PPRT: annulation d’un plan de prévention des risques ayant listé les immeubles devant être expropriés (TA Toulouse, 15 novembre 2012, n°121105)

Par un jugement du 15 novembre 2012, le Tribunal administratif de Toulouse a annulé un arrêté préfectoral approuvant un Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) (121105 décision TA Toulouse PPRT dépôt ESSO). Cette décision, pionnière en la matière, se révèle être très éclairante concernant les dispositions relatives à l’élaboration des PPRT, et notamment celles ayant trait à la concertation, au contenu du dossier d’enquête publique, à l’avis motivé du commissaire enquêteur et à la délimitation des secteurs soumis à des risques importants à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine.   Aussi, de par les indications qu’elle apporte à la définition de l’objet de ces plans, elle nous rappelle combien les enjeux des PPRT sont importants.   Définition et difficultés de mise en œuvre des PPRT C’est par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 « relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages » que l’obligation pour l’Etat de créer des PPRT a été instituée à l’article L. 515-15 du Code de l’environnement. Comme le note très justement le Tribunal administratif de Toulouse, un PPRT a pour objet « de limiter les effets d’accidents susceptibles de survenir dans une installation classée telle que mentionnée au IV de l’article L. 515-8 du code de l’environnement, en délimitant notamment autour de celle-ci un périmètre d’exposition aux risques dans lequel des règles spécifiques destinées à réduire, et non supprimer, l’effet de ces risques sur les personnes trouveront à s’appliquer ».   En 2003, on dénombrait 677 installations dites SEVESO seuil haut, et ce chiffre n’a quasiment pas évolué depuis. En revanche, l’estimation en 2003 aboutissant au chiffre de 200 PPRT nécessaires s’est trouvée être grandement erronée puisqu’aujourd’hui on considère que ce chiffre est de l’ordre de 418. Egalement, l’objectif ambitieux de la mise en œuvre de tous ces plans dans un délai de 5 ans à compter de l’adoption de la loi de 2003 s’est vite révélé irréalisable compte tenu du coût économique (et social) de ces plans.  En effet, ces plans doivent délimiter un périmètre d’exposition aux risques technologiques à l’intérieur duquel peuvent être instituées dans certaines zones prévues par l’article L. 515-16 du Code de l’environnement, des prescriptions relatives à la construction, à l’utilisation ou à l’exploitation d’ouvrages,  un droit de délaissement des bâtiments existants, un droit d’expropriation pour les communes à l’encontre des immeubles et droits réels immobiliers. Ces mesures foncières devant être financées par l’Etat, les collectivités territoriales et  l’exploitant, à des parts de contribution déterminées par convention négociée entre ces parties, il n’est pas rare qu’aucun accord ne soit trouvé, entrainant des retards dans la mise en œuvre des PPRT. Une circulaire du 03 mai 2007 de la Ministre de l’écologie adressée aux préfets tentait de résoudre ce problème en fixant la part de contribution de l’état entre 25 et 40 % du coût total des mesures foncières en fonction de certains critères. Cependant, le rapport du Sénat n°107 pour la période 2011-2012 note que seulement trois conventions de financement ont été signées fin 2011. Pour tenter de remédier à ce problème, la loi de finance pour 2012 (loi n°2011-1977 du 28 décembre 2011) est venue prévoir expressément la part de contribution de chaque partie aux mesures foncières (un tiers du coût total).   En tout état de cause si l’absence de signature des conventions n’empêche pas l’approbation des PPRT, les réticences des collectivités et des exploitants à supporter la charge de ces plans expliquent sans aucun doute qu’au 30 juin 2012, sur les 418 à mettre en œuvre, 406 ont été prescrits mais seuls 182 ont été approuvés.   On rappellera enfin pour information que le PPRT doit aussi fixer des mesures de protection des populations face aux risques encourus (C. env., art. L.515-16, IV) qui sont prises en charges par les particuliers concernés. Même s’il est prévu que les travaux de protection prescrits par ces mesures ne peuvent porter que sur des aménagements dont le coût n’excède pas 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien avant l’intervention de l’arrêté de prescription du plan (C. env., art. R.515-42), cette disposition est vécue comme injuste et inégale par les particuliers concernés. D’ailleurs, cette disposition a fait l’objet d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) au motif qu’elle porterait « atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques ainsi qu’au principe constitutionnel d’égalité, en ce qu’elles ne prévoient pas d’indemnisation pour le dommage résultant de l’obligation, pour les propriétaires riverains, de supporter la charge de mesures de protection des populations consistant en des travaux d’aménagement pouvant atteindre 10% de la valeur de leur bien et qui sont engendrées par l’activité de l’exploitant à l’origine du risque technologique » (TA Amiens, 23/06/2011, n°1001556). Cependant, le Conseil d’Etat n’a pas jugé bon de transmettre cette QPC au Conseil Constitutionnel (CE, 23/09/2011, n°350384).   Par conséquent, il devient évident que le coût des PPRT, que ce soit pour les riverains, les collectivités publiques ou les exploitants, soit l’une des principales motivations de contestation juridique et sociale de ces plans.   Pour autant, dans l’affaire ayant abouti à l’annulation du PPRT du dépôt ESSO à Toulouse, la question du coût des mesures du plan ne faisait pas partie de celles au centre des débats.     La question de la concertation des collectivités et des personnes intéressées à l’élaboration du PPRT   Un PPRT comportant des enjeux importants quant au devenir des zones habitées comprises dans son périmètre, il semblait normal que l’élaboration de ce genre de document fasse l’objet d’une concertation importante.   Ainsi, l’article L. 515-22 du Code de l’environnement prévoit expressément que :  « Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l’élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme ».   En combinant cet article avec l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme, le Tribunal administratif de Toulouse aboutit très logiquement au principe selon lequel, en plus des exploitants à l’origine des installations à l’origine des risques…

Le Conseil d’Etat valide le décret de classement ICPE des aérogénérateurs (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577)

Nous avons suivi sur le Blog de Green Law Avocat le combat mené par deux opérateurs éoliens contre le classement ICPE des aérogénérateurs. On ne se faisait guère d’illusion quant au sort qui serait réservé à la QPC qui mettait en cause le principe même d’un classement des éoliennes. Au contraire nous fondions de vrais espoirs dans une contradiction évidente entre la loi elle-même et le décret. Les répliques d’Audiard perdurent par leur résonance … Autant s’en remettre à ce monument du genre que constitue « Les Tontons » pour concéder que cet espoir a été victime du porte-flingue du Gouvernement. L’arrêt est sans appel: le Gouvernement pouvait selon le Conseil d’Etat aggraver les conditions du classement éolien (CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2012, n° 353565 et 353577).   « La puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours » On pouvait considérer que la stratégie contentieuse consistant à soutenir devant le Conseil d’Etat la non-conformité du décret de classement à la loi Grenelle II était la bonne. En effet, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 codifiée à l’article L. 553-1 du code de l’environnement, dans son dernier alinéa, prévoit la soumission au régime de l’autorisation ICPE des « installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent constituant des unités de production telles que définies au 3° de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, et dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l’article L. 511-2, au plus tard un an à compter de la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 précitée ». Étant rappelé que le 3° de l’article 10 de la précitée du 10 février 2000 vise « les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d’une zone de développement de l’éolien terrestre définie selon les modalités fixées à l’article 10-1 ou qui sont implantées sur le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive et les installations qui utilisent l’énergie marine, l’énergie solaire thermique ou l’énergie géothermique ou hydrothermique. Ces installations doivent constituer des unités de production composées d’un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq, à l’exception de celles pour lesquelles une demande de permis de construire a été déposée avant la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et de celles composées d’une machine électrogène de puissance inférieure ou égale à 250 kilowatts et dont la hauteur du mât est inférieure à 30 mètres », les opérateurs requérants en ont logiquement déduit qu’en vertu de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, n’étaient soumis à autorisation que les aérogénérateurs de plus de 50 m, faisant partie d’une unité de production composée d’un nombre de machines au moins égal à cinq. Or le décret querellé contredit incontestablement les conditions de classement ainsi posées par la loi, à plusieurs titres : une seule éolienne de 50 mètres au mat ou 20 MW éoliens sont encore soumis à autorisation par l’administration. D’ailleurs le Conseil d’Etat a bien été contraint de se ranger à cette évidence : “Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions combinées de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, issu du VI de l’article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, et du 3° de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité auquel renvoient ces dispositions, que le législateur a entendu que les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent constituant des unités de production composées d’un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq et dont la hauteur des mâts dépasse cinquante mètres soient soumises au régime de l’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement prévu par l’article L.511-2 du même code“. « Sans être franchement malhonnête, au premier abord, comme ça, il… a l’air assez curieux  cet arrêt ». Mais selon la Haute juridiction, « toutefois, il ne résulte ni de ces dispositions, ni des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 12 juillet 2010 que le législateur ait entendu priver le Premier ministre de l’exercice du pouvoir de police spéciale qu’il détient en vertu de l’article L. 511- 2 du code de l’environnement pour soumettre à autorisation, enregistrement ou déclaration les autres installations présentant des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit encore pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Quand le silence de la loi coïncide avec celui des travaux parlementaires, « faut plus comprendre, faut prier », nous dit Audiard ! Il est permis de ne pas être convaincu par cette analyse, qui rejoint celle présentée, sans réelle conviction, par le Ministre de l’écologie dans ses écritures en défense produites quelques jours seulement avant l’audience et finalement reprise par M. le Rapporteur public. Mais alors, on se demande bien pourquoi le législateur a pris la peine de définir de manière précise, aussi bien au regard de la hauteur des mâts que du nombre d’aérogénérateurs, les conditions de la soumission à autorisation. Peu importe, autrement dit, ce que le législateur a décidé à cet égard, puisqu’en tout état de cause l’administration restait libre de faire ce qu’elle voulait sur le sujet…  Au contraire, il est évident que lorsque la question du classement et en particulier de la soumission à la procédure, lourde, d’autorisation des éoliennes est apparue par le biais d’amendements au cours des débats, ceux-ci ont précisément consisté à dégager une solution alors jugée équilibrée, en ne soumettant à autorisation que les aérogénérateurs répondant à certaines conditions. Mais l’administration est passée outre. A…

La loi…. du vent! Ou vers la validation du décret de classement ICPE des éoliennes ?

Le recours en excès de pouvoir déposé par un opérateur éolien contre le décret n°2011-984 du 23 août 2011 a été appelé, le 2 juillet 2012, devant les 1ère et 6ème sous-section réunies de la section du contentieux du Conseil d’Etat. Monsieur le Rapporteur public Xavier de Lesquen a conclu au rejet de la requête et de source sure nous avons bénéficié d’un compte rendu d’audience. La cause étant étant emblématique pour la filière, il nous semble intéressant de diffuser la teneur de ces conclusions. Après quelques considérations générales relatives à la loi Grenelle II et à l’obligation d’achat par EDF de certaines énergies produites par des opérateurs tiers, Monsieur le Rapporteur public a rappelé l’arrêt du 16 avril 2012 par lequel le Conseil d’Etat a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité sur l’article L. 553-1 du code de l’environnement soumettant les éoliennes terrestres au régime des installations classées. Sur la légalité externe du Décret, Monsieur le rapporteur public a d’abord conclu rapidement au rejet du premier moyen soulevant le défaut de consultation lors de l’édiction du décret attaqué, considérant que les avis prévus par les dispositions éparses du code de l’environnement n’étaient pas obligatoires. En toute hypothèse, selon lui, la consultation a bien été réalisée par les pouvoirs publics, notamment auprès du Conseil supérieur de l’énergie et du Conseil supérieur des la prévention des risques technologiques, de sorte que le moyen manquerait en fait.   Monsieur de Lesquen a en outre estimé que le moyen tiré du défaut de participation du public devait également être écarté. Estimant certes la question « délicate », et les observations des auteurs du recours particulièrement documentées, le Rapporteur public a cependant élaboré un raisonnement visant d’abord à limiter la portée de la décision du Conseil constitutionnel QPC 183-184, laquelle a considéré en octobre 2011 que le second alinéa de l’article L. 511-2 du code de l’environnement, qui ne prévoit pas la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations autorisées ou déclarées, ni la mise en oeuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause, était inconstitutionnel. Monsieur de Lesquen, a tout d’abord  considéré que le décret attaqué avait été pris en application de la nouvelle loi, après intervention du législateur le 17 mai 2011 (lequel avait en quelque sorte devancé la décision du juge constitutionnel). Il a également rappelé qu’en application du considérant n° 10 de la décision QPC précitée, prévoyant le report dans le temps des effets de l’abrogation du texte sauf pour les procédures en cours, le moyen ne pouvait être accueilli ; étant souligné par lui que la procédure engagée par les sociétés requérantes n’était pas « en cours » lors du prononcé de la décision QPC 183-184, le recours ayant été introduit ultérieurement. En tout état de cause, le rapporteur public a estimé que la participation du public était suffisamment établie en l’espèce, le texte ayant fait l’objet d’une publication sur le site du Ministère du 10 au 29 mai 2011 (soit avant l’édiction de la nouvelle loi imposant la participation du public…), et cinq observations ayant été reçues, notamment de la part d’opérateurs privés, ce qui témoignerait selon lui de l’effectivité de la participation du public. Cette dernière considération de fait justifierait au demeurant, selon Monsieur de Lesquen, le rejet des moyens tirés de la contrariété du décret avec la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 et la directive communautaire n°2003/4/CE du 28 janvier 2003, lesquelles prévoient également la participation du public pour l’élaboration des décisions ayant un impact sur l’environnement.   Sur la légalité interne du Décret, Monsieur le rapporteur public a, une nouvelle fois, souligné la qualité de l’argumentation développée par le recours, tout en estimant cependant que les moyens n’étaient pas fondés. Monsieur de Lesquen a ainsi, dans un premier temps, considéré que n’était pas fondé le moyen tiré de ce que le Décret méconnaîtrait la norme qu’il est censé appliquer en prévoyant la soumission des installations comprenant au moins un aérogénérateur dont le mât a une hauteur de plus de 50 mètres à un régime d’autorisation, alors même que le législateur avait exigé de ces installations qu’elles en comprennent au moins cinq, ou encore en prévoyant le classement des aérogénérateurs de 50 m de haut, ou ceux inférieurs à 50 m en considération d’une critère de puissance. Monsieur le rapporteur public a à cet égard considéré que l’article L.553-1 du code de l’environnement n’avait pas eu pour objet ni pour effet de réduire le pouvoir réglementaire que le premier Ministre tire notamment de l’article L.511-2 du code de l’environnement, qui dispose que « Les installations visées à l’article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d’Etat ». A l’appui de son argumentation, il a convoqué les débats parlementaires, pour souligner que le législateur n’avait pas clairement souhaité diminuer le pouvoir réglementaire général du premier Ministre sur cette question. De sorte que l’autorité détentrice du pouvoir réglementaire pouvait légalement ajouter ou modifier les conditions fixées par le législateur pour soumettre un équipement éolien au régime des installations classées pour l’environnement.   On aurait apprécié pour notre part un peu plus d’imagination pour tenter de sauver le décret d’une annulation qui nous semble encore s’imposer sur ce point précis malgré les explications de M. le rapporteur public. Car il est permis de n’être pas pleinement convaincu par l’argument. Si l’autorité réglementaire détient en vertu de l’article L. 511-2 un pouvoir général pour définir les modalités de classement des installations éoliennes, on voit mal pourquoi le législateur a pris la peine d’intervenir pour spécifier les installations devant être classées, et déterminer ce qui paraît bien être des conditions du classement … en particulier l’exigence de 5 machines et de plus de 50 mètres pour que s’applique pas seulement un classement ICPE mais plus précisément encore le régime de l’autorisation . Autrement dit, la loi indique explicitement que les installations éoliennes ne peuvent relever du régime de l’autorisation de l’article L.511-2 du code de l’environnement que pour autant qu’elles regroupent…

Humidité et vice caché : précisions quant au caractère caché du vice

Un récent arrêt de la Cour de cassation vient nous rappeler ce que la Haute juridiction entend par vice caché, particulièrement en cas d’humidité  (Cass. 3ème civ., 14 mars 2012, pourvoi n°11-10.861).   Une distinction vice caché/vice apparent malaisée Les ventes immobilières donnent fréquemment lieu, même en présence de clause d’exonération de garantie, à des actions en responsabilité contre les vendeurs fondées sur la garantie des vices cachés lorsque, après avoir pris possession du bien, les acheteurs s’aperçoivent de désordres ou défauts affectant l’immeuble. Outre la sempiternelle question de la connaissance ou non par le vendeur du vice préalablement à la vente, seul moyen d’écarter le jeu de la clause exonératoire stipulée, peut également se poser la problématique de la connaissance éventuelle par l’acheteur du vice lors de la vente. En effet, l’article 1642 du Code civil dispose : « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et donc l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Si, de prime abord, cette distinction entre vice caché et vice apparent apparaît limpide, il n’en est cependant pas toujours ainsi.   Des infiltrations observées et mentionnées lors de la vente… En l’espèce (Cass. 3ème civ., 14 mars 2012, pourvoi n°11-10.861), l’acquéreur d’un studio dans un immeuble en copropriété avait, lors de la visite du bien, pu constater l’existence d’infiltrations au sein de celui-ci. Lors de la signature de l’acte authentique de vente par devant notaire, un diagnostic relatif à l’état parasitaire attestant de l’absence de mérule lui avait été remis. Ce rapport mentionnait l’existence d’ « un dégât des eaux très actif dans la salle de bain, sur le mur gauche qui semble provenir de l’étage supérieur et dont la cause doit être déterminée et traitée rapidement ». Postérieurement à la vente, l’acquéreur découvre que l’origine des infiltrations observées réside dans des désordres en toiture et implique d’importants travaux de réfection dont, en tant que copropriétaire, il aura à supporter une partie. L’acquéreur assigne alors le vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés en sollicitant le remboursement du coût des travaux de réparation susvisés. Débouté par la Cour d’appel de Caen, l’acheteur se pourvoit en cassation et obtient la censure de la décision de la juridiction du fond.    …ne signifient pas pour autant vice apparent Les juges d’appel avaient rejeté les demandes de l’acquéreur au motif que celui-ci connaissait l’existence des infiltrations affectant le bien vendu puisqu’il avait acheté l’immeuble après visite et qu’il ne pouvait donc se prévaloir du caractère caché du vice, peu important qu’il en ait peut être sous estimé l’ampleur. Aux termes d’un attendu parfaitement concis et clair, la Cour de cassation, dans sa décision du 14 mars 2012, casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen, estimant « qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance par (…) [l’acquéreur] du vice dans son ampleur et ses conséquences, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».   Une telle solution se comprend aisément. En effet, lorsque l’acheteur a pleinement conscience du vice, il conclut en connaissance de cause et à ses risques et périls. Tel n’était pas le cas en l’espèce et et ce d’autant plus que l’acheteur avait visiblement été induit en erreur par les vendeurs. Ces derniers ne semblaient pas l’avoir informé que le vice durait depuis déjà plusieurs années, qu’un procès-verbal d’assemblée générale de copropriété mentionnait la nécessité de solliciter un devis de réfection de la toiture… En l’absence de communication de ces éléments, l’acquéreur pouvait légitimement croire qu’il ne s’agit que d’infiltrations ponctuelles, facilement réparables et ne nécessitant pas d’intervention coûteuse.   Une position constante de la Cour de cassation Ainsi, la Haute juridiction, dans sa volonté de protéger les acquéreurs contre les mauvaises surprises, a adopté une appréhension extensive de la notion de vice caché. Un vice sera considéré comme caché pour l’acquéreur lorsque celui-ci n’aura pas connaissance non seulement de son existence mais également de son ampleur et de ses conséquences. La Cour de cassation va particulièrement loin puisqu’elle a déjà jugé à cet égard qu’un vice apparent doit être considéré comme caché lorsque l’on ne pouvait déterminer les conséquences dommageables lors du contrat (Cass. 3ème civ., 2 déc. 1980, Juris-Data n°1980-035304). On notera que la même exigence de connaissance du vice dans sa globalité est appliquée pour apprécier la prescription de l’action en garantie des vices cachés. L’article 1648 dispose en effet qu’une telle action doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Or, la jurisprudence de la Cour de cassation retient comme point de départ de ce délai la date à laquelle l’acquéreur a connu le vice tout en ayant pu l’apprécier dans ses conséquences (Cass. 1ère civ. , 11 janv. 1989 : Bull.civ. I, n°12 : la connaissance certaine du vice par l’acheteur, marquant le point de départ du bref délai, peut se situer au jour de la notification du rapport d’expertise ). Si de telles précisions ne sont pas empreintes de nouveauté, elles s’avèrent toutefois utiles comme le démontre encore l’arrêt d’appel présentement censuré.     Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat    

Solaire/ Arrêtés de 2010: le Conseil d’Etat annule rétroactivement le tarif “intégré au bâti” pour les bâtiments à usage d’habitation

La Haute juridiction a rendu le 12 avril 2012 sa décision suite aux recours en annulation contre les arrêtés des 12 janvier et 16 mars 2010 organisant les nouveaux tarifs d’achat d’électricité applicables aux installations photovoltaïques. Le Conseil d’Etat décide que : “Le premier paragraphe du 2 de l’annexe 1, les mots ” situées sur d’autres bâtiments ” au second paragraphe du même 2 et les mots ” à l’exception des bâtiments à usage principal d’habitation ” au 1.1. de l’annexe 2 de l’arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, ainsi que, dans cette mesure, les décisions implicites de rejet des demandes de retrait de cet arrêté, sont annulés.” “L’article 2, en tant qu’il prévoit l’application, dans la mesure mentionnée à l’article 2 de la présente décision, des conditions d’achat de l’électricité définies par l’arrêté du 12 janvier 2010, et les mots “à l’exception des bâtiments à usage principal d’habitation” de l’article 4 de l’arrêté du 16 mars 2010 relatif aux conditions d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil, ainsi que, dans cette mesure, les décisions implicites de rejet des demandes de retrait de cet arrêté, sont annulés” Concrètement, cette décision acte de la suppression du tarif spécial pour les installations sur bâtiments d’habitation, ayant la prime d’intégration au bâti. Ainsi, est annulé la disposition suivante: “2. Pour les installations bénéficiant de la prime d’intégration au bâti situées sur un bâtiment à usage principal d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, d’enseignement ou de santé, le tarif applicable à l’énergie active fournie est égal à 58 c€/kWh”.   S’agissant de la portée de cette annulation, on notera que cet arrêt s’écarte en partie des conclusions du rapporteur public lues à l’audience en mars. En particulier, alors qu’une modulation des effets dans le temps était proposée, le Conseil d’Etat juge finalement qu’”eu égard à la portée de l’annulation prononcée par la présente décision, il ne ressort pas des pièces des dossiers qu’il y ait lieu d’en différer les effets“. C’est dire que l’annulation n’est pas différée, et sera donc rétroactive. Toute la question sera encore de savoir si cette rétroactivité implique une remise en cause des contrats d’achat déjà signés (pour les seuls installations sur bâtiment d’habitation, bénéficiant de la prime d’intégration au bâti), ou seulement les installations sur les bâtiments d’habitation ne bénéficiant pas encore d’un contrat signé avec EDF. Naturellement, une analyse approfondie devra être menée, mais il est à craindre que la lecture restrictive soit évidemment la seule retenue par l’acheteur légal. Cette décision acte d’une ultime étape dans le feuilleton contentieux en matière photovoltaïque. Il n’est pas certain en revanche qu’il ne laisse subsister certains fronts contentieux compte tenu des questions se posant quant à sa portée exacte. En tout état de cause, l’instabilité réglementaire s’aggravant par des décisions tardives et complexes ne permettra pas de retriuver à court terme la confiance des investisseurs dont la filière a tant besoin…