titre En ce qui concerne la consistance du droit fondé en titre, la Cour fait référence aux modalités de calculs établis dans le code de l’énergie par les articles L. 511-1 et suivants et rappelle également que : « qu’un droit fondé en titre conserve en principe la consistance légale qui était la sienne à l’origine ; qu’à défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle ; que celle-ci correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation, compte tenu de l’efficacité plus ou moins grande de l’usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut en théorie disposer ; que si, en vertu des dispositions de l’article L. 511-4 du code de l’énergie, les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions de son livre V « dispositions relatives à l’utilisation de l’énergie hydraulique », leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l’article L. 511-5, c’est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l’intensité de la pesanteur ; ». Les modalités de calcul de la consistance d’un droit fondé en titre sont très fréquemment sujettes à discussion entre l’administration et les exploitants de moulins fondés en titre. Un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 16 décembre 2016, n°393293), a notamment clarifié ces modalités de calcul (voir sur ce point les conclusions de Monsieur le Rapporteur public Xavier de Lesquen sur cet arrêt). En l’espèce, la Cour estime qu’en raison de modifications apportées…

Démolition de la construction sans permis de construire du domicile du prévenu et CEDH

Par David DEHARBE (green law avocats) Le droit pénal de l’urbanisme comporte une matière jurisprudentielle assez peu commentée. Le Cabinet suivra désormais l’actualité de ce contentieux qui devient un enjeu pratique plus sensible ses derniers mois. En témoigne cette décision du 31 janvier 2017 n°16-82945 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 31 janvier 2017, 16-82.945, Publié au bulletin) : la Chambre criminelle de la Cour de cassation a affirmé la prise en compte de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales (CEDH) relatif au droit au respect de la vie privée et familiale en matière d’urbanisme pénal. Le prévenu avait édifié sa maison à usage d’habitation sans avoir sollicité de permis de construire et violation des dispositions d’un POS et d’un PLU. La Cour d’appel de Montpellier avait alors condamné le prévenu à une amende mais surtout à la remise en état des lieux par la démolition de la construction litigieuse à usage d’habitation. La Cour de cassation reconnaît bien la constitution des infractions. Néanmoins elle note que la Cour d’appel, pour prononcer la démolition de la maison d’habitation, n’a pas recherché si la démolition du domicile du prévenu ne portait pas « une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son domicile, dès lors qu’elle visait la maison d’habitation dans laquelle il vivait avec sa femme et ses deux enfants, et que la famille ne disposait pas d’un autre lieu de résidence ». Le juge pénal devra dorénavant effectuer la balance entre les impératifs d’intérêt général poursuivis par la législation en matière d’urbanisme et les impératifs d’intérêts privés protégés par l’article 8 de la CEDH. Cette précision méritait d’être faite par la Chambre criminelle après qu’une occasion ait été manquée dans une précédente espèce où le moyen avait été soulevé pour la première fois en cassation (Crim., 16 février 2016, pourvoi n° 15-82.732, Bull. crim. 2016, n° 48). david.deharbe@green-law-avaocat